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néolibérale » : une solidarité internationale pour une même lutte ?

Encadré n°2. Le néolibéralisme en Colombie

Le néolibéralisme colombien

« Comme l’a dit le Président Santos, l’objectif est d’établir un gouvernement de troisième voie qui se résume en un principe fondamental : le marché jusqu’où cela est possible et l’État jusqu’où c’est nécessaire »60.

Au cours des années 1980 et plus spécifiquement durant la décennie 1990, les gouvernements colombiens mènent des politiques économiques d’ouverture. Aux ajustements structurels s’ajoutent une réduction de l’intervention de l’État dans l’économie colombienne et la privatisation des principales entreprises publiques. Dans le secteur agricole cela se traduit par une réduction des subsides à la production et à la commercialisation des produits, le secteur du café est un des plus affectés par cette ouverture. L’État oriente également ses subventions vers des produits agricoles destinés aux agro-carburants pour l’exportation. La signature des traités de libre échange (avec les États Unis en 2012 et avec l’Europe en 2013) confirment cette ouverture, et s’accompagne d’une incitation à l’investissement étranger.

Le Plan National de Développement 2010-2014 du président Juan Manuel Santos définit trois « locomotives du développement » :

- Favoriser les investissements directs étrangers.

- Stimuler le secteur agricole61 : soutien aux productions intensives, de l’agrobusiness, et subventions pour les cultures d’exportations. Constitution de Zones d’intérêts de développement rural et économique (Zidres, loi 133 de 2014), des associations stratégiques entre paysans et entreprises qui remettent en cause les UAF, les Unités agricoles familiales, (qui fixent la surface minimum pour faire vivre une famille selon les régions).

- Développer le secteur minier-énergétique : facilités d’octroi des concessions d’exploration et d’exploitation minières et pétrolières (y compris pour les entreprises étrangères)62.!!

Pendant les mobilisations sociales de 2013, certaines organisations paysannes ont directement remis en cause la signature des traités de libre échange avec les États-Unis et l’Europe, des traités qui placent leurs agricultures locales en concurrence avec des agricultures subventionnées et industrialisées. Les aliments produits par les paysans colombiens sont par conséquent plus chers que les produits importés sur les marchés locaux, et certaines dispositions de ces traités ne permettent pas aux paysans de

60 DEPARTAMENTO NACIONAL DE PLANEACIÓN, República de Colombia, Plan Nacional de desarrollo 2010-2014, Imprenta Nacional de Colombia, 2011, p 24.

61 Pour plus d’information concernant la problématique de la terre en Colombie voir l’annexe n°6 et ALLAIN Mathilde, « La paz y el desarrollo en el campo colombiano », Palabras Al Margen, Edition 53, Mars 2015. Disponible en ligne http://palabrasalmargen.com/index.php/articulos/nacional/item/la-paz-y-el-desarrollo-en-el- campo-colombiano-2 consulté le 7 Août 2016.

62 Entre 2000 et novembre 2010, le ministère des Mines a octroyé 7264 titres miniers et a accepté 17 479 demandes, ce qui correspond à des surfaces plus grandes que celles dédiées à l’agriculture dans le pays. PNUD, Colombia Rural, Razones para la esperanza, rapport de 2011.

conserver leurs semences d’une année sur l’autre. Ils critiquent ainsi cette dépendance aux marchés internationaux et mettent en avant les crises de différents secteurs agraires colombiens, qui ont peu accès aux crédits pour développer leurs unités productives, et parfois même peu d’infrastructures (routes, ponts, équipements de stockage) pour acheminer et vendre leurs produits agricoles. La préférence donnée ces dernières années aux subventions aux produits agricoles d’exportation et aux cultures pour produire des agro-carburants est également pointée du doigt.

Certaines organisations paysannes désignent l’État colombien comme le principal destinataire des revendications paysannes. Selon eux, leur situation tient à un contexte national dans lequel les élites économiques et politiques ont mis en œuvre des politiques foncières visant à concentrer les terres fertiles, ce qui entraîne la dépossession des petits propriétaires et des sans terre. Le conflit interne a également causé des vagues de déplacements forcés laissant des régions entières aux mains des acteurs armés et des entreprises qui ont investi dans la production de bétail, de banane et de palme africaine. De plus, les politiques extractives sont considérées comme responsables d’autres formes d’accaparement des terres agricoles. D’autres acteurs locaux remettent plus globalement en cause l’ouverture des marchés et un modèle néolibéral au niveau mondial, marqué par l’arrivée d’entreprises étrangères, par la signature de ces traités d’échange, et par un système de domination internationale qui affecte leur mode de vie et leur environnement.

