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CHAPITRE II. La peinture de bataille : la dernière peinture d'histoire traditionnelle ?

C. Peindre le soldat pour émouvoir

Le sacrifice individuel : peindre la mort pour émouvoir

Le réalisme croissant et le succès de la peinture de genre ont engendré des œuvres dont le but était de susciter l’adhésion par l’émotion, par une approche pathétique. C’est ce qu’Arsène Alexandre a appelé la peinture « familière »167, et que d’autres appellent « intimiste » : « Le

‟on” de l’opinion voulait une peinture militaire plus ‟intimiste”, plus engageante de leçons

de courage et d’honneur, plus nationale »168. Ces sujets, empruntés à des épisodes se

déroulant en marge des batailles proprement dites, abordent la mort du soldat pour la nation. Ces œuvres sont à la frontière de la peinture de genre, et pourraient en faire partie si les

164 A. M., « Salon de 1861, reproduction d’ouvrages », L’Illustration, tome XXXVIII, juillet-décembre 1861,

p. 57.

165

Idem, p. 57.

166 Ibidem, p. 58.

167 ALEXANDRE Arsène, op. cit., p. 6.

individus représentés n’étaient des soldats : on l’a vu, leur uniforme et leur statut de militaires contribuent à élever les œuvres au-dessus du genre, car ils confèrent une valeur d’universalité au cas particulier. Au-delà de l’homme, c’est le représentant de l’armée qui est figuré, et c’est la mort comme conséquence de la guerre, événement historique qui sert de cadre, qui est abordée frontalement. Le geste du sacrifice personnel pour la défense du pays est ainsi érigé en modèle de noble comportement.

On trouve entre 1860 et 1870 un bon nombre de toiles illustrant l’instant de la mort individuelle de soldats, qu’ils soient ordinaires ou officiers. Pour ces derniers, l’héroïsme est renforcé par leur grade. La mort du général Espinasse apparaît dans cinq œuvres entre 1860 et 1870. Deux toiles abordent ce sujet indirectement : alors que dans le Combat de Marcallo,

lors de la bataille de Magenta, 4 juin 1859 (Paris, Salon de 1861, n° 2692 ; Versailles, musée

national du Château) de Rigo, le moment choisi précède la mort du général (elle est seulement annoncée dans le texte du livret du Salon)169, dans la toile d’Adolphe Yvon, Magenta (4 juin

1859) (Paris, Salon de 1863, n° 1904 ; Versailles, musée national du Château), il est figuré

mourant mais au second plan sur la gauche, après avoir été frappé. Les trois toiles traitent ce sujet frontalement, du moins d’après les textes des livrets des Salons en ce qui concerne Charles-Alexandre Coëssin de la Fosse et sa Mort du général Espinasse (Paris, Salon de 1861, n° 658), et François Mouillard avec la Mort du général Espinasse, à Magenta (Paris, Salon de 1861, n° 2324)170. La troisième est réalisée par Alphonse de Neuville La Bataille de Magenta, mort du général Espinasse (Paris, Salon de 1868, n° 1859) : pour cette commande

d’État pour la décoration d’un dessus de porte du palais archiépiscopal de Bordeaux171, le peintre représente le moment précis où Espinasse est atteint par une balle mortelle. Son corps révulsé est centré dans la composition, et prend place dans un décor de village délabré par les combats.

169 Rigo explique qu’il cherche à montrer le dernier moment de gloire du général : « Le combat de Marcallo est

vraiment le dernier triomphe de cet officier général qui peu d’instants après tombait glorieusement à Magenta. »

Lettre de Jules Rigo au ministre des beaux-arts, 4 juin 1861, AN, F21/176.

170 Charles-Alexandre Coëssin de la Fosse : « Le général Espinasse, à la tête du 2e

zouaves, était entré à Magenta, et se trouvait dans une rue perpendiculaire au chemin de fer, exposé à une vive fusillade qui partait des étages supérieurs des habitations. Tourné vers ses hommes, il leur indiquait une maison située à sa droite, quand, des fenêtres masquées par des broussailles et de la porte charretière de cette maison, partit une décharge générale qui le frappa mortellement. » ; Alfred-François Mouillard : « "…C’était d’une maison à gauche de la rue que partait la fusillade : Le général, furieux de voir tomber ses plus braves soldats, frappe du pommeau de son épée la persienne d’une fenêtre du rez-de-chaussée, et s’écrie d’une voix impérieuse : - Entrez, entrez par là !... » A l’instant, un coup de feu, parti de la fenêtre contre laquelle il s’adosse, lui casse le bras et pénètre dans les reins." (Campagne d’Italie, 1859. De Bazancourt) ».

