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La peinture d'histoire et l’histoire nationale

CHAPITRE I. Ce qu’on appelle « peinture d'histoire »

A. La peinture d'histoire et l’histoire nationale

Le cadre théorique de la peinture d’histoire est élaboré au sein de l’Académie royale de peinture et de sculpture, au milieu du XVIIe siècle. Elle met en place une hiérarchie des genres, établit des règles pour ordonnancer la création artistique, instaure une structuration

86 JAGOT Hélène, La peinture néo-grecque (1847-1874). Réflexions sur la constitution d’une catégorie

stylistique, thèse de doctorat sous la direction de Ségolène Le Men, université Paris-Ouest Nanterre la Défense,

dont l’intention était surtout de donner à l’artiste un statut de savant87. Cette nouvelle conception du travail du peintre connaît un succès certain, mais ses remises en cause sont fréquentes au cours des siècles suivants, en lien avec la multiplication des genres et le désintérêt d’une partie de la population pour les grandes machines académiques.

Du XVIIe au début du XIXe siècle : place de l’histoire dans la hiérarchie des genres

Le débat sur les exigences qui sous-tendent la création d’un tableau d’histoire au XIXe siècle repose sur les critères fixés par l’Académie au XVIIe siècle d’une peinture qui doit transcrire le récit de l’histoire. Ces règles sont elles-mêmes le résultat de réflexions menées dès l’époque médiévale : déjà chez Leon Battista Alberti, dans la section II « La peinture » de son

De Pictura (rédigé en 1435), la peinture d’histoire est décrite comme une œuvre dont la

composition doit se caractériser par une abondance de personnages structurés autour d’un thème central. Son but « est la représentation d’une histoire »88, l’expression d’un sujet héroïque par une narration claire. Si Alberti propose un cadre théorique organisé autour de la narration et de la noblesse du sujet, il n’indique pas le type d’« histoire » à représenter. Il précise seulement les contraintes artistiques auxquelles ces œuvres à sujet narratif, déjà perçues comme le sommet de la peinture, doivent se conformer89. Par la suite, à la Renaissance, les peintres représentent autant la mythologie et l’histoire romaine que les hauts faits contemporains, suivant une orientation patriotique et une « conception humaniste de la

peinture »90 qui veut que l’homme y occupe la première place.

Le XVIIe siècle constitue un moment de formalisation et de consécration du concept de la peinture d'histoire. En 1648 est créée l’Académie royale de peinture et de sculpture, dont l’existence et la protection de la couronne vont contribuer à donner à l’artiste un statut supérieur à celui de simple artisan91. Plus encore, elle va notamment mettre en place des

87 MÉROT Alain, Les conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture au XVIIe

siècle, Paris, École

nationale supérieure des Beaux-Arts, 2003 (1996), p. 16 et suiv.

88 ALBERTI Leon Battista, La Peinture, édition de GOLSENNE Thomas, PREVOST Bertrand, revue par

HERSANT Yves, Paris, Seuil, 2004, t. II, 33, p. 123. Voir sur Alberti les observations de Daniel Arasse, dans « Sept réflexions sur la préhistoire de la peinture de genre », in ROQUE Georges (dir.), Majeur ou mineur ? Les

hiérarchies en art, Nîmes, éd. Chambon, 2000, p. 37.

89 KIRCHNER Thomas, Le héros épique, peinture d'histoire et politique artistique dans la France du XVIIe siècle, Paris, éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2008, p. 141.

90

VERGNETTE François, « Peinture d’histoire (XVe-XIXe siècles) », in GERVEREAU Laurent, Dictionnaire

mondial des images, Paris, Nouveau monde éditions, 2006, p. 796.

91 VAISSE Pierre, « Les genres dans la peinture du 19e siècle », in ELSIG Frédéric, DARBELLAY Laurent,

KISS Imola (dir.), Les genres picturaux, Genèse, métamorphoses et transposition, Genève, MetisPresses, 2010, p. 169. Sur ce point, et sur la question des liens entre l’Académie et la conception de la peinture d'histoire, voir

directives concernant la peinture d'histoire : en 1667, André Félibien jette les bases d’une structure théorique de la peinture autour de laquelle les réflexions sur la peinture graviteront jusqu’au XIXe siècle92. Dans sa hiérarchie des genres publiée dans une introduction des conférences de l’Académie, il met en place une échelle de valeurs des différents genres basée sur l’opposition entre l’animé et l’inanimé :

