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les systèmes de production grandes cultures»

1. Concilier la réduction de 50% des usages des pesticides imposée par le plan Ecophyto et la protection des cultures : changement de paradigme ?

1.1. Les niveaux de rupture proposés par l’étude Ecophyto R&D (2009) pour le plan Ecophyto

1.1.1. Le cadre E.S.R. : un outil conceptuel d’analyse de la dépendance aux pesticides

Le cadre ESR émerge d’une approche critique de la conduite de la protection des cultures sur le continent nord américain au cours de la décennie « 60-70 ». En proposant ce cadre conceptuel, Hill s’interroge sur les façons de faire dans la protection des cultures (Hill, 2005). Il est convaincu que la base conceptuelle de l’approche de la protection des cultures dans l’agriculture conventionnelle est défaillante : l’usage majoritaire des pesticides de synthèse se révèle être une approche « après le fait » ou « de sortie de crise » à la résolution du problème posé. L’emploi des pesticides arriverait à la fin d’une bataille « perdue » dès son commencement. La pullulation de bioagresseurs serait liée à la conception même de l’agrosystème et ce serait le fonctionnement de l’agrosystème qui représenterait la cause du problème : « La manière la plus efficace de résoudre des problèmes était de redéfinir les

systèmes concernés afin qu’ils soient, dans la mesure du possible… à l’épreuve des problèmes. Cette approche de conception/redéfinition relève idéalement davantage de l’action proactive que de la simple réaction aux problèmes et aux crises. (Hill, 2005). De

nombreux auteurs se sont appuyés sur sa publication scientifique de référence « Conceptual frameworks for the transition from conventional to sustainable agriculture » qui présente le cadre conceptuel ESR. Le cadre ESR239 est mobilisé pour sa pertinence à la fois dans l’analyse a posteriori des changements observés au cours du passage des systèmes conventionnels vers l’agriculture durable à l’échelle de l’exploitation agricole (Hill et MacRae, 1995) et pour conduire les réflexions visant une écologisation des pratiques : le cadre E.S.R. permet de décrire les modifications des pratiques et d’analyser la « transition » en identifiant les leviers d’action pour formuler des propositions d’évolution. Le cadre est suffisamment souple et ouvert (Hill, 2005) pour qu’il puisse être mobilisé pour d’autres intrants et dans des champs scientifiques comme l’agronomie, l’économie, la sociologie, entre autres. Nous nous limitons au cas des pesticides. Le tableau n°6 précise les objectifs et les enjeux de la réduction des pesticides pour les niveaux Efficience, Substitution, Reconception : des exemples de solutions concrètes qui peuvent être mises en œuvre dans les différents niveaux sont présentées. A partir de cette grille d’analyse ESR, il est possible de discuter les approches de conception des systèmes agricoles retenus : s’agit-il de « perfectionner les

systèmes de culture actuels ou de « cultiver autrement » ? (Ricci, 2010, p. 9). On note un

glissement sémantique : la publication de référence fait bien mention de « sustanaible

agriculture » mais aujourd’hui, c’est aussi l’agriculture écologique qui est citée, soulignant

l’importance de considérer les processus écologiques dans les processus de productions agricoles pour construire la durabilité (Hill, 2005 ; Le Pichon, Romet et Lambion, 2008 ; Lamine et Bellon, 2009 ; Ricci, 2010). A ce titre Hill (2005) précise que l’avenir sera écologique ou ne sera pas.

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Le cadre ESR est aussi appelé cadre des 3 R avec Réduction, Remplacement, Reconception (Le Pichon et

Tableau n°6 : Modèles ESR d’après Hill et MacRae (1995) et Bellon et al. (2007)

Le niveau E « Efficience » : améliorer la mise en œuvre d’une technique

L’efficience (niveau E) vise l’amélioration de l’utilisation des pesticides et la limitation de leurs impacts négatifs sur l’environnement :

- en réduisant les emplois (traiter seulement si le risque épidémique avéré est assorti de risque de pertes de récolte en tenant compte des informations du réseau d’épidémiosurveillance, utiliser des techniques de précision de l’épandage des pesticides comme les bas volumes les agroéquipements pour les applications localisées, et des équipements spéciaux anti-dérive de la pulvérisation) ;

- et dans le même temps en assurant des conditions optimales d’efficacité si le traitement n’est pas écarté (la bonne technique, la juste dose, le bon moment, avec des produits choisis selon la situation réelle ayant des impacts sur la santé et l’environnement plus acceptables).

