• Aucun résultat trouvé

PHONOLOGIE DU PROTOQUECHUA (1)

FOYERS INDIGENES AU XVI E SIECLE

2. DES INFLUENCES DU QUICHUA SUR L’ESPAGNOL DE

2.1. ASPECT PHONOLOGIQUE

2.1.2. PHONOLOGIE DU PROTOQUECHUA (1)

TABLEAU N° 8

Labiales Dentales Palatales Velaires

Occlusives p t ç C (2) k q (3) Fricatives s s (5) h (4) Nasales m n n (6) Liquide l (7) Vibrante r (8) Semi-consonnes w y (9) Voyelles i u (10) a

(1) : Nous avions inclus, en lieu et place de ce tableau, un inventaire phonologique du

runasimi, dans notre mémoire de D.E.A à la page 16. Celui-ci était basé sur la variante cuzqueña qui apparaîtra en deuxième position dans cette étude phonologique. Le tableau ci-

dessus est inspiré de la reconstruction de PARKER*1, avec quelques remarques de TORERO*2.

(2) : Il s’agit là d’une reconstruction intermédiaire, selon Cerrón PALAMINO*3, en effet, on peut supposer qu’au départ, il n’y avait qu’une affriquée palatale, la rétroflexe /C/ et que nous avons là un phomène rétroflexe et son corrélat non rétroflexe qui se phonologisera ensuite.

1 PARKER Gary J., Comparative quechua phonology and grammar II : protoquechua phonology and

morphology pages 123 à 147.

2 TORERO A., Los dialectos quechuas, Separata de ANALES CIENTÍFICOS de la Universidad Agraria de

Lima, 1964.

Les deux variantes fusionnèrent en /ç/ non rétroflexe dans le groupe II de TORERO : Equateur, Ayacucho, Cuzco, ainsi qu’à Santiago. A noter la différence de signographie avec les linguistes du quechua. Selon nous, la non rétroflexe, connue du castillan, doit se signaler ainsi /C/, alors que ce signe symbolise la rétroflexe, selon Cerrón PALOMINO*1.

(3) : Le protoquechua possédait une occlusive postvélaire sourde /q/ qui s’est maintenue en Qh de Santiago, tout comme la vélaire /k/. Par contre ces deux phonèmes ont fusionné en /k/ dans les dialectes d’Equateur et d’Amazonas. Là encore le Qh de Santiago est plus conservateur. Voir aussi la note n°10 pour les influences coarticulatoires de la postvélaire /q/ sur les voyelles /i, u/.

(4) : Le protoquechua possédait un phonème aspiré glottalisé, qualifié de fricative glottalisée par Cerrón PALOMINO*2, qui équivaudrait à la jota caribeña. Ce phonème, en

distribution défectueuse, et au statut phonologique marginal, toujours selon cet auteur, a disparu des dialectes du Nord du Pérou, mais aussi de Santiago. Il apparaissait en position initiale, et parfois à l’intervocalique, comme dans les dialectes centraux : Junín, Ayacucho et

Cuzco, pour lesquels le /s/ initial s’aspire en /h/ qui se confond avec le /h/ originel. A Santiago, l’initial a disparu : /hawa/ > /aa/ ‘ afuera’, et l’intervocalique s’est

transphonologisé en /x/ par influence de l’espagnol : /uhu/ > /uxu/ ‘ tos’.

(5) : On peut supposer que le proto-idiome possédait deux sifflantes, une alvéolaire /s/ et une palatale /s/, opposition qui se conserva dans les dialectes du Centre et du Nord, ainsi qu’à Santiago, où la palatale apparaît tant en position implosive qu’explosive. Celle-ci disparut par contre des dialectes d’Ayacucho et de Cuzco, ce qui là encore démarque bien le Qh de Santiago d’une simple influence superstratique cuzqueña.