« Celui qui peint des animaux vivants est plus estimable que ceux qui ne

représentent que des choses mortes et sans mouvement ; et comme la figure de l’homme est le plus parfait ouvrage de Dieu sur la terre, il est certain que celui qui se rend l’imitateur de Dieu en peignant des figures humaines, est beaucoup

plus excellent que tous les autres. »93

Afin d’être supérieure aux autres, l’œuvre doit donc prendre pour sujet l’être vivant, en d’autres termes l’homme. La nature morte et le paysage sont donc inférieurs à la représentation du vivant, donc à la peinture animalière, qui elle-même est subordonnée à toutes les figurations de l’homme, portraituré ou mis en scène. Ces deux dernières catégories sont également hiérarchisées :

« Un peintre qui ne fait que des portraits, n’a pas encore atteint cette haute

perfection de l’art, et ne peut prétendre à l’honneur que reçoivent les plus savants. Il faut pour cela passer d’une seule figure à la représentation de plusieurs ensembles ; il faut traiter l’histoire et la fable, et il faut représenter de grandes actions comme les historiens, ou des sujets agréables comme les

poètes. »94

Félibien établit ici une distinction entre la fable et l’histoire, entre des sujets issus de l’imagination (mythologiques) et des emprunts à l’historiographie95. Dès les fondements de la hiérarchie, mythologie et histoire (passée ou contemporaine) constituaient donc les deux répertoires de sujets du peintre d’histoire. Félibien ajoute une dernière catégorie qui surpasse les autres, l’allégorie (principalement pour le roi) : « Et montant encore plus haut, il faut par

des compositions allégoriques, savoir couvrir sous le voile de la fable les vertus des grands

aussi DURO Paul, The Academy and the limits of painting in Seventeenth-Century France, Cambridge university press, Cambridge Studies in new art history and criticism, 1997.

92

Sur la hiérarchie des genres aux XVIIe et XVIIIe siècles, voir DÉMORIS René, « La hiérarchie des genres en peinture de Félibien aux Lumières », in ROQUE Georges (dir.), Majeur ou mineur ? Les hiérarchies en art, Nîmes, éd. Chambon, 2000, p. 53-66.

93 FELIBIEN André, Conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture, pendant l’année 1667, Paris,

F. Léonard éditeur, 1668, n. p.

94

Idem.

95 Daniel Arasse précise d’ailleurs que Félibien parle de « sujets » et non de « genres ». ARASSE Daniel, « Sept

réflexions sur la préhistoire de la peinture de genre », in ROQUE Georges (dir.), Majeur ou mineur ? Les

hommes et les mystères les plus relevés ». Ces distinctions doivent être comprises en fonction

d’un contexte de forte hiérarchisation de la société, où le genre choisi par le peintre détermine son statut et celui de son commanditaire96 : la peinture d'histoire correspond à la noblesse, l’allégorie est réservée au souverain97, et les autres genres (dont la peinture de genre, qui n’est pas encore mentionnée dans la hiérarchie) conviennent à la bourgeoisie.

Cette structuration de la peinture d'histoire par type de sujets est complétée par des critères artistiques. Félibien propose des cadres stricts afin que la peinture parvienne à l’inspiration la plus élevée : il recommande l’expression des passions par la noblesse de l’action qui constitue le sujet, sa lisibilité grâce à une composition claire, la vraisemblance qui impose l’usage du « costume » (la couleur locale) permettant au spectateur de s’instruire sur le contexte dans lequel se déroule l’action, et surtout l’unité d’action, qui n’empêche cependant pas d’évoquer ce qui a précédé, c'est-à-dire une forme – limitée – de narration. Il cite en exemple la toile de Nicolas Poussin, Les Israélites recueillant la manne dans le désert (1637-1639, Paris, musée du Louvre), dans laquelle la famine vécue antérieurement par le peuple est visible, mais où la pluie d’hostie envoyée par le Ciel est plus particulièrement mise en avant. Le cadre théorique de la peinture d'histoire, autant thématique qu’artistique, est établi et diffusé à la fin du XVIIe siècle, et la représentation de l’histoire de France fait partie de ses sujets.

