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La peinture de bataille entre 1860 et 1870 : support à l’exemplum virtutis

CHAPITRE II. La peinture de bataille : la dernière peinture d'histoire traditionnelle ?

B. La peinture de bataille entre 1860 et 1870 : support à l’exemplum virtutis

Représenter les héros du passé : perpétuation de la tradition de la peinture de bataille

Si les peintures de batailles contemporaines posent d’emblée des difficultés de classification, ce n’est pas le cas des représentations des affrontements passés qui sont plus clairement ancrées dans la tradition23. Les héros des batailles anciennes véhiculent aisément la valeur d’héroïsme. Ces scènes, moins fréquentes entre 1860 et 1870 que la représentation des batailles récentes, valorisent le héros de manière traditionnelle. Le Premier Empire figure en bonne place au niveau de ces sujets. Avec Cambronne à Waterloo (Exposition universelle de 1867, n° 7), Charles-Édouard Armand-Dumaresq représente le général Cambronne, au centre de la toile, épée au poing tandis qu’il avance devant un régiment de soldats. Tout autour gisent des corps et des mourants, reliquats de la bataille qui faisait rage. Le ciel tourmenté et l’harmonie de couleurs sombres renforcent la tension de cette scène centrée sur Cambronne. Celui-ci est tourné vers un personnage situé à droite de la toile, dont l’uniforme rouge (probablement un officier anglais) attire l’œil. Il s’agit sans doute de l’instant où le général aurait prononcé cette phrase mythique (et fictive) : « La garde impériale meurt et ne se rend

pas »24. L’histoire a conservé l’image d’un grand héros, et c’est ce qu’Armand-Dumaresq

perpétue ici. On observe la même démarche chez Auguste-François Biard dans son œuvre

22 « L’Académie, tout en imposant aux apprentis étudiants la peinture d’histoire « pure », sur des thèmes

classiques ou bibliques, en vint à assimiler sa tradition à ces œuvres grandiloquentes qui illustraient des événements patriotiques, et en particulier les scènes de bataille contemporaines ». WHITE Harrison C. et

Cynthia, La carrière des peintres au XIXe siècle, du système académique au marché des impressionnistes, Paris,

Flammarion, 2009 (1965), p. 69.

23 Presque toutes les peintures de bataille du passé concernent le Premier Empire ou l’époque moderne. Seules

deux toiles abordent la période comprise entre le Premier et le Second Empires : Le 17e léger en Afrique ; 1840,

de Charles-Dominique Lahalle (Paris, Salon de 1869, n° 1343), dont aucune reproduction n’a pu être trouvée, et Jules Rigo, Combat d'avant garde dans le Darha soutenu par les spahis d'Oran contre le chérif Bou-Maza (mars

1846) (Salon de 1864, musée de Bourges).

24 Cette légende autour du « mot de Cambronne » était toujours vive sous le Second Empire, comme l’atteste la

notice biographique parue dans l’ouvrage de MULLIÉ Charles, Biographie des célébrités militaires des armées

Mort du capitaine de vaisseau Aristide-Aubert Dupetit-Thouars, capitaine du vaisseau Le Tonnant, à la bataille navale d'Aboukir en 1798 (Paris, Salon de 1869, n° 225 ; Versailles,

musée national du Château). Au cours du conflit franco-anglais, Dupetit-Thouars est mortellement blessé mais refuse de quitter le commandement. L’historien du XIXe siècle Charles Mullié fait le récit de sa mort glorieuse : « Mutilé par un boulet et se sentant mourir,

il se fit mettre dans un tonneau de son pour arrêter l’effusion de sang et prolongea son existence. Tant que ses forces le lui permirent il continua de donner des ordres, et il cria en

expirant : Équipage du Tonnant, n’amenez jamais votre pavillon ! »25. Malgré le très mauvais

état de la toile, on distingue Dupetit-Thouars, blessé et porté par son équipage qui va sans doute l’installer dans le tonneau de son. Il est représenté ici dans toute sa gloire. Auguste- François Biard réalise deux autres œuvres qui mettent en scène des héros au cœur d’affrontements. La toile Dévouement et mort de Bisson (Paris, Salon de 1870, n° 252), figure un épisode historique assez inédit : elle relate le sacrifice de Bisson qui fait exploser son vaisseau plutôt que de l’abandonner à l’ennemi ; l’événement a lieu pendant la bataille de Navarin, bataille navale dans le cadre de la guerre d’indépendance grecque en 1827. C’est au même Salon que Biard expose aussi Capture d'un vaisseau anglais dans le port de

