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les systèmes de production grandes cultures»

1. Concilier la réduction de 50% des usages des pesticides imposée par le plan Ecophyto et la protection des cultures : changement de paradigme ?

1.2. La traduction des niveaux de rupture en termes de pratiques pour protéger les cultures

1.2.3. Le niveau d’utilisation des pesticides N2a Contours Contours

Le niveau N2a correspond au « niveau 1 + mise en œuvre de méthodes prophylactiques et alternatives à l’échelle de l’itinéraire technique d’une culture de la rotation » : c’est un premier palier dans la remise en cause de l’usage des pesticides qui vise la mise en œuvre d’un itinéraire technique intégré.

Grands traits de la stratégie pour gérer la protection des cultures

Le raisonnement visant la réduction de l’usage des pesticides n’est développé que sur une culture de la rotation. La mise œuvre de mesures agronomiques interviennent en tant que mesures prophylactiques associées à des choix d’opérations culturales favorables au cours de l’itinéraire technique pour éviter un ou des traitements phytosanitaires. La stratégie de protection repose donc sur une combinaison de méthodes agronomiques et en ne s’autorisant la lutte chimique qu’en dernier recours : il s’agit d’une stratégie « protection intégrée ». Nous verrons dans le paragraphe 3. des principes et différents moyens mobilisables dans ce cadre. La dépendance aux pesticides est remise en cause dans un itinéraire technique et pour une culture. Ce n’est pas suffisant car toutes les cultures d’un système de culture ne sont pas impactées par les choix de réduction des emplois. Les stratégies correspondent au niveau S du cadre de Hill et MacRae (1995).

Résultats attendus pour les grandes cultures

Les projections de ce scénario dans l’étude Ecophyto R&D envisagent une diminution de 41% en moyenne des IFT par rapport à l’intensif (la fourchette est de 22 à 53% selon les zones et les cultures de la succession), une petite amélioration de la marge brute (+3.5%) comme pour le niveau N1. Cependant par rapport au niveau actuel la baisse de l’IFT n’est que de 17%. Il est aussi intéressant de noter que le temps de travail se trouve réduit de 5% en moyenne.

253 Dans la suite, nous discutons la notion de seuils en mettant en évidence les biais qu’ils recouvrent. La notion est polysémique. Défini dans un contexte, un seuil n’a pas vocation de généricité. Trop complexes et coûteux à déterminer pour une palette diversifiée de situations, des seuils sans ajustements ont été appliqués dans des contextes parcellaires très différents entrainant parfois des interventions qui ne se justifiaient pas.

Les concepts de lutte intégrée et de protection intégrée

Dans le chapitre qui aborde la situation-problème construite pour le recueil de nos données, nous présentons en détail des principes de lutte intégrée et/ou de la protection intégrée. Dans ce paragraphe, nous nous limitons à des définitions à partir desquelles nous extrayons des points saillants afin que le lecteur se saisisse des lignes directrices retenues pour envisager la protection des cultures.

La lutte intégrée et variations définitoires

La définition fondatrice de la lutte intégrée a été proposée par la FAO en 1967, la définissant comme « un système de gestion des populations d'organismes nuisibles, en fonction de

critères économiques, par l'intégration et non la juxtaposition de toutes les techniques connues aux facteurs naturels de régulation » ( FAO, 1968). Milaire (1995) cité par Ferron

(1999) définit la lutte intégrée comme un «système de gestion des populations de ravageurs

qui, dans le contexte de l'environnement associé et des dynamiques des populations des espèces nuisibles, met en œuvre toutes les techniques appropriées, d'une manière aussi compatible que possible, pour les maintenir à des niveaux inférieurs à ceux causant des dommages d'importance économique254». En 1973 OILB/SROP propose la définition suivante : « toutes les techniques susceptibles d'être appliquées dans un même

agro-écosystème, en respectant les critères économiques, écologiques et toxicologiques spécifiques ». La protection intégrée est souvent assimilée à l’Integrated pest Managment

anglo-saxonne (IPM). La directive n° 2009/128/CE traitant de la gestion durable des pesticides cerne les contours de la lutte intégrée dans son article n°3 : « La lutte intégrée est la

prise en considération attentive de toutes les méthodes de protection des plantes disponibles et, par conséquent, l’intégration des mesures appropriées qui découragent le développement des populations d’organismes nuisibles et maintiennent le recours aux produits phytopharmaceutiques et à d’autres types d’interventions à des niveaux justifiés des points de vue économique et environnemental, et réduisent ou limitent au maximum les risques pour la santé humaine et l’environnement. La lutte intégrée contre les ennemis des cultures privilégie la croissance de cultures saines en veillant à perturber le moins possible les agro-écosystèmes et encourage les mécanismes naturels de lutte contre les ennemis des cultures ».

La protection intégrée

Progressivement au fil des usages, le concept de protection intégrée a été proposé par l’OILB/SROP255 en Europe de l’Ouest dans une communauté intéressée par la mise en œuvre de la lutte intégrée en arboriculture et en viticulture256. Le projet européen ENDURE257 définit

254 Cette définition a été élargie aux autres bioagresseurs.

255

OILB : Organisation Internationale de Lutte Biologique et intégrée contre les animaux et les plantes nuisibles ; SROP : Section Régionale Ouest Paléarctique.

