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l’agriculture et les paris en termes de formation

1.4. Pesticides et enjeux socioprofessionnels en termes de formation : des questions et des hypothèses de recherche questions et des hypothèses de recherche

L’enseignement agricole a un rôle décisif à jouer dans l’accompagnement des changements de pratiques des futurs agriculteurs27. Des aspects disciplinaires sont à considérer pour apprendre à produire avec moins de pesticides mais le panorama que nous avons dressé en amont souligne également l’importance des controverses qui replacent toujours la question des usages des pesticides dans de vifs débats. Nous retenons un ancrage de recherche dans la didactique des questions socialement vives en raison des caractéristiques des problématiques d’enseignement liées à la réduction de l’usage des pesticides et des perspectives d’exploration offertes par ce champ de recherche.

L’enseignement agricole technique et la discipline d’enseignement agronomie ont un rôle à jouer pour contribuer au changement

Le plan Ecophyto et le projet agro-écologique enjoignent la recherche, le développement agricole et la profession à accompagner la transition par la formation des acteurs du monde agricole afin de « faire de la transmission des connaissances le pilier de la transition

écologique » (Dossier de presse ministère agriculture, 201428). Le changement de paradigme dans les stratégies de protection des cultures (Aubertot et al., 2005a) amène à concevoir des systèmes moins sensibles aux bioagresseurs et par conséquent plus résilients29, mais aussi à « (…)donner une large place à l’agroécologie, (…) et reconnaître les limites de solutions

techniques et chimiques universelles, dominantes en agriculture intensive,» (Simonneaux et

Cancian, 2013, p. 118). Dans cette configuration de changement de paradigme, les agriculteurs doivent construire des solutions qui mobilisent des connaissances et des compétences nouvelles à contrecourant de ce qui était la norme professionnelle pour les systèmes intensifs majoritairement représentés sur le territoire national. Les hauts rendements ont été associés à l’emploi des pesticides et à la garantie de revenus élevés. La parcelle cultivée et la campagne culturale ont été définies comme les échelles spatiale et temporelle pour évaluer la performance sur les plans technique et économique. Or les changements à opérer dans les systèmes de production appellent à reconfigurer ces pratiques socioprofessionnelles. Une grande majorité des agriculteurs ne sont pas prêts (Aubertot et al., 2005b) à envisager des stratégies plus complexes de protection des cultures pluri-annuelles qui combinent plusieurs leviers30 agronomiques satisfaisant une gamme d’objectifs qui ne se limitent pas à l’obtention de bonnes performances économiques et agronomiques : le changement « (…) suppose une combinaison de méthodes (...) qui requiert une

transformation des pratiques importante et difficile » (ibid., chapitre 4 p. 103). Les

professionnels sont déstabilisés car ils doivent s’appuyer sur des savoirs de plusieurs natures, dont certains ne sont pas stabilisés et parfois controversés. Une forme d’agriculture alternative ne peut plus devenir la référence ou la norme, l’approche est plus complexe : « Nous devons

admettre que les priorités ne sont pas les mêmes pour tous, qu’elles ne sont pas les mêmes partout, et travailler à aider chacun à trouver sa propre solution », (Meynard, 2012b, p. 144).

La formation initiale et des dispositifs d’accompagnement des agriculteurs en activité apparaissent des leviers du changement : « La transition vers de nouveaux systèmes de

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60 % des exploitants agricoles ont obtenu un diplôme agricole (Agreste, 2012).

28 Consultable sur le site du ministère de l’agriculture, dossier de presse ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt http://agriculture.gouv.fr/ http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/140404_DP_JPO_Lycees_ECOPHYTO_cle8bc639-1.pdf

29 Nous revenons dans le chapitre 2 sur la polysémie de la notion de résilience et nous explicitons ce qu’elle recouvre dans le cadre de la conception de systèmes économes en pesticides.