La première moitié du XVIIIe siècle est marquée par un déclin de la peinture d'histoire98, et par un remaniement de la hiérarchie des genres. Jean Locquin, dans son étude sur ce genre entre 1747 et 1785, l’attribue au goût du temps pour le sensualisme et les coloris flamands99. Plusieurs théoriciens s’emparent de la question et établissent des distinctions avec les autres genres afin de rendre toute sa noblesse à la peinture d'histoire. Les études de Roger de Piles100, de l’abbé Jean Baptiste du Bos101 ou encore de Claude-Henri Watelet102 contribuent à affiner la hiérarchie des genres en ajoutant la notion de « peinture de genre ». Cette subdivision s’appuie sur plusieurs arguments, notamment celui d’une question de

96 KIRCHNER Thomas, op. cit., 2008, p. 384. 97

KIRCHNER Thomas, « La nécessité d’une hiérarchie des genres », Revue de l’esthétique, n° 31-32, 1993, p. 187-196.

98 François de Vergnette, dans sa notice sur la peinture d'histoire, parle en effet du « déclin de la peinture

d'histoire et du grand genre » dans la première moitié du XVIIIe siècle. VERGNETTE François, « Peinture d’histoire… », art. cit., p. 797.

99 LOCQUIN Jean, La peinture d'Histoire en France de 1747 à 1785, Arthéna, 1978 (1912), p. XXIX. 100 DE PILES Roger, Cours de peinture par principes, éd. Jacques Thuillier, Paris, Gallimard, 1989. 101

DU BOS Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Paris, 1770.

102

Sur ce point, nous nous sommes basée sur l’étude de Mark Ledbury, « The hierarchy of genre in the theory and practice of painting in Eighteenth-Century France », in DECULTOT Elisabeth, LEDBURY Mark (dir.),

Théories et débats esthétiques au XVIIIe siècle, éléments d’une enquête, Paris, Honoré Champion, 2001, p. 187-

graduation des talents, et celui de la nécessité d’une structuration pour éviter les dérives de sujets trop légers que seul le terme « peinture d'histoire » pouvait alors qualifier. Ainsi pour Watelet, dans son article sur le « genre » dans l’Encyclopédie, le mot sert à distinguer le peintre de genre et le peintre d’histoire, sans que cela n’entraîne de hiérarchisation. Les artistes doivent simplement se spécialiser selon leurs prédispositions, déterminées par leurs aptitudes103. Il évoque aussi d’autres genres (paysage, pastorale héroïque, pastorale naturelle, etc.) et précise que des subdivisions complémentaires existent. Son texte procède plus d’un état des lieux que d’une analyse de ce que la peinture doit véhiculer. La Font de Saint-Yenne, au contraire, met en avant la notion de morale comme critère déterminant : la peinture d’histoire se caractérise par la valeur morale et dialectique du sujet, et pas par le sujet seul. Denis Diderot poursuit dans cette veine, suggérant que des toiles comme celles de Jean- Baptiste Greuze, qui peint des sujets appartenant au genre, devraient être considérées comme peintures d’histoire en raison de leur puissance morale104. En exemple, il présente la Piété

filiale (1763, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage) comme une fusion entre le genre et

l’histoire, nouvelle catégorie qu’il appelle « peinture morale »105. Dès lors, Greuze a pu être considéré comme le « peintre d’histoire de la réalité quotidienne »106. On constate que le renforcement de la hiérarchie des genres a entraîné aussi sa déconstruction.

L’historien de l’art Mark Ledbury, afin de montrer la perméabilité entre les genres, prend pour modèle Jean-Honoré Fragonard et sa grande modernité : pour lui, ce peintre est à la charnière entre le système académique (son morceau d’agrément est tout à fait dans les critères de la peinture d'histoire : Le grand prêtre Corésus se sacrifie pour sauver Callirhoé, 1765, Paris, musée du Louvre), et le système lucratif du marché de l’art qui l’amène à créer des œuvres inscrites dans d’autres genres. Finalement, la force concurrentielle de ce marché de l’art associé à un goût des élites qui se détachent de la grande peinture ainsi que les fortes

103 WATELET Claude-Henri, « Genre, peinture », in DIDEROT Denis et d’ALEMBERT Jean le Rond,

Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des arts, des sciences, et des métiers, Lausanne, 1781, XVII, p. 970-1.