Ces revendications ne sont pas sans faire écho aux mobilisations dénommées « alter » ou « anti » mondialisation, mais trouvent également leurs racines dans un contexte colombien particulier. Par conséquent, quelle est l’échelle de mobilisation des paysans colombiens ? Au niveau national étant donné les déterminants nationaux ? Au niveau international, où d’autres collectifs se mobilisent contre une mondialisation néolibérale 63 ? Est-ce que cette lutte est la même partout ? Y a-t-il des solidarités, ou du moins des rencontres, possibles et réalisables ?

63 Nous ne définissons volontairement pas ce terme, et reprenons celui des acteurs, afin de comprendre ce que chacun entend par ces formulations. À ce sujet, Lesley Wood a montré la diversité des répertoires contre le néolibéralisme, les manières de le formuler mais surtout les destinataires de ces revendications. WOOD Lesley J., « Breaking the Bank & Taking to the Streets: How Protesters Target Neoliberalism », Journal of World- Systems Research, vol 10, n°1, 2004, p 68-89. Dans cette même optique, Philip McMichael analyse l’histoire du mouvement paysan à travers les discours et les pratiques discursives des mouvements paysans. Il montre ainsi les différentes évolutions de la critique des projets néolibéraux et le rôle des paysans dans la transformation des termes de la question agraire. Ces acteurs mettent en avant des revendications multiples : ils dénoncent la libéralisation des économies, questionnent le développement et lient la production à l’alimentation (notamment

Pour répondre à ces interrogations, il convient d’interroger un autre corpus de travaux, pour comprendre comment la sociologie des mobilisations aborde cette dynamique internationale.

Une solidarité transnationale ?

Un des principaux points de rencontre entre la sociologie des mouvements sociaux et la sociologie des relations internationales s’est concrétisé dans un programme de recherche relativement hétérogène portant sur les « Transnational social movement

organizations », les « TSMO ». Cette approche met en parallèle les recherches du

courant transnationaliste en théorie des relations internationales, qui met l’accent sur l’importance des acteurs non étatiques64, et la sociologie des mouvements sociaux et plus particulièrement le militantisme transnational. Les chercheurs investis dans ce champ de recherche se sont consacrés à l’étude des réseaux transnationaux, en interrogeant leur fonctionnement démocratique65, leur maintien dans le temps66, leur capacité à mener des actions collectives couronnées de succès, le lobbying des ONG dans les institutions, ou encore les résultats de cette action collective au niveau transnational67. Bien que centrale dans l’étude des relations entre les mouvements locaux et la dynamique internationale, cette littérature se concentre principalement sur les ONG les plus puissantes68 ou les « réseaux » 69, ces acteurs non étatiques qui promeuvent une

à travers la question de la souveraineté alimentaire). MCMICHAEL Philipp, « Peasants make their own history, but not just as they please… » in BORRAS Saturnino, EDELMAN Marc, et KAY Cristobal (dir.), Transnational Agrarian movements…Op.cit., p 37-60.

64 SMOUTS Marie-Claude, « Introduction. La mutation d'une discipline », in SMOUTS Marie-Claude, Les nouvelles relations internationales, Presses de Sciences Po « Références », 1998, p 11-33 ; NYE Joseph, KEOHANE Robert, « Transnational Relations and World Politics », International Organizations, vol 25, 1971, p 329-349 ; STRANGE Susan, « The study of transnational relations », International Affairs, vol 52, 1976, p 333-345.

65 BANDY Joe, SMITH Jackie (dir.), Coalition Across Borders. Transnational Protest and the Neoliberal Order, Lanham, MD Rowman and Littlefield, Coll. People, passions, and power, 2005.

66 WOOD, Lesley J, « Brindging The Chasms: The Case of People’s Global Action » in BANDY Joe, SMITH Jackie (dir.), Coalition Across Borders…, Op. cit., p 95-117.

67 KHAGRAM Sanjeev, RIKER James, SIKKINK Kathryn, Restructuring world politics…, Op.cit.

68 L’article de Johanna Siméant met en avant la prégnance des acteurs ONGI, notamment dans la première vague de travaux des TSMO. Elle ajoute qu’il s’agit d’ONGI « modérées » qui représentent cette transnationalisation de l’action collective et que les mouvements locaux en tant qu’acteurs sont peu étudiés. SIMEANT Johanna, « Des mouvements nouveaux et globaux ?... », Op.cit, p 4-7.

