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Les ouvrages des historiens comme source objective

CHAPITRE I. Méthodologie du peintre d’histoire : la recherche de la vérité, les sources

A. Les ouvrages des historiens comme source objective

Les historiens libéraux : histoire de la nation et couleur locale

Parmi les auteurs référencés dans les livrets des Salons, on ne note pas moins de quatorze mentions d’historiens de la première moitié du XIXe siècle, dits libéraux.

Adolphe Thiers est cité à cinq reprises, dont quatre fois pour son Histoire du Consulat

et de l’Empire écrite et publiée entre 1845 et 1862, par les artistes suivants : Eugène Glück, Bataille de Landshut (23 avril 1809) (Paris, Salon de 1861, n° 1321 ; Colmar, Musée

d'Unterlinden), Eugène-Ernest Hillemacher, L'Empereur Napoléon Ier avec Goëthe et Wieland (1808) (Salon de 1863, n° 921), Albert-Pierre-René Maignan, Napoléon et Marie-Louise, le jour de leur mariage, parcourant la grande galerie du Louvre, où avait trouvé place toute la

population opulente de Paris (Salon de 1869, n° 1599) et Henri-Felix-Emmanuel

Philippoteaux, Combat de Diernstein (nov 1805) (Salon de 1863, n° 1482).

John-Lewis Brown, pour Le 17 juin 1815, sept heures du soir (Paris, Salon de 1869, n° 342 ; Bordeaux, musée des beaux-arts), précise qu’il utilise un extrait de Waterloo, dernier tome de l’Histoire du Consulat et de l’Empire (volume 20) publié en 1862. Ces toiles, peintes peu de temps après la parution des ouvrages de Thiers, sont révélatrices de l’émulation déclenchée par la publication de ce type d’ouvrages historiques.

L’Histoire de France d’Henri Martin est utilisée à trois reprises : Isidore Patrois s’en sert pour sa Jeanne Darc insultée dans sa prison (Paris, Salon de 1866, n° 1504 ; musée d’Angers) et pour Jeanne d’Arc allant au supplice (Rouen, 1431) (Paris, Salon de 1867, n° 1187 ; musée des beaux arts de Rouen) ; Gabriel-Adolphe Bourgoin l’utilise pour Le duc

de Guise à la journée des barricades (Paris, Salon de 1863, n° 252). L’ouvrage de Martin,

initialement publié en 15 tomes entre 1833 et 1836, fait l’objet d’une refonte et d’une nouvelle publication entre 1837 et 1854 : la vogue renouvelée de cette Histoire de France, ajoutée à la popularité de l’auteur, légitime son usage par les artistes13.

Prosper de Barante inspire à Pierre-Charles Comte sa Récréation de Louis XI (Paris, Salon de 1863, n° 441), sujet extrait de l’Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de

Valois, publiée entre 1821 et 1824 (éditions Ladvocat), et qui est rééditée chez Didier et Cie

en 1860. Après une période d’activité politique, Barante renoue avec les travaux historiques sous le Second Empire : il écrit notamment une Histoire de Jeanne d'Arc, publiée en 185914,

13 LETERRIER Sophie-Anne, « Henri Martin », in AMALVI Christian (dir.), Dictionnaire biographique des

historiens français et francophones, Paris, La Boutique de l’Histoire, 2004, p. 211.

et que le peintre Lewis Strange Wingfield mentionne en commentaire de sa Jeanne d'Arc (Paris, Salon de 1870, n° 2957 ; musée des beaux-arts d’Orléans).

Les frères Thierry sont également cités dans les livrets des Salons : Augustin Thierry y apparaît pour son ouvrage Histoire de la conquête d’Angleterre, à laquelle Charles-Victor- Eugène Lefebvre emprunte la scène de La mort de Guillaume le Conquérant (Paris, Salon de 1863, n° 1140 ; Rouen, musée des beaux-arts). Premier grand ouvrage de l’historien, publié en 1825, il paraît de nouveau dans les Œuvres Complètes (1851-1856, Furne) puis indépendamment grâce à Henri Martin en 185815. Le livre d’Amédée Thierry, Histoire des

Gaulois depuis les temps les plus reculés jusqu’à l’entière soumission de la Gaule à la domination romaine, est utilisé par deux artistes : Pierre de Coninck pour L'épreuve (Paris,

Salon de 1868, n° 678 ; Lille, musée des beaux-arts), et Émile Lévy pour son Vercingétorix se

rendant à César (Paris, Salon de 1863, n° 1205). Publié en 1828, l’ouvrage connaît un succès

qui entraîne de fréquentes rééditions : en 1834 chez Hachette, en 1845 chez Jules Labitte (revue et augmentée) ; puis en 1857 chez Didier, suivie en 1859 d’une autre édition revue et augmentée, qui paraît à nouveau en 1866. Jusqu’à la fin du Second Empire (et l’aventure éditoriale se poursuit sous la Troisième République), le texte d’Amédée Thierry est publié et actualisé avec une grande fréquence, prouvant ainsi son succès public.

