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L’EMPLOI DES PRONOMS CATAPHORIQUES

FOYERS INDIGENES AU XVI E SIECLE

2.4.1 PROPOS LIMINAIRES

2.4.2. LES EMPLOIS PRONOMINAU

2.4.2.4. L’EMPLOI DES PRONOMS CATAPHORIQUES

Il est naturel en espagnol, et surtout en Amérique Latine, d’antéposer au verbe un pronom annonçant l’accusatif, celui-ci étant explétif, inutile au sens, et servant à clarifier l’énoncé*2.

Ce pronom redondant est très commun dans le « bajo pueblo andino », selon KANY*3, et il semble que dans la langue affective des confusions de genre apparaissent entre celui-ci et l’accusatif. Une fois de plus celle-ci va servir de révélateur aux influences substratiques.

En effet, ce qui est vrai pour le peuple andin l’est aussi pour celui de Santiago, les emplois qualifiées d’incorrects par la R.A.E. sont légion dans la langue du monte, voici quelques exemples pour illustrer mes propos :

« El patrón lo oye al tonto los gritos. »

« Qhapari / kuna / ta uparuna /ta wiraqhocha / qauyari / pu / n » « ¿ De cómo lo ha encontrao a la señorita ? »*4

« Allá lo i topao a tu hermana. »

« ¿ Por qué no me lo has despachao la carta ?*5 « Limpiálo el agua. »

On peut voir dans le premier exemple qu’une traduction en quichua laisse apparaître deux suffixes pour dire l’accusatif. Le cataphorique lo équivaudrait à -pu- , infixe verbal bénéfactif, de datif, traduisible par le selon Jorges ALDERETES*6. Le suffixe nominal -ta , quant à lui, est la marque de l’accusatif. Ce qui nous autorise à penser que la syntaxe quichua,

1 Selon Pablo KIRTCHUK, correspondance du 2 mai 1986, il ne peut s’agir d’une influence Qh, il cite, pour le

démontrer, ces paroles d’un tango, Siglo veinte cambalache : « ... que ya en el horno se vamos a encontrar. » N’oublions pas cependant que des toponymes Qh ont été identifiés comme tels jusqu’au RÍO NEGRO et que

SANTIAGO a fourni nombre d’immigrants aux VILLAS MISERIAS de BUENOS AIRES, la CASTILLA

s’exporte, et en particulier vers le RÍO de la PLATA, comme c’est le cas ici. Cette confusion familière, entre les deux pronoms réfléchis, a irradié depuis SANTIAGO, sur l’ensemble du N.O.A., puis, cheminement naturel, sur le RÍO de la PLATA. Et ceci sans compter avec l’origine santiagueña de certains auteurs de tango, comme Homero Manzi, que me rappelait Pablo KIRTCHUK, dans sa correspondance du 7 juin 1996.

2 KANY : Sintaxis : page 149 : « Parece tratarse de un esfuerzo compensatorio por establecer mayor claridad

en un idioma en que el orden extraordinariamente libre de las palabras y la supresión frecuente del pronombre sujeto podrían provocar cierta oscuridad. »

3 Ibid., page 149.

4 Don Félix, Nueva Colonia, août 1992,. 5 El Ckaparilo, Ibid., page 13.

6 El Quechua de Santiago del Estero, Ibid., page 136*A.

A Infixe verbal de troisième actant selon Pablo KIRTCHUK, Bib., n°1, page 103, « Marque de 3ème personne

objet » en distribution complémentaire avec -ku pour le premier actant et -mu pour le deuxième. Il peut, selon

KIRTCHUK, se substituer au suffixe de deuxième actant -mu donc, il indiquerait parfois un accusatif, au lieu d’un datif, en quichua de Santiago, ce qui explique la contradiction entre la traduction proposée par Jorge ALDERETES le et le résultat du calque lo *i.

(l’emploi simultané d’un infixe verbal -pu- et d’un suffixe nominal -ta), a cristallisé un emploi naturel en espagnol, mais pas dans de telles proportions, et surtout, avec beaucoup moins d’emplois « fautifs », comme ceux qui suivent le premier exemple.

On peut voir aussi ,dans le dernier exemple, que la confusion de genre entre le pronom

et l’accusatif peut être enclitique.

Ce qui nous amène à réitérer notre hypothèse des travaux antérieurs, l’absence d’opposition grammémique o/a en quichua*1 peut expliquer ces confusions de genre si fréquentes dans la langue affective de Santiago.

On peut donc dire en synthèse que l’emploi du pronom redondant, avec ou sans confusion de genre, reproduit en espagnol une structure morphosyntaxique quichua pour laquelle sont nécessaires deux grammèmes : -ta et -pu- . Les premiers locuteurs bilingues ont recherché inconsciemment cette structure double de l’accusatif et l’ont transmise à la castilla, en profitant de la grande souplesse du castillan en la matière*2.

De plus, il est très révélateur de constater que KANY signale seulement des exemples andins : argentins, boliviens et péruviens. Tous ces pays sont, comme chacun le sait, de substrat quichua, ce qui constitue un indice de plus de l’influence indigène dans un emploi, au demeurant, très récurrent et affectif*3.

1 En quichua de Stgo, on utilise un lexème grammaticalisé et proclitique, pour dire le genre, exemple :

« chino/llama » ‘ lama femelle’ et « qhari/llama » ‘ lama mâle’. Pour le nombre, on oppose le suffixe -kuna au grammème zéro, pour les mots terminés par consonne, et on intègre le suffixe espagnol pour les mots terminés par voyelles : quari-s ‘ los hombres’ ; qollur-kuna ‘ las estrellas’, ceci sans compter avec les pluralisateurs verbaux : -ku-, -nchis-, -cha-.

2 KANY, Ibid., page 149 : « el orden extraordinariamente libre de las palabras. »

3 Pablo KIRTCHUK, Bib., n°3, page 11, pense, pour sa part, que l’influence est espagnole, et que la souplesse

de cette langue, explique l’expansion des fonctions de -pu au deuxième actant à Santiago. Par contre, il voit bien une influence quichua, dans la tendance à aligner des indices actanciels et des orientateurs en castilla, et il cite cette chacarera d’Atahualpa YUPANQUI (La Olvidada), pour étayer sa thèse : Mi china se me lo ha ido..., où le lo , anaphorique en ce cas, est effectivement explétif, comme dans nos exemples, il parle à ce sujet de

« second actant fantôme » ou de « patient interne » qui résulte, sans aucun doute, d’un calque sur le morphème -