30 Les leviers correspondent aux moyens utilisés pour gérer les populations de bioagresseurs comme la rotation des cultures, les travaux de sols. Les pesticides sont éventuellement mobilisés en dernier recours.

production plus durables repose sur une modification majeure des cadres de pensée et des modes d’acquisition des savoirs et des pratiques. Pour cette raison, l’enseignement agricole doit assumer un rôle majeur pour adapter et anticiper l'évolution des connaissances et des modes de raisonnement » (Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la forêt -

DGER31, 2014, p. 3). Les acteurs impliqués devront apprendre à raisonner autrement : co-construire localement des solutions et discuter de leur validité dans ce contexte situé. La viabilité économique des solutions doit particulièrement être considérée pour que la transition soit soutenable. La refonte des systèmes de production ou le remplacement de la lutte chimique par d’autres moyens génèrent des coûts très variables selon les systèmes de production : « (…) ils représentent 10% des charges opérationnelles sur vigne et près de 50%

sur grande culture » (Aubertot et al., 2005b, chapitre 2 p. 56). Ainsi les agriculteurs doivent

mobiliser l’approche systémique pour cerner la globalité des problèmes liés à la perspective de réduire leur dépendance aux pesticides tout en combinant plusieurs aspects car ils sont contraints de concilier plusieurs exigences parfois contradictoires selon les échelles.

« En route mais laquelle ?», Hubert, Coudel, Coomes, Soulard, Faure et Devautour (2012, p. 215) posent trivialement la question au cœur des enjeux de ce qui doit se jouer aujourd’hui pour demain. Malgré le cadre fixé par le gouvernement, la confusion demeure car il n’y a ni consensus sur la voie, ni sur la hauteur des objectifs, ni sur le délai au sein de la profession : il est difficile de concilier les enjeux pluriels qui sont porteurs de contradictions. Le plan Ecophyto invite directement l’enseignement agricole supérieur et technique à s’impliquer dans la réduction de la dépendance et la sécurisation des emplois des pesticides avec l’axe 4 et l’axe 2. L’axe 4 « Former à la réduction et à la sécurisation de l'utilisation des produits

phytopharmaceutiques » impacte explicitement la formation.

Pour l’enseignement technique agricole, le ministère en charge de l’agriculture via sa DGER a modifié les prescriptions pour prendre en compte les changements en termes de réduction des usages de pesticides et de sécurisation de leurs emplois. La rénovation de deux référentiels de diplômes nous intéresse particulièrement : le baccalauréat professionnel « Conduite et Gestion de l’exploitation agricole » (Bac pro CGEA) et le Brevet de Technicien Supérieur « Agronomie, Productions Végétales » (BTS APV). Ces deux diplômes permettent de former les futurs agriculteurs. L’axe 2, déjà évoqué plus haut avec le réseau de fermes « Dephy », mobilise également les fermes des établissements de l’enseignement agricole dans des actions de démonstrations et d’expérimentations32. Contribuant à satisfaire les objectifs de conception et de promotion des systèmes alternatifs aux pesticides, les exploitations agricoles des lycées agricoles doivent également devenir des supports concrets pour enseigner et apprendre à produire autrement avec moins de pesticides dans une perspective de durabilité.

Il y a donc un enjeu fort à amener les élèves/étudiants à construire une opinion éclairée (Simonneaux, 2010) sur l’usage des pesticides, sur les risques et les bénéfices de la lutte chimique et sur les alternatives pour prendre part aux débats visant les choix de société et en particulier ceux liés aux agricultures. Au cœur de ces visées éducatives se posent des questions d’éducation aux choix et aux risques pour amener chacun à être critique sur les modes production. : Doré (2013) considère « qu’il faut placer les élèves/étudiants dans des

situations de doute, y compris vis-à-vis de ce que disent des agriculteurs d’autres territoires, en les faisant construire des systèmes de culture ou réfléchir sur la validité des savoirs scientifiques » (in Simonneaux et Cancian, 2013, p. 117-118). Plus précisément pour les

31 La DGER (Direction Générale de l'Enseignement et de la Recherche) « exerce les compétences du ministère relatives à la formation initiale et continue, à la recherche, à la politique d'innovation et au développement » (cholorofil, 2015 à partir de http://www.chlorofil.fr/systeme-educatif-agricole/organisation-orientations-et-evolution-de-lea/acteurs-de-lea/dger.html).