L’ouvrage de François-Auguste Mignet sur Charles-Quint (1852-1854) inspire une œuvre à Federico Faruffini, Charles Quint et son fils Don Juan à Saint-Yuste (Salon de 1866, n° 687).

Le grand absent de ces mentions d’historiens dont la réputation fut forgée sous la Restauration et la monarchie de Juillet est François Guizot, ce qui a lieu d’étonner considérant l’intense travail de publication qu’il mène tout spécialement sous le Second Empire.

Chacun des textes des historiens revendiqués par les artistes a connu des rééditions sous le Second Empire, créant une actualité et un engouement perceptibles dans le travail des peintres. La caractéristique commune des ouvrages de ces historiens dits libéraux, qui commencent à publier leurs travaux dans les années 1820, est la volonté de donner à la nation son histoire en tant qu’identité commune, permettant d’établir un lien entre le passé et le présent16. Héritiers de la Révolution française, ces auteurs tentent d’écrire une histoire du

15 LETERRIER Sophie-Anne, « Augustin Thierry », in AMALVI Christian (dir.), op. cit., 2004, p. 303 ; p. 211. 16 CHAUDONNERET Marie-Claude, art. cit., p. 29.

peuple pour le peuple17. De plus, l’approche de la discipline se veut la plus scientifique possible, grâce à une méthodologie rigoureuse basée sur les sources permettant d’atteindre l’exactitude18. Dans ces textes, le souci de rendre la « couleur locale » est manifeste : les historiens s’attardent, au-delà des événements historiques majeurs, sur les mœurs, traditions, sentiments, afin de mieux comprendre ceux dont nous sommes les héritiers19. D’après Stephen Bann, Prosper de Barante aurait été le premier à introduire la couleur locale dans ses travaux20. Les peintres du genre historique, genre qui se développe autour des années 1830 et dont les sujets portent sur l’histoire nationale, sont influencés par ces auteurs et s’inscrivent dans la démarche de recherche de couleur locale. Il n’est donc pas étonnant de constater la persistance de l’usage des sources historiques chez les peintres qui s’inspirent de l’histoire de France sous le Second Empire.

Les prises de position libérales de ces historiens comme Thierry, Thiers, Guizot, qui cherchent à établir une identité commune par les origines historiques de la France et qui utilisent le passé « comme arme politique, comme moyen de réconciliation »21, sont chargées d’une dimension politique que l’on ne retrouve pas toujours clairement chez les artistes, même chez ceux qui se spécialisent dans la peinture à sujet historique. Ainsi d’Isidore Patrois : il dépeint l’épopée de Jeanne d'Arc à travers une série de toiles, dont deux sont réalisées grâce à l’Histoire de France d’Henri Martin. L’intention patriotique du peintre peut être supposée, mais toutefois pas affirmée avec certitude. La citation d’une référence historique serait donc, dans bon nombre de cas, un garant de fiabilité et d’exactitude plus qu’une revendication politique.

Ce point est corroboré par le choix des sujets : bien qu’extraits d’ouvrages développant des événements historiques, les thèmes des tableaux sont régulièrement anecdotiques, et seule la présence d’un personnage historique empêche le basculement dans la peinture de genre. C’est le cas d’Albert Maignan, qui fait ses débuts au Salon en 1867, et qui va multiplier au cours de sa carrière les œuvres tirées de l’histoire22 : dans Napoléon et Marie-

Louise, le jour de leur mariage, parcourant la grande galerie du Louvre, où avait trouvé place toute la population opulente de Paris (Paris, Salon de 1869, n° 1599), bien qu’il

représente le jour de l’union entre Napoléon et Marie-Louise en s’appuyant sur le texte de Thiers, il figure avant tout une promenade impériale. Quant à Isidore Patrois, il se sert d’Henri

17 VENAYRE Sylvain, Les Origines de la France, quand les historiens racontaient la nation, Paris, Seuil, p. 37. 18

LETERRIER Sophie-Anne, op. cit., p. 37.