69 Une distinction est généralement effectuée entre les réseaux, les coalitions et les mouvements. Une grande partie de la littérature analyse les deux premiers types de coopération en laissant souvent de côté les mouvements locaux.

nouvelle globalisation « from below ». Qu’elles soient critiquées70 ou considérées comme les représentantes d’une hypothétique (sinon prophétique) « société civile mondiale »71, la focalisation sur les ONG fait perdre de vue les acteurs locaux. De plus, le processus d’internationalisation est réduit au fait que des mouvements locaux vont se mobiliser autour d’une « norme internationale ». L’ouvrage de Jackie Smith, Charles Chatfield et Ron Pagnucco72, incontournable sur ce sujet, part du principe que les coalitions sont le résultat de mouvements de mouvements ou d’agrégation de mouvements locaux sans jamais questionner la construction des causes qui motivent ces coalitions73. Les causes défendues sont ainsi réduites à des catégories (droits de l’Homme, femmes, environnement, etc.) qui ne laissent pas percevoir les jeux d’interprétation, de cadrage, de perception de ces différentes revendications.

Les acteurs paysans sont des individus ancrés dans des logiques locales, qui ne font pas partie de « réseaux »74 internationaux mais entretiennent pourtant des liens avec différentes organisations et ONG internationales. Nous postulons en effet que la construction de liens de solidarité, et par conséquent d’une cause « commune », ne se réalise pas seulement en se positionnant vis-à-vis d’un enjeu jugé international et a

priori commun. De manière générale, cette littérature évoque une « globalization from below » en oubliant un niveau important de la mobilisation, le « below » que constitue le

local. Ainsi, il convient de repositionner les organisations locales dans leurs contextes et de détailler empiriquement ces acteurs75.

70 Un point commun entre la sociologie des mouvements sociaux et la sociologie du monde de l’aide est la critique du rôle des ONG. L’article de Samy Cohen met en avant la diversité des ONG mais aussi les difficultés à définir ces acteurs. Il montre que celles-ci évoluent dans un contexte concurrentiel pour et autour du « label » ONG lui-même. Leur représentativité représente également un autre des enjeux de ces organisations. COHEN Samy, « ONG, altermondialistes et société civile internationale », Revue française de science politique, vol 54, 2004, p 379-397

71POULIGNY Béatrice (dossier), « Une société civile internationale ? », Critique internationale, n° 13, 2001. 72 SMITH Jackie, CHATFIELD Charles, PAGNUCCO Ron, (dir.) Transnational Social Movements and Global Politics: Solidarity Beyond the State, Syracuse, Ed Syracuse University Press, 1997.

73 Marc Edelman souligne à ce sujet le peu d’étude portant sur les échecs d’alliances transnationales (pour les mouvements agraires), ces échecs sont selon lui « sous théorisés » (p 81). EDELMAN Marc, « Transnational organizing in agrarian Central America : Histories, challenges, prospects », in BORRAS Saturnino, EDELMAN Marc, et KAY Cristobal (dir.), Transnational Agrarian movements…, Op. cit, p 61-89.

74 Nous parlerons plutôt de liens de solidarité et non de « réseaux » étant donné les difficultés à analyser empiriquement ces « réseaux ». Parler de réseau supposerait l’existence de relations durables et maintenues dans le temps entre divers acteurs ; or nous observons plutôt des rencontres ponctuelles entre des acteurs locaux et internationaux.

75 Ce que rappelle Sidney Tarrow dans TARROW Sidney, « La contestation transnationale », Cultures & Conflits, n°38-39, 2000, p 187-223. De même, selon Johanna Siméant : « il serait plus heuristique d’expliquer des mobilisations nationales dans lesquelles interviennent des organisations de mouvement social transnationales, et des mobilisations transnationales dans lesquelles interviennent des organisations qui n’ont rien de transnational. La superposition du processus (un mouvement transnational) et des organisations (une

Utiliser une sociologie des mobilisations…

Les travaux en sociologie des mouvements sociaux et plus précisément ceux plus ouverts à la dynamique internationale, nous ont permis de développer notre objet de recherche. Des mobilisations de « sans »76 aux mobilisations « anti » puis « alter » 77 mondialisation, la sociologie des mouvements sociaux a renouvelé ses objets d’étude en allant au-delà du cadre national. Tout d’abord concentrée sur des organisations à but non lucratif, sur des associations altruistes ou morales, puis des syndicats, la sociologie européenne a progressivement intégré des mouvements locaux moins structurés, plus diffus, et s’inspirant de répertoires78 ou de revendications produits dans d’autres contextes. Le constat est général : dire que les acteurs s’internationalisent ou que leurs causes deviennent plus globales ne suffit pas, en soi, à mettre au jour les mécanismes de solidarité entre ces acteurs ni même à percevoir ce qui anime ces derniers.

