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Les organisations étudiées prennent place dans un contexte marqué par la violence politique et par une colonisation des terres relativement récente212. Les acteurs locaux évoluent ainsi dans des espaces difficiles d’accès et marqués par des éléments naturelles qui façonnent les histoires des villages. La dimension territoriale est centrale dans notre analyse, en partie parce que le territoire est important pour nos enquêtés, mais également parce que nous avons pu éprouver tout au long de notre démarche la diversité de ce

212 Sur l’histoire de la colonisation des terres en Colombie on se réfère aux travaux de Catherine Legrand et de Mauricio Archila. LEGRAND Catherine, Colonización y protesta campesina en Colombia (1850-1950), Bogotá, Colombia, Centro Editorial, Universidad Nacional de Colombia, 1988 ; LEGRAND Catherine, Frontier expansion and peasant protest in Colombia, 1850-1936, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1986 ; ARCHILA NEIRA Mauricio et al, Conflictos, poderes e identidades en el Magdalena Medio, 1990- 2001, Bogotá, Ed CINEP-Colciencias, 2006.

local. L’homogénéité des territoires transparaît dans les discours des organisations paysannes soucieuses de généraliser les revendications, or ces propos contrastent avec l’extrême diversité des situations locales observées sur le terrain. Constater cet écart c’est aussi saisir tout le rôle que jouent ces organisations paysannes pour construire des revendications communes. Pour reprendre l’expression de Daniel Gaxie213, les paysans que nous avons rencontrés sont en quelque sorte des « citoyens ordinaires », qui cherchent avant tout à exprimer ce qu’est leur contexte, celui de la violence, du déplacement, des incursions paramilitaires et de la peur de l’État. « L’abandon de l’État », régulièrement formulé ainsi, est au cœur des entretiens auprès de ces habitants ruraux qui mettent en avant l’enclavement de leur région et la vulnérabilité économique et sociale dans ces territoires. Malgré un manque apparent de compétence politique et l’isolement des paysans, ces citoyens ordinaires, que nous avons nommé « membres implicites » ont des moyens214 pour déchiffrer leur environnement et donner ainsi du sens aux événements auxquels ils sont confrontés. Ces enquêtés nous informent ainsi à leur manière sur des éléments essentiels du contexte. Ils parlent de leur réalité sans réellement attribuer une portée « politique » à leur discours, ils évoquent des épisodes de leur région et leur situation à travers des récits et des anecdotes très personnels. L’attention portée à ces citoyens ordinaires permet d’aborder leur contexte, mais aussi d’identifier les moments de rencontre entre ces individus et la politique, entre l’individuel et le collectif.

Des populations touchées par la violence

« C’est là que la violence s’est installée, et que l’on a eu tout ça. [...] la violence a commencé comme ça, vous partez parce qu’on ne répond plus de rien, avec ce genre de chose, et après ils sont arrivés…les déplacements [...] ce jour là Mariano avait un petit porc pour aller le vendre là-bas, il a vendu le petit porc, et nous nous sommes dit, bon allez, allons y, et ça s’est fait. Le massacre a commencé. » 215

213 Les citoyens ordinaires, que nous avons définis comme les « membres implicites », se distinguent des autres membres des organisations qui possèdent plus de compétences politiques. La capacité des acteurs à exprimer des opinions sur leur situation, et à politiser leurs difficultés quotidiennes dépend en partie de ces dispositions individuelles. GAXIE Daniel, « Cognitions, auto-habilitation et pouvoirs des “citoyens”»…, Op.cit.

214 Pour plus de développements concernant le rapport des citoyens ordinaires à la politique et à la « culture politique » on se réfère aux travaux d’Alfredo Joignant. JOIGNANT Alfredo, « Pour une sociologie cognitive de la compétence politique » Politix, vol 17, n°65, 2004, p 149-173.

