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LES ALTERNANCES [o/u]

FOYERS INDIGENES AU XVI E SIECLE

2. DES INFLUENCES DU QUICHUA SUR L’ESPAGNOL DE

2.2. INFLUENCES PHONOLOGIQUES

2.2.1. LE CAS DES VOYELLES CENTRALES /e,o/

2.2.1.3. LES ALTERNANCES [o/u]

Tout comme pour les alternances [e/i], les antiques corrélations entre les postvélaires et les voyelles centrales ne semblent pas avoir joué directement, cependant les alternances [o/u] sont encore plus fréquentes et sont possibles aussi en position accentuée. Ce qui autorisa Berta VIDAL de BATTINI à déclarer, se limitant seulement aux positions non accentuées :

« Se da este cerramiento entre los mestizos bilingües de Santiago del Estero

que hablan quichua y castellano, y entre los collas de la Puna y de los cerros de Jujuy, Salta, Catamarca y Tucumán, que ya no hablan quichua, pero que conservan los hábitos lingüísticos del hablar indio. »*4

L’influence indigène était tout à fait probante pour cette grande linguiste argentine. Elle l’est d’autant plus aujourd’hui que des cas de fermeture du /o/ en [u] apparaissent en position accentuée, où l’opposition phonologique entre les deux phonèmes devrait être la plus grande.

1 Relatos folklóricos de Belén, Catamarca, ibid., page 32. Nous avons déjà signalé en supra l’intérêt et l’origine

de la tonada de Belén que l’on peut apparenter à celle de Santiago, cf. page 104 note n°4.

2 Seule la récurrence et l’affectivité des emplois autorisent à penser à une influence quichua, qui ne semble pas

avoir atteint les contextes où l’opposition /e,i/ est stable, c’est à dire en position accentuée en dehors des cas de phonétique syntaxique. En effet, on répertorie seulement un hypocoristique : Rupila < Roberto et deux verbes en -ir : derretir > rreditey, et oír > oyer, ce qui n’est guère suffisant comparé aux fermeture de /o/ en [u], en position accentuée.

3 On note cependant des alternances [e/i] (en position prétonique) dans les emprunts à l’espagnol du quichua de Santiago, comme par exemple dans ENTECADO > ITICAO, ETICAO*A qui peuvent avoir déterminé celles

de la castilla.

A Entecado : chétif, malingre ; peut signifier aussi « pauvre hère, misérable », comme l’espagnol ente.

4 El Español de la Argentina, Buenos Aires, 1964, page 84. Citée par María Ynés RAIDEN DE NÚÑEZ, Ibid.,

Domingo A. BRAVO lui-même, en incluant pour sa part les cas de position accentuée, a confirmé cette influence, c’est en tout cas ce que nous rapporte Andrónico GIL ROJAS, en 1954 :

« pero nuestro eximio Quichuólogo y amigo Domingo BRAVO, me dice que es

influencia del quichua, donde tanto entra el uso de la u. »*1

De plus, comme dans le cas des alternances [e/i], certains emprunts espagnols du

quichua de Santiago semblent faire foi d’une opposition instable entre les deux phonèmes, y

compris en position accentuée : kulumbiay < columpiar, Baldumero / Baldomero,

escupeta, algudón, labatoryu ; unku < junco ; agollay < aullar ; Shucu / Sócrates, curcu / corcova, etc.

Ces lexies ont en plus le mérite de fonctionner tout autant en castilla, ce qui nous a permis d’étoffer les exemples que nous avions donnés en 1993 dans notre M.D.

- à l’initiale : culumbiar, cudiciará, etc.

- en position prétonique : tuca < tocayo, escupeta, algudón, ducientos, buleto,

mustruosa, pañuleta, Cunshila < Concepción, Cuñila < Cornelia, tuito < todito, etc.

-à la finale atone : Franciscu, míu, lavatoriu, digu, gringu, amiguy ‘ mi amigo’,

dichu, hijitu, nidu, avíu, etc.*2

- en hiatus : almuhada, tuaya < toalla, cuágulo, Juaquín, cuete < cohete, hérue, etc. La diphtongaison des hiatus [oa] et [oe] due à la loi du timbre est encore plus fréquente, en phonétique syntaxique : sientuambre ‘ siento hambre’, pocuamable, comué ‘

cómo es’, cuentuesto, nuengaña, etc.

- en position accentuée : divurcio, conociú, aura < ahora, lu < lo, tulua < tolva,

retuño, Shuca < Sócrates, curcu < corcova,tululo<tolondro, suebra < sobra*1, etc.

1 El Ckaparilo, Ibid., page 12.

2 A noter aussi que les diminutifs espagnols empruntés par le quichua de Santiago, se sont quichuisés en

On remarque au contraire des ouvertures en [o], sans doute par ultracorrection : po <

pues ; opolencia, sostituir, sostituyo, agollar < aullar, etc.

En phonétique syntaxique, les fermetures de /o/ en [u] sont encore plus fréquentes et peuvent être attribuées au relâchement naturel du discours, au delà des fermetures des clitiques : lo > lu, on constate que le /o/ a du mal à maintenir son opposition phonologique avec le /u/dans l’emploi périphrastique du futur : [vúa] ‘ voy a’, relâchement dû, d’une part, à l’absence de triphtongues en quichua et, d’autre part, à la diphtongaison naturelle du hiatus qui en résulte : voy a > vo’a > vúa.

« Eso no le vúa decir. » « No vúair. »

Les quelques exemples qui précèdent, tirés de nos travaux antérieurs et des recherches de l’été 1995, confirment l’influence du substrat quichua, au delà des oppositions instables en position non accentuée, entre /e/ et /o/, le phonème /o/ senti au départ comme une variante combinatoire [A] de /u/ au contact des postvélaires du quichua, a été intégré imparfaitement par les locuteurs bilingues depuis le début de la Conquête et par leurs descendants, tous les spécialistes s’accordent à admettre cette influence, sans toutefois l’expliciter ; elle est corroborée aussi par les emprunts espagnols du quichua de Santiago,

elle semble encore plus grande en phonétique syntaxique, et dans les emplois d’hypocoristiques, où la langue affective laisse resurgir le substrat*2.

1 Exemple tiré de la milonga d’ATAHUALPA YUPANQUI, originaire du nord de la province de Buenos Aires,

El Aromo : « Salud, plata y alegría tuito al aromo le suebra. »

2 A remarquer encore qu’il n’existe que deux paradigmes « d’irrégularité commune » comme les qualifie D.A.

BRAVO , bib. n°1 page 160 et page 167, qui voient se produire des ouvertures du /i/ en /e/ et du /u/ en /o/, la conjugaison actuelle du quichua de Santiago ne connaît pas d’autre cas d’alternance vocalique, exemple :

llojsiy ‘ salir’ > Paycunallojsera ‘ salió’ ; puñuy ‘ dormir’ > Nocka puñorani ‘ dormí’. Ces alternances entre

voyelles fermées et centrales ont pu contribuer aussi aux hésitations actuelles des locuteurs.*A A Voir aussi ENTOMOLOGIE, note n°1, page 240.