Les travaux sur l’altermondialisme mettent en avant le lien entre militantisme international et mouvements sociaux locaux79 et rendent compte de la diversité des acteurs qui interviennent au niveau international. Ces travaux effectuent une différence nécessaire entre les mouvements locaux et les ONG80. Si plusieurs collectifs se reconnaissent ponctuellement autour d’un combat contre la mondialisation néolibérale et ses effets sur l’Homme, la nature, les rapports sociaux, les inégalités, etc., les motivations de ces acteurs sont diverses et ils formulent parfois différemment leurs revendications. En se penchant plus particulièrement sur la genèse de l’altermondialisme, les études rappellent les particularités contextuelles de chaque mobilisation ainsi que les références à un contexte national ou local plus mondialisé.

organisation de mouvement social transnational) court-circuite ce qu’il faudrait justement expliquer : les logiques concrètes qui favorisent l’action collective transnationale » SIMEANT Johanna, « Des mouvements nouveaux et globaux ?... », Op. cit, p 6.

76 SAWICKI Frédéric, SIMEANT Johanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelques tendances récentes des travaux français », Sociologie du Travail, vol 51, n° 1, 2009, p 97‑125. 77 AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoire nouvelle cause, Paris, Flammarion, 2005 ; MAYER Nonna, SIMEANT Johanna, « L'espace de l'altermondialisme », Revue française de science politique, vol 54, 2004, p 373-378.

78 Ici nous reprenons la notion de répertoire développée par Charles Tilly. TILLY Charles, La France conteste, de 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986.

79 Le Groupe de recherche sur les mutations du militantisme (GERMM) a notamment permis de renouveler les analyses sur ces questions en France, en questionnant la genèse du mouvement, les usages du discours altermondialiste, les reconversions militantes ainsi que les évolutions de répertoires.

80 Johanna Siméant montre par exemple que l’article de Lance Bennett met clairement en parallèle les ONG d’advocacy et « l’activisme direct ». BENNETT Lance, « Social Movements beyond Borders: Understanding Two Eras of Transnational Activism », in DELLA PORTA Donatella, TARROW Sidney (dir.). Transnational protest..., Op.cit. p 203-226 ; cité par SIMEANT Johanna, « Des mouvements nouveaux et globaux ?... », Op.cit, p 9.

Des auteurs se sont alors attachés à suivre des militants locaux ou nationaux au sein des forums mondiaux, rendant compte, d’une part de la diversité des militants, des causes et des destinataires et, d’autre part, d’échanges fructueux et de rencontres d’idées autour d’une autre mondialisation81. Finalement, les idées circulent tout autant que les militants, et si les premières subissent des distorsions et des accommodements qu’il est utile d’analyser, l’analyse des circulations militantes montre aussi qu’il est possible d’observer relationnellement et localement la solidarité. Ces études permettent, à travers des outils classiques de la sociologie (trajectoires82, carrière83, capital social84), de comprendre les évolutions des organisations ou groupes mobilisés.

En Colombie, les organisations locales ont reçu le soutien de diverses organisations des droits de l’Homme, humanitaire, de développement, ainsi que des soutiens politiques de militants en Europe et aux États-Unis qui, sans toujours connaître leurs interlocuteurs colombiens, soutiennent leur lutte locale. On comprend d’emblée que les paysans colombiens ne sont pas dans une démarche d’aller vers le niveau international, mais que ce sont plutôt ces acteurs internationaux qui auraient fait irruption dans leur contexte, celui d’un conflit interne. Ainsi, notre étude correspondrait plutôt au cas d’une mobilisation locale ou nationale qui aurait des répercussions dans d’autres pays, en reprenant la typologie esquissée par Sidney Tarrow sur les différents

81CANET Raphaël, « L’intelligence en essaim. Stratégie d’internationalisation des forums sociaux et régionalisation de la contestation mondiale », Cultures & Conflits, n° 70, 2008, p 33-56 ; POMMEROLLE Marie-Emmanuelle, SIMEANT Johanna, « Voix africaines au forum social mondial… », Op.cit. ; SIMÉANT Johanna, « Committing to internationalization : careers of African Participants at the World Social Forum » ; Social Movement Studies: Journal of Social Cultural and Political Protest, 2012, p 1-19.