De nombreux outils240 sont disponibles pour optimiser les usages de pesticides et en améliorer l’efficacité, néanmoins, la dépendance aux pesticides n’est pas remise en cause. La réduction de l’emploi des herbicides est beaucoup moins outillée et plus complexe241 (Henry, Toupet, Deytieux et Reau, 2012). Les exemples montrent que le niveau E s’appuie sur des technologies existantes et des pratiques connues. Il s’agit de faire autrement avec ce que l’on a et on connait déjà.

240 Il existe des modèles de prévision des épidémies, des outils d’aide à la décision et des outils de diagnostics pour les ravageurs et les maladies qui sécurisent le positionnement des traitements phytosanitaires. En effet, des règles de décision ont été définies.

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Pour les adventices, le sujet est beaucoup plus complexe et l’outillage méthodologique est très restreint : « les

Règles de décision d’opportunité des interventions herbicides sont peu nombreuses, et incomplètes. Or les enjeux de la réduction d’usage des herbicides sont importants : les herbicides sont en effet la première source de pollution des eaux par les pesticides. Plusieurs hypothèses sont évoquées pour justifier cette faible disponibilité (…) » (Henry et al., 2012, p. 179).

Le niveau S « Substitution » : améliorer en remplaçant une technique par une alternative

La substitution (niveau S) caractérise la substitution d’un traitement phytosanitaire par une technique alternative aux pesticides. Le niveau substitution s’appuie sur des raisonnements conduits traitement par traitement pour une culture et uniquement au cours d’une campagne de culture : l’ensemble des cultures n’est pas considéré. Par exemple un traitement herbicide peut être remplacé par un désherbage mécanique. La substitution vise l’optimisation des traitements phytosanitaires. Les techniques dites alternatives désignent un ensemble de techniques variées que nous présenterons plus loin autre que l’emploi des pesticides de synthèse. Ces techniques ont une caractéristique commune : elles sont dites à effet partiel car comparées à la lutte chimique, employées seules, elles ont une moins bonne efficacité sur la cible considérée. Il est donc nécessaire de les combiner entre elles et avec éventuellement la lutte chimique pour obtenir une efficacité satisfaisante (Munier-Jolain et al242., 2008). Même si pour le niveau S, le raisonnement ne s’applique qu’à l’échelle de l’itinéraire technique d’une culture, il recouvre déjà une certaine difficulté : combiner les solutions alternatives est complexe car il faut prévoir les effets additifs, les synergies et les antagonismes (Ricci, 2010).

In fine, les solutions de substitution conduisent à une réduction de l’usage des produits

phytosanitaires sans toutefois remettre en cause les fondements de la conception des systèmes : les systèmes demeurent dépendants des pesticides. De plus, même si l’alternative aux pesticides existe et si elle est employée, ce n’est pas pour autant une garantie pour la durabilité. Le cas de la gestion des adventices permet de l’illustrer : si l’efficacité de la technique de substitution est insuffisante, le niveau d’infestations peut devenir de plus en plus important au fil des campagnes de culture rendant inefficaces les solutions alternatives (Munier-Jolain et al., ibid., 2008).

Les niveaux E et S sont liés à la notion de lutte contre les bioagresseurs qui est la clé de voute des raisonnements. La santé des plantes n’est envisagée qu’a posteriori, une fois les dysfonctionnements avérés. Les stratégies d’efficacité et de substitution peuvent réduire la dépendance aux pesticides et limiter les impacts négatifs sur l’environnement sans remettre en cause les fondements des systèmes dont elles tentent de corriger les travers. Elles peuvent même contribuer à maintenir les systèmes à l’origine des problèmes observés (Hill, 2005). Ainsi, les initiatives visant l’efficacité et la substitution ne devraient être que temporaires, le temps de revoir globalement le système ou comme stratégie de dépannage (Hill, 2005).