256Dans ces systèmes de culture, la simplification du milieu cultivé (un cultivar et une organisation très simplifié de l’espace avec des rangées d’arbres ou des rangs de ceps) ont favorisé l’émergence de bioagresseurs, rendant les systèmes très sensibles (source). Des exigences de standards de la filière horticole (fruits « zéro défaut ») et la prégnance d’une « norme professionnelle » ne tolérant pas la « vigne malade » ont poussé les horticulteurs et les viticulteurs à adopter et par la suite à réclamer des programmes de protection phytosanitaires couvrant au maximum les risques sanitaires. Ces programmes de traitements étaient caractérisés par de nombreux traitements systématiques plutôt préventifs, on peut encore compter aujourd’hui jusqu’à 30 traitements pour protéger les pommes (source).

257 ENDURE est un projet de recherche pluridisciplinaire qui a rassemblé un réseau de chercheurs européens, d’instituts de l’enseignement et du développement agricole de 2007 à 2010 pour aider les agriculteurs à opérationnaliser le cadre de la directive européenne n° qui exigeait la généralisation des principes de la

la protection intégrée des cultures comme « (…) une approche durable de gestion des

ravageurs, en combinant des outils biologiques, culturaux et chimiques d'une manière qui minimise les risques économiques, environnementaux et de santé » (Endure, 2010, p. 5). Les

membres de ce projet ont également proposé une vision de la protection intégrée « comme un

processus dans lequel l'amélioration continue des solutions innovantes est intégrée et adaptée localement dès leur mise en application et contribuent à réduire la dépendance aux pesticides dans les systèmes agricoles258 ».

Lutte versus gestion

Nous constatons de grandes similarités dans les approches entre les définitions de la lutte intégrée et de la protection intégrée et la distinction dans les définitions entre lutte et gestion intégrée n’est pas évidente (Lucas, 2007). Les termes de lutte et gestion sont souvent confondus pour désigner aujourd’hui le même concept. Toutefois, pour Baggiolini (1998) et Lucas (2007), le terme de gestion s’avère plus adapté pour ne pas se cantonner au sens premier de la notion de lutte pour laquelle il est question de « résoudre » les problèmes posés par les symptômes des effets des bioagresseurs : il n’est pas envisagé de se pencher sur les effets de mesures mises en oeuvre sur le fonctionnement du système. Au contraire, le concept de gestion sous tend la nécessité de considérer les effets des mesures mobilisées au-delà de la résolution du problème posé par les bioagresseurs ciblés : quels sont les effets sur des bioagresseurs non ciblés et sur les autres êtres vivants (i.e. les auxiliaire) ? Ainsi, le concept de gestion intégrée propose davantage une vision écologique du fonctionnement de l’agrosystème visant une « une gestion écologique de la santé des plantes»( Ricci et al., 2011, p. 24).

En synthèse, les définitions retenues soulignent l’enjeu de considérer la gestion des populations et non le principe d’éradication : aucune une méthode ne permet de réguler toutes les populations de bioagresseurs de manière simultanée. Il est nécessaire de compter sur le fonctionnement de l’environnement/écosystème au sein duquel les dynamiques des interactions entre les êtres vivants vont être influencées par les actions anthropiques et en vice versa :

- les bioagresseurs doivent être contenus et maintenus en dessous d’un seuil de « nuisibilité économique » par des méthodes de gestion adaptées, parmi lesquelles des techniques de culture ;

- les actions dirigées contre les biogresseurs doivent préserver et/ou en favoriser les mécanismes biologiques de régulation de l’environnement considéré ;

- les définitions insistent sur l’importance de mettre en place de mesures préventives pour préserver la santé des cultures en amont, de combiner de manière adéquate et pertinente toutes les méthodes de gestion qu’elles soient préventives ou curatives sans en exclure, pesticides compris, en s’appuyant sur des outils d’aide à la décision et des données en temps réel issues de réseaux d’épidémiosurveillance. Le substantif intégré sous-tend que ce principe de protection des cultures vise l’intégration de toutes les solutions que l’on aura choisies : chaque moyen est retenu pour sa pertinence mais son utilisation suppose qu’il soit mis en cohérence avec tous les autres moyens retenus. Discuter des solutions sur le plan agronomique en se fondant sur les résultats attendus des combinaisons permet d’évaluer en partie la cohérence et la pertinence. Mais, les solutions mobilisées doivent aussi s’inscrire dans une perspective de durabilité en conciliant des critères économiques (les résultats des mesures garantissent une efficacité économique), environnementaux (les solutions doivent limiter les effets négatifs

protection intégrée (PIC). Aujourd’hui, le réseau s’autofinance et poursuit les recherches et les actions dans la continuité du projet initial.

258

sur l’environnement et préservent la biodiversité pour s’appuyer sur les services des écosystèmes) et sociaux (protection de la santé des utilisateurs entre autre).

1.2.4. Le niveau d’utilisation des pesticides N2c