19

Idem, p. 13.

20 BANN Stephen, The Clothing of Clio, Cambridge, Cambridge University Press, 2011 (1984), p. 38. 21 CHAUDONNERET Marie-Claude, art., cit., p. 28.

Martin aussi bien pour un épisode majeur de la vie de Jeanne d'Arc, sa marche vers le supplice (Jeanne d’Arc allant au supplice (Rouen, 1431)), que pour une scène très secondaire où elle est raillée par ses geôliers (Jeanne Darc insultée dans sa prison). Pierre-Charles Comte qui, comme on l’a vu, revendique Prosper de Barante comme source d’inspiration, propose un moment en marge des grands événements historiques : avec la Récréation de

Louis XI, le peintre se concentre sur les divertissements offerts au roi. Paul Mantz a qualifié le

sujet d’ « historiette », sans pour autant en nier la qualité23. La référence à un ouvrage historique ne garantit pas la haute historicité du sujet choisi par les peintres.

C’est d’autant plus le cas en ce qui concerne certaines périodes reculées de l’histoire dont les historiens se sont emparés depuis peu : les Gaulois, par exemple, sont un sujet presque neuf, que le XIXe siècle découvre progressivement et en particulier grâce à Amédée Thierry dès 1828. En dehors de quelques rares « moments historiques » comme la reddition de Vercingétorix à César (exploitée par Émile Lévy), les scènes de mœurs ont une importance majeure dans ces ouvrages. L’Histoire des Gaulois de Thierry est d’ailleurs généreuse en détails qui renforcent la « couleur locale », et qui peuvent aisément être repris par les artistes. Ainsi, Pierre de Coninck cite un extrait de l’ouvrage d’Amédée Thierry qui aborde un trait des mœurs des Gaulois : dans L’Épreuve, il y figure une jeune mère qui se conforme aux traditions imposant de laisser le Rhin décider si l’enfant vivra ou non. Il s’inspire du récit d’une période lointaine plus qu’il ne transcrit une page historique, comme le dit son biographe Gustave Derudder : « Le peintre compose une page délicieusement impressionnante en

méditant une page de l’historien »24. L’auteur confirme la force de l’intérêt sous le Second

Empire pour la reconstitution d’une atmosphère autant que d’une scène historique :

« Et notre peintre se préoccupe plus que de raison de la couleur locale, cette

marotte romantique. Le voilà aux prises avec ses scrupules d’artiste consciencieux, condamné à reproduire l’image fidèle de la réalité, conforme matériellement aux données de l’histoire. L’œuvre d’Augustin Thierry ne lui fournissant pas de références suffisantes, il cherche ailleurs un complément

d’information. »25

Pierre de Coninck prépare son œuvre en réalisant de nombreuses recherches, ce qui montre un grand souci de réalisme historique (et ce malgré les recommandations de son maître

23 MANTZ Paul, « Salon de 1863 », Gazette des beaux-arts, tome XIV, 1e juin, 6e livraison, p. 505.

24 DERUDDER Gustave, Le peintre Pierre de Coninck et ses amis, 1828-1910, Paris, Perrin et Cie, 1914, p. 267. 25 Idem, p. 231.

Bonnat26). Tendance fréquente pour les périodes reculées et peu renseignées, c’est la barbarie des temps premiers qui est mise en avant. Charles Clément, dans son compte rendu du Salon de 1868, nous offre une utile description de la toile de Pierre de Coninck, et évoque cette même barbarie jusque dans les formes corporelles de la jeune mère :

« On a besoin de cette indication du livret, car la scène ne se comprend pas

d'elle-même. Au point de vue pittoresque, la composition n'est pas non plus irréprochable. La jeune mère est assise sur la berge du fleuve, la main sur sa bouche, suivant pleine d'anxiété le sort du frêle radeau sur lequel est placé le petit enfant. L'attitude et l'expression ont beaucoup de netteté et de force. Je ne peux pas dire que le type de cette jeune femme soit agréable; c'est une barbare. Mais si le dessin est un peu lourd et vulgaire, l'exécution est pleine d'intérêt. Elle est très personnelle, ferme, large, et la couleur est riche et brillante. C'est là un ouvrage

très remarquable et qui promet beaucoup. »27

L’œuvre est d’ailleurs récompensée par une médaille. Cette peinture à sujet historique s’ancre parfaitement dans son genre, en ce qu’elle se déroule à l’époque gauloise, qu’elle figure un aspect de la vie des ancêtres de la nation, et qu’elle est marquée par la « couleur locale ». Elle traduit finalement assez bien les intentions d’Amédée Thierry.