Le niveau R « Reconception » : biodiversité fonctionnelle et résilience pour remettre en cause la dépendance aux pesticides

Pour la reconception (niveau R), une double rupture s’opère dans les façons de raisonner la protection des cultures. (i)Il ne s’agit pas de raisonner les moyens de lutte une fois le problème observé (épidémies de bioagresseurs). Au contraire, le niveau R suppose une démarche proactive qui amène à la conception des systèmes qui portent en eux les moyens pour affronter des problèmes et les dépasser. (ii)Un autre rapport à la santé des plantes et aux moyens à mobiliser pour parvenir à la préserver bousculent les conceptions du milieu biophysique chez les agriculteurs. La conception façonnée durant la phase d’intensification des systèmes de production héritée de la modernisation agricole est résumée en ces termes par Lamine (2011) : « produire plus en maîtrisant toujours plus les processus naturels » (p. 81). Pour le niveau reconception, il s’agit d’« une reconstruction du rapport de l’agriculteur

aux problèmes de santé des plantes (…) dans une approche écologique, visant à recomposer l’environnement global des cultures (Meynard et Girardin, 1991 ; Altieri et Rosset, 1996 ; Baudry et Jouin, 2003) » (Lamine et al., 2009, p. 487). Les fondements de la conception de

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systèmes agricoles dépendants des pesticides reposant de manière quasi exclusive sur des mécanismes très artificiels de régulation externes sont revus : la prise en compte de la biodiversité est essentielle dans cette nouvelle perspective fondée sur une approche écologique des espaces cultivés. Les processus écologiques liés au fonctionnement des écosystèmes et en particulier le fonctionnement des agroécosystèmes243 deviennent des moyens de gestion et de régulation.

Le projet européen BIODEPHT (1996-1999) a révélé les intérêts de la biodiversité et des effets de sa diminution dans des écosystèmes prairiaux sous différents climats, sols et latitudes : « (….) les atouts de la biodiversité vont bien au-delà du quantitatif. Lorsque

celle-ci s'étiole ou s'effondre, c'est l'ensemble de l'écosystème qui est mis à mal. La résistance et la santé des plantes régressent (…) »244). D’autres études in situ rejoignent la théorie mathématique, la diminution de la diversité végétale « provoque une diminution de la

productivité, de l’absorption et de la fixation du dioxyde de carbone et une augmentation des pertes de nutriments par lixiviation, de la fréquence des maladies et de la sensibilité à l’invasion de nouvelles espèces » (Tilman, 2005, p.109). Dans un agroécosystème, la santé

des plantes peut être assurée par le fonctionnement même du système à condition de réinjecter de la diversité biologique. La biodiversité peut être caractérisée par :

- la richesse spécifique qui représente le nombre d’espèces présentes,

- l’abondance spécifique qui rend compte du nombre des effectifs dans chacune des espèces considérées,

- la diversité fonctionnelle qui rend compte des fonctions assurées par les êtres vivants pour que l’écosystème naturel ou géré s’auto entretienne. La notion de diversité fonctionnelle est capitale. Les écosystèmes présentant une grande diversité fonctionnelle supportent mieux les perturbations tout en produisant de manière plus stable que ceux caractérisés par une plus faible diversité fonctionnelle (Tilman et Downing, 1996). Le fonctionnement des écosystèmes génère des services dits écologiques ou écosystémiques (MEA, 2005 ; Le Roux et al245., 2008). Loreau et al. (2002) insistent sur la notion d’espèces-clés, indispensables au fonctionnement de l’écosystème, et sur la notion de groupes fonctionnels (Gitay et Noble, 1997). Contrairement aux espèces-clés, d’autres espèces peuvent être interchangeables car elles assurent la même fonction (espèces redondantes). A partir de ces considérations et en intégrant le fait que la quantité de ressources disponibles à partager de chaque milieu est limitée, c’est en termes d’assemblage d’espèces dans des communautés que le fonctionnement d’un écosystème géré doit être envisagé : il sera possible de compter sur des services rendus par le fonctionnement du système. L’agriculture est responsable d’une érosion de la biodiversité. Les pratiques agricoles agressives comme la lutte chimique, mais aussi la destruction et la fragmentation des milieux de vie des espèces non cultivées et/ou sauvages sont les causes du déclin de la biodiversité, voire de l’extinction des espèces terrestres (Barnéoud, 2013). Dans un système cultivé intensif dit conventionnel, l’organisation de l’espace est simplifiée pour favoriser l’expression de la fonction de production évaluée seulement en termes de rendement par unité de surface. Cette simplification se caractérise par

