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La perspective de la suppression des droits de douane applicables aux envois postaux

CHAPITRE II : LA DETTE DOUANIERE ET FISCALE DANS LE CADRE DES ENVOIS POSTAUX EXTRACOMMUNAUTAIRES

§ III : LES FRANCHISES DOUANIERES ET FISCALES APPLICABLES AUX ENVOIS POSTAUX

B- La perspective de la suppression des droits de douane applicables aux envois postaux

819. La suppression des droits de douane dans le cadre du dédouanement postal doit être envi-sagée, au regard de la nature universaliste des envois postaux (1). Cette hypothèse devrait remettre en cause les conditions du bénéfice des franchises applicables aux envois pos-taux(2).

1) Les éléments favorables à la suppression définitive des droits de douanes.

820. L’abaissement des franchises douanières applicables aux EVN est une obligation im-pérative afin de lutter contre la fraude douanière liée au régime douanier et fiscal appli-cable aux envois postaux.

821. On observe un dualisme d’application de régime juridique des envois postaux. En ef-fet, les envois postaux relevant de la mission de SPU ont un dédouanement spécifique car ils sont dédouanés au sein des locaux des services postaux. Il revient ainsi en pratique aux agents postaux spécialement chargés de cette mission de vérifier les déclarations établies et de relever les incohérences. Même si leur droiture et leur moralité ne peut être mise en cause, leurs manques de qualification, de moyens technologiques et de compétences spéci-fiques en ce domaine encouragent la fraude aux obligations douanières.

822. Les fraudeurs qu’ils soient des particuliers ou des professionnels n’hésitent pas à éta-blir des fausses déclarations sur la valeur de la marchandise contenue dans l’envoi postal afin de profiter illégalement des exonérations des droits de douane mais aussi de la TVA (662).

660 V.Règlement CEE, n°1186/2009, n° 9) du préambule : « Le présent règlement ne fait pas obstacle à l’application par les États membres des interdictions ou restrictions d’importation ou d’exportation justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle ou commerciale ».

661 CGI, article 568 ter : « I.- La vente à distance de produits du tabac manufacturé, y compris lorsque l'acquéreur est situé à l'étranger, est interdite en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer. L'acquisition, l'introduction en prove-nance d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou l'importation en proveprove-nance de pays tiers de produits du tabac manu-facturé dans le cadre d'une vente à distance sont également interdites en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer. II.- Les produits du tabac manufacturé découverts dans les colis postaux ou dans les colis acheminés par les entreprises de fret express, provenant d'un autre Etat, sont présumés avoir fait l'objet d'une opération interdite au sens du I, sauf preuve contraire ».

662 Règlement CEE, n°1186/2009, article 114 : « Bénéficient d’une franchise de droits à l’exportation les envois acheminés à leur destinataire par la poste aux lettres ou par colis postaux et qui sont composés de marchandises dont la valeur globale n’excède pas 10 EUR ».

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823. Au niveau européen, la compétence décisionnelle visant à déterminer les droits de douane et les seuils de la franchise douanière (663) ne relève plus de la compétence des lé-gislations nationales des Etats membres de l’UE mais de la réglementation européenne (664).

824. En conséquence, seule la Commission peut ainsi rehausser, accorder des autorisations dérogatoires et temporaires relativement au paiement des droit de douane, nonobstant les obligations des organisations internationales luttant pour la suppression totale des droits de douane (OMC et OMD). Cela explique l’importance, pour la réalisation de cette propo-sition, que l’UE change sa législation tendant à la prédétermination de la valeur des droits de douane et de leur suppression pure et simple relativement aux envois dépourvus tota-lement de caractère commercial, en vue de l’achèvement d’un véritable SPU au sens litté-ral du terme.

825. En fait le choix dépendra de la volonté politique des Etats membres de l’UPU et de l’OMD (pour les Etats membres de l’UE cela dépend de la réglementation communautaire sous l’impulsion de la Commission), sous leurs recommandations et directives, de mettre en place les moyens économique, technique et humain nécessaires afin de sacraliser le SPU qui par son universalisme justifie, si ce n’est la suppression de la TVA, une circula-tion des envois postaux sans subir les diverses restriccircula-tions étatiques.

