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Les effets des politiques commerciales sur la croissance et la pauvreté

la réduction de la pauvreté 3

3.2 La relation entre commerce, croissance et réduction de la pauvreté

3.2.4 Les effets des politiques commerciales sur la croissance et la pauvreté

Comme le fait ressortir l’analyse faite dans les sections qui précèdent, l’ouverture du commerce a un effet positif sur la croissance économique qui, à son tour, réduit la pauvreté. La proportion de la population qui vit dans la pauvreté absolue dimi-nuera à mesure qu’augmentera le revenu moyen, sauf si la croissance provoque une grave détérioration de la répartition des revenus. L’élévation des niveaux de revenu entraînera de son côté une amélioration des autres indicateurs sociaux de la pauvreté comme la mortalité infantile, la mortalité maternelle et l’éducation. C’est pour cette raison que les mesures que prennent les pouvoirs publics sont d’une importance fondamentale pour la détermination de la manière dont les politiques commerciales contribuent sur le long terme à l’avènement d’une croissance économique durable et à la réduction de la pauvreté.

Pour mesurer l’importance de la libéralisation ou de l’ouverture du commerce pour la croissance, les économistes ont tendance à utiliser la part du commerce dans le PIB. Mais la prudence s’impose, lorsque l’on recourt à cet indicateur. Cela parce que, en raison du potentiel plus élevé d’économies d’échelle sur le marché intérieur, une économie plus développée tendra à avoir une part plus faible du commerce dans le PIB, même dans le cadre du libre-échange, qu’une économie moins développée.

De même, une économie reposant sur une base médiocre de ressources naturelles tendra à avoir une part plus élevée du commerce dans le PIB qu’une économie dotée d’abondantes ressources en terres agricoles, en minéraux et en réserves énergétiques, parce que la première aura besoin de se spécialiser davantage dans l’exportation de produits manufacturés pour s’approvisionner en produits alimentaires et en com-bustibles en les important. De même, des variations de la part du commerce dans le PIB seront nécessairement induites par les changements qui surviennent dans la politique commerciale. Les pays tributaires des produits de base peuvent enregistrer une baisse continue de la part de leur commerce dans leur PIB, même s’ils n’y existe aucune protection par des barrières tarifaires et non tarifaires, ou que ces pays n’ont pas accru cette protection du fait de tendances défavorables des cours mondiaux des produits de base.

En dépit d’obstacles qui rendent la tâche difficile, la littérature tente de façon empi-rique de mesurer la contribution des réformes du commerce dans la croissance éco-nomique et la réduction de la pauvreté. Dollar et Kraay (2001) démontrent qu’une augmentation de la part du commerce dans le PIB est une solide indication d’ouver-ture dans une politique commerciale. Ils montrent aussi dans leur étude que les pays en développement qui ont réformé leurs politiques commerciales vers une plus grande ouverture aux échanges ont obtenu une élévation de leurs taux de croissance de 2,9% dans les années 70 à 3,5% dans les années 80, et à 5% dans les années 90.

Sachs et Warner (1995) examinent les résultats en matière de croissance en tant que fonction de la politique commerciale et d’autres variables (taux d’investissement, pourcentage du PIB consacré aux dépenses publiques, éducation et nombre de révo-lutions politiques et de coups d’État) pour 79 pays au cours de la période comprise entre 1970 et 1989. Ils ont d’abord procédé à des régressions en reliant la croissance en termes de revenu réel par habitant au cours de la période au revenu par habitant initial, une variable binaire qui permet de savoir si l’économie était «ouverte» au cours de l’ensemble de la période, de connaître le taux d’investissement, le prix rela-tif des biens d’équipement, les dépenses publiques de consommation par rapport au PIB et toute une série de variables concernant la stabilité politique. Les résul-tats auxquels ils sont parvenus montrent un coefficient statistiquement significatif d’ouverture du commerce, qui indique que, pendant les deux décennies soumises à l’examen, le revenu réel par habitant a augmenté de 2,2 points de pourcentage plus rapidement dans les économies ouvertes que dans les économies fermées.