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Un agroécosystème est un écosystème géré dans le but de produire, de distribuer et de consommer de la nourriture, des carburants et des fibres. L’Unesco en 2009 en donne la définition suivante : « l'agro-écosystème est un produit de la modification de l’écosystème par l’homme et constitue un espace d’interaction entre l’homme, ses savoirs et ses pratiques et la diversité des ressources naturelles. L’agro-écosystème est l’unité de base permettant d’étudier les relations entre une communauté humaine, son environnement et les services que les écosystèmes fournissent pour assurer sa subsistance ». p. 2 extrait de

http://www.unesco.org/mab/doc/icc/2009/f_agroecosystems.pdf consulté le 10 mars 2015

244 Extrait consultable à l’adresse. http://ec.europa.eu/research/success/fr/env/0335f.html consulté le 10 mars 2015.

245 Le Roux, X., Barbault R., Baudry, J., Burel, F., Doussan, I., Garnier, E., Herzog, F., Lavorel, S., Lifran, R. Roger-Estrade, J., Sarthou, J.P., et Trommette, M. (eds), 2008)

un nombre restreint d’espèces dans les zones cultivées (espèces cultivées et autres espèces) et une proportion très réduite d’espaces dits non productifs qui ont été cantonnés au fil du temps aux limites des espaces considérés comme productifs.

Pour bénéficier des services rendus par le fonctionnement de l’agroécosystème, lors de la conception de systèmes cultivés, les agencements d’espèces cultivées doivent être raisonnés en termes de fonctions assurées sans se restreindre à la fonction de production mais sans la reléguer évidemment au second plan. Il convient également de considérer le fonctionnement du système au-delà de la campagne de culture et les conséquences de ce fonctionnement en raisonnant le choix des cultures qui se succèdent sur une même parcelle (les effet suivants et les effets précédents). Le raisonnement doit aussi permettre de définir la conduite de chacune des cultures pour favoriser l’expression des services écosystémiques (en particulier les mécanismes de régulation naturelle). Enfin, l’aménagement du milieu (milieu cultivé et milieu non cultivé) doit également être réfléchi pour assurer des agencements judicieux de communautés fonctionnelles. Le niveau reconception réinjecte de la complexité intra et inter parcellaire que les systèmes conventionnels ont cherché à réduire par divers moyens. Le milieu devient dès la conception favorable à la santé des plantes et défavorable à l’émergence des épidémies : la régulation des biogressseurs repose d’abord sur des mécanismes de régulation liés au fonctionnement même du système et sur des aménagements du milieu. C’est une rupture dans les façons d’appréhender la diversité biologique dans les systèmes les plus représentés sur le territoire national. Le raisonnement sous-tendu est complexe car il est nécessaire de réfléchir les solutions à des échelles spatiales et temporelles pertinentes qui ne se limitent pas à la parcelle et à la campagne culturale. Le niveau R sous-entend dans le même temps de dépasser la parcelle et la saison de culture pour prendre en compte des échelles spatiales et temporelles qui sont celles des processus écologiques sur lesquels on cherche à s’appuyer. Au niveau reconception, le système est capable d’absorber les perturbations générées par les bioagresseurs, tout en maintenant le cap des objectifs visés. Le système cultivé doit être au moins redéfini à l’échelle du système de culture en grandes cultures car il est possible d’intégrer le temps long avec le choix des successions de cultures. Dans cette perspective, il est donc question de concevoir des systèmes de cultures résilients.

A l’origine, le concept de résilience a été introduit en écologie (Holling, 1973). Plusieurs acceptions du concept de résilience 246 ont été développées (Pimm, 1984, Gunderson & Hollling, 2002 ; Carpenter, Walker, Anderies et Abel, 2001 ; Cabell et Oelofse, 2012). Nous retenons le paradigme de la résilience qui s’intéresse aux effets des perturbations sur la dynamique des systèmes complexes éloignés de l’équilibre. Pour caractériser la résilience