171 AN, F21/166. Voir aussi ANGRAND Pierre, « Les musées de Bordeaux sous le Second Empire », Gazette des

Dans Un épisode de Magenta (Paris, Salon de 1861, n° 191) d’Eugène Bellangé, l’adjudant Bouisson mène le combat jusqu’à la mort, et incite les soldats qui l’accompagnent à suivre son noble exemple, ainsi que l’indique le commentaire du Salon : « Entourés par les

Autrichiens, les défenseurs d’un canon de la garde impériale se font, à l’exemple de l’adjudant Bouisson, tuer bravement sur leur pièce ».

La mort du général Auger est abordée par l’Alsacien Alfred Touchemolin, dans son œuvre représentant la Bataille de Solférino (Paris, Salon de 1865, n° 2080) : il est figuré au premier plan, allongé sur le sol, à supposer que le dessin localisé est bien un travail préparatoire à l’œuvre actuellement introuvable. L’officier, à terre, est à la fois héroïsé et humanisé, ce qui met en valeur son sacrifice. Le même effet est produit par la toile de Victor Combes, Épisode de la guerre d’Italie, M. Rey, lieutenant colonel du 33e de ligne, blessé mortellement au combat de Melegnano, le 8 juin 1859 (1870, Marseille, musée des beaux-

arts). L’officier, porté par deux soldats, est ramené du champ de bataille où il a été mortellement blessé. La composition est centrée sur ce groupe, tandis que le reste de la toile est constitué d’un paysage et de quelques soldats. Combes s’intéresse donc aux conséquences de ces conflits sur les hommes, et ce « héros » est finalement montré dans un moment de faiblesse. Sa représentation, bien que saisi dans un instant peu glorieux, lui permet d’accéder ainsi à la postérité. Le choix d’un moment se déroulant après l’ultime combat permet d’insister sur l’égalité des hommes face à la mort, et sur la valeur de leur sacrifice.

En revanche, lorsque la mort touche des inconnus, l’intention sous-jacente et l’effet produit sont différents : l’artiste insiste alors sur un aspect terrible de la guerre et sur l’émotion qui s’en dégage, comme avec Un officier de zouaves mortellement blessé ;

campagne d'Italie, 1859 (Paris, Salon de 1861, n° 1156) d’Amanda Fougère, ou la Mort du colonel de S… (Paris, Salon de 1870, n° 963) de Jules Duvaux, dont le titre maintient

volontairement l’anonymat. S’il est probable que, pour cette dernière œuvre, l’identité du colonel était connue de ses proches ou d’autres militaires, le choix de l’anonymat indique le souci de Duvaux de montrer davantage la mort au combat que de peindre un portrait.

La charge pathétique est particulièrement forte dans des œuvres comme La mort du

zouave (1865, Angoulême, musée des beaux-arts) d’Armand-Dumaresq, où un jeune prêtre

prie pour un zouave mort (ou mourant) étendu devant lui, au milieu d’un champ de bataille jonché de cadavres. L’atmosphère crépusculaire et le traitement en grand format viennent renforcer la charge émotionnelle. Le peintre Victor Prost associe à la fois l’image des blessés et le courage d’un soldat qui se bat pour les défendre avec Épisode de la campagne de 1812

(Paris, Salon de 1867, n° 1249). Le recours à un épisode des guerres de Bonaparte semble n’être ici qu’un prétexte à la création d’une œuvre bouleversante.

La toile qui remporta sans doute le plus d’adhésion de la part du public autant que des critiques est Les deux amis (Sébastopol 1855) (Paris, Salon de 1861, n° 192) d’Hippolyte Bellangé. Le sujet est hautement pathétique : deux lieutenants sont étendus côte à côte, figés par la mort alors qu’ils se serraient la main dans un ultime geste d’amitié. Plusieurs soldats les admirent un instant avant de se pencher sur d’autres cadavres. La mention dans le catalogue du Salon est suivie de deux vers qui auraient été écrits par le fils, Eugène Bellangé172 : « Et

tels avaient vécu les deux jeunes amis, / Tels on les retrouvait dans le trépas unis. (Historique) ». Hippolyte Bellangé utilise le terme « historique » alors que l’œuvre n’est en