En définitive, quelle que soit l’importance historique du sujet, la démarche de citer en référence le nom d’un historien libéral correspond à un souci de rendre visible l’exactitude, la « vérité » d’un sujet, par opposition à une invention. On touche du doigt l’influence que les historiens libéraux ont pu avoir sur les artistes, ou plus exactement la discipline historique telle qu’elle est conçue au XIXe siècle : elle doit s’appuyer sur des sources fiables, des données abondantes analysées en vue d’obtenir un regard aussi « vrai » que possible. Les artistes qui ont recours aux textes des historiens mettent en œuvre la même méthode.

Historiens et peintures engagées

Si nous n’avons pas constaté de lien entre les références aux historiens libéraux et un positionnement politique des peintres qui s’en inspirent, en revanche des corrélations

26 « Mais Bonnat s’élève contre cet amour de l’accessoire avec l’indépendance d’un maître, qui sait ce qu’il y a

à prendre et à laisser : ‟ il faut que tu termines ton tableau à Rome ; va vivement ; n’attends pas le soleil, et ne te préoccupe pas trop des costumes de l’époque. Fais de la peinture comme tu sais en faire, solide ; peu importe, je crois, que vos personnages soient habillés comme des Gaulois ou comme des Romains. Fais des hommes ; et moque-toi du reste ” », Ibidem, p. 231.

idéologiques peuvent être remarquées dans le cas de certains sujets (sur l’histoire des Protestants, de la Révolution française) pour lesquels les artistes s’appuient sur des auteurs spécialisés dans ces thématiques.

Lorsque Pierre-Antoine Labouchère présente au Salon de 1864 son Épisode de la

guerre des Cévennes (1703) (Paris, Salon de 1864, n° 1054 ; Mialet, musée du désert), il

ajoute un texte extrait de l’Histoire des pasteurs du désert, depuis la révocation de l'Édit de

Nantes jusqu'à la révolution, écrit par Napoléon Peyrat (édition M. Aurel, Paris, 1842).

L’auteur y développe l’histoire des Protestants, lui-même ayant été élevé dans cette confession28. Labouchère est né à Nantes, dans une région où les affrontements entre catholiques et protestants ont été virulents ; attaché à l’histoire de la Réforme et protestant également, il n’est donc pas étonnant de le voir faire référence au travail de Peyrat29. De plus, bien que le titre de sa toile annonce une scène de bataille, celle-ci est en réalité reléguée à l’arrière-plan, le véritable sujet de l’œuvre étant Jean Cavalier, disposé au centre de l’œuvre et valorisé à la fois par la composition et par les effets de couleur et de lumière. Ce « prophète- camisard » est ici présenté à la manière d’un roi. Cela confère à l’œuvre un caractère presque militant, dans un contexte de réconciliation de l’Église catholique avec l’État sous le Second Empire.

La même démarche peut être observée chez le peintre Léon Fauré : pour sa toile Jean

Huss devant l'Empereur Sigismond (Paris, Salon de 1861, n° 1066 ; Toulouse, musée des

Augustins), il indique comme source l’Histoire du Concile de Constance (1714) de Jacques Lenfant30. L’ouvrage, réédité plusieurs fois au XVIIIe siècle et qualifié de « livre exact et intéressant »31 par le Larousse du XIXe siècle, est écrit par un historien protestant qui y défend le réformateur Jean Huss (ou Hus). Bien que les opinions religieuses de Fauré ne nous soient pas connues, le choix de cette source ainsi que l’extrait qui insiste sur la trahison de Sigismond suggère un point de vue en faveur de Huss et donc de la Réforme.

Un parti pris politique en faveur de la Révolution française est visible dans le cas de Jules Garnier : il présente au Salon de 1870 une toile figurant Mlle de Sombreuil (Paris, Salon de 1870, n° 1133), et ajoute en référence le livre de Bernard-Adolphe Granier de Cassagnac,

Histoire des Girondins et des massacres de septembre (E. Dentu, Paris, 1860). Sous le Second

28

CABANEL Patrick, « Napoléon Peyrat », in AMALVI Christian (dir.), op. cit., 2004, p. 254.

29

Voir la monographie consacrée à cet artiste par BONIOL Françoise, Pierre-Antoine Labouchère, un peintre

protestant du XIXe siècle, Carrières-sous-Poissy, La Cause, 2010.