32 Comme pour le réseau Dephy (action 14), nous revenons sur la contribution des fermes des établissements de l’enseignement agricole technique dans le chapitre 1 et dans le chapitre 4.

filières du champ professionnel de la production, les futurs agriculteurs doivent devenir des « paysans-chercheurs » (Doré, 2013). Cette perspective soulève des questions liées au renouvellement des raisonnements pour gérer concrètement la protection des cultures, et impacte les méthodes d’enseignement et des contenus de la discipline scolaire emblématique « agronomie». L’agronomie repérée dans les référentiels de formation de l’enseignement agricole technique33 sous le vocable « sciences et techniques agronomiques » est centrale dans les filières professionnelles et technologiques du champ « productions végétales ». La discipline recouvre un corpus de concepts, de méthodes, de références et de « pratiques dites agronomiques » qui permettent de comprendre, et d’agir sur des processus de production végétale et/ou animale (piloter, conduire et évaluer) en vue d’obtenir des productions. Dans les programmes d’enseignement en productions végétales, la gestion de la protection des cultures est un thème important à considérer : la lutte chimique comme les moyens alternatifs sont des aspects abordés pour appréhender les systèmes économes en pesticides. Un travail de recensement et de caractérisation des approches pédagogiques dans l’enseignement supérieur agricole portant sur les méthodes de conception et d’évaluation des systèmes de cultures innovants (dont certains visaient l’économie de pesticides) a été initié (Willaume, Auricoste et Nesme, 2008). L’enquête a révélé un fort ancrage dans les sciences biotechniques (dont l’agronomie), une diversité des objectifs de formation pour l'évaluation et la conception de systèmes de cultures innovants et une diversité des niveaux d’approches. Les auteurs soulignent également une certaine uniformité dans les échelles retenues pour conduire les travaux avec les étudiants : la parcelle cultivée. Il n’y a pas de recherche équivalente au niveau du secondaire. En France et dans le monde, la didactique s’est peu intéressée aux questions d’enseignement en lien avec les disciplines professionnelles de l’agriculture34 et nous interrogeons « le bon usage » de la discipline « agronomie » dans les filières d’enseignement agricole, en particulier dans les filières professionnelles. Les enseignants en agronomie en formation initiale35 à l’Ecole Nationale de Formation Agronomique36 (ENFA) à Toulouse nous font part de leurs difficultés à aborder la protection des cultures en phase avec des objectifs de réduction de la dépendance aux pesticides37. Pour les enseignants se posent des questions en termes des références d’appui et de choix de scénarios didactiques et pédagogiques pour concevoir des situations d’enseignement-apprentissages amenant à limiter le recours aux pesticides, de posture à adopter face à leurs élèves, aux parents de ceux-ci et aux professionnels du territoire plus ou moins enclins à remettre en question les pesticides. Ils évoquent également des difficultés chez leurs élèves/étudiants : ce sont des repères familiaux et socioprofessionnels qui peuvent être ébranlés entrainant des difficultés à se positionner en tant qu’apprenant : « Est-ce que je me reconnais dans ces façons de concevoir l’agriculture ? Est-ce tenable ?». Les enseignants soulignent une méfiance de leurs apprenants face aux arguments en faveur de l’écologie et récemment ce sont également ceux en lien avec l’agro-écologie. Quels sont les savoirs de référence pour construire des enseignements qui visent la

33 Les filières concernées vont de la 4è technologique en passage par les baccalauréats professionnels et technologiques jusqu’aux BTS.

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Des travaux pionniers ont été conduits en didactique des sciences, centrés sur un objet agronomique par Prévost (1997) : Le concept de régulation biologique et la formation professionnelle des agriculteurs , études

didactiques. Thèse de doctorat. 35

Le ministère en charge de l’agriculture dispose de son propre dispositif de formation des enseignants qu’il recrute. Au concours, des disciplines techniques sont spécifiques à ce système d’éducation comme les sciences et techniques agronomiques (STA), productions végétales, spécialité qui nous intéresse en premier lieu. Les enseignants entrent en formation initiale par la voie externe, interne ou réservée.

36 Parmi les différentes missions assurées par l’ENFA, la formation initiale des enseignants est une mission nationale, régalienne, au cœur des activités de l’école.

37 Ce constat se fonde sur notre expérience de formatrice en agronomie, productions végétales depuis plus de 15 ans à l’ENFA.

conception et pilotage des systèmes économes en pesticides ? Comment accompagner les élèves dans ces apprentissages ?

Ces considérations appellent ainsi de nouvelles formes d’enseignement-apprentissage dans lesquelles les futurs agriculteurs doivent être confrontés à la nécessité de mobiliser des savoirs non stabilisés, à faire des choix en situation d’incertitudes et à prendre conscience que les valeurs et leurs perceptions des risques interfèrent dans ce qu’ils vont retenir ou écarter.