826. Les Etats ou les Unions ne peuvent fondamentalement au nom de l’universalisme res-treindre la circulation des envois postaux sur des critères économiques (lié au non-paiement total ou partiel des droits de douanes) au contraire de la lutte contre la fraude dé-lictuelle (contrefaçon) et les trafics prohibés justifiant les interventions douanières éta-tiques (retenue, saisie, confiscation et ses conséquences) lors du dédouanement postal.

827. Dans cette hypothèse de reconnaissance réelle et applicable en pratique de l’universalisme du service postal, l’UPU et l’OMD doivent continuer d’intensifier le volet sécuritaire de leur coopération renforcée afin de mettre en place les infrastructures néces-saires étatiques permettant d’établir un contrôle efficace des envois postaux (comités poste-douane obligatoires) en vue de lutter contre les trafics illicites de marchandises, tout en participant à la croissance des flux économiques.

828. La future viabilité d’une procédure de dédouanement des envois postaux dépend de la volonté de mener à bien les programmes de modernisation des services postaux par l’UPU permettant une traçabilité numérique des envois postaux par l’échange d’informations sur une base de donnée centrale commune entre les services postaux mais également par les autorités douanières. De leur côté, sous l’impulsion de l’OMD, les Etats et les Unions membres de l’organisation doivent prendre en compte juridiquement la spécificité des en-vois postaux entrainant une procédure de dédouanement singulière justifiant la non-ingérence économique des Etats en ce domaine.

663 Pour rappel la franchise douanière vise l’exonération des droits de douane au moment de la taxation à l’importation. Ce-pendant cet exemption d’acquitter les droits de douane n’entraine pas nécessairement l’exonération de la TVA car le montant du seuil de la taxe et des droit ne sont pas identiques comme vu précédemment.

664 V. question écrite n°19991 de Jean Louis Gagnaire, publié au JO le 5 mars 2013, page 2411 et la réponse du ministère de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, publié au JO le 3 décembre 2013, page 12663. La règlementation communautaire relative aux envois adressés de particulier à particulier prévoit que de tels envois postaux peuvent bénéficier d’une franchise de droits de douane et autres taxes à l’importation uniquement si la valeur de l’envoi n’est pas supérieure à 45 euros. V. - Règlement CEE, n°1186/2009, articles 25-27, - Directive 2006/79/CE du Conseil, du 5 octobre 2006 relative aux franchises fiscales applicables à l'importation des marchandises faisant l'objet de petits envois sans caractère commercial en provenance de pays tiers, - article 1-6 de l’arrêté du 18 juin 2009relatif au régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée afférent à certaines importations définitives de biens, publié au JORF n°0144 du 24 juin 2009 p. 10424.

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829. Les droits de douanes sont par nature antagonistes au principe d’universalisme. Aussi, ils doivent bénéficier d’un régime dérogatoire supprimant les droits de douanes pour les envois non-commerciaux. Le caractère non commercial des envois postaux doit être le cri-tère justifiant l’exonération du paiement des droits de douanes. Autrement dit, les envois non commerciaux doivent dorénavant correspondre uniquement aux envois d’un non pro-fessionnel (qui n’a pas de rapport direct avec l’activité propro-fessionnel, donc considéré comme un particulier) à un autre non professionnel et de manière sporadique (limitations du nombre des envois annuels délimitant juridiquement le caractère d’envoi de particulier à particulier, décidées annuellement par l’UPU et non plus par les Etats ou les Unions.

2) La remise en cause des franchises douanières applicables aux EVN et EPP.

830. Les EVN ne devraient pas pouvoir bénéficier de cette proposition de suppression des droits de douane du fait de son caractère commercial même de valeur négligeable. En con-séquence, une redéfinition juridique de l’envoi postal non commercial devrait être propo-sée, seul pouvant bénéficier des effets de l’universalisme et donc du non-paiement des droits de douane.