30 LENFANT Jacques, Histoire du concile de Constance, Amsterdam, Humbert, 1714. 31 LAROUSSE Pierre, op. cit., t. X, p. 359.

Empire, cet auteur est très engagé politiquement en faveur des Bonaparte ; de plus, il revendique le mérite d’utiliser une particule qu’il aurait simplement ajoutée à son nom, ce qui suggère une ambition de noblesse et une position défavorable vis-à-vis des révolutionnaires dont il est question dans son ouvrage32. Le choix de Jules Garnier de figurer l’épisode où l’aristocrate Marie de Virot Sombreuil, comtesse de Villelume, se met en danger et parvient à attendrir les bourreaux révolutionnaires de son père, va dans le sens d’une critique de la brutalité de la Révolution française. L’usage de cette référence renforce une intention que l’on pouvait supposer d’après le choix du sujet.

Plusieurs artistes s’inspirent des œuvres de Jules Michelet. L’historien a su affirmer au cours de sa carrière « son engagement démocratique, nationaliste et anticlérical », ainsi que son intérêt pour la Révolution française33. On peut donc s’interroger sur le positionnement des peintres qui se réclament de lui pour leurs œuvres. Trois artistes le mentionnent comme source : Sophie Jobert, pour Jeanne Darc [sic], à Poitiers (Paris, Salon de 1867, n° 803), cite un extrait de son ouvrage Jeanne d'Arc publié en 1853 (Hachette) et réédité dès 1863 ; Adolphe Aze intègre l’auteur directement dans le titre de son œuvre, « Louis XI promenait

dans Lyon, par les boutiques, le vieux René pour l'amuser aux marchandises ; lui, il prit les marchandes » (Michelet) (Paris, Salon de 1869, n° 85), et fait référence à l’Histoire de France publiée en 1833 et rééditée de nombreuses fois, en particulier sous le Second Empire ;

enfin Paul-Jacques-Aimé Baudry, pour sa Charlotte Corday, dit aussi Marat dans sa

baignoire (Paris, Salon de 1861, n° 151 ; Nantes, musée des beaux-arts), mentionne comme

source Les Femmes de la Révolution, paru en 1854. Dans les deux premiers cas, le texte de Michelet semble avant tout servir de caution scientifique (l’approche du sujet est pour l’un sensible et l’autre anecdotique, nous reviendrons sur ces points). Au contraire, Paul Baudry reprend une partie du texte de l’historien et ancre la scène dans son contexte par le travail sur les costumes et le décor : « Il s’y exprime en historien minutieux et fidèle de la réalité »34. Toutefois, il propose une vision qui diffère de celle du très républicain Michelet : dans la toile (et contrairement à la Mort de Marat de Jacques-Louis David, que Baudry avait en tête), Marat est écarté du devant de la scène au profit de Charlotte Corday, qui devient le sujet

32 Cette question de la particule est longuement évoquée dans l’article consacré à Granier de Cassagnac dans le

Grand dictionnaire universel du XIXe siècle ; il y est également dit que ses ouvrages historiques « ne sont que des pamphlets » sans autre méthode que de récuser le travail des historiens qui l’ont précédé. LAROUSSE

Pierre, op. cit., t. VIII, p. 1455.

33 GRONDEUX Jérôme, « Jules Michelet », in AMALVI Christian (dir.), op. cit., 2004, p. 222.

34 BERNARD Yves-Michel (dir.), Baudry (1828-1886), cat. exp., Musée d'art et d'archéologie, La Roche-sur-

principal. Les pages que Jules Michelet accorde à la républicaine modérée Charlotte Corday sont marquées par sa fascination pour la jeune meurtrière35. Bien qu’elle soit issue de la noblesse et qu’elle ait assassiné un des acteurs majeurs de la Révolution, elle est vue par l’historien comme une héroïne patriote qui a voulu combattre la tyrannie quitte à sacrifier sa personne. Baudry transcrit cette image dans sa toile, bien qu’il reste délicat de préciser ses positions politiques, tour à tour absentes ou changeantes36.

Eugène Beyer se réfère probablement davantage au Michelet anticlérical. Il présente au Salon de 1865 Une famille réformée, en 1685 (Paris, Salon de 1865, n° 181) et ajoute dans le livret une référence à l’Histoire de France de Michelet. Il fait mention du tome VIII consacré à l’histoire de la Réforme. Beyer était peintre, mais avant tout homme politique :