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CHAPITRE II : LA DETTE DOUANIERE ET FISCALE DANS LE CADRE DES ENVOIS POSTAUX EXTRACOMMUNAUTAIRES

§ I : PRINCIPE DE LA DETTE DOUANIERE

B- Le débiteur de la dette douanière

721. A l’importation, le débiteur de la dette douanière est le déclarant (1). Cependant la respon-sabilité des services postaux ne peut être actuellement engagée. La justification de cette ir-responsabilité devrait pouvoir être remise en cause (2).

1) La responsabilité du déclarant.

722. Les règles désignant le débiteur de la dette douanière varient selon que les marchandises soient introduites régulièrement (a) ou d’une manière irrégulière (b).

a) Le débiteur de la dette douanière en cas d’introduction régulière des marchandises.

723. Le déclarant potentiellement débiteur de la dette douanière est le destinataire de l’envoi (à l’exportation, le déclarant est l’expéditeur des envois ou colis postaux). Cependant, il re-vient aux autorités douanières des Etats membres de l’UE de prévoir que l’administration postale peut être considérée comme le déclarant et donc le débiteur de la dette douanière.

724. En principe, la dette douanière naît lorsqu’une marchandise passible de droits à l’importation, introduite régulièrement sur le territoire douanier de l’UE, est placée sous un régime d’admission temporaire en exonération partielle des droits de douane (ex : car-net ATA exclusivement pour les échanges entre les Etats membres de l’UE et la Turquie), ou est mise en libre pratique (583). Ce dernier cas concerne les envois postaux visés par l’article 237-1a DAC.

725. Lorsqu’une marchandise est mise en libre pratique ou placée sous un régime d’admission temporaire en exonération partielle des droits sur la base de données qui ont conduit à élu-der partiellement ou totalement les droits légalement dus à l’importation, les opérateurs qui ont fourni de telles données nécessaires à l’établissement de la déclaration en douane (déclaration en détail, et procédures simplifiées), et qui avaient ou qui devaient avoir rai-sonnablement connaissance que ces données étaient fausses, peuvent en conséquence être légalement considérés comme débiteurs de la dette douanière.

726. Les Etats membres de l’UE ont toute latitude pour décider des dispositions nationales ap-plicables aux opérateurs privés en ce domaine. La législation française pour sa part permet de poursuivre les opérateurs privés qui ont fournis les données comme complices ou inté-ressés à la fraude.

727. Les opérateurs privés peuvent être ainsi condamnés au paiement de la dette douanière, au regard de la règle juridique selon laquelle l’auteur de l’infraction doit en réparer les con-séquences (584). Autrement dit, les opérateurs peuvent être poursuivis en qualité d’intéressé à la fraude ou en qualité de responsabilité solidaire (585). En tout état de cause, un opérateur privé ne peut pas être dédouané de sa responsabilité en invoquant le fait qu’il ait eu recours à un commissionnaire en douane, que cela vise la représentation directe ou indirecte (586).

583 Voir les articles 202 à 205 CDC.

584 Voir guide pratique du contentieux douanier, n°423, page 338.

585 V. Cass.crim., 19 sept. 2007, affaire n° 06-88.363, Bull.crim 2007, n°207. L’arrêt rappelle que « La valeur en douane d'une marchandise ne peut être déterminée suivant l'une des méthodes exposées à l'article 30 du code des douanes commu-nautaire que lorsqu'il est impossible de la calculer par application de l'article 29 du même code (…) ».

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728. La différence de traitement de la responsabilité entre les opérateurs privés et l’opérateur désigné (la Poste), même si elle est justifiée par le particularisme universaliste des envois postaux, devrait être remis en cause, ou du moins modulée, au regard des nouvelles exi-gences des formalités douanières numérisées permettant une simplification des procédures de dédouanement pour les opérateurs fiables car présentant certaines garanties aux autori-tés douanières.

729. L’UE, conformément à la CPU, déresponsabilise les services postaux de la position de débiteur de la dette douanière prévue par le CDC. Cette position commune sur l’irresponsabilité des services postaux internationaux n’est plus tenable et devrait être re-mise en cause. Le cas de l’engagement de la responsabilité des services postaux en ma-tière douanière, en tant que transporteurs publics, et donc détenteurs de marchandises, n’ayant pas les documents nécessaires à leur dédouanement, devra être abordé par la suite.

