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l’agriculture et les paris en termes de formation

1.2. Pesticides et enjeux en termes de qualité des environnements et en termes de santé humaine santé humaine

Nous abordons ce volet par le fait que la vente et les usages des pesticides sont réglementés, sous-entendant que ce ne sont pas des substances anodines. Malgré ce cadre, les inquiétudes émergent liées aux effets des pesticides sur la qualité de l’eau, des sols, de l’air et sur la biodiversité. Des agricultures plus soucieuses de leurs effets poussent les politiques à agir.

Les pesticides sont l’objet d’une réglementation qui encadre les usages

La palette des pesticides recouvre des produits très hétérogènes, ce sont souvent des substances dangereuses. Les produits sont issus dans leur grande majorité de la chimie organique (pesticides de synthèse). Un petit nombre dérivent de la chimie minérale (soufre, cuivre) et d’autres pesticides sont des produits extraits d’êtres vivants (roténone, nicotine). Les pesticides ne sont pas des produits anodins, c’est pourquoi leur mise sur le marché et leur vente sont réglementées. Ils sont employés pour détruire des êtres vivants considérés comme « nuisibles » pour les cultures et les récoltes, et/ou pour les contrôler et/ou les repousser. Ils font partie de notre quotidien, présents dans des produits à usages domestiques, vétérinaires et dans des produits de jardin. Ils sont aussi utilisés dans le cadre de mesures de protection de santé publique comme la destruction des moustiques dans des zones littorales. Mais les pesticides ont aussi des usages professionnels et l’agriculture est de loin la plus grosse utilisatrice de produits pesticides dans le cadre de la protection des cultures avec la lutte chimique (emploi de produits phytosanitaires). La mise sur le marché des pesticides est l’objet d’une réglementation spécifique depuis la fin de la deuxième guerre mondiale (Fourche, 2004), forme parallèle de ce que l’on observe pour la filière des médicaments. L’efficacité des produits et l’innocuité des pesticides sur la santé humaine et pour l’environnement (toxicologie et écotoxicologie) sont testées, conditionnant l’homologation. Mais malgré ces mesures, des affaires et des preuves scientifiques parfois contradictoires et controversées révèlent des effets délétères sur la santé et sur la qualité des milieux. Les pesticides sont invisibles dans les milieux, les être vivants sont exposés via leur cadre de vie et l’alimentation, et cela sans le vouloir et souvent sans le savoir, les populations humaines y compris : l’exposition aux pesticides est multifactorielle (Inserm, 2013).

En France, 90 % des tonnages utilisés de pesticides le sont dans l’agriculture, les autres secteurs professionnels sont les espaces verts, les traitements des bois et de désinsectisation, entre autres. Dans l’agriculture, ils sont employés pour éradiquer des ennemis des cultures ou du moins pour maintenir ces populations en dessous de seuils acceptables. La consommation de pesticides (en tonnages) n’a pas cessé d’augmenter après la deuxième guerre mondiale et elle s’est accrue de manière régulière et importante jusqu’à la fin des années 90. Depuis les années 2000, on assiste plutôt à un ralentissement et une stagnation des tonnages. La France est le « 3e consommateur mondial de pesticides (à plus de 90% pour l’agriculture) et le 1er

utilisateur en Europe en volume total (34% des consommations de l’Europe des 15). (…). La France qui utilise plus d’un tiers des produits phytosanitaires vendus en Europe, est le plus gros utilisateur de fongicides, d’herbicides et de produits divers » (Aubertot et al., 2005b,

chapitre 2 p. 7)- Les agricultures intensives des pays du Nord et des pays du Sud ayant recours de manière systématique aux pesticides pour contrôler les ennemis des cultures et ceux des denrées stockées ont contribué à la dégradation des milieux (Aubertot et al., 2005b ; Deguine, Ferron et Russel, 2008 ; ADES (BRGM), 2013) et à la contamination des aliments (Inserm, 2013 ; Anses, 2014 ; DGCCRF, 2012).

