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Marché ethnique du logement

1.1 Quartier de La Noue Présentation générale

1.1.2 Une petite enquête quantitative sur la répartition des habitants chinois

Après mon arrivée dans le quartier en avril 2013, j’ai mené une petite enquête moi- même sur la proportion des habitants chinois. Ce que j’ai observé, en particulier, la prédominance des habitants chinois dans le quartier et leur concentration dans les trois bâtiments 1, 3 et 4, correspond au rapport Diagnostique social. Néanmoins, les proportions exactes sont évoluées.

D’une manière générale, dans le rapport, il y a 42 foyers chinois recensés dans les bâtiments 1, 2 et 3, occupant 29% de la totalité du recensement (143/193), alors que les statistiques fournies par l'observation des boîtes aux lettres montrent que la proportion a évolué : 33 foyers chinois sur les 60 foyers dans le bâtiment 1, 10 sur 36 dans le bâtiment 2 et 39 sur 97 dans le bâtiment 3. Les foyers chinois dans ces trois bâtiments représentent 42% de l'ensemble des foyers. Pour le bâtiment 4, d'après le rapport, les habitants originaires d'Asie du sud-est représentent 30%, dont 23% de Chinois ; aujourd'hui, la proportion de copropriétaires chinois représente un tiers. Selon le rapport, 12% des habitants du bâtiment 5 et bâtiment 7 sont

89 des Asiatiques, dont la plupart sont chinois43. La proportion d'habitants chinois est donc

prédominante dans ce quartier immigré.

Le bâtiment 1 est au nord-est de la dalle, c'est une barre de neuf étages comptant 60 logements répartis sur trois cages d'escalier (1A, 1B, 1C). D'après les données du Plan

sauvegarde des Syndicats secondaires 1, 2 et 3 (2006 : 4), deux-tiers des occupants du bâtiment

1 sont originaires asiatiques. Je suis allée compter les noms chinois sur la boîte aux lettres, et les résultats sont : 10 noms chinois sur 20 boîtes aux lettres à la cage 1A ; 13 sur 20 pour la cage 1B et 10 sur 20 pour la cage 1C, donc 55% des ménages sont des Chinois, moins que l'on imagine. Mais en considérant le fait qu'il y a plusieurs noms sur une boîte aux lettres, ainsi que le fait que l'on n'a pas compté les noms mongols ou cambodgiens, la proportion de deux-tiers du Plain sauvegarde est crédible. La mauvaise gestion de la copropriété se manifeste par plusieurs aspects : il n'y a pas de gardien, et l'accès à l’intérieur du bâtiment est facile car la porte magnétique ne marche plus. L’état de propreté de la cage 1A n’est pas dans une situation très agréable : des groupes d'insectes au rez-de-chaussée (au mai), des ordures sur le sol, mauvaise odeur.

Le bâtiment 2 se trouve au nord de la dalle, c'est une barre délimitée à l'est par le bâtiment 1 et à l'ouest par le centre social et culturel OTTO. La plus petite barre de La Noue compte 36 logements répartis sur cinq étages et trois cages d'escalier (2A, 2B, 2C). Les logements sont spacieux, en majorité T3 et T4. Les habitants ont des origines très diverses : Iran, France, Chine, Maghreb, Inde, etc. Selon mes calculs, deux noms chinois sur 12 boîtes aux lettres pour 2A, avec huit noms sur l’une et quatre pour l’autre ; 3 sur 12 pour 2B, dont une avec 3 noms dessus, et 2 coexistent avec d'autres noms non-chinois ; 5 sur 12 pour 2C, dont une avec 6 noms au-dessus, et une autre avec 5 noms, 2 ou 3 noms pour le reste ; sur la porte de l'ascenseur de la cage 2C, j'ai vu une annonce rédigée en français et en chinois. Pas de gardien. Le code d'entrée marche, mais la porte est souvent ouverte.