La violence « est arrivée ». Cette phrase anodine qui commence souvent les longs récits des violences montre à quel point les habitants ont ressenti une violence impersonnelle et incompréhensible s’abattre sur eux. À la différence de certains leaders qui évoquent les événements avec des dates clés, des épisodes précis, et contextualisent (l’arrivée des paramilitaires dans le Magdalena Medio et le Bas Atrato à la fin des années 1990 est une stratégie nationale de montée en puissance et de contrôle territorial de ces groupes), les habitants de la base expriment plutôt un désarroi, une horreur sans nom qui a profondément perturbé leur quotidien. Beaucoup racontent qu’ils n’ont d’abord pas cru à l’arrivée des paramilitaires, puis que la rumeur disait qu’ils arrivaient « on racontait que les paramilitaires étaient en chemin »216. Et puis, le bruit court qu’un voisin a été assassiné, puis un proche parent. Les familles sont souvent parties en quelques heures en emportant toutes leurs possessions pour fuir de manière désordonnée.

Le massacre de Brisas del Curvaradó est un des événements marquants qui a agit comme déclencheur de terreur pour les communautés du Bas Atrato. Le 6 octobre 1996, un commando paramilitaire des Autodéfenses Unies de Colombie (AUC) réunit les habitants au centre du village et assassine six personnes sur la place centrale, en affirmant, selon les habitants, vouloir montrer l’exemple à la guérilla217. Les témoins de ces scènes expliquent que l’armée, la Brigade XVII de l’armée colombienne, était présente pendant cette scène, et qu’un hélicoptère militaire a survolé ce massacre. S’ensuit une vague d’assassinats sélectifs dès le début de l’année 1997, les corps sont retrouvés mutilés, décapités, et portant des marques de torture. Cette stratégie de terreur marque les habitants en instaurant un climat de peur généralisée. Ces événements violents poussent les habitants à fuir le territoire de 1996 à 1997. Une deuxième vague de violences paramilitaires génère de nouveaux déplacements forcés entre 2000 et 2001. La Commission Interéclésiale de Justice et Paix estime que plus de 70% de la population a fui le territoire pendant cette période, et qu’environ 2500 personnes du bassin du Curvaradó et 1800 personnes du bassin voisin de Jiguamiandó ont été déplacées218. L’ONG comptabilise 22 disparitions entre 1996 et 2004 et 77 assassinats dans ces deux

216 Entretien avec une habitante du village de Puerto Nuevo Ité, Vallée du Cimitarra, octobre 2013..

217 Cet épisode est plusieurs fois mentionné dans les entretiens. Il a également fait l’objet d’une recherche de la part de l’ONG de la Commission Interéclésiale de Justice et Paix à partir de témoignages des paysans de la région qui ont servi lors de différents procès notamment contre les chefs d’entreprise de palme africaine accusés de liens avec les paramilitaires.

218 Sources : rapports de la CIJYP à partir des bases de données du CINEP (Centre d’Investigation et d’Éducation Populaire).

zones. Sur le graphique suivant qui correspond aux taux d’homicides enregistrés par la Police Nationale, on peut clairement identifier le pic des violences des années 1996 et 1997 en jaune (la région Urabá219) par rapport au taux d’homicides déjà élevé du département (en rose) et le taux national à un niveau moindre niveau (en bleu foncé), mais qui reste à cette époque le taux d’homicide le plus élevé du continent220.

Graphique n°1. Comparaison des taux d’homicide entre le niveau national, le département d’Antioquia et la région d’Urabá

Source : CIC-Police Nationale. Données traitées par l’Observatoire du Programme Présidentiel des Droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire.

Les habitants racontent ces événements sans réelle chronologie, et plusieurs témoignages sont parfois nécessaires pour obtenir un déroulement précis des événements. L’accent est davantage mis sur les émotions, les ressentis lors de cette période de violence. Les habitants insistent sur les aspects du quotidien de la violence (la logistique de l’alimentation, l’organisation des couchages à la hâte, le soin apporté aux enfants, les maladies tropicales et les problèmes sanitaires, etc.). Dans le Bas Atrato, au déplacement massif succèdent d’autres déplacements, les populations migrent alors

219 La région d’Urabá correspond à une zone autour du Golfe du même nom, autour de la ville de Turbo, au Nord Est de la Colombie à la frontière avec le Panama. Les communautés de Jiguamiandó et de Curvaradó appartiennent à cette région étant donné que la rivière Atrato se déverse dans le Golfe d’Urabá.