Des raisons aux inquiétudes

La contamination des milieux

Des résidus de produits de traitement des cultures sont détectés dans tous les compartiments du milieu, les eaux superficielles et de surface, et dans les eaux côtières, l’air, les sols. Les pesticides transitent en particulier dans les sols pour se retrouver dans l’eau. La dégradation de la qualité des sols par la contamination de substances dont les pesticides font partie est une des principales menaces qui pèsent sur les terres. Des mesures de la qualité de l’air montrent la présence de pesticides directement liée à des épandages de produits phytosanitaires avec des pics saisonniers. En outre les réseaux de surveillance révèlent une contamination et une dispersion des pesticides via ce compartiment (Anses et Orp, 2010). Les ressources en eau sont particulièrement surveillées pour des raisons de santé publique (adduction d’eau potable) : « En 2006, des pesticides ont été détectés au moins une fois dans 90 % des points

de mesure du réseau de connaissance générale de la qualité des cours d’eau (1097 points) et dans 55 % des points dans le cas des eaux souterraines (1507 points) » (Gatignol et Etienne,

2010, p. 19). Le nombre de produits détectés augmente et la plupart des conséquences de ces mélanges n’est pas encore connue. Les pesticides s’accumulent dans les compartiments physiques du milieu et persistent parfois pendant de longues années, expliquant la présence de traces de produits aujourd’hui interdits dans des mesures. Ils se concentrent aussi le long des chaines alimentaires (bioaccumulation). Ils ont des effets affectant la diversité biologique : ils concourraient à la diminution des populations d’abeilles domestiques et sauvages dans les zones cultivées intensives. Or la diversité biologique offre des garanties de bon fonctionnement des écosystèmes. Voir cette diversité diminuer, ce serait nous priver des « services » qu’elle rend : épuration de l’eau, de l’air, mécanismes de régulation naturelle des populations y compris celles considérées comme des ennemis des cultures (Le Roux, Barbault, Baudry, Burel, Doussan, Garnier, Herzog, Lavorel, Lifran, Roger-Estrade, Sarthou, et Trommetter, 2008).

La santé des populations : « sous-évaluation des dangers et des risques présentés par les pesticides2 » et première hypothèse de recherche

L’exposition aux pesticides dans le cadre de vie (eau potable, denrées, air ambiant, produits antiparasitaires) et via les résidus de pesticides dans les aliments est soupçonnée d’entrainer des conséquences néfastes sur la santé des populations fragiles. Les produits de traitements agricoles sont particulièrement visés. L’alimentation est le principal facteur d’exposition des populations (professionnels exceptés) (Inserm, 2013). Les incertitudes sont de plus en plus nombreuses car les atteintes se manifestent sur le long terme et souvent à la suite d’expositions répétées à faibles doses et pour un cumul de substances (effet cocktail). En 2008, une étude EFSA révélait que la moitié des échantillons des aliments contenait des résidus de pesticides. Ce sont très souvent des mélanges de substances : « 27% des

échantillons en contiennent au moins deux, 9% plus de quatre. Les effets synergiques entre les principes actifs ont été suspectés depuis longtemps, mais il n’y avait pas eu jusqu’à présent de preuves expérimentales chez l’Homme. Des recherches conduites dans l’unité ToxAlim de

l’Inra de Toulouse ont mis au point un test de génotoxicité qui permet de prouver les effets génotoxiques de certaines combinaisons de pesticides (combinaisons couramment rencontrées) (Graillot, Takakura, Le Hegarat, Fessard, Audebert, et Cravedi, 2012). Des fruits, des légumes et dans une moindre mesure des céréales, issus de formes d’agriculture utilisant des pesticides de synthèse contiennent des résidus de pesticides à des seuils détectables et allant jusqu’à rendre ces denrées non conformes avec la réglementation (DGCCRF, 2012).

2 Nicole Bonnefoy (2012). RAPPORT D´INFORMATION fait au nom de la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement , 348 p.

Nombre de pesticides en plus de leur toxicité intrinsèque se révèlent être aussi des perturbateurs endocriniens. Pour certaines substances pesticides, des liens sont avérés entre l’exposition et la survenue de pathologie : effets cancérogènes, mutagènes et/ou reprotoxiques (CMR) des pesticides organochlorés (DDT et chlordécone (affaire aux Antilles), lindane), les dérivés d’arsénite et pathologies hépatiques et hématologiques sévères. Certains effets délétères sont avérés par des preuves scientifiques chez les professionnels de l’agriculture et leur famille. S’agirait-il d’un problème émergeant de santé publique comme le souligne la mission commune « d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé »3. Le 23 octobre 2012, dans le cadre des travaux du Sénat, cette mission a remis ses conclusions (Bonnefoy, 2012). Les auteurs insistent sur le fait que « les dangers et les risques des

pesticides pour la santé sont sous-évalués » (ibid., p.11). Toujours selon le rapport, « le suivi de ces produits après leur mise sur le marché n’apparaît qu'imparfaitement assuré au regard de leurs impacts sanitaires réels » (p. 12) et regrettent « l’absence de protection contre les