En analysant les travaux de Sachs et Warner (2003), Berg et Krueger (2003) trou-vent une confirmation de l’idée selon laquelle une corrélation positive existe entre la politique commerciale et la croissance. Ils en concluent que, même si, et cela doit être admis, l’influence de la politique commerciale est difficile à mesurer dans la politique générale menée, il n’est pas besoin de procéder à pareille mesure pour pouvoir se prononcer en faveur des politiques d’ouverture du commerce. D’autres chercheurs ont constaté des effets positifs sur la croissance, en recourant à l’indice de Sachs et Warner. En s’appuyant sur des données concernant 84 pays de 1960 à 2000, Bosworth et Collins (2003) ont procédé à une estimation des régressions de la croissance du revenu par habitant sur le revenu initial par habitant, le capital humain tel que l’indique l’espérance de vie de la première année, l’évolution des termes de l’échange, la qualité institutionnelle, la géographie (nombre de journées de gelée et étendue de la zone tropicale), l’évolution de l’inflation, l’équilibre budgétaire et l’ouverture Sachs et Warner. Leur coefficient sur la variable Sachs et Warner indique une augmentation statistiquement significative de 0,82 points de pourcentage de la croissance par habitant dans les économies ouvertes par rapport aux économies fermées. Les deux auteurs soutiennent que l’influence de l’ouverture du commerce sur la croissance provient de l’intensification du capital plutôt que de l’hypothèse de Sachs et Warner, selon laquelle il y a eu un changement dans la productivité totale des facteurs (PTF).

Greenaway, Morgan et Wright (1998) ont eux aussi mené une étude sur 69 pays, qui rapporte la croissance du PIB par habitant au revenu par habitant, au taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire, à l’évolution des termes de l’échange, à l’accroissement démographique, au ratio investissement/PIB et à la variable de la politique commerciale de Sachs et Warner. Ils constatent un coefficient important de l’indice qui fait apparaître qu’un changement en faveur de l’ouverture du commerce dope le taux de croissance du PIB par habitant à un rythme soutenu de 2,7% par an.

Edwards (1998) analyse, lui aussi, la solidité de la relation empirique entre la politi-que commerciale et la croissance. Pour commencer, il utilise des estimations portant sur le capital social et la main-d’œuvre de 93 pays en développement et pays indus-trialisés pour évaluer la croissance dans la PTF, qui est un résidu dans une régression de la croissance réelle du PIB sur la croissance en capital et en main-d’oeuvre.

Edwards procède alors à un test de la relation entre la croissance de la PTF et l’ouver-ture de la politique commerciale, en utilisant neuf autres mesures de celle-ci. Parmi celles-ci figurent la variable de Sachs et Warner analysée ci-dessus, l’indice de l’orien-tation de l’économie vers l’extérieur de la Banque mondiale, l’indice d’ouverture de Leamer (1988) (le résidu moyen du pays provenant des régressions désagrégées des courants d’échanges), la prime moyenne du marché noir, les droits de douane moyens en 1982, la moyenne de la couverture des barrières non tarifaires, deux éléments tirés de Barro et Lee (1994), l’indice de la Heritage Foundation relatif aux

distorsions dans le commerce international, le ratio de taxes commerciales collectées de 1980 à 1985 et un indice fondé sur la régression des distorsions dans les impor-tations en 1985 établi par Wolf (1993). Pour chaque mesure, la valeur de référence de chaque pays est généralement celle du début des années 80. Dans chacune, il découvre une relation importante, positive, entre l’ouverture du commerce et la croissance de la productivité.

Wacziarg et Welch (2003) poussent plus avant l’analyse de Sachs et Warner en pas-sant de l’échantillon aux séries chronologiques et à l’analyse d’experts. Ils reprodui-sent et mettent à jour la mesure de l’ouverture de Sachs et Warner et confirment la conclusion de ces derniers selon laquelle la libéralisation du commerce a un effet positif sur la croissance. Wacziarg et Welch fixent la date de l’ouverture du régime du commerce pour chacun des 133 pays et constatent que la croissance dans les pays ayant opté pour la libéralisation du commerce était, au cours de la période ayant suivi l’ouverture, en moyenne 1,4 % plus élevée qu’au cours de la période précédant la libéralisation.