831. L’envoi postal non commercial (cadeaux, gratuité, non professionnel et envois limités par année) sera un envoi postal de particulier à particulier (ci-après EPP), qui n’est pas assu-jetti au paiement des droits de douane du fait du caractère universel recherché de la procé-dure de dédouanement des envois postaux. Néanmoins, cela ne sera réalisable seulement à partir du moment où l’ensemble des services postaux des Etats membres de l’UPU auront mené à bien leur modernisation et leur révolution technico-technique permettant en pra-tique l’application des mesures de tri sélectif et de contrôle international des envois pos-taux permettant la création d’une procédure de dédouanement universel des envois non-commerciaux, essence même du SPU. Pour tendre à l’universalisme, il faut que chaque Etat membre de l’UE accepte d’appliquer les mêmes règles répondant aux mêmes défini-tions juridiques. Le fond et la forme de la procédure de dédouanement doivent être homo-gènes à l’ensemble des Etats pour pouvoir être réalisable.

832. Au contraire, cette proposition de redéfinition de l’envoi non commercial se traduit donc par une obligation de payer des droits de douanes à l’importation, en plus des autres taxes, pour tous les envois qui ne correspondent pas cette définition. On peut même s’interroger sur l’avantage d’une suppression définitive de la notion d’EVN. En effet, les EVN sont par définition des envois, certes de faible valeur, mais commerciaux. Or, dans la logique de notre étude un envoi commercial quel qu’il soit ne peut bénéficier des avantages atta-chés aux envois non commerciaux. Les EVN représentent à la fois une contrariété juri-dique au regard de la mise en place d’une procédure de dédouanement spécifique des en-vois postaux, mais également une possibilité d’encourager la fraude.

833. Tout expéditeur d’un envoi commercial quel que soit sa valeur même négligeable (même les EVN dont le montant du seuil n’est pas supérieur à 22 euros), devrait être soumis au paiement des droits de douane recouvrés par les autorités douanières de l’Etat de destina-tion de l’envoi. Cependant il faut bien comprendre que si on arrive à un consensus tendant à la suppression des droits de douanes, on a pas pour autant réglé la problématique relative au non-paiement des autres taxes devant être perçues par les autorités douanières, c’est-à-dire principalement la TVA.

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834. En conséquence, les droits de douane et autres taxes devraient être prélevés à la source pour restreindre autant que possible les risques de fraude, consistant à éluder les droits de douane par l’établissement d’une fausse déclaration en douane ou incomplète, c’est-à-dire lorsque l’expéditeur remet son envoi au service postal et après le contrôle du contenu.

835. La problématique pernicieuse réside dans le fait que les EVN inférieurs à 22 euros bénéfi-cient des exemptions relatives à l’acquittement des droits de douanes et de la TVA, et sont par conséquent soumis au même traitement avantageux de dédouanement par les services postaux, sous le contrôle éventuel des autorités douanières, que les envois adressés de par-ticulier à parpar-ticulier.

836. Le manque de clarté de la procédure de dédouanement des EVN justifie la suppression des exonérations des franchises douanières et fiscales dont ils peuvent bénéficier actuellement. Les EVN se distinguent des EPP par leur caractère commercial du fait d’une contrepartie essentielle qu’est le paiement de la marchandise contenu dans l’envoi. Par leur caractéris-tique commerciale les EVN sont antagonistes à la notion de SPU. Seuls les EPP devraient à l’avenir, sous nouvelles conditions déterminées, pouvoir encore bénéficier des avanta-geuses exemptions en paiement des droits de douane et de la TVA car ils répondent par nature viscéralement à la mission essentielle du SPU.

837. L’UPU et l’UNESCO, en collaboration avec l’OMC et l’OMD, essaient de faire de l’envoi postal le moyen de circulation le plus efficace des objets culturels, dont principa-lement les livres. En effet, un livre est synonyme de transmission du savoir, et il relève de l’UPU, en tant que service universel, de permettre la libre circulation de cet objet culturel, et lui accorder les mêmes privilèges douaniers que les cartes postales et autres lettres con-tenant des messages personnels. Les services postaux, sous l’égide de l’UPU doivent ainsi continuer à accentuer le particularisme des EPP afin de spécifier leurs utilisations et déve-lopper de nouveaux marchés qui seront réservés aux services postaux. Cela pourra s’avérer possible juridiquement, au niveau de l’UE, par le caractère exclusivement univer-sel et totalement non commercial de tels envois. Ces nouveaux marchés postaux réservés pourraient principalement visés le cas des envois de marchandises soumises à restrictions comme les biens culturels (tri-collaboration : UNESCO, OMD, UPU), les médicaments, les marchandises soumises à des règlementations sanitaires et des mesures phytosanitaires.