104 « Il me semble que la division de la peinture en peinture de genre et peinture d’histoire est sensée, mais je

voudrais qu’on eût un peu plus consulté la nature des choses dans cette division. On appelle du nom de peintres de genre indistinctement et ceux qui ne s’occupent que des fleurs, des fruits, des animaux, des bois, des forêts, des montagnes, et ceux qui empruntent leurs scènes de la vie commune et domestique ; Tesniere, Wowermans, Greuze, Chardin, Loutherbourg, Vernet même sont des peintres de genre. Cependant je proteste que Le Père qui

fait la lecture à sa famille, Le Fils ingrat et Les Fiançailles de Greuze, que les Marines de Vernet qui m’offrent

toutes sortes scènes de la vie commune et domestique, sont autant pour moi des tableaux d’histoire que Les Sept

Sacrements de Poussin, La Famille de Darius de Le Brun, ou la Susanne de Vanloo », in Denis Diderot, Essais

sur la peinture, Œuvres complètes, édition établie par J. Assézat et M. Tourneux, 1875-1877, p. 508.

105

MUNHALL Edgar, « La signification des genres dans l’œuvre de Greuze », in MAI Ekkehard (dir.),

Triomphe et mort du héros, la peinture d’histoire en Europe de Rubens à Manet, Musée des beaux-arts de Lyon,

Electa, 1988, p. 103.

106 ROSENBERG Pierre, La Mort de Germanicus de Poussin, Paris, Musée du Louvre (19 mai au 17 septembre

modifications des hiérarchies sociales rendaient presqu’impossible le maintien de la hiérarchie académique des genres.

Dans ce contexte mouvant, une réforme esthétique se met en place autour de 1750, dont le but, ainsi que Jean Locquin l’a bien montré, est d’abord de restaurer l’ascendance de l’Académie. Ce processus, qui va aboutir au néoclassicisme incarné par Jacques-Louis David, a impliqué une revalorisation de la peinture d'histoire et notamment de l’histoire nationale. Jean Locquin a observé la persistance de l’allégorie et une forte baisse de la peinture de batailles, mais surtout le développement de l’histoire médiévale, moderne et contemporaine, timide vers 1765, puis plus important autour de 1775107. Cet essor – dont Pierre Vaisse a constaté qu’il se manifeste partout en Europe108 – est lié pour la France à l’avènement de Louis XVI et à la nomination du comte d’Angiviller à la direction générale des Bâtiments. L’histoire de France est mise en avant à travers certaines commandes passées par d’Angiviller, qui mène une politique active en matière de commandes royales de peintures d’histoire afin de « ranimer » ce genre109. Il demande notamment en 1776 à Nicolas-Guy Brenet de peindre Honneurs rendus au connétable Du Guesclin par la ville de Randon (comme trait de respect pour la vertu), et à Louis Durameau Le chevalier Bayard remet sa

prisonnière à sa mère et la dote (comme trait de respect pour les mœurs)110. On retrouve la

même démarche pour sa commande de la série des Hommes Illustres pour la Grande Galerie du Louvre : « Incarner les hauts faits de la France et de l’esprit patriotique et ainsi, non

seulement se voir honorés par le souverain mais aussi servir de modèles, par leurs vertus

exemplaires, pour l’action du temps »111. La vertu patriotique de la représentation de l’histoire

de France est essentielle dans ces œuvres, selon une conception qui se perpétuera par la suite. Ce type de commandes s’inscrit dans l’esprit académique – ces toiles figurent les « grandes actions » des hommes érigés en modèles de vertu – mais montre aussi que, tout en se maintenant dans des représentations allégoriques plus traditionnelles, la peinture d'histoire de France se développe dans une conception réaliste (couleur locale). La nécessité de vraisemblance, critère de la peinture d'histoire, impose aux artistes qui s’emparent de l’histoire nationale pour leurs sujets d’être attentifs à la restitution du sujet, et de faire donc

107 À noter aussi que la peinture d'histoire se maintient fortement dans le cadre religieux. Voir SCHNAPPER

Antoine, Jean Jouvenet (1644-1717) et la peinture d'histoire à Paris, édition complétée par GOUZI Christine, Paris, Arthéna, 2010, p. 178.

108

VAISSE Pierre, « Les genres… », art. cit., p. 172.

109

LOCQUIN Jean, op. cit., p. 50.

110 Idem, p. 51.

111 GAEHTGENS Thomas W., L’art, l’histoire, l’histoire de l’art, Paris, éditions de la Maison des Sciences de

preuve d’une certaine exactitude historique112, qu’il s’agisse d’histoire antique ou moderne. On retrouve là l’idée de Félibien selon laquelle l’artiste est aussi un savant.

