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Marché ethnique du logement

1.3 Le marché ethnique du logement : une stratégie pour l’accès au logement

1.3.3 Contrat de bail : un enjeu important du marché du logement

Les droits et les obligations entre les propriétaires et les locataires sont généralement définis par le contrat de bail. Quand j’ai travaillé comme écrivain public, j’ai fait souvent des demandes auprès de la Caf pour les habitants. En remplissant les formulaires, il faut toujours le contrat de bail, ainsi, j’ai vu de nombreux contrats de bail. En général, les informations personnelles de deux côtés, les informations et états du logement, les droits et les obligations des deux côtés, ainsi que la date de validité du contrat sont bien indiquées, conformément à ce qu’exige la loi. Pourtant, si l’on fait plus attention aux détails, surtout à la répartition de la somme entre le loyer et les charges, on voit les ruses adoptées par les propriétaires. Par exemple, pour un logement de 60 m2 que le locataire doit payer plus de 1 000 euros mensuellement, le loyer coûte un peu plus de 400 euros, alors que les charges sont à 600 euros. Selon le contrat, le loyer au mètre carré est environ 7 euros, qui est beaucoup moins que le prix moyen, 17 à 18 euros/m² selon le site MeilleursAgents. De cette manière, le propriétaire semble louer pour pas cher, mais en réalité il se rattrape sur les charges.

Figure 12 Loyer du quartier de La Noue (Image prise le 13/10/2016)

103 En ce qui concerne les charges, selon différentes sources dont plusieurs habitants du quartier, les charges sont les plus élevées pour le bâtiment 4, et varient entre 600 à 800 euros par saison, cela veut dire que dans le quartier les charges coûtent au maximum un peu plus de 200 euros mensuels, donc bien inférieures à celles indiquées sur le contrat de bail. En comparant les prix moyens et ceux pour des habitants chinois, on comprend la ruse : en ajustant la répartition de la somme entre le loyer et les charges, ils font baisser le loyer, ou les revenus fonciers, afin de baisser la somme totale lors de la déclaration des ressources auprès des Impôts. Il est important de souligner ici que ces arrangements de la part des propriétaires se font au détriment des droits sociaux des locataires. Dans les calculs de la Caf sur les allocations, surtout celle du logement, le loyer a un poids important. Or, avec un loyer modeste, selon la somme indiquée sur le contrat de bail, ou la quittance de loyer, il est presque impossible pour une famille, composée de deux salariés avec un enfant, d’obtenir l’allocation logement. Les locataires chinois qui savent bien cela sont en colères, pourtant, ils ne peuvent rien faire face à leurs propriétaires, « tous les propriétaires font ça », « je suis sûre qu’il ne corrigera pas (la somme du loyer) », disent-ils souvent. Dans cette reddition des locataires face aux abus des propriétaires, on entrevoit un rapport de pouvoir inégal entre les premiers et les seconds.

Malgré cela, le locataire en titre est protégé par le contrat et peut accéder aux droits associés au logement. Une fois le contrat de bail signé, le locataire peut afficher son nom sur la boîte aux lettres, sur les factures d’électricité ou de gaz, en bref, il a le droit d’avoir toutes sortes de papiers justificatifs qui justifient son existence, au sens administratif, sur le territoire français. En revanche, ce n’est pas le cas pour les locataires qui sous-louent chez d’autres : ceux-là n'ont pas de sécurité pour leur location et ne peuvent pas justifier leur existence non plus. Ces papiers justificatifs joueront pourtant plus tard, souvent des années après, un rôle essentiel dans les démarches de régularisation. Nous parlerons de ce point-là ci-dessous dans la partie « dapu » (sous-location).

Pour ces migrants vulnérables, l'accès au logement est donc facilité par un certain nombre de « ressources résidentielles » : l'information en particulier, mais aussi la possibilité de loger chez des connaissances, des propriétaires qui ont l'habitude de loger ce type de migrants et y trouvent eux aussi leur intérêt, des locataires prêts à donner des sous-locations etc. On voit qu'il se forme alors un phénomène circulaire, d'intensification : une fois que les premiers Chinois se sont installés dans le quartier, l'accès est facilité pour de nouveaux arrivants, ce qui

104 représente une concentration plus grande des « ressources résidentielles » dans le même quartier, attirant de nouveaux migrants et ainsi de suite.

Madame Mu Lan, habitante chinoise originaire du Fujian, est locataire du bâtiment 4. Elle m’a parlé de ses idées sur l’évolution de l’accès au logement.

Elle m’a dit qu’avant, on pouvait gagner de l’argent en sous-louant son appartement. (…) Selon elle, il était impossible de louer un appartement à des propriétaires Français, car, d’un côté, les Chinois ne parlaient pas le français, de l’autre côté, il faut un titre de séjour ; en plus, à cette époque-là, il y avait beaucoup de gens mais peu de logements accessibles. Maintenant, il y a de plus en plus des gens qui ont le titre de séjour, et de plus en plus des gens qui ont un logement, donc il est plus facile de louer un logement d’aujourd’hui qu’avant. (Note d’entretien le 19/10/2016)

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