220 À la fin des années 1990, la Colombie dépasse le Brésil parmi les pays les plus violents d’Amérique Latine (24,5 homicides pour 1000 habitants pour le Brésil, tandis que la Colombie déplore 79 homicides pour 1000 habitants) Sources : Comité permanente de Defensa de los Derechos Humanos sur la base des données de la Police Nationale, de l’Organisation panaméricaine de Santé et du Département national de Planification. Sur les études de la violence en Colombie on peut consulter : GUZMÁN German et al, La violencia en Colombia. Estudio de un proceso social, Bogotá, Circulo de Lectores, 1988.

d’un point à un autre, fuyant les violences. Les enquêtés racontent ainsi qu’une partie de la population s’est dans un premier temps réfugiée dans la ville voisine de Pavarandó, tandis qu’une autre est restée sur le territoire, cachée dans la forêt dans des conditions climatiques très difficiles. L’arrivée dans les petites villes des alentours et parfois dans des centres urbains plus importants est vécue comme un déracinement par les paysans, d’autant plus que cette période est très longue. En 2003 quelques familles retournent dans le Jiguamiandó, puis en 2006 dans le Curvaradó mais ce n’est qu’au début des années 2010221 qu’une grande partie des habitants reviennent sur leurs terres. Cependant, ils sont confrontés à de nouvelles violences. Par exemple, la mort en 2012 de Manuel Ruiz et de son fils Samir Ruiz, quelques mois après le retour de cette famille sur ses terres, a été vécue comme un nouveau traumatisme pour la communauté. Après avoir effectué la recherche des corps avec l’aide d’ONG colombiennes, la famille est de nouveau menacée et doit quitter le territoire. Pendant un an, Trinidad et ses enfants sont déplacés dans plusieurs villes où ils reçoivent des menaces. En 2013, avec l’aide de plusieurs ONGI et celle de la Commission Interéclesiale de Justice et Paix, la famille revient sur ses terres. Trinidad confie ainsi son désarroi, sa peur permanente, et l’insécurité qui règne :

« nous sommes arrivés au milieu des menaces, plein de menaces, on est arrivés ici et ils disaient qu’à moi on me donnait deux mois de vie, ça fait cinq [...] on entend des menaces, il faut aller de l’avant et on reste tranquille, mais oui on entend des rumeurs [...] on entend, nous, que par exemple, à moi ils m’ont dit, si c’était pour la tuer Madame Trinidad, si c’était pour la tuer, nous serions déjà entrés et nous l’aurions déjà tué, ils m’ont dit ça là-bas, les gens par-ci par-là. » 222

Dans les récits, les pronoms indéfinis sont souvent utilisés lorsque les personnes évoquent cette violence. Ils parlent alors de « ils », « eux », et lorsqu’ils font allusion aux menaces reçues c’est toujours en faisant écho aux « on dit ». Se dégage de ces récits la perception d’une violence généralisée, mouvante et surtout dé-personnifiée, qui fait écho à l’impuissance et à la vulnérabilité de ces habitants. L’autocensure est très

221 Dans d’autres bassins voisins les habitants commencent leur processus de retour plus tardivement, comme c’est le cas des territoires collectifs de Pedeguita y Mansilla et de La Larga Tumarado où nous avons accompagné les tentatives de retour des familles à la fin de l’année 2014.

222 Témoignage recueilli en novembre 2013 lorsque Trinidad revient sur cette expérience et sur les menaces reçues après le retour de sa famille et la constitution de la zone humanitaire. Ce témoignage a été enregistré pendant un échange avec une équipe de psychologues.

présente, et nos enquêtés ont souvent refusé de dire qui étaient selon eux, les responsables de ces violences, alors même qu’au cours des discussions en « off » ils commentent les déplacements des paramilitaires, les points de contrôle dans la zone, les intimidations et les menaces quotidiennes.