Les événements de la période révolutionnaire vont renforcer l’importance de la représentation de l’histoire nationale, et faire jaillir celle de l’actualité113. Jacques-Louis David, pourtant acteur du classicisme de la peinture d’histoire, en est un des principaux artisans sans doute en raison de son intérêt personnel pour les événements. Il avait adressé aux révolutionnaires cette sentence : « Vos sages lois, vos vertus, vos actions vont multiplier sous

nos yeux des sujets dignes d’être transcrits à la postérité par tous les beaux-arts »114. L’artiste

prend non seulement conscience que l’actualité peut être un sujet privilégié de l’histoire, ce qui conduit progressivement vers l’idée qu’il peut aussi contribuer aussi à sa construction, ainsi que l’a écrit Philippe Bordes : « L’artiste a conscience qu’il doit être l’agent de

l’histoire et non seulement son témoin »115. Ce glissement est manifeste dans l’œuvre de

David : en 1785, il peint le Serment des Horaces (1785, Paris, musée du Louvre) qui incarne selon Locquin l’aboutissement de l’élan vers le classicisme116, et six ans plus tard il représente le Serment du Jeu de Paume (1791, Paris, musée Carnavalet). Dans cette dernière toile, le peintre fixe dans les mémoires un événement contemporain qu’il a jugé historique. L’influence de la période révolutionnaire sur les arts entraîne une certaine liberté dans la représentation de l’actualité, qui se distingue nettement des représentations académiques de l’histoire gréco-romaine ou de la mythologie. Toutes, pourtant, sont des « peintures d'histoire ».

Le règne de Napoléon Bonaparte accentue encore la tendance à la figuration du contemporain, notamment par le biais de commandes officielles qui permettent à l’Empereur de forger son image : on peut à nouveau citer David avec une œuvre de propagande, Le Sacre

de Napoléon (1805-1807, Paris, musée du Louvre)117. De plus, ces tableaux d’histoire qui

vantent les mérites du régime vont redonner ses lettres de noblesses à la peinture de bataille. Ce genre réunit à la fois une conception classique de la peinture d'histoire héritée d’une longue tradition, et des sujets tirés de l’actualité la plus récente. Il en vient donc à incarner la

112 WESTFEHLING Uwe, « Héros, anti-héros, héros anonyme », in MAI Ekkehard (dir.), op. cit., p. 144. 113

WHITELEY John, « Art, hiérarchie et Révolution française », in ROQUE Georges (dir.), Majeur ou mineur ?

Les hiérarchies en art, Nîmes, éd. Chambon, 2000, p. 67-77.

114 Cité par Philippe Bordes dans « La fabrication de l’histoire par Jacques-Louis David », in MAI Ekkehard

(dir.), op. cit., p. 111.

115

BORDES Philippe, MICHEL Régis (dir.), Aux armes et aux arts, les arts de la Révolution, 1789-1799, Paris, Adam Biro, 1988, p. 105.

116 LOCQUIN Jean, op. cit., p. XXX.

117 BORDES Philippe, « La fabrication de l’histoire par Jacques-Louis David », in MAI Ekkehard (dir.), op. cit.,

peinture d'histoire du XIXe siècle, celle qui se conforme au dogme académique dans sa composition, et qui est aussi ancrée dans son historicité. Nous verrons que cette conception se pérennise jusqu’au Second Empire.

La peinture d'histoire est donc, depuis le XVIIe siècle, intrinsèquement liée à l’État. Si l’usage de la représentation de l’histoire par les gouvernements n’est pas neuve au XIXe siècle, le recours à l’histoire nationale dans des buts politiques s’accentue en revanche notablement. La Révolution française, nous l’avons vu, a joué un rôle dans cette évolution vers une conception de l’artiste comme agent de l’histoire. Napoléon Bonaparte se sert des peintres d’histoire (David, Antoine-Jean Gros) pour véhiculer une image forte et positive de son règne. Les caractéristiques stylistiques académiques sont conservées malgré des changements au niveau des sujets : ils héroïsent le souverain dans des scènes historiques (et plus seulement allégoriques), dans un but de légitimation politique et sans avoir recours à l’allégorie. Cette instrumentalisation de la peinture d'histoire se poursuit avec le retour de la