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Deux entrées : par une habitante du quartier et par le centre social et culturel municipal OTTO

L’entrée sur le terrain de « la Noue » devint possible après avoir rencontré une dame chinoise du quartier. Pendant que je fréquentais les deux écoles, j’avais été également sollicitée par l’association pour accompagner une habitante chinoise de Bagnolet depuis février 2012. Comme c’était une affaire de violence conjugale, cet accompagnement se faisait sur le long terme, avec plusieurs rencontres. Grâce à ces rencontres particulières, j’ai pu établir une relation d’interaction relativement approfondie avec elle. Ayant appris qu’elle habitait « en haut », j’ai pensé, tout au début, que cela me permettrait de connaître ce quartier voire d’y entrer grâce à elle. Pourtant, j’avais des craintes, car la raison pour laquelle nous nous étions rencontrées (son divorce) m’a empêché de le faire. Parmi les Chinois, il est plutôt mal vu d’aider les couples à divorcer27. Ainsi, pour cacher la vraie raison de notre rencontre, et aussi pour protéger cette

27 Pour la société chinoise, le divorce d’un couple est très mal vu, surtout pour les femmes, et c’est autant mal vu,

si pas plus, pour ceux qui aident les couples à divorcer. On a un proverbe chinois qui dit, 宁拆十座庙,不毁一 桩婚 , en français, on préfère détruire dix temples que ruiner un mariage. La sévérité de la vision sociale par rapport au divorce et à ceux qui aident à divorcer s’est beaucoup diminuée aujourd’hui mais persiste plus ou moins, surtout dans les groupes sociaux moins éduqués, car l’idée sur le droit de divorce des femmes et la protection des femmes se lie étroitement avec l’éducation et la modernité. La mauvaise image sociale donnée sur le divorce est

55 dame, j’ai décidé de chercher d’autres manières d’entrer dans ce quartier. Pourtant, ma proposition de rendez-vous avec Monsieur Arui, le président de l’époque de l’association Union Franco-chinoise (une association locale) était toujours sans réponse. Dans cette situation bloquée, je n’ai pas eu d’autres choix que de demander à la seule habitante que je connaissais. Après avoir écouté mon projet de recherche, elle était d’accord pour m’aider, bien qu’elle n’ait pas bien compris ce que je faisais. On a finalement fixé une date de visite.

Un dimanche du printemps 2013, j'y suis allée comme prévu. Elle est venue me chercher à l’arrêt de bus. Nous ne sommes pas allées chez elle tout de suite, elle m’a d'abord amenée dans un restaurant chinois qui se trouvait en bas d’un grand immeuble (en fait c’est le bâtiment 3) pour rejoindre son mari et ses amis. Ils y buvaient et grignotaient ensemble. Ils parlaient des choses et des gens que j’ignorais complètement. Elle m’a présentée à tout le monde en tant qu’amie, et non en tant que jeune chercheuse qui mènerait une enquête sur le quartier et ses habitants. Ils n’ont fait aucun commentaire. Après un moment, tout le monde est rentré chez soi et je suis allée chez elle.

Cette première rencontre m’a permis de constater des phénomènes intéressants, tels que l’appropriation de l’espace commercial du restaurant via leurs activités. J’ai pu également pénétrer dans leur espace résidentiel, voir l’état du fonctionnement du bâtiment (neuf étages avec ascenseur, en panne depuis plus d’un an) et aussi l’arrangement de l’espace du domicile. Lors de ma visite, ils ont fait venir une coiffeuse chinoise qui s’est installée dans la cuisine et a coiffé toute la famille. Entre temps, il y a eu de nombreux allers et venues, les amis vus plutôt au restaurant sont venus avec leurs enfants pour se faire coiffer. A partir de cette scène de la vie quotidienne, je me suis rendue compte qu’ils étaient des amis très proches.

Malgré ces phénomènes intéressants que j’ai pu constater lors de ma première visite, j’avais conscience que ce premier contact ne saurait approfondir la relation. Je resterais toujours une « étrangère » pour eux, en raison de la distance culturelle et linguistique. Comment faire en sorte que ce premier contact amène à une recherche durable ? Comment rester plus longuement dans cette communauté, de sorte que je puisse maintenir un contact régulier avec le quartier et ses habitants ?

également constatée parmi les immigrants chinois étudiés, dont la plupart est venue de la zone rurale et avec un niveau d’éducation relativement bas.

56 Je me suis demandée si j’allais faire un séjour d’une certaine durée dans le quartier et y habiter moi-même, avant d’avoir pu prendre contact avec le centre social du quartier par l’intermédiaire de l’association Pierre Ducerf. Lors de ma première rencontre suivie d’un entretien avec le directeur du centre, il m’a présenté la situation générale des habitants chinois, tandis que je lui ai fait part de mon projet de recherche. Il m’a donc suggéré de faire un stage dans le centre, ce qui me permettrait d’avoir un contact plus régulier avec les habitants. C’était ainsi que j’ai trouvé ma place dans le quartier, que j'ai endossé un nouveau rôle social, une position qui me permettrait d’avoir un contact stable de longue durée avec les habitants, en pouvant justifier ma présence par mon statut de stagiaire. Notons que je ne suis pas entrée dans le quartier comme habitante, de cette manière, j’ai pu garder une place neutre, ni totalement à l’intérieur, ni totalement à l’extérieur.

Des enquêtes antérieures (expériences, leçons et l’intérêt

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