Ce climat est particulièrement perceptible lors du retour de la famille Ruiz dans le Curvaradó en juin 2013, un moment que nous avons accompagné avec une caravane internationale223 qui est restée pendant plusieurs semaines auprès de la famille. Un des fils reçoit de nouvelles menaces et ne peut rester plus longuement dans la région. Par la suite, il revient progressivement vivre avec sa famille, mais tout au long de l’année 2014 il est suivi par des hommes armés, et est menacé. Il fait l’objet de mesures de protection du gouvernement colombien224 (Unité de Protection en charge de la protection des personnes menacées) tout comme le reste de la famille. Un autre fait marquant pour les populations de Jiguamiandó et de Curvaradó est l’assassinat en 2012 d’un autre « réclamant de terre », Aljenito Diaz. Une zone humanitaire est ainsi créée en sa mémoire. Son frère Guillermo reprend les dénonciations et endosse le rôle de leaders pour réclamer sa terre. En 2014, il est menacé à son tour à plusieurs reprises, et doit un temps se réfugier malgré des mesures de protection assignées par l’État colombien. Tout au long de notre terrain, ce leader est régulièrement appréhendé par les militaires qui patrouillent dans cette zone et lui conseillent de ne pas rester.

Dans les récits de vie, ces épisodes de violence sont omniprésents, et les habitants expriment une certaine continuité entre la violence du déplacement de 1997 et la violence du retour, d’autant plus qu’ils ne marquent pas la coupure temporelle des années en dehors du territoire. La question sécuritaire occupe donc une place importante dans les témoignages de ces paysans et cette question est fondamentale pour comprendre le contexte dans lequel se met en place l’organisation des zones humanitaires. C’est également un constat que nous avons pu faire tout au long de notre terrain, lors des déplacements avec les habitants, lors des accompagnements avec l’ONG de la Commission Interéclesiale de Justice et Paix (CIJYP), et tout au long de nos observations dans cette région. L’ONG a elle-même été plusieurs fois menacée, et lors

223 Cette caravane est à l’initiative des Brigades de Paix Internationales (PBI), ainsi que d’autres ONG internationales d’accompagnement comme Witness For Peace, et de la Commission Interéclésiale de Justice et Paix.

224 L’Unité Nationale de Protection est un organe dépendant du Ministère de l’Intérieur en charge d’allouer des moyens de protection (garde du corps, voiture blindée, téléphone, etc.) aux personnes ou groupe qui, en raison de leurs activités, sont menacés dans leur intégrité physique. Plus de 7500 personnes sont concernées par ces mesures de protection en 2014.

des derniers terrains, les consignes de sécurité pour se déplacer dans la zone s’étaient durcies (par exemple l’interdiction de circuler la nuit, l’obligation d’utiliser le véhicule de protection assigné par l’Unité Nationale de Protection, la présence des gilets pare- balles dans le véhicule, et le renforcement des contrôles à l’entrée des zones humanitaires). Au-delà des ressentis des habitants et des perceptions locales de la violence, la présence paramilitaire s’est globalement accrue dans ces zones et toute activité, même en apparence insignifiante225 est complexe dans ce contexte en tension.

Encadré n°6. L’opération « Genèse », une opération « anti-guérilla » aux conséquences humanitaires alarmantes

L’opération « Genèse » dans le Bas Atrato : une opération « anti-guérilla » aux conséquences humanitaires alarmantes