Malamocco, près Venise, par le chevalier de Forbin (Paris, Salon de 1870, n° 251 ; Aix-en-

Provence, Musée Granet), qui représente l’acte héroïque de l’officier de marine Claude de Forbin, permettant la capture d’un navire adversaire, acte qui l’érige au rang de modèle. Dans ces œuvres, les héros sont présentés dans le feu des batailles qui ont forgé leur réputation. Il semble en être de même pour le général Dupont dans le Combat de Diernstein (nov 1805) de Félix Philippoteaux (Paris, Salon de 1863, n° 1482), bien que nous n’ayons retrouvé qu’une version gravée probablement partielle26. Le commentaire du livret du Salon, extrait de l’Histoire du Consulat et de l’Empire par Thiers, correspond assez bien à l’image : le général Pierre Dupont de l’Étang, à cheval entouré de ses soldats, avance et encourage les troupes à se hâter afin de prêter main forte au général Mortier. Ce combat qui se déroule lors de la bataille de Durrenstein forge la notoriété du général Dupont27.

Le maréchal Soult est à l’honneur dans la toile d’Antoine-Jules Duvaux, Combat au

col de Maya ; 25 juillet 1813 (Paris, Salon de 1870, n° 962 ; Bayonne, musée basque et de

l’histoire de Bayonne) : il est figuré au centre dans un espace lumineux tandis que le reste de

25

Idem, p. 475.

26

L’ouvrage dans lequel la gravure a paru (Histoire populaire de Napoléon Ier, suivie des anecdotes impériales /

par un ancien officier de la garde, Paris, Hippolyte Boisgard, 1853) est daté de 1853 : nous pensons que Philippoteaux aura décidé de réaliser l’huile sur toile dans un second temps.

la toile est plus sombre. Monté sur son cheval cabré, le Maréchal donne les ordres qui permettront la victoire.

On ne peut que supposer qu’il en est de même pour les toiles d’Alfred Quesnay de Beaurepaire, Bugeaud en Savoie (Paris, Salon de 1870, n° 2356), et d’Henri-Louis Dupray,

Bataille de Waterloo (Paris, Salon de 1870, n° 932), pour lesquelles nous n’avons pas de

reproduction. Seul le commentaire du livret de la toile de Dupray suggère une composition centrée sur le maréchal Ney : « Le Maréchal Ney attendant des secours d'infanterie, rallie sa

cavalerie épuisée sous le feu des batteries anglaises ».

Plusieurs autres œuvres présentées aux Salons entre 1860 et 1870 semblent s’attacher à montrer des exempla virtutis piochés dans des épisodes historiques antérieurs au XIXe siècle, ce que nous déduisons grâce aux intitulés (elles sont aujourd’hui perdues) : Alfred- Charles-Ferdinand Decaen, Aimery de Rochechouart-Mortemart, à la tête de trente chevaliers

et écuyers de renom, défait soixante-dix Anglais, chevaliers et gens de pied, qui sortis de Verteuil, sur la Charente, s’étaient vantés d’aller piller une église (1384) (Paris, Salon de

1861, n° 815), Dominique-Antoine Magaud, Le grand Condé sur le champ de bataille de

Rocroy (Paris, Salon de 1863, n° 1248), Léon du Paty, Défense de l'île de Ré, par J. du Caylard de Saint-Bonnet, comte de Toiras, gouverneur de l'île (Paris, Salon de 1870, n° 924),

Eugène-Antoine Guillon, Le Grand Ferré, malade et surpris par les Anglais, se lève, prend sa

hache et en tue cinq en un moment, (Paris, Salon de 1866, n° 897), ou encore Alfred Decaen, Le duc de Vivonne au passage du Rhin (juin 1674) (Paris, Salon de 1863, n° 527).

Dans ces peintures de bataille rétrospectives, on remarque une forte tendance à l’héroïsation, suivant la tradition du genre.