rien une représentation de l’histoire : le mot est sans doute employé pour signifier « chose vue », garantissant la vérité du sujet de sa toile. L’œuvre connaît un grand succès auprès du public comme de la critique : tous la commentent. Ernest Chesneau parle des réactions des visiteurs du Salon : « La foule, au Salon, ne pouvait se détacher de cette œuvre »173. Léon Lagrange, dans la Gazette des beaux-arts, évoque « le plus légitime succès de larmes de

l’Exposition »174. Maxime Du Camp cite l’œuvre comme « une peinture légère, facile, qui a

plus de chic que de talent, mais agréable et éminemment spirituelle »175. Olivier Merson

remarque que l’œuvre manque de précision au niveau des tenues militaires, mais ajoute que le vrai sujet est l’émotion :

« N’allez point, par exemple, vous demander pourquoi les tuniques et les

pantalons font d’aussi vilains plis ; il suffit de prendre la chose sans y chercher, comme on dit, la petite bête, et seulement pour une scène attendrissante, exprimée en termes peu choisis, il est vrai, mais sincères, facilement compréhensibles et trouvant aisément le chemin du cœur. À ce point de vue le peintre a complètement réussi et la foule, qui n’est jamais sensible à moitié, ne cesse de faire aux Deux

Amis un succès d’émotion et de larmes. »176

La fortune critique de l’œuvre de Bellangé, plus que favorable, peut s’expliquer par le succès de la toile auprès du public, par la notoriété déjà acquise de l’artiste, ou encore par la charge émotionnelle inattendue dans un sujet de genre militaire. La densité pathétique élève un sujet

172

ADELINE Jules, op. cit., p. 47.

173

CHESNEAU Ernest, Le Constitutionnel, 5 février 1867, cité dans ADELINE Jules, op. cit., p. 44.

174 LAGRANGE Léon, « Salon de 1861 », Gazette des beaux-arts, tome X, p. 202. 175 DU CAMP Maxime, Le Salon de 1861, Paris, Librairie Nouvelle, 1861, p. 21 176 MERSON Olivier, op. cit., p. 75.

marginal à un rang supérieur, et l’œuvre est commentée au même titre que les peintures de bataille. L’anonymat de ces soldats permet d’accéder à une forme d’universalité.

Dans le même esprit de ces sujets peints dans le but d’émouvoir, des artistes choisissent de représenter des scènes liées indirectement à la mort : la charité dans le cadre militaire, et la peur des soldats vis-à-vis de leur sacrifice.

Les démonstrations d’actes de charité constituent le sujet de plusieurs toiles, qui abordent notamment le traitement des prisonniers. Si on ignore l’intention sous-jacente de l’œuvre non-localisée de François-Etienne Hersent, Prisonnier de guerre, elle est en revanche claire pour les toiles de Joseph-Désiré Court et d’Émile Lecomte-Vernet. Le commentaire du livret du Salon, à propos du Rachat des prisonniers russes par les français pendant la

campagne de Dalmatie (juin 1807) (Paris, Salon de 1865, n° 524) de Court, confirme le sens

donné par le titre : il s’agit de la représentation d’un acte de charité des Français à l’égard des prisonniers russes, alors massacrés par les Turcs. L’œuvre met ainsi en avant la miséricorde de l’armée. Lecomte exprime pour sa part les effets positifs des campagnes militaires de la colonisation, dans une toile qui lui a d’ailleurs été commandée par l’État, Le général Beaufort

d'Hautpoul accorde sa protection aux chrétiens du Liban et de Damas, 1860 dit aussi Expédition de Syrie (Paris, Salon de 1863, n° 1133 ; Paris, musée de l’Armée). Cette œuvre

mêle des touches pittoresques, avec les habitations de Beyrouth dans la moitié supérieure de la toile, et une forte dimension morale visible dans la scène de gratitude située dans la partie inférieure, où les Chrétiens se jettent aux pieds du Général. Lecomte insiste sur l’idée que la France s’est portée au secours de la population locale, justifiant ainsi l’action militaire. L’armée, qui risque le sacrifice de ses soldats pour le bien d’une juste cause, est ainsi humanisée, et les entreprises de la guerre rendues acceptables.

