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W ABALOS consacra son existence aux changos des Shalakos* 1 du Río Salado comme maître rural bilingue, initiant ainsi une longue série dans cette tradition de pédagogie

FOYERS INDIGENES AU XVI E SIECLE

J. W ABALOS consacra son existence aux changos des Shalakos* 1 du Río Salado comme maître rural bilingue, initiant ainsi une longue série dans cette tradition de pédagogie

bilingue du monte santiagueño, dont nous avons eu l’occasion d’apprécier l’efficacité, malgré des conditions de travail des plus précaires.

Il a restitué dans trois ouvrages majeurs*2, la réalité linguistique de ses petits élèves, maniant merveilleusement bien les deux dialectes du monte, le quichua local et la castilla, comme ils disent.

Nous avons choisi ce dialogue savoureux, entre le maître et l’un de ses élèves, au sujet d’un KHOSHULO*3, escargot géant local, pour sa spontanéité, source d’emplois très idiomatiques et de relâchements articulatoires :

« Miguelito trajo un khoshulo:era un caracol grande y blanco, con el borde de

la boca color rojo, como labios.

- Ullari*4, séñor... -dijo poniéndoselo al oído-, tiene curu*5. El maestro lo acercó también a la oreja.

- No tiene « gusano ».

- Sí tiene, señor ; ¿no oyes el ruidito ?

- Oigo el ruidito, pero no lo hace el curu, sino que se produce por la forma que tiene

adentro ¿Quieres ver que no tiene curu ? ¿Quieres que lo rompamos? - ¡Meta!

Los chicos rompieron el caracol entre dos piedras ¡Cómo había sido adentro ! El caracol no tenía curu. »

1 chango : enfant en quichua ; Shalakos : remarquable cas d’hybridation entre une racine espagnole SALA < SAL, avec palatalisation affective du /s/, /s/ et le suffixe quichua -cu qui sert d’augmentatif à de nombreux hypocoristiques. Ces descendants des Juríes ou des Tonocotés ont la réputation d’être tristes et incivils, d’où le passage suivant du cancionero :

« Óiganle cuando cante un triste saladinito. »

2 Shunko, Shalakos, Terciopelo, voir bibliographie.

3 Shunko, page 118 : « ckoshulu o ckoshul o ckollul : caracol, es el nombre del molusco vivo. Cuando su concha

está vacía y seca recibe el nombre de choro. » D.A. BRAVO, voir bib. n°1, page 78. Outre la contradiction

entre les déclarations du lexicologue argentin et celle du récit de ABALOS : KHOSHULO / CHORO, on peut remarquer une hésitation sans doute précoce, entre la liquide latérale /l/ et la fricative palatale sourde /s/, dans deux de ces trois graphies, ce qui pourrait constituer un autre indice de l’influence indigène, dans le rehilamiento de la liquide latérale /l/ : [kolul / kosul].

4 Ullari < uyariy : entendre, écouter. A noter la confusion peu commune entre les deux liquides. 5 Cf. infra, page 342.

[migelito tráxounkosúlo eraunkarakól grándeiblánko konelbóµde delabóka koloróxo komolábjos’. Uzári sénór díxo ponjéndos’eloaloído tjene kúru. El maes’tro loas’eµkó tambjén alaoréxa.

Notjéne gusáno. S’ítjéne sénór ; nuóyes’ el ruidítu. Oigo el ruidíto pero noloás’e el kúru s’inokes’eprodús’e porlafórma ketjéne adéntro. Kjéres bér kenotjénekúru. Kjéres kelorompámos’ .Méta.

Los’Cíkos’ rompjéron elkarakól, entre dos’ pjédµas’. Kómo abía s’ido adéntro, notenía kúru.]

Dans ce passage, on peut remarquer que le suffixe augmentatif du quichua -lo est allomorphe de -lu dans khoshulo, ce qui est un bon indice de l’origine indigène des hésitations entre les deux voyelles /o,u/, on y remarquera aussi l’emprunt de la fricative palatale sourde /s/ et de son corrélat sonore /z/ : khoshulo / ullari, ainsi que quelques idiotismes, comme meta, sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir*1.

Lisandro AMARILLA quant à lui*2, dans cette remarquable biographie romancée de la vie du grand musicien de chacarera, don Sixto PALAVECINO*3 , nous communique une langue encore plus authentique, surtout dans les dialogues fictifs entre les parents de Sixto, riches en idiotismes et en relâchements articulatoires, dont voici un bon échantillon :

« ¿No sientes viejo, como sonido de violín que viene de la lomada?

No siento nada, son ideas tuyas.

- Cada vez estás mas inútil Pancho. Hasta upa tucana*4 te has vuelto.

- ¿Qué tocan el violín, dices ?... ¿Y quién po va a ser? En la lomada del albardón no vive nadies.

- Ya lo tengo visto, viejo. Cada que va llover como ahura, suena el violín. Es

como un llanto que sale de adentro. Es como un sonido atajado Pancho. »

1 Cf. infra, page 339.

2 El Violín de Dios, Ibid., pages 34 et 35.

3 Issu d’une famille bilingue, coiffeur-chanteur-violoniste et traducteur du Martin Fierro en quichua.

4 Upa tucana < upan tucana : expression quichua composée de upan ‘ sordo’ et de tucana ‘ mortero’, il

[ No s’jéntes’ bjéxo komos’onídu debjoli’n kebjéne de lalomáda. Nos’jento náda s’onidéas’ tuyas’. Kádabes’tás’ más’inútil panCu. As’ta úpatukána tias’bwélto. Ketókan elbjolín dis’es’... Ikjénpóbas’ér. Enlalomáda delalbaµdón nobibenádjes’. Yalotengobís’to bjéxo. Kadakebázobér komuaúra s’wéna elbjolín. Es’komunzántu kes’álediadéntru. Es’kómuns’onídu ataxadu pánCu ].

Dans lequel on remarque la fermeture d’un /o/ accentué en [u], sans doute due à sa position en hiatus : ahura < ahora, l’emploi de po pour pues, qui renforce les confusions entre les deux voyelles, et celui de nadies pour nadie, sans doute par analogie sur algunas*1.

Mais nous aurons l’occasion de revenir sur ces différents emplois ultérieurement, on peut noter aussi le caractère très palatal de la castilla, avec ici, pas moins de trois articulations différentes : /s’,s,z/, qui peuvent justifier le rehilamiento du /R/, par une sorte de contagion phonologique, comme nous l’avons déjà démontré*2.

1 Voir cet emploi, en infra, page 335. 2 Cf. supra, page 151.

2.4. ASPECT MORPHOSYNTAXIQUE