730. En effet, le détenteur de marchandises de fraude est réputé responsable de la fraude (587). Néanmoins, les transporteurs publics, au regard des dispositions nationales en matière douanière, ne sont pas considérés eux et leurs préposés ou agents, comme responsable pé-nalement, si par une désignation exacte et régulière des commettants (expéditeur, dans des cas plus rare le destinataire) les autorités douanières se retrouvent en mesure d’exercer les poursuites contre les véritables auteurs de la fraude (588). La mise en place d’une procé-dure de dédouanement spécifique applicable aux envois postaux devra nécessairement ap-pliquer de déterminer la responsabilité des services postaux en tant que transporteur.

b) Le débiteur de la dette douanière en cas d’importation irrégulière de marchandises.

731. Si aucune mise en libre pratique régulière des marchandises n’a eu lieu, le fait générateur de la dette douanière de l’article 201-1a CDC fait défaut. Aucune dette douanière ne peut naître en ce cas sur ce fondement. C’est la raison pour laquelle le CDC prévoit les cas où la dette douanière est exigible concernant différentes irrégularités relatives à l’importation de marchandises (589). La dette douanière est due dans cinq différents cas de fraude.

732. Elle peut naître soit à la suite d’une introduction irrégulière sur le territoire douanier de l’UE d’une marchandise passible de droits à l’importation, soit à la suite de la soustraction d’une marchandise passible de droits à l’importation à la surveillance douanière. La dette douanière est également due lors de l’inexécution d’une obligation douanière qui entraine pour une marchandise passible de droits à l’importation son séjour en dépôt temporaire ou l’utilisation du régime douanier sous lequel elle a été placée.

733. La dette douanière peut prendre naissance en cas d’inobservation d’une condition fixée pour le placement d’une marchandise sous ce régime ou pour l’octroi d’un droit à l’importation réduit ou nul en raison de l’utilisation de la marchandise à des fins particu-lières. La dette douanière est enfin due en cas de mise à la consommation ou l’utilisation d’une marchandise passible de droits à l’importation dans une zone franche ou un entrepôt franc dans des conditions autres prévues par la règlementation en vigueur.

587 Article 392-1 Code des douanes.

588 Voir article 392-2 Code des douanes.

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734. En conséquence, peut être considéré comme débiteur, en cas d’importation irrégulière de marchandises, l’auteur de l’opération frauduleuse (l’expéditeur), la personne ayant parti-cipée tout en sachant ou en devant raisonnablement savoir que l’importation était irrégu-lière (l’opérateur), et la personne qui a acquis ou détenu la marchandise en cause tout en sachant ou devant raisonnablement savoir, au moment où elle a été acquise ou reçue, qu’il s’agissait d’une importation irrégulière (le destinataire dans le cadre de la vente à dis-tance).

735. Le débiteur de la dette douanière sera la personne ayant soustrait la marchandise à la sur-veillance douanière, ou le cas échéant la personne devant exécuter les obligations qu’entraine le séjour en dépôt temporaire de la dite marchandise ou l’utilisation du régime douanier sous lequel cette marchandise a été placée. Mais la dette douanière peut incom-ber à une pluralité de débiteurs.

736. Peuvent être reconnus comme débiteurs les personnes ayant participés à cette soustraction en sachant ou en devant raisonnablement savoir qu’il s’agissait d’une soustraction de la marchandise à la surveillance douanière. Les personnes ayant acquis ou détenu la mar-chandise en cause et qui savaient ou devaient raisonnablement savoir au moment où elles ont acquis ou reçu la dite marchandise qu’il s’agissait d’une marchandise soustraite à la surveillance des autorités douanières sont également reconnus débiteurs de la dette doua-nière (590).

737. Le débiteur peut être celui qui a consommé ou utilisé la marchandise, en cas de consom-mation ou d’utilisation irrégulières d’une marchandise placée dans une zone France. Ce dernier cas se rapproche du régime de responsabilité applicable aux envois postaux mise en libre pratique. Lorsqu’il y a plusieurs débiteurs pour une même dette douanière, ces derniers sont tenus solidairement au paiement de la dette (591). Cette obligation solidaire entre les débiteurs s’applique en cas d’importation irrégulière et en cas d’importation ré-gulière.