La tradition de l’héroïsation du souverain

Conformément à la tradition de la peinture d’histoire, le héros est avant tout le chef d’État : le souverain d’Ancien Régime incarnait une figure divine, ce qui lui conférait une position supérieure et faisait de lui un modèle28. Cette idée de grandeur héroïque se pérennise jusqu’au Second Empire. Napoléon III est en effet fréquemment mis en scène dans les peintures de bataille. Cela reste toutefois modeste comparé à l’iconographie glorificatrice mise en œuvre pour Napoléon Bonaparte29, peut-être parce que les campagnes de Napoléon III furent moins

28 ROBICHON François, op. cit., 1998, p. 9-10.

29 Sur ce point, voir notamment le catalogue de l’exposition Napoléon, images de légende, musée de l’image

nombreuses, ou parce que ce dernier n’a été présent sur place qu’à l’occasion de la guerre d’Italie30. De fait, les mises en scène du chef d’État se concentrent sur ce conflit. Louis Paternostre le représente dans son Attaque de Cavriana par l’artillerie de la Garde à

Solférino (Paris, Salon de 1861, n° 2444 ; Brest, musée des beaux-arts). Le spectateur est

plongé directement au cœur de la bataille : le tumulte des cavaliers, qui est transcrit avec vérité selon Léon Lagrange31, se déploie sur l’ensemble de l’œuvre dont le format est considérable (8,50 m de long). Au second plan, Napoléon III est figuré à cheval, dans un espace dégagé qui le met en valeur, le bras tendu. La scène se déroule en fin de journée, on aperçoit la tour de Cavriana à droite dans l’arrière-plan. L’Empereur, d’un geste de la main, ordonne à l’artillerie de la garde d’attaquer Cavriana32. Là encore, on retrouve une abondance de détails dans les mêlées de combattants, ce qu’Olivier Merson a d’ailleurs critiqué33, mais la posture de Napoléon III en chef de guerre au cœur de l’action et des combats lui confère une dimension héroïque, et ancre la toile dans la tradition de la peinture de bataille. Elle avait d’ailleurs été présentée dans le Salon central réservé aux peintures officielles. La toile d’Adolphe Yvon, La Bataille de Solférino, 24 juin 1859 (Paris, Salon de 1861, n° 3132 ; Versailles, musée national du Château) glorifie également Napoléon III : figuré sur son cheval au centre de la toile, il occupe la majeure partie de l’œuvre. Bien que le premier plan soit fortement chargé en personnages, ceux-ci sont disposés à distance de l’Empereur, libérant ainsi un espace autour de lui. Cet effet est renforcé par les teintes claires du sol grâce auxquelles le portrait équestre impérial se détache bien du reste de la toile. À l’arrière-plan la bataille fait rage, visible aux fumées qui s’en dégagent. Napoléon III est figuré au moment où il donne l’ordre au général Camou de prendre la tour de Solférino, ce que son bras tendu indique. Chef de guerre saisi au cœur de l’action, entouré de ses soldats et de son état-major, il est particulièrement mis en valeur. La composition reprend certainement celle du tableau d’Antoine-Jean Gros Napoléon sur le champ de bataille d’Eylau (1807, Paris, musée du Louvre) : le geste de Bonaparte est similaire, il est entouré par les soldats et les officiers, et on aperçoit également la bataille à l’arrière-plan. Sans surprise, Napoléon III fut satisfait de l’œuvre d’Yvon34, et il en fit l’acquisition avant de la donner au musée du château de Versailles. La toile de Ange-Louis Janet-Lange sur le même sujet présente des analogies avec

légende napoléonienne (1792-1845), musée de la Roche-sur-Yon (10 octobre 2008-17 janvier 2009),

bibliothèque-Paul Marmottan à Boulogne-Billancourt (5 mars-27 juin 2009), Paris, Bernard Giovanangeli éditeur, 2008.

30

HUGUENAUD Karine, , art. cit., p. 242.

31

LAGRANGE Léon, « Salon de 1861 », Gazette des beaux-arts, t. X, p. 325.

32 A. M., « Salon de 1861 », L’Illustration, tome XXXVIII, juillet-décembre 1861, p. 56-57. 33 MERSON Olivier, Exposition de 1861, La peinture en France, E. Dentu, Paris, 1861, p. 69-70. 34 TULARD Jean, op. cit., p. 1340.