L’opération Genèse est une des opérations militaires et paramilitaires les plus violentes de l’histoire récente colombienne. De par son ampleur et sa visibilité, c’est aussi une des opérations les plus dénoncées et les plus documentées. C’est en effet un cas emblématique de collaboration entre l’État colombien et les paramilitaires dans la guerre contre les guérillas. Cette opération de contreguérilla est menée dans la région du Bas Atrato entre 1996 et 1997 via des bombardements aériens, des blocus économiques, une politique systématique de la terre brulée, des détentions multiples, etc. Sous prétexte de combattre la guérilla, cette opération a déplacé entre 15 000 et 17 000 personnes226 dans toute la région du Bas Atrato, principalement des paysans (petits propriétaires terriens, communautés afro-descendantes et indigènes). En 2008, le Général Rito Alejo del Rio, en charge de cette opération est rendu responsable de la torture et de l’exécution extra-judiciaire de l’afro-descendant Marino Lopez Mena, c’est la première fois qu’un haut gradé est jugé pour ce genre de faits. En 2013, la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) condamne l’État colombien pour avoir manqué à ses obligations de protection et pour le déplacement forcé des membres de la communauté de Cararica dans la province de Riosucio (Chocó), déplacés par l’action des groupes paramilitaires, en collaboration avec des membres des Forces Armées de Colombie.

La population paysanne qui habite la zone d’action de l’ACVC a également connu plusieurs vagues de déplacement. Ces paysans sont arrivés des régions voisines dans les années 1980, puis ont été déplacés à l’intérieur même de la région du Magdalena Medio très touchée par le conflit. Depuis, ces paysans se sont installés sur ces terres, avec ou sans titre de propriété, notamment en ce qui concerne les terres domaniales de l’État (les

Baldíos de la Nación) sur lesquelles des villages entiers sont installés depuis les

225 À titre d’exemple, la présence de paramilitaires a clairement identifiée lors du dernier terrain dans le port de Brisas, à quelques centaines de mètres d’une zone humanitaire du Curvaradó. Un rapport de la Commission Interéclesiale de Justice et Paix a été produit à ce sujet.

226 INTER-AMERICAN COURT OF HUMAN RIGHTS, Case of the afro-descendant communities displaced from the Cacarica river basin (operation genesis) v. Colombia Judgment, 20 novembre 2013.

différentes vagues de colonisation de ces terres vierges. Au cours des années 1990, qui marquent l’arrivée des paramilitaires dans la région, de nombreux villages ont été pris pour cibles, accusés de collaborer avec les guérillas. Plusieurs exactions dans cette zone ont été commises, (assassinats massifs, disparitions, déplacements forcés, destruction des habitats et des récoltes, blocus économique, etc.) par les militaires et les paramilitaires227. Plusieurs leaders paysans sont assassinés au début des années 2000, comme Diomedes Playonero, Orlando Triana, Nelsy Gabriela Cuesta et Carlos Ramirez. Le conflit est particulièrement violent dans le Sud du département du Bolivar, les affrontements sont réguliers entre les paramilitaires du Bloc Central Bolivar (qui remontent le fleuve depuis Puerto Boyacá) et les guérillas présentes historiquement dans cette zone (les FARC-Forces Armées Révolutionnaires de Colombie et l’ELN-Armée de Libération Nationale). Les municipalités de Puerto Wilches, Remedios, San Pablo et Sabana de Torres sont particulièrement touchées par cette violence pendant la période 1997-2002. Barrancabermeja est la région qui enregistre le plus d’assassinats sur cette période, notamment car les paramilitaires souhaitent asseoir leur domination sur cette ville. Les leaders ouvriers, syndicalistes, défenseurs des droits de l’Homme, leaders communautaires, sympathisants de gauche, etc., sont les premières victimes de la prise de Barrancabermeja, entre 2000 et 2003. Les ONG ont reporté plus de 1000 assassinats et plus de 300 cas de disparitions forcées dans la ville et ses alentours228. Cette incursion paramilitaire a des conséquences directes dans les campagnes et les pics de violence correspondent aux localités disputées par la guérilla et les paramilitaires. Ainsi, entre 1993 et 2006 on dénombre 138 massacres faisant 737 victimes229.

Les attaques paramilitaires contre la coopérative paysanne, située dans la vallée Cimitarra, en 1989 puis en 1996 sont, à l’image du massacre de Brisas, un élément marquant pour les habitants de cette région. La coopérative, située au cœur de la zone d’action de l’ACVC, est bombardée par l’armée colombienne à plusieurs reprises sous prétexte que l’initiative locale est un projet de la guérilla des FARC. Les habitants