82 Sur la notion de trajectoire dans la sociologie de Pierre Bourdieu cf : PASSERON Jean-Claude, « Biographies, flux, itinéraires, trajectoires », Revue française de sociologie, vol 31, n°1, 1980, p 3-22. Sylvie Ollitrault montre ainsi l’évolution du mouvement écologiste à travers l’analyse des trajectoires militantes. OLLITRAULT Sylvie, « Des plantes et des hommes: de la défense de la biodiversité à l’altermondialisme », Revue Française de Science Politique, vol 54, 2004, p 443-463.

83 La notion de carrière induit l’étude d’un processus et permet d’étudier dans le même temps les histoires individuelles (et ainsi penser le sens que les acteurs attribuent à leur action) et les éléments du contexte (les conditions collectives de l’action). FILLIEULE Olivier, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel. Post-scriptum », Revue française de science politique, vol 51, 2001, p 199–215. 84 HAMIDI Camille, « Lire le capital social. Autour de Robert Putnam », Revue française de science politique, vol 53, 2003, p 607–613. Pierre Bourdieu définit le capital social comme « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations, plus ou moins institutionnalisées, d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance ; ou, en d’autres termes, à l’appartenance à un groupe, comme ensemble d’agents qui ne sont pas seulement dotés de propriétés communes (susceptibles d’être perçues par l’observateur, par les autres ou par eux-mêmes) mais sont aussi unis par des liaisons permanentes et utiles. », BOURDIEU Pierre, « Le capital social », Actes de la recherche en sciences sociales, vol 31, n° 1, 1980, p 2-3, p 2. Les italiques sont de l’auteur.

types de mobilisations85. Comprendre le contexte dans lequel évoluent les mobilisations paysannes étudiées semble par conséquent essentiel.

…attentive au contexte…

La sociologie colombienne s’est largement consacrée à la compréhension du contexte national colombien, notamment à travers l’analyse des phénomènes de violence politique. La très riche littérature sur les luttes agraires86 permet de comprendre la centralité de cette question. Les inégalités foncières seraient une donnée explicative et structurante de la violence et de la radicalisation des mouvements sociaux en guérillas, ainsi qu’une donnée essentielle pour comprendre la prégnance d’organisations collectives non armées dans les campagnes. Ces analyses mettent en avant des études87 sur les déterminants politiques, sociaux, économiques des luttes agraires, les paysans se mobiliseraient au gré de ce que permet le contexte de conflit armé. Les mobilisés apparaissent cependant comme désincarnés, écrasés sous le poids d’un déterminisme contextuel88 (et violent89).

La période explicitement dénommée la Violencia, une période de violents affrontements entre libéraux et conservateurs menant à des situations de quasi guerre

85 Les différents types de mobilisations transnationales définies par Sidney Tarrow sont: 1) Révoltes locales (à l’image du Chiapas) qui articulent leurs revendications de façon mondiale, et créent des réseaux de soutien à l’international, 2) Des manifestations internationales de protestation (comme la bataille de Seattle) créées par des coalitions de groupes nationaux et transnationaux contre une cible visible (comme FMI, BM,OMC), 3) Des coalitions de militants transnationaux contre certains États nationaux, 4) Militantisme au sein et autour des institutions internationales et sur la rédaction de traité (il précise que cette catégorie n’est pas toujours contestataire) (p7) . La définition que donne Sidney Tarrow d’un mouvement transnational suffit à exclure notre objet de recherche de ce champ : « Des groupes socialement mobilisés ayant des membres dans au moins deux pays, engagés dans une interaction soutenue de contestation avec les détenteurs du pouvoir d’au moins un pays autre que le leur, ou contre une institution internationale ou un acteur économique multinational » (p 9). TARROW Sidney, « La contestation transnationale… », Op.cit.

86 Le thème de la réforme agraire étant inextricablement lié aux sujets de la violence et du conflit, la littérature sur le sujet est abondante. FAJARDO MONTANA Dario, « Colombia: dos décadas en los movimientos agrarios » Cahiers Des Amériques Latines, n°71, 2013, p 145-168.

87 ARCHILA NEIRA Mauricio, Idas y venidas, vueltas y revueltas: protestas sociales en Colombia 1958-1990,