Joseph Gouezou propose une approche très émotionnelle avec sa Charité militaire (Paris, Salon de 1861, n° 1341), toile dans laquelle un soldat français presse une orange sur les lèvres d’un Autrichien blessé mortellement pendant les guerres d’Italie. Dans le même esprit on peut également citer Les blessés de Magenta de Stanislas-Auguste Loyer (Paris, Salon de 1861, n° 2049), et l’Épisode de la guerre d'Italie (1859) (Paris, Salon de 1861, n° 2726) de Georges Rouget, qui illustrent le même sujet177. La dimension chrétienne de ces scènes est indéniable ; la prière du soir à bord ; souvenir de Solférino d’Alexandre Protais en

177 La description de l’œuvre de Loyer, parue dans la Gazette des beaux-arts (LAGRANGE Léon, « Salon de

1861 », Gazette des beaux-arts, tome X, p. 202), correspond en tout point à celle du commentaire du livret du Salon détaillant l’œuvre de Gouezou : il faut se demander s’il n’y a pas erreur dans un des deux cas…

est un exemple extrême. On se situe à la charnière entre peinture d’histoire militaire, genre et peinture religieuse.

Les représentations liées à la mort traduisent le courage et l’inquiétude. Cette angoisse est notamment le sujet de la toile au titre éloquent qu’Eugène Bellangé présente au Salon de 1869 : Aurons-nous la guerre ? (camp de Châlons) (Paris, Salon de 1869, n° 172). La dimension pathétique liée à la représentation des blessés est récurrente. On la retrouve dans

Le dévouement à l'armée, avril 1863 (Saint-Dizier, Musée municipal) de Frédéric Legrip, où

un zouave apporte son soutien à un soldat blessé à la cheville ; autour d’eux, la présence d’un prêtre et de religieuses suggère une issue funeste. L’ampleur du dévouement militaire est traduit dans cette œuvre, bien qu’elle soit finalement plus pittoresque que bouleversante : la lumière est assez uniforme et ne dramatise pas la scène, et les visages des personnages ne trahissent aucune émotion. Il s’agit davantage de montrer un aspect de la réalité en marge des combats. La date précisée dans le titre tend à ancrer l’œuvre dans un contexte historique. Le jeune blessé d’Armand-Dumaresq représenté dans Vive l’Empereur ! (Paris, Salon de 1864, n° 51) est en revanche plus pathétique, et hautement patriotique. Il nous est connu par une description de Théophile Gautier :

« M. Armand-Dumaresq nous montre un jeune tambour blessé se soulevant à

demi pour saluer de ce cri d’amour et d’enthousiasme l’Empereur qui passe au fond du tableau. La tête du jeune blessé, où la joie du triomphe domine la

souffrance, est fort bien peinte et respire l’héroïsme. »178

L’artiste, en choisissant un jeune homme blessé, cherche à susciter la pitié chez le spectateur, et l’adhésion générale. La toile de James-Alexandre Walker représente en revanche la cruauté inévitable de la guerre pour les soldats. Avec la Bataille de Ligny (Paris, Salon de 1870, n° 2931), Walker traite d’un épisode de la bataille de Waterloo : contrairement au titre, la scène est centrée non sur la bataille mais sur un cuirassier blessé que ses camarades ignorent. L’œuvre non localisée est accompagnée d’un extrait du roman intitulé Waterloo de MM. Émile Erckmann et Alexandre Chatrian, ouvrage qui aborde la guerre depuis le point de vue du soldat. Zola en fait un compte rendu, expliquant que les auteurs font « un tableau horrible

de la guerre », et que Waterloo « est le récit de l’écroulement du colosse, l’acte suprême de

cette sanglante tragédie qui rejette Napoléon à l’exil et à la mort »179. La toile de Walker

nous est connue par une description qui répond assez bien à celle que Zola fait de l’ouvrage

178 GAUTIER Théophile, Moniteur universel, 23 juillet 1864.

179 MITERRAND Henri, Émile Zola, œuvres complètes, tome 1 : Les Débuts, 1858-1865, Paris, Nouveau Monde

d’Erckmann et Chatrian : « Une ruelle étroite ; un cuirassier blessé que son cheval appuie

contre le mur, il se retourne un peu et regarde partir ses compagnons d’un air désespéré ; dans le fond on entrevoit une ville qui brûle, quelques blessés ou morts et le régiment qui s’en va »180. La dimension historique est détournée au profit d’une figuration pathétique. L’œuvre de Rigo, Les misères de la guerre. Passage de la Bérésina ; campagne de Russie, 1812 (Paris, Salon de 1870, n° 2440), va sans doute dans le même sens. Joseph Beaume exploite cette veine avec un Épisode de la retraite de Russie (Paris, Salon de 1864, n° 115 ; Marseille, musée des beaux-arts) qui montre la déroute de l’armée de Napoléon en 1812 : si l’arrière- plan est occupé par les combats qui font encore rage, le premier plan est jonché de cadavres dont le sang ressort sur le blanc de la neige, tandis que des soldats et des officiers blessés tentent de se réchauffer autour d’un feu de fortune. Joseph Beaume insiste sur la misère individuelle des militaires. La victoire, que le texte du livret du Salon annonce, n’est pas perceptible dans cette toile181 qui suscite avant tout la pitié182.