pesticides à la hauteur des dangers, au stade de la conception, de la fabrication, de la commercialisation ou de l’utilisation de ces pesticides » (p. 286). Plus grave, certains pesticides sont reconnus perturbateurs endocriniens4. Les spécificités de ces substances remettent en cause le paradigme sur lequel se fonde la toxicologie classique « la dose fait le

poison ». Or c’est sur celui-ci que se reposent les tests officiels pour l’homologation des

pesticides avec en particulier la définition d’une dose journalière d’exposition, la DJA5. Même les faibles doses sont responsables d’effets délétères et les tests actuels ne permettent pas de rendre compte de leurs effets hormonaux (Kortenkamp et al., 20116).

L’expertise scientifique conduite par l’Inserm (Inserm, 2013) conclut à la nécessité d’accroître et d’approfondir les travaux sur les pesticides employés aujourd’hui. Les présomptions sont fortes et nombreuses sur l’implication des pesticides dans un certain nombre de pathologies lourdes comme les maladies neuro-dégénératives, cancers (dont celui de la prostate), lymphomes non Hogdkiniens, myélome multiple (Inserm, 2013) et les troubles de la reproduction suite à des expositions professionnelles. Le lien entre exposition professionnelle aux pesticides et certaines formes de maladie dont des cancers spécifiques est même avéré : lien entre arsénite de sodium et cancer, entre la maladie de Parkinson et exposition aux pesticides, lien entre composés organochlorés [DDT], composés organo-phosphorés ou atrazine et lymphomes, présomption entre exposition au DDT et le risque d’Alzheimer (INSERM, 2013). La MSA a entrepris une étude épidémiologique à partir de recensements volontaires afin de caractériser les effets de l’exposition avérée aux pesticides sur la santé : le réseau « Phyt attitude » est en place depuis 1991 et des bilans réguliers sur la base de « Signalez-nous vos symptômes » sont édités. Les experts du réseau estiment qu’il y a encore une très large sous-estimation des déclarations tant les expositions répétées aux produits sont devenues ordinaires dans leurs pratiques quotidiennes (CCMSA, 2010). A cela deux raisons sont évoquées : (i) « la santé a rarement été une priorité pour l’agriculteur, et ça

3 Le rapport est disponible et téléchargeable à l’adresse :

http://www.senat.fr/commission/missions/pesticides/index.html

4 Des exemples de molécules pesticides dans cette catégorie : DDT et chlrodécone (insecticide), linuron

(herbicide).

5

DJA : Dose Journalière Admissible. Nous revenons en détail sur ce point dans le chapitre 1.

6 Kortenkamp, A., Martin, O., Faust, M., Evans, R., McKinlay, R., Orton, F. et Rosivatz, E. (2012). State of the Art Assessment of Endocrine Disrupters. Final Report. Consultable en ligne

http://ec.europa.eu/environment/endocrine/documents/4_SOTA%20EDC%20Final%20Report%20V3%206%20 Feb%2012.pdf consulté en juillet 2014. Les auteurs sont critiqués par Lorenz R. Rhomberg, Julie E. Goodman, Warren G. Foster, Christopher J. Borgert et Glen Van Der Kraak (2012) dans « State of the Art Assessment of Endocrine Disrupters, Critical Reviews » in Toxicology, 42:6, pp. 465-473 Consultable en ligne

ne l’est toujours pas7 » (ibid., p. 17) et (ii) « (…) pour l’instant ce n’est pas un problème de santé publique »8 (ibid., p. 23). La MSA ne reconnait aujourd’hui qu’une forme de cancer liée à l’usage de l’arsénite de sodium. Les agriculteurs rencontrent de réelles difficultés à faire reconnaitre comme maladies professionnelles, une pathologie lourde en lien avec les pesticides, «conduisant bien souvent le malade à un véritable parcours du combattant » (Bonnefoy, 2012, p. 93). Des experts soulignent « la persistance d’un tabou relatif aux

dangers des pesticides » (Bonnefoy, 2012, p. 104), comme une sorte d’omerta9 auprès de la majorité des professionnels. Une avancée est à signaler avec le décret n° 2015-636 du 5 juin 2015 révisant et complétant les tableaux des maladies professionnelles annexés au livre VII du code rural et de la pêche maritime. Le texte de loi dresse une liste (tableau n° 59) des maladies professionnelles relatives aux hémopathies malignes provoquées par les pesticides, permettant la prise en charge du lymphome malin non hodgkinien au titre des maladies professionnelles. Il indique explicitement des produits10 fortement impliqués dans la survenue de ces lymphomes (composés organochlorés, composés organo-phosphorés ou atrazine). Le secteur de la viticulture est particulièrement touché. Des viticulteurs utilisateurs de pesticides présentent des atteintes graves et, plus inquiétant, des effets imputables aux pesticides chez leurs enfants fortement exposés dans leur milieu de vie ont été montrés (Sultan, 2002 ; Kalfa

et al., 201511) : un enfant d’agriculteur a 4 fois plus de risque d’avoir une malformation génitale.