738. Les services postaux en qualité de transporteur et en conséquence de détenteur de la mar-chandise de fraude devraient être tenu responsables de la fraude. Seule la désignation exacte des commettants (l’expéditeur et le destinataire) aux autorités douanières pour-raient permettre de ne pas engager leur responsabilité. Le Code national des douanes pré-voit déjà cette disposition applicable à l’ensemble des transporteurs publics sauf aux ser-vices postaux. Le statut spécifique des serser-vices postaux, à ce jour, leur décline toute res-ponsabilité en ce cas, tant vis-à-vis des autorités douanières que des clients dont les envois ont été saisis par lesdites autorités du pays de destination (592).

590 CDC, article 203-3.

V. Cass.crim. 8 mars 2006, n°05- 081.516, inédit. Cet arrêt est relatif à la condamnation de plusieurs débiteurs au paiement des droits nés de la soustraction de marchandises à la surveillance douanière.

591 V. articles 406 et 407 Code des douanes relatif aux condamnations solidaires pour un même fait de fraude.

592 Pour rappel, la CPU dispose que les services postaux ne peuvent être tenu responsable des déclarations en douane rem-plies par les expéditeurs relatives aux formalités douanières (voir article 24-3 CPU relatif à la responsabilité des postes con-cernant les informations sur les déclarations douanières). Cela est reconfirmé par l’article 156.12 du Règlement de la poste

aux lettres, texte identique à l’article 151.1 du règlement des colis postaux) :

«Les opérateurs désignés n’assument aucune responsabilité du chef des déclarations en douane. L’établissement des décla-rations en douane relève de la responsabilité exclusive de l’expéditeur. Cependant, les opérateurs désignés doivent prendre toutes les dispositions raisonnables afin de renseigner leurs clients sur les modalités d’accomplissement des formalités douanières et, tout particulièrement, s’assurer de l’établissement complet des déclarations en douane CN 22 et CN 23, de manière à faciliter le dédouanement rapide des envois ».

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2) La discutable irresponsabilité des services postaux.

739. Le débiteur est le déclarant de droit commun. Cependant, dans une logique économique pratique, le débiteur peut être la personne pour le compte de laquelle la déclaration en douane est faite en cas de représentation indirecte (593). Le statut de la responsabilité du déclarant agissant en son nom pour le compte d’autrui devrait être la règle de droit com-mun pour l’ensemble des transporteurs, dont le fret postal.

740. Si on applique cette règle au trafic postal, la Poste en sa qualité de déclarant devrait pou-voir être considérée comme débitrice de la dette douanière. Mais l’UPU pose le principe que les services postaux des Etats membres ne peuvent être tenu responsables des déclara-tions en douane remplies par l’expéditeur. L’irresponsabilité actuelle des services postaux ne devrait pas être illimitée, principalement en cas de fraude aux formalités des déclara-tions douanières obligatoires.

741. L’opérateur désigné, la poste, ne peut être actuellement poursuivi, pour fausse déclaration en douane ou pour importation irrégulière, et donc être considéré débiteur de la dette douanière. Cette irresponsabilité totale des services postaux en matière douanière est criti-quable et injustifiée dans certaines situations. En ce sens, la responsabilité des services postaux ne peut être engagée même s’ils auraient pu raisonnablement déceler que ces données étaient fausses, contrairement aux opérateurs de fret express. Cette dissension de régime de responsabilité entre opérateurs privés et l’opérateur désigné doit être remise en cause si les services postaux bénéficient à l’avenir de la future procédure autonome de dé-douanement des envois postaux soumise.

742. Les exigences du SPU justifient des conditions et des formalités douanières spécifiques applicables aux envois de la poste aux lettres (comprenant les paquets jusqu’à deux kilo-grammes). Mais en contrepartie les services postaux doivent présenter toutes les garanties nécessaires permettant de sécuriser le trafic postal. La mise en place de systèmes totale-ment informatisés pour la transmission des données en amont aux autorités douanières est impérative.

743. Le suivi des envois postaux (système EDI vu précédemment) et le contrôle de la confor-mité de la déclaration avec le contenu de l’envoi dans le cadre de la mise en œuvre de procédure de dédouanement spécifique proposée doivent conduire à une reconnaissance de la responsabilité des services postaux. Les nouveaux moyens techniques mis à leurs dispositions devraient les obliger à une obligation d’information et de résultat vis à vis de leurs utilisateurs et des autorités douanières compétentes.