la précédente : dans L'Empereur et sa maison militaire à Solférino (Paris, Salon de 1861, n° 1630 ; Rennes, Cercle militaire), le premier plan est surchargé de soldats et d’officiers à cheval, et un espace est là aussi dégagé devant Napoléon III. À l’arrière-plan apparaît la tour de Solférino, à travers des fumées envahissantes. Bien que construite sur un schéma sensiblement identique à celle de Yvon, la toile de Janet-Lange valorise moins le chef d’État : ce dernier se distingue peu de la foule, et plusieurs éléments viennent nuire à l’unité du sujet, comme ce cavalier qui chute avec son cheval, ou encore les nombreux visages, portraits d’officiers, qui regardent en direction du spectateur. L’intitulé choisi par Janet-Lange indique qu’il s’agit davantage d’un portrait de groupe que d’une véritable peinture de bataille. Cela explique peut-être que malgré les sollicitations du peintre, l’œuvre n’a pas été acquise par l’État à la suite de sa présentation au Salon35. Cet exemple révèle que l’héroïsation du chef de l’État ne passe donc pas seulement par sa figuration sur un champ de bataille, elle nécessite des subterfuges de composition qui permettent d’attirer immédiatement l’œil sur lui. Or, on constate que l’Empereur est souvent noyé dans une foule de personnages. Dans la toile d’Eugène-Louis Charpentier, Attaque de Cavriana (bataille de Solférino, 24 juin 1859) (Paris, Salon de 1861, n° 579 ; Paris, musée de l’Armée), la situation est intermédiaire. La composition est presque parfaitement centrée sur Napoléon III qui est isolé des groupes qui l’entourent ; un espace est dégagé devant lui, formé par une zone claire au sol, et les fumées blanches de la batterie d’artillerie dessinent sa silhouette et la font ressortir. À l’arrière-plan prend place la bataille (la tour de Cavriana est sur la gauche), mais la barrière de fumées derrière l’Empereur bloque la perspective, redirigeant le regard vers les deux premiers plans. Les personnages y sont très nombreux : membres de l’état-major et de la Garde impériale sur la droite, soldats en attente sur la gauche, blessés soignés au premier plan. Ces petites saynètes nuisent à l’unité et à la lecture de l’œuvre, ce que le critique Merson avait relevé :

« M. Carpentier [sic] n'a pas été plus heureux que les artistes dont il vient d'être

parlé (Paternostre, Rigo, Couverchel). Dans son Attaque de Cavriana, il y a toutefois à gauche une batterie d'artillerie d'un effet assez bien compris. Mais partout ailleurs, à droite, sur le devant, au fond, dans l'état-major de l'Empereur, que d'hommes, que de chevaux, que d'accessoires de remplissage, confondus sans

35 « Désespérant de vendre mon tableau de Solférino, j’ai demandé, en janvier dernier, à M. le Ministre d’État

la commande d’un tableau d’histoire. Depuis lors, une commission consultative des beaux-arts a été nommée. Un des membres m’a conseillé de renouveler mes instances pour l’acquisition de mon tableau ». Lettre de Janet-

Lange au baron H. Larrey, 7 juillet 1862, publiée dans « Lettres inédites d’artistes », Nouvelles archives de l’art

français, tome XVI, 1900, p. 291-292. Malgré son insistance, la toile n’est pas acquise, mais il obtient le 14 août

1862 la commande d’une autre toile : Charge du 2e hussard à l'attaque de la ferme de Casanova ; bataille de Solférino (Salon de 1862, n° 989, Tarbes, musée Massey) (AN, F21/150).

art ; que de bras, de jambes, de têtes, de caissons et d'uniformes pour un mince effet ; et sur le premier plan, la cantinière qui fait niaisement la bouche en cœur au soldat blessé qu'elle soigne, comme elle rappelle bien l'épisode obligé de toute

pièce militaire du Cirque ! »36

La saturation de l’espace par la foule est encore plus forte dans la toile d’Alfred Rigo, la

Bataille de Solférino, 24 juin 1859 (Paris, Salon de 1866, n° 1654 ; Paris, musée de l'Armée).

Malgré le titre, la scène figurée n’est pas la bataille elle-même mais son issue victorieuse : les drapeaux pris à l’ennemi sont présentés à Napoléon III qui arrive sur les lieux, le cimetière de Solférino. Derrière un premier plan constitué de nombreux blessés et de débris des combats, Napoléon III à cheval s’arrête devant des officiers. Bien que tous les regards soient tournés vers lui, ce qui recentre l’attention, il ne semble se démarquer que difficilement des motifs de l’arrière37. La tenue militaire, uniforme pour tous, ne le met pas davantage en valeur.