Mais de plus en plus d’affaires sont médiatisées, confrontant les agriculteurs à leurs riverains et des victimes professionnelles agricoles ou leur famille intentent des procès à des firmes ou portent plainte. Les exemples médiatisés sont de plus en plus nombreux. Dans la Manche en 2011 un arboriculteur est condamné à verser une amende à un apiculteur qui a porté plainte. Cette affaire fait l’effet d’un électrochoc. Les faits reconnus sont retenus : c’est l’épandage d’un insecticide qui a causé la mort des abeilles (les faits remontent à 2007) 12. En 2010 dans le Limousin, un collectif de riverains soutenu par une association écologiste de protection de l’environnement porte plainte contre des arboriculteurs accusés ne pas respecter les conditions d’utilisations des produits de traitements : les épandages des produits ont été réalisés avec des forces de vent de 33 à 36 km/h13 alors que les préconisations précisent de ne pas employer ces produits à partir de 19 km/h. Les plaignants affirment ne pas se mobiliser «contre des

personnes mais contre des pratiques14». Le représentant du ministère public a « demandé « une condamnation qui (ait) du sens » pour « se prémunir pour l'avenir »15 ». Les

7

Christelle Halipré, chimiste de formation et conseillère en prévention à la MSA

8

François Dedieu, sociologue de l’INRA

9 Un agriculteur français, victime d’intoxications suite à des inhalations d’un herbicide du maïs, a gagné le procès intenté à la firme Monsanto en 2015 : la firme internationale a été reconnue responsable de son intoxication. Les effets du pesticide incrimé sur sa santé ont été officiellement reconnus.

10 En plus des substances indiquées, la liste comprend également le carbaryl et le toxaphène.

11 Kalfa, N., Paris, F., Philibert, P., Orsini, M., Broussous, S., Fauconnet-Servant, N., Audran, F., Gaspari, L., Lehors, H., Haddad, M., Guys, J-M., Reynaud, R., Alessandrini, P., Merrot, T., Wagner, K., Kurzenne, J-Y., Bastiani, F., Bréaud, J., Valla, J-S., Morisson Lacombe, G., Dobremez, E., Zahhaf, A., DauresJ-P.et Charles Sultan, C. (2015). Is Hypospadias associated with prenatal exposure to endocrine disruptors? A french collaborative controlled study of a cohort of 300 consecutive children Without Genetic Defect. European

Urology sous presse http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0302283815004091

12

Pour en savoir plus http://www.lafranceagricole.fr/actualite-agricole/phytos-un-arboriculteur-condamne-pour-mauvaise-utilisation-d-un-insecticide-50859.html

13 La mesure repose sur la base de relevés de la station météorologique la plus proche. Les plaignants avancent quant-eux 75km/h. En savoir plus sur http://www.lafranceagricole.fr/actualite-agricole/phytos-epandage-par-vent-trop-fort-amendes-requises-contre-des-arboriculteurs-37332.html

14 Pour en savoir plus sur http://www.20minutes.fr/planete/651090-20110111-planete-un-proces-electrochoc-contre-pesticides

15 Pour en savoir plus sur http://www.lafranceagricole.fr/actualite-agricole/phytos-epandage-par-vent-trop-fort-amendes-requises-contre-des-arboriculteurs-37332.html#tgdjCoB5C7K7Rbrk.99

agriculteurs ont été condamnés à verser une amende en 2011. Dans le département de la Côte d’Or en 2013, un viticulteur en agriculture biologique refuse de traiter son vignoble avec un insecticide de synthèse16 pour se prémunir des attaques de la cicadelle de la flavescence dorée17. Assigné en justice en 2013, il est condamné18. Avec le soutien de nombreux anonymes, il fait appel et obtient la relaxe sur la base de preuves fondées sur l’absence de risques sur son exploitation19. En 2015, la famille d’un vigneron bordelais décédé en 2012 d’une maladie professionnelle imputable à l’emploi répété d’arsénite de sodium porte plainte « contre X pour homicide involontaire (…), devant le Pôle de santé publique au TGI de

Paris20 ». Des agriculteurs se mobilisent soutenus par des associations écologistes de protection de l’environnement. En 2011, un collectif de « Phyto victimes » s’est même organisé afin de dénoncer les effets des pesticides sur la santé (Salaris, 2014). L’argument santé des utilisateurs pourrait être un facteur décisif chez les agriculteurs les conduisant à renoncer aux recours des pesticides de synthèse pour protéger leurs cultures.