1 Voilà ce que dit du phénomène rétroflexe du protoquechua, Pablo KIRTCHUK, correspondance du 2 mai

1996 : « la rétroflexe du P.Q. s’est confondue en S.D.E. avec la non-rétroflexe /ç/. Rétroflexe, cela veut dire que /C/, prononcé à peu près comme [tr], contrastait avec /ç/ = [t∫]... »

(6) : Trois phonèmes nasaux en protoquechua, qui se sont maintenus dans tous les dialectes, sauf à Ancash où le /n/ s’est dépalatalisé en /n/. A Santiago, on remarque, au contraire, une palatalisation de /n/ devant /C/ ou /y/ par assimilation du point d’articulation.

(7) : /l/ : cette latérale palatale sonore était connue du protoquechua, elle a la même articulation qu’en castillan, il y eut tout d’abord délatéralisation puis palatalisation à Santiago en /z/, comme dans le nord du Pérou, dans le dialecte de Cajamarca, et en Equateur. L’hypothèse des mitmas entre le nord et le sud de l’Empire se voit là encore confirmée.

(8) : Le protophonème /r/ s’est maintenu dans les dialectes centraux : Ayacucho et

Cuzco, à Huanca, il s’est transformé en liquide /l/. Dans les dialectes de l’Equateur

d’Amazonas et à Santiago, on remarque une fricatisation en position initiale > /r/, fricative apico-prépalatale rétroflexe sourde, dans des emprunts à l’espagnol, ainsi que dans des lexies sans doute kakán : /ron ron/ ‘ picaflor’. Là encore, on remarque la parenté entre le Qh de Santiago et ceux du nord, de plus, il convient de noter que le même phénomène de

fricatisation s’est produit dans la castilla par rapport à l’espagnol péninsulaire. Le phonème vibrant peut aussi se transformer en liquide à Santiago : rokro > lokro, tout comme à

Huanca.

(9) : Le protoquechua possédait bien deux semi-consonnes /w,y/ qui se sont maintenues dans tous les dialectes, à Santiago, la première chute entre deux -a- : hawa > aa ‘

afuera’ ; tawa > taa ‘ cuatro’, etc. Quant à la seconde, elle chute entre le /i/ et une autre

voyelle : tiyay > tiay ‘ estar, haber, existir’, elle disparaît aussi entre deux /a/ avec le suffixe verbal -naya qui indique le « désir ou l’imminence de quelque chose » : paranayan >

paranaan ‘ quiere llover’, mikunaan ‘ quiere comer’, voir à ce sujet les métagoges citées

dans la partie consacrée aux calques sur le gérondif Qh*1.

(10) : Selon TORERO il y avait en protoquechua, trois voyelles simples et trois voyelles longues /a/a : ; i/i : ; u/u : /, mais selon PARKER, il s’agissait plutôt de trois voyelles, plus un phonème supra-segmental de quantité vocalique , c’est la thèse généralement admise.

1 La chute des semi-consonnes entre voyelles identiques a été étudiée de façon approfondie par Pablo

KIRTCHUK*A, à noter aussi que selon cet auteur, /aa/ est parfois réalisé [a:]; voir métagoges en infra, page

187.Les deux points symbolisent la longueur de la voyelle.

Quant à la présence de deux voyelles intermédiaires [9,A], elle apparaît clairement conditionnée à celle de l’occlusive postvélaire /q/, qui la prédétermine en protoquechua, comme dans le dialecte de Santiago. En effet, on remarque que dans les dialectes où /q/ s’est vélarisé en /k/, ces variantes combinatoires ont disparu. On les retrouve, en dehors de ce contexte, dans les emprunts à l’espagnol : bueno, mais aussi dans des lexies Qh qui ont subi l’influence phonétique de l’espagnol : upa > opa ‘ tonto’, et, encore plus intéressant, dans des lexies d’origine kakán, si tant est que ce terme convienne, en contact direct ou indirect avec l’occlusive vélaire /k/ : chelko ‘ lagartija’ ; erke ‘ instrumento de música’. On peut supposer alors que le substrat local est bien une variante archaïque du Qh chinchay, qui a perdu la postvélaire /q/ au profit de la vélaire /k/, comme c’est le cas dans les dialectes Qh d’Equateur et d’Amazonas, ce qui conforte aussi la thèse des mitmas.