Nous retenons un ancrage théorique dans le champ de la didactique des questions socialement vives.

Nous retenons un ancrage théorique dans le champ de la didactique des questions socialement vives et nous posons l’intérêt de construire des raisonnements informels pour envisager de la réduction des pesticides en mobilisant des savoirs agronomiques

Réduire de 50 % l’usage des pesticides dans les systèmes de production suscite de vifs débats sur les voies possibles pour généraliser les alternatives à ces produits de synthèse. Le sujet met en tension des controverses dans les sphères scientifiques, professionnelles et sociales, relayées par les médias. Cependant, pour enseigner/apprendre ces thématiques, les acteurs de la situation didactique, enseignants et élèves, ne peuvent échapper aux débats polémiques qui entrent dans la classe, reflets de controverses dans la société et au sein de la profession agricole, avivées par leur médiatisation. Envisager la réduction de l’emploi des pesticides et leurs alternatives est une question socialement vive (QSV) sous une forme scolaire, triplement vive comme la définissent Legardez et Simonneaux (2006). Elle est :

- « vive dans la société, (…) considérée comme un enjeu par la société (globalement ou dans

certaines de ses composantes) et suscite des débats (des « disputes » aux « conflits ») ; elle fait souvent l’objet d’un traitement médiatique tel que la majorité des acteurs scolaires en ont, même sommairement, connaissance (…) » (ibid., p. 21-22) ;

- « vive dans les savoirs : il existe des débats (« des controverses ») entre spécialistes des

champs disciplinaires ou entre experts de champs professionnels ». Les savoirs de référence

relevant des sciences humaines et sociales se fondent sur des paradigmes qui « sont souvent

en concurrence ». Pour les sciences « dures », il apparait nécessaire de distinguer « la science stabilisée » et « la science encore débattue dans la sphère scientifique » (ibid., p. 21-22). Ces

questions sont également vives dans les pratiques de référence ;

- « vive dans les savoirs scolaires » : les élèves et les enseignants « se sentent souvent

démunis pour aborder » de tels sujets. (ibid., p. 21-22). La vivacité dans l’école est d’autant

plus importante que ces questions sont vives dans la société et les savoirs et pratiques sociales de référence.

Nous avons choisi d’entrer par les QSV soulevées pour la discipline scolaire agronomie émergeant de la perspective de réduire de 50 % l’usage des pesticides de synthèse. Notre recherche se situe donc à la croisée de la didactique de l’agronomie et de la didactique des questions socialement vives. La construction et la mise en œuvre de situations d’enseignement-apprentissage en phase avec la conception d’alternatives aux pesticides confrontent alors les enseignants et leurs élèves à trois niveaux de difficultés : (i) celui d’articuler des savoirs stabilisés avec ceux en train de se faire, souvent controversés, (ii) celui de prendre appui sur des pratiques sociales et professionnelles de référence (Martinand, 1986) en train de se re-construire (agriculture dite conventionnelle38 majoritaire versus des formes

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Dans le chapitre 2, nous revenons sur la définition de l’agriculture conventionnelle. Elle n’a pas de définition précise mais elle permet de caractériser un continuum de systèmes de production intensifs ayant recours assez systématiquement aux intrants de synthèse et extérieurs à l’exploitation. Cette forme d’agriculture est majoritaire sur le territoire national, encore aujourd’hui. Elle est remise en cause en raison de sa dépendance aux pesticides de synthèse.

diverses d’alternatives), (iii) celui de se positionner face à deux conceptions de l’avenir de l’agriculture pour affronter les défis de demain, le modèle agro-écologique fondé sur la « renaturalisation des systèmes alimentaires » (Stassart, Baret, Grégoire, Hance, Mormont, Reheul, Stilmant, Vanloqueren et Visser, 2012) et le modèle technocentré reposant sur toujours plus d’innovations bio techno scientifiques. Dès lors, les enseignants doivent composer avec leurs propres incertitudes et celles de leurs élèves. Envisager de réduire l’usage des pesticides implique :

- d’intégrer des considérations de différentes natures très imbriquées (économiques, sociales, techniques, agronomiques, environnementales, éthiques, politiques, …) parfois difficiles à concilier ;

- de mobiliser des savoirs distribués et pluriels (professionnels, scientifiques, profanes sont tous potentiellement des producteurs de savoirs), stabilisés ou pas, parfois contradictoires, voire controversés. Il est difficile de construire une solution alternative qui limite l’usage des pesticides (voire qui le supprime) et qui intègre tous ces éléments et qui ne se fonde que sur des dimensions technico-économiques.