Le cœur de la bataille est une fois encore tenu à distance dans la toile Napoléon III à la

bataille de Solférino, d’Ernest Meissonier (1863 ; Paris, Salon de 1864, n° 1328 ; Compiègne,

musée national du Château). Napoléon III, presque centré dans la composition, est figuré accompagné de son état-major sur le mont Fenile. De là, il observe le déroulement de la bataille dont on distingue les fumées et des soldats dans le registre inférieur droit. Le caractère meurtrier du conflit est évoqué par la présence des deux cadavres à l’avant-plan. Dans la moitié supérieure droite, la tour de Solférino tenue par les Autrichiens constitue l’objectif militaire de cette bataille. Au-dessus, un ciel très chargé fait écho aux actions de la partie inférieure. Lorsque Meissonier est chargé de cette commande par l’État38, il est alors spécialisé dans la peinture de genre, mais souhaite faire de cette œuvre une véritable peinture d'histoire39. Il la présente d’ailleurs au Salon de 1864 en compagnie d’une autre peinture d'histoire (1814, La Campagne de France, Paris, Salon de 1864, sans numéro ; Paris, musée d’Orsay), montrant ainsi sa volonté de se dissocier de la peinture de genre. Pourtant dans

Napoléon III à la bataille de Solférino, il ne représente pas la bataille stricto sensu : il se

concentre sur Napoléon III figuré en chef de guerre. Meissonier n’avait encore jamais peint de batailles, et ne représente pas d’acte héroïque ni de combats mouvementés. Il propose davantage une peinture d'histoire en tant que représentation d’un événement militaire majeur

36 MERSON Olivier, op. cit., p. 71.

37 Nous restons prudente car nous n’avons pu obtenir qu’une reproduction en noir et blanc. 38

La commande serait le fait de Charles Blanc, directeur des beaux-arts, qui souhaitait que l’État possède une œuvre de cet artiste des plus renommés dans le monde de l’art. Cat. exp. Meissonier, rétrospective, musée des beaux-arts de Lyon (25 mars - 27 juin 1993), Paris, RMN, 1993, p. 166-170.

39 VOTTERO Michaël, La peinture de genre en France après 1850, Rennes, Presses universitaires de Rennes,

où le personnage principal est l’Empereur. Ce dernier est une fois encore présenté dans la position d’un observateur des combats dans la toile Dénouement de la journée de Solférino de Théodore-Louis Devilly (Paris, Salon de 1861, n° 891), qui nous est connue par une étude préparatoire : Napoléon III apparaît derrière un premier-plan constitué d’un amas de cadavres et de pièces d’armement. Il est debout et constate la déroute des Autrichiens à l’issue de la victoire à Solférino.

Plusieurs autres artistes préfèrent mettre en scène Napoléon III dans des contextes se situant en marge des grandes batailles : l’Empereur vient à la rencontre de ses soldats dans la toile d’Alphonse Aillaud, Visite d'avant-postes par l'Empereur, accompagné du général

Fleury et du prince Murat, aux environs de Pozzolengo ; route de Dezenzano à Solférino

(Campagne d'Italie, 1859) (Paris, Salon de 1867, n° 8) ; il arpente les lieux après

l’affrontement à Solférino dans Napoléon III parcourant le champ de bataille de Solférino

entouré de son État-Major, accompagné du maréchal Baraguey d'Hilliers et du baron H. Larrey, médecin en chef de l'armée d'Italie, par Théodore Véron (1861, Paris, Musée du

Service de santé aux armées du Val-de-Grâce). Louis Moullin va jusqu’à annoncer la présence de l’Empereur dans le titre de son œuvre Passage du Mincio, à Valeggio, dernière

étape de l'empereur Napoléon, campagne d'Italie, juillet 1859 (Paris, Salon des refusés, 1863,

n° 418), alors que celui-ci n’y apparaît pas dans ce paysage traversé par l’armée en mouvement. Notons d’ailleurs que ces deux dernières œuvres avaient été refusées par le jury du Salon (respectivement en 1861 et 1863). Le parti-pris de Moullin (que nous ne pouvons déterminer pour Véron puisque nous n’avons pas de reproduction de son œuvre) en a peut- être été la raison.

Dans ces œuvres, la figuration de la bataille elle-même n’est que très secondaire, et malgré cela Napoléon III n’occupe souvent qu’une portion de l’espace. Si certaines toiles restent tout à fait ancrées dans la tradition de la peinture de bataille, d’autres en revanche héroïsent le chef d’État non pas en tant que glorieux combattant, mais en stratège militaire. La manière de faire la guerre a changé et ses représentations également.

Parmi les souverains représentés dans la peinture de bataille, la figure de Napoléon Bonaparte occupe une place spécifique. La valorisation des talents de chef de guerre du glorieux parent de Napoléon III pouvait aisément rejaillir sur ce dernier. Les œuvres qui développent cette iconographie sont assez nombreuses entre 1860 et 1870 : on en dénombre