La formation en termes d’éducation à la santé et d’éducation aux risques a un rôle à jouer dans la dynamique de changement à enclencher. Cet aspect nous amène à poser une première hypothèse (hypothèse 1) : selon nous, l’argument santé humaine pourrait être un facteur décisif dans l’engagement à renoncer à l’usage systématique des pesticides en particulier chez les futurs agriculteurs en formation. Cependant, selon la MSA (2010), « la formation agricole

n’insiste pas assez sur la prévention, l’éducation à l’hygiène en général est insuffisante, et le risque de façon générale n’est pas intégré dans l’apprentissage » (CCMSA21, 2010, p. 9). Une contamination généralisée des différents compartiments du milieu et des denrées alimentaires par les pesticides agricoles est observée. Les effets cumulés des pesticides et leur évolution à long terme sont difficiles à évaluer (Aubertot et al., 2005a). Les controverses sont nombreuses et divisent les scientifiques, les professionnels et les citoyens.

L’agriculture est donc perçue à l’aube d’une transition

Le maintien d’un bon niveau de production agricole est un objectif récurrent des différentes politiques agricoles françaises qui se sont succédées, garantissant un rôle stratégique dans les négociations internationales pour les organisations de marchés : la France est le premier producteur agricole européen (Ministère de l’Agriculture, 2012). Les politiques agricoles ont fait la promotion d’une agriculture intensive, dont la modernisation a reposé sur l’usage des pesticides : en 20 ans les rendements ont été multipliés en France par 3 depuis la fin des années 40 et une part de l’accroissement est imputable à l’usage des pesticides pour protéger les cultures (Aubertot et al., 2005a ; Bairoch, 1989). Aujourd’hui, la force de l’agriculture française ne réside pas qu’à l’international et son dynamisme se mesure et est exigé également

16

L’emploi de pesticides de synthèse est interdit par le cahier des charges de l’agriculture biologique.

17 La cicadelle de la flavescence dorée est un insecte piqueur volant. L’insecte est l’hôte et le vecteur d’une maladie de la vigne contagieuse (la flavescence dorée) contre laquelle il n’y a pas de remède une fois la maladie installée. Il faut alors détruire le vignoble et brûler les ceps. Cette pathologie fait l’objet d’une surveillance obligatoire et des arrêtés préfectoraux imposent les mesures de traitements préventifs selon les risques.

18 En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/12/04/le-viticulteur-bio-qui-ne-voulait-pas-traiter-ses-vignes-rejuge-en-appel_4533735_3244.html

19 Ces preuves reposent sur des relevés de recensement des foyers conduits par la DRAAF (Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt).

20 TGI : Tribunal de Grande Instance. Le produit incriminé est reconnu dangereux depuis 1955 et il a pourtant continué à être commercialisé. En savoir plus sur http://www.sudouest.fr/2015/04/23/pesticides-la-famille-murat-porte-plainte-contre-x-pour-homicide-involontaire-1901602-2966.php et

http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/07/07/pesticides-le-parquet-ouvre-une-enquete-preliminaire-pour-homicide-involontaire_4674358_3244.html

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en termes de performances sur les plans environnementaux, agronomiques et socio économiques.

L’agriculture des sociétés occidentales est aujourd’hui perçue comme à l’aube d’une transition qui rassemble sur un point au moins les différentes parties prenantes des mondes professionnels, de la société civile et des mondes scientifiques : il est nécessaire de repenser la contribution de l’agriculture au développement durable22 et d’en redessiner concrètement les formes et les modalités. Il y a urgence. Aujourd’hui, la satisfaction des besoins alimentaires est devenue une préoccupation des français reléguée au second plan. Les citoyens interrogent davantage des répercussions des usages des pesticides de synthèse dans l’agriculture. Les publics réclament des pratiques agricoles plus douces, ne détériorant pas la qualité des