43 Pourtant, j’ai eu des difficultés à entrer à l’intérieur de ces deux bâtiments, car ils ne sont accessibles qu’avec la

clé-badge. De plus, j’ai rencontré très peu de Chinois habitant dans le bâtiment 5, et seulement quelques-uns dans le bâtiment 7. Pour cette raison, j’ai gardé les chiffres du rapport dans le texte.

90 Le bâtiment 3 est au cœur de la dalle, c'est une tour de 15 étages avec 98 logements plutôt spacieux (en majorité T3 et T4), en plus des locaux d'activité en rez-de-dalle : deux boutiques, dont un restaurant géré par une famille originaire de Fujian ; l'autre était une boucherie et a fermé ses portes durant mon enquête. Comparée avec le constat « (les habitants du bâtiment 3 sont) majoritairement de nationalité française, plus des ménages d'origine asiatique » du Diagnostic social, la proportion a déjà changé, avec 44 noms chinois comptés sur les 98 boîtes aux lettres.

Le bâtiment 4 est l'immeuble de grande hauteur (IGH) de La Noue. Cette tour de 30 étages représente 229 logements avec des locaux commerciaux en rez-de-dalle et trois niveaux de sous-sol. Ce bâtiment est en travaux depuis juin 2012, donc les locaux commerciaux du côté

91 des travaux ont été obligés de fermer, ce qui a provoqué des tensions entre les commerçants et le syndicat des copropriétaires et aussi l'entreprise d'architecte. Il ne reste aujourd'hui que deux boutiques en rez-de-dalle, un tabac-café et une épicerie à côté, gérés par une famille originaire de Wenzhou, la ville natale de la majorité des immigrés chinois en France. Même si les deux boutiques ne sont pas réservées aux Chinois, elles offrent un espace public qui leur sert de lieu de rencontre et qui facilite les interactions entre les habitants chinois (plus de détails dans le chapitre 2). Dans le bâtiment 4, « un peu moins d’un tiers sont de nationalité chinoise » (Plan de sauvegarde II Bâtiment 4 2008 : 28). Cet immeuble est sécurisé avec un couple de gardiens, l’un s’occupe de la sécurité, l’autre est responsable de la sécurité incendie.

Le bâtiment 5 est une tour de 12 étages représente 48 logements, dont le rez-de-chaussée sert de hall uniquement sans logement. Il faut avoir un code ou une clé pour entrer.

Le bâtiment 7 est une barre de 15 étages. Les 144 logements sont répartis entre cinq cages d'escalier (7A, 7B, 7C, 7D, 7E). Monsieur Sun, un habitant enquêté, est propriétaire dans ce bâtiment, me dit qu'il n'y a pas beaucoup d'habitants chinois, surtout dans les cages 7A, 7B et 7C.

Au sud du Centre OTTO, il y a un espace sportif, où viennent souvent les enfants du quartier. En outre, le terrain étendu devant le restaurant chinois sert aussi comme espace des loisirs pour les enfants, surtout les enfants chinois.

Parmi ces six bâtiments, on voit souvent des affiches à la fois en français et en chinois dans les quatre premiers bâtiments, où la proportion des Chinois est importante. Ces affiches annoncent souvent le règlement de la copropriété, un évènement concernant la fonction de l’immeuble (par exemple, « l’ascenseur est en panne, prenez l’escalier, svp »), ou des activités sociales ou culturelles.

Malgré une forte proportion de Chinois présents dans cet espace urbain, ce quartier n’est pourtant jamais considéré comme un « quartier chinois », ni par les habitants chinois ni par d’autres habitants. Cela invite à se demander ce qu'est ou ce que serait un « quartier chinois ». Contrairement aux quartiers chinois connus comme Belleville, le « Triangle de Choisy » du 13ème (Guillon et Taboada-Leonetti 1986) ou les entrepôts commerciaux au nord d’Aubervilliers, le quartier de La Noue de Bagnolet n’est pas connu comme « chinois » et n’a donc pas de visibilité, ni pour la société française (à part la mairie de Bagnolet bien sûr), ni pour

92 les chercheurs. Avant tout, il est évident que le pourcentage des habitants ne suffira pas à cette définition.

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