744. Si la future procédure de dédouanement spécifique des envois postaux formulée doit être mise en œuvre, les services postaux des Etats membres de l’UE auraient une obligation de contrôler préalablement les envois ou colis pour vérifier si le contenu correspond aux in-formations de l’expéditeur avant la transmission des données à leurs autorités douanières nationales et aux services postaux de destination. Les services postaux de destination de-vant à leur tour transmettre instantanément les données aux autorités douanières compé-tentes.

593 Voir CDC, article 199-1 : « Sans préjudice de l'application éventuelle de dispositions répressives, le dépôt d'une déclara-tion signée par le déclarant ou par son représentant dans un bureau de douane ou d'une déclaradéclara-tion de transit déposée en utilisant des techniques électroniques de traitement des données vaut engagement du déclarant ou de son représentant con-formément aux dispositions en vigueur en ce qui concerne: - l'exactitude des indications figurant dans la déclaration,- l'au-thenticité des documents présentés, et - le respect de l'ensemble des obligations inhérentes au placement des marchandises en cause sous le régime considéré ».

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745. Cette obligation de contrôle préalable à l’acceptation de l’envoi par les services postaux est une nécessité substantielle pour répondre aux exigences impératives permettant de bé-néficier des procédures simplifiées de dédouanement. Dans cette logique, la responsabilité des services postaux et de leurs agents spécialisés devraient pouvoir être engagée lors-qu’ils sont responsables des omissions et inexactitudes des formalités douanières faites par le signataire de la déclaration en douane.

746. Les expéditeurs étant les seuls responsables reconnus en cas de déclarations en douane fausses ou incomplètes, ils sont en pratique les vrais débiteurs de la dette douanière, la re-connaissance de la responsabilité des services postaux quant au contenu des envois et les informations figurant sur la déclaration remplie par l’expéditeur, représenterait une sureté supplémentaire renforçant la sécurité du trafic postal.

747. Le prestataire du SPU, La Poste qui été de de nouveau désignée en France, devrait pou-voir être reconnu débiteur de la dette douanière dans le cadre d’une future mise en œuvre de la procédure de dédouanement spécifique aux envois postaux pour les envois ayant une valeur commerciale, sous réserve évidente de l’achèvement de la dématérialisation totale des déclarations en douanes existantes et de l’adaptation des structures des réseaux pos-taux.

748. Par la dématérialisation des déclarations en douanes et l’application souhaitable du prin-cipe de contrôle effectif préalablement obligatoire des envois et colis par les agents des services postaux expéditeurs, la Poste devrait pouvoir être reconnue responsable en cas de fraude aux obligations douanières, établissant des déclarations en douane fausses ou in-complètes pour éluder les droits de douanes.

749. Néanmoins, les services postaux ont uniquement une obligation d’information vis à vis de leurs clients. Les services postaux doivent en ce sens prendre toutes les dispositions rai-sonnables pour renseigner leurs clients sur les formalités prescrites par les autorités doua-nières. Les agents des services postaux doivent s’assurer que les formalités des déclara-tions en douanes CN22 et CN23 ont bien été remplies pour faciliter et d’accélérer autant que possible la procédure de dédouanement des envois postaux. Le devoir d’information des services postaux est un élément essentiel dans la mise en œuvre d’une procédure spé-cifique des envois postaux.

750. L’obligation faite aux services postaux de s’assurer que les formalités douanières des dé-clarations CN22 et CN23 sont respectées s’apparente à un devoir de contrôle des services postaux participant à la mission des autorités douanières. Si les services postaux remplis-sent ce rôle, leur responsabilité devrait pouvoir être engagée comme pour tout autre opéra-teur économique. La reconnaissance de la responsabilité des services postaux est un coro-laire indispensable à la mise en œuvre d’une procédure de dédouanement particulière et autonome pour les envois postaux.

751. L’irresponsabilité actuelle dont bénéficient les services postaux et le principe de responsa-bilité unique de l’expéditeur de l’envoi remplissant la déclaration en douane justifie une inversion de la charge de la preuve applicable au consommateur européen en matière de vente et d’achat à distance ou par correspondance. En ce cas, le destinataire de l’envoi (l’acheteur) est désigné responsable de la dette douanière. Cette règle a notamment pour finalité de compenser le fait que l’exportateur (le vendeur) est de son côté omis de remplir la déclaration en douane.

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