246 La résilience est un terme employé dans le domaine industriel (physique des matériaux), de la psychologie et de l’écologie et il fait l’objet de nombreuses définitions. Nous nous limitons aux définitions liées au domaine écologique. Deux acceptions différentes éclairent le concept de résilience. Dans l’approche proposée par Pimm (1984), le concept de résilience caractérise le temps mis par un système écarté de l’état d’équilibre sous l’effet d’une perturbation pour revenir à l’équilibre ou dans un état proche. Plus un système sera résilient plus il retrouvera rapidement cet état d’équilibre. Cette approche de la résilience s’appuie sur les notions d’équilibre, de stabilité, des propriétés proches de l’équilibre. Pour Holling (1973), rares sont les systèmes ouverts à l’équilibre. Pour Holling (1973), un système soumis à une perturbation ne reviendrait pas à l’équilibre initial. L’auteur s’intéresse à ce qui se passe dans des conditions éloignées de l’équilibre dans le cas de systèmes complexes caractérisés par des interactions multiples et non linéaires. La résilience représente alors l’amplitude de la perturbation que peut absorber un système dans son fonctionnement tout en maintenant ses fonctions et ses capacités de régulation : les systèmes résilients seront capables d’absorber cette perturbation dans leur fonctionnement et de s’adapter sans s’effondrer. Les notions de réajustements, d’adaptation et de vulnérabilité sont sous-tendues : la possibilité de changement fait partie de la notion de résilience (Gunderson et Holling, 2002) et il s’agit pas de résister, mais de réduire les effets de la perturbation. C’est un autre paradigme qui n’envisage pas la perturbation comme un événement systématiquement néfaste mais comme le point d’inflexion vers une autre situation sans qu’elle soit pour autant chaotique : le système sera résilient si en changeant, il se maintient sous une forme sans s’effondrer.

d’un système, il est nécessaire de définir les frontières du système étudié (Carpenter et al., 2001). Pour notre recherche, comme dans de nombreuses autres études (Cabell et Oelofse, 2012), l’agroécosystème apparait pertinent. Ses frontières englobent l’espace physique dédié à la production, tout comme les ressources mobilisées, les infrastructures supports, les marchés, les institutions et les acteurs impliqués de la fourche à la fourchette. Cette approche présente l’intérêt de considérer l’agroécosystème dans un ensemble complexe de systèmes emboités de l’échelle du champ cultivé à celle du globe au sein desquels il convient de prendre en compte les processus écologiques et les dynamiques socio économiques (Conway, 1987) : cet ensemble d’interactions caractérisent des systèmes socio écologiques (Gunderson et Holling, 2002). Pour Conway (ibid.), la résilience d’un agroécosystème représente sa capacité à maintenir sa productivité lorsqu’il est soumis à des événements perturbateurs majeurs. Une épidémie de bioagresseurs est une illustration triviale de la forme que peut prendre « un événement perturbateur ». Dans un tout autre domaine, une prescription réglementaire ou une forte demande sociétale en faveur d’un changement important de mode de production peuvent également être assimilées à des événements qui vont générer des perturbations majeures dans le fonctionnement des agroécosystèmes : en imposant des changements radicaux, la productivité des systèmes peut être impactée.

La résilience est une propriété émergente des systèmes et dépendante du contexte : un système considéré résilient aujourd’hui peut ne plus l’être quelques années plus tard. Trois propriétés permettent d’appréhender la résilience d’un système (Carpenter et al., 2001) : (i)sa capacité à absorber une perturbation extérieure tout en maintenant les mêmes mécanismes de régulation, ses fonctions et sa structure («retain the same controls on structure and function » (ibid., p. 766) , (ii) son aptitude à s’auto-organiser en fonction de l’amplitude de la perturbation (« the degree to which the system is capable of self-organization (versus lack of

organization, or organization forced by external factors » (ibid., p. 766 ), (iii)son aptitude à

construire et à accroitre sa capacité à apprendre du changement et à s’adapter dans le changement (« the degree to which the system can build the capacity to learn and adapt. » (ibid., p. 766). Ainsi, un système sera résilient s’il est capable d’absorber une perturbation tout en maintenant ses fonctions courantes, ses mécanismes de contrôle et sa capacité à évoluer pour se « reconstruire » si nécessaire. La notion de capacité d’adaptation est associée au concept de résilience.

En synthèse

Selon Hill (2005), le niveau reconception est atteint quand les causes des problèmes ont été