Des études ont été récemment menées sur la contribution relative de la croissance des revenus et des modifications dans leur répartition dans les changements inter-venus en matière de pauvreté. Elles font ressortir que la mesure dans laquelle les pouvoirs publics pourraient mettre l’accent sur la croissance ou les modifications dans la répartition des revenus pour parvenir à une réduction de la pauvreté dépend de conditions prévalant dans le pays, telles que le niveau de développement écono-mique, les inégalités initiales et le niveau d’aversion au sein de la société à l’égard des inégalités2. Ces études invitent les gouvernements des pays en développement à mettre en œuvre des politiques appropriées, notamment des réformes du commerce tendant à stimuler les échanges et à réduire la pauvreté.

Kraay (2004) étudie les corrélations partielles entre deux sources de croissance favo-rables aux pauvres (croissance du revenu moyen et modifications dans les revenus relatifs) et un certain nombre de variables intéressants. Il arrive à la conclusion que la corrélation entre l’ouverture du commerce et la croissance est plus forte que la cor-rélation avec les modifications de la répartition des revenus. Kraay parvient en outre à la conclusion que les modifications de la répartition des revenus tendent à réduire la pauvreté dans les pays qui commercent le plus. Dollar et Kraay (2002) constatent eux aussi que l’ouverture du commerce engendre une croissance favorable aux pau-vres. Srinivasan et Bhagwati (2001) analysent les expériences d’un certain nombre de pays et trouvent un puissant lien entre les réformes tendant à la libéralisation du commerce et la croissance3. Besley et Cord (2007) ont observé que la libéralisation

2 Voir Lopez, Deininger et Squire, 1998; Foster et Székely, 2001; Dollar et Kraay, 2002; Ravallion, 2001 et 2004; Bourguignon, 2003; ECLAC et al., 2002; Lopez et Serven, 2004.

3 Nombre de ces études concluent que l’ouverture a un effet positif sur la croissance par différents canaux (voir, par exemple, Edwards et Lederman, 2002; Besley et Cord, 2007; Banque mondiale,

du commerce a permis à des pays à faible revenu de tirer profit d’une croissance tirée par les exportations et de réduire la pauvreté4. Ces résultats positifs indiquent que les ménages pauvres ont tout à gagner dans les réformes des politiques commerciales.

Les effets de la libéralisation du commerce sur les pays pauvres varient en fonction de la taille des unités de production, de l’accès aux capitaux, de l’assistance technique et des coûts de transaction. La libéralisation du commerce, combinée à des réformes agraires, a permis au Vietnam de devenir un exportateur mondial majeur de riz et de café dans les années 90, ce qui a été bénéfique pour les paysans pauvres. Après une étude de l’expérience de l’Inde, Ravallion et Datt (2002) ont conclu qu’une croissance favorable aux pauvres a plus de chance de se produire là où les conditions initiales offrent aux pauvres la possibilité de tirer parti de la croissance.

Il semblerait que la balance des preuves empiriques penche du côté de ceux qui esti-ment que des politiques commerciales plus ouvertes mènent à de meilleurs résultats en matière de croissance. En dépit des critiques formulées contre certaines études empiriques (Rodriguez et Rodrik, 2000), des preuves statistiques convaincantes montrent que les résultats sont meilleurs en matière de croissance quand il y a recours à des régimes commerciaux protectionnistes. De plus, les études de régression com-paratives entre plusieurs pays indiquent que la libéralisation du commerce ne suffit pas à elle seule pour stimuler la croissance et réduire la pauvreté. Les réformes doi-vent être appuyées par des politiques appropriées et efficaces dans les domaines de l’éducation, de la stabilité macroéconomique et des infrastructures.