Le cas Alexandre Protais

Rarement abordé dans l’historiographie contemporaine183, cet artiste à l’importante production (18 toiles présentées aux Salons entre 1860 et 1870) apparaît comme un rénovateur du genre de la peinture de bataille, au même titre qu’Alphonse de Neuville. Enrôlé dans l’armée pendant la guerre de Crimée, Alexandre Protais aurait été bouleversé à la vue de cadavres décomposés dont les uniformes étaient encore reconnaissables184. Marquées par une vision très humanisée de la guerre, ses œuvres sont centrées sur les soldats et sur l’émotion qui émane de certaines scènes militaires. Arsène Alexandre le décrit ainsi : « Protais est un

sentimental de la peinture militaire. Ses figures ont quelque chose de digne et d’attristé à la

fois »185. Si peu de ses œuvres ont pu être localisées, plusieurs ont été commentées par les

180 Lettre d’Estelle Gautier et Adolphe Bazin à Théophile Gautier, comprenant des notes sur le Salon, 2 juin

1870. LACOSTE-VEYSSEYRE Claudine (éd.), LAUBRIET Pierre (dir.), Théophile Gautier, correspondance

générale, tome XII, Genève-Paris, Droz, 2000, p. 311.

181 Joseph Beaume présente également au Salon de 1866 une toile sur un thème similaire, Scène de la campagne

de Russie (Paris, Salon de 1866, n° 105).

182

On peut supposer d’après les titres que le parti-pris est identique pour les toiles de Frédéric Bannes du Port de Poncharra-Puygiron, Transport de blessés sur le champ de bataille (Paris, Salon de 1866, n° 67), ou de François Tabar, Tambour blessé (campagne d'Italie) (Paris, Salon de 1866, n° 1810), mais ces œuvres ne sont pas localisées.

183

Les quelques travaux sur l’artiste sont principalement réalisés par François Robichon (Notice biographique dans ROBICHON François, op. cit., 1998, p. 148), et Michaël Vottero lui accorde un paragraphe dans son ouvrage (op. cit., p. 294-295).

184 Notice biographique dans ROBICHON François, op. cit., 1998, p. 148. 185 ALEXANDRE Arsène, op. cit., p. 280.

critiques ; la plupart d’entre eux remarquent l’importance de la mélancolie dans le travail de Protais. Certains sujets s’y prêtent naturellement, comme celui de l’œuvre figurant Deux

blessés (souvenir de la campagne d'Italie) (Paris, Salon de 1861, n° 2618), ainsi décrite par

Henri Fouquier dans son Salon de 1861 : « La lutte est finie ; seuls, au coin d’un tertre, deux

blessés sont oubliés ; le soldat français tend sa gourde vers l’autrichien qui se traîne douloureusement, en proie à l’horrible soif des blessés. Si leurs souffrances se taisent un

moment, ces deux hommes du peuple se regarderont tristement et se diront :

‟Pourquoi ?” »186. Maxime du Camp souligne la dimension intimiste de l’œuvre de Protais :

« Deux blessés (souvenir de la campagne d'Italie), sont d’une humanité réellement puissante. […] Ce ne sont plus deux combattants, ce ne sont plus que deux hommes »187. L’artiste poursuit dans cette veine pathétique en 1865 avec Un enterrement : Crimée (Paris, Salon de 1865, n° 1761), dans lequel Théophile Thoré voit une allégorie de la fin de la guerre : « Deux

pauvres bêcheurs de la terre, déguisés en soldats, et qui viennent de creuser un trou, pour y cacher un ou plusieurs de leurs camarades. Ah ça, mais ! C’est l’enterrement de la

guerre ! »188. L’année suivante, Protais présente au Salon Soldat blessé (Paris, Salon de 1866,

n° 1598), qui serait une variante d’une toile non identifiée, inspirée des cadavres décomposés observés par l’artiste en Crimée189. Edmond About décrit longuement le sujet, et souligne les faiblesses de cette seconde version :

« Le Soldat blessé de M. Protais est la détrempe d'une composition beaucoup plus