Nous reviendrons plus en détail dans le manuscrit sur des approches développées dans la didactique des QSV (Legardez et Simonneaux, 2006 ; Simonneaux et Legardez, 2011 ; Simonneaux et Simonneaux, 2014), nous ne retenons ici que des points-clés qui soulignent la pertinence de cet ancrage théorique pour notre thème et les questions en termes d’enseignements-apprentissages qu’il soulève en entrant par une problématique agronomique (concevoir des systèmes économes en pesticides). La didactique des QSV « étudie le

processus d’enseignement-apprentissage sur des objets porteurs de controverses et de débat dans la sphère scientifique, dans la société et les médias et donc dans la classe »

(Simonneaux et Simonneaux, 2014, p. 10). L’enjeu est de doter les futurs acteurs professionnels et citoyens de ressources pour construire une opinion informée (Legardez et Simonneaux, 2006) ou raisonnée (Lange et Victor, 2006) sur les questions qui ont une réalité sociale qui les impliquent : « chaque élève est, ou sera confronté à des prises de décision sur

des questions socialement vives ; l’école doit l’y préparer » (Legardez et Simonneaux, 2006,

p. 13). Les élèves doivent ainsi être en mesure de faire des choix sur ces sujets, d’agir sur le réel (prendre de décisions, conduire des actions) et être capables d’en débattre : les élèves et les étudiants qui se destinent au métier d’agriculteurs sont déjà confrontés à ces dilemmes. Il convient alors de proposer des situations d’enseignements-apprentissages qui confrontent les élèves et les étudiants à des controverses. Un grand nombre de questions socialement vives soulèvent des problèmes dont la résolution impose souvent la mobilisation de savoirs scientifiques : pour le sujet qui nous intéresse, la prise en compte des savoirs agronomiques scientifiques entre autres est nécessaire et indispensable pour appréhender la conception de systèmes économes en pesticides. Si l’expertise scientifique « Agriculture, Pesticides et Environnement » (2005) souligne l’importance des connaissances agronomiques, l’agronomie ne pourra pas tout car « il n’y aura pas de miracle » (Tuot, 2007, p. 5) et car « il n’y a pas non

plus de voie unique d’amélioration » (ibid., p. 7). Si la question des savoirs agronomiques en

jeu est importante, « il convient aussi de prendre en compte les facteurs psychosociaux des

apprenants qui peuvent freiner la mise en œuvre d’un produire autrement (…) » (Simonneaux

et Cancian, 2013, p. 119). Des considérations comme les projections sur le futur des acteurs, leur perception des risques et des incertitudes dont les solutions sont porteuses, ce qui leur parait avoir de l’importance, être juste ou pas, jouent un rôle :

- dans leur engagement dans des voies qui verraient la mise en œuvre de pratiques agricoles alternatives plus soucieuses des répercussions sociales et environnementales ;

- dans l’émergence de résistances (Weiss, Moser, et Germann, 2006). A quoi bon modifier des pratiques si l’avenir de l’agriculture est bouché ?

Les caractéristiques des problèmes soulevés par la construction d’alternatives aux pesticides de synthèse rejoignent celles de nombreuses QSV (biotechnologie, nanotechnologie, téléphonie cellulaire, entre autres) :

- elles ont de fortes implications sociales en lien avec des préoccupations économiques, politiques, juridiques, éthiques (Barab, Sadler, Heiselt, Hickey, et Zuiker, 2007 ; Simonneaux et Simonneaux, 2009) ;

- ces sujets sont complexes car de nombreux aspects sont imbriqués, parfois en contraction ; - la résolution des problèmes posés par ces questions ne peut pas reposer sur la démarche de raisonnement cartésien fondée sur la logique formelle. Les problèmes sont si complexes qu’il n’est pas possible d’isoler des sous-problèmes pour trouver pas à pas une solution sur la base d’une démarche itérative de déduction/induction/abduction. D’une part, les parties prenantes sont souvent en désaccord sur les termes du problème à résoudre : il y a autant de voies