• Aucun résultat trouvé

Saisir le point de vue des acteurs locaux implique de penser qu’il existe différentes échelles d’observation de la réalité sociale (micro/méso/macro) ainsi que différentes échelles de mobilisation (local/national/international). Il convient de clarifier que celles-ci peuvent s’imbriquer, se rencontrer, et qu’il n’y a pas qu’une échelle micro pour étudier le local et vice- versa, l’international ne s’observe pas seulement à partir d’une échelle macro106. Comment aborder un objet de recherche comme la solidarité internationale qui lie intrinsèquement le local et l’international ? Comment étudier de manière microsociologique un phénomène qui prend sens à un niveau plus macro ? On suivra à ce titre l’adage suivant, « toute activité politique, (même l’international) se passe quelque part »107. L’approche par le local constitue par conséquent autant un objet de recherche – comprendre les constructions locales d’une cause internationale – qu’une méthode de recherche, s’approcher physiquement de ces « constructeurs » que sont les paysans colombiens. Nous expliciterons ainsi notre démarche fondée sur une étude micro à partir des perceptions localisées des acteurs sociaux.

Une analyse micro d’acteurs locaux

Les études sur la solidarité internationale permettent d’appréhender les acteurs internationaux dans leur diversité, et de comprendre les dynamiques qui poussent des individus à mettre en commun leurs revendications et à se mobiliser. Cependant, qui sont les acteurs derrière ces « bénéficiaires » ? Et quelles relations entretiennent des acteurs mobilisés dans un cadre national avec des soutiens divers de l’étranger ? Comment ces acteurs se rencontrent-ils et échangent-ils?

Suivant nos « intuitions théoriques »108, celles de comprendre la construction de ces liens depuis la « base », nous avons cherché à effectuer une sorte de « zoom », pour

106 Dans un récent ouvrage, Johanna Siméant montre que l’on peut étudier de manière ethnographique et micro des faits et des processus internationaux. Elle pose ainsi une question d’apparence simple « pourquoi les sociologues devraient-ils s’arrêter de faire des sciences sociales dès lors que leurs objets changent d’échelle ? » SIMEANT Johanna et al, Guide de l’enquête globale en sciences sociales, Paris, CNRS éditions, 2015, p 6. 107 SIMEANT Johanna, LICKERT Victoria, POUPONNEAU Florent, « Échelles, récits, bureaux, terrains du politique à l’international », in SIMEANT Johanna et al, Guide de l’enquête globale…, Op.cit., p 13-32, p 15. 108 DAUVIN Pascal, SIMEANT Johanna, Le travail humanitaire. Les acteurs des ONG du siège au terrain, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p 376-377. Les auteurs montrent que leur parti pris d’observer l’action des ONG « ici » et « là-bas » c’est-à-dire au siège et sur le terrain leur a permis d’éviter une vision top/down qui considère que toute action humanitaire serait décidée depuis le siège et appliquée ensuite sur le terrain. Ils montrent ainsi que la démarche empirique d’immersion ethnographique est inséparable des «intuitions théoriques », celles de comprendre la complexité de l’action de ces acteurs sur le terrain.

saisir les paysans dans leurs lieux de vie, comprendre la manière dont ils perçoivent leur situation, formulent leurs revendications et comment ils ont été amenés à se mobiliser depuis leurs villages reculés. Le niveau local constitue ainsi le point de départ de notre raisonnement, et notre premier objectif a été de nous rapprocher de la « base sociale » revendiquée par les organisations paysannes. Ajuster ainsi le microscope vise à s’interroger sur les acteurs les plus « petits ».

Partir du point de vue des acteurs locaux ne signifie pas pour autant considérer que la « base sociale » existerait en tant que telle, il s’agit plutôt de comprendre comment s’est construite cette base sociale que revendiquent les organisations paysannes. La question des acteurs locaux se prête tour à tour à deux travers qu’il s’agit d’éviter. D’une part, celui d’une perspective populiste qui réifierait le « Peuple » dans une version enchantée de « ceux d’en bas », et, d’autre part, celui d’une perspective misérabiliste qui porterait un regard apitoyé sur les « plus démunis » 109.

En recherchant ces acteurs locaux, nous nous sommes confrontée à l’identification même de cette base sociale. Les « acteurs locaux » prennent un sens lorsqu’ils deviennent « acteurs » et émergent à l’intérieur de collectifs qui leur donnent une voix. La « base » est en réalité un « mythe », selon les termes de Charles Suaud110. En tant que telle, elle a une autonomie très relative par rapport au travail institutionnel d’encadrement et de mobilisation que réalisent les organisations locales et qui, par là même, la font exister111. Les organisations sociales étudiées collectivisent les doléances locales, et les traduisent en des injustices à revendiquer. Par conséquent observer et comprendre les dynamiques internes de ces organisations locales permet d’appréhender à la fois les constructions d’un sens commun entre divers individus qui font le collectif et la manière dont l’internationalisation de l’organisation a des effets sur celle-ci. L’organisation paysanne devient ainsi un lieu d’observation pour saisir les différentes manières de se lier au collectif et de le vivre. Ces hybridations témoignent des diverses adaptations.

Par exemple, si l’on analyse les trajectoires des leaders locaux à l’international, il faut replacer ces processus au niveau de l’organisation. Il est intéressant de comprendre

109 Cet embarras du chercheur confronté aux nominations du « populaire » est au cœur du dialogue entre Claude Grignon et Jean-Claude Passeron. GRIGNON Claude, PASSERON Jean-Claude, Le savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Editions du Seuil/Gallimard, 1989.

110 SUAUD Charles, « Le mythe de la base : Les États Généraux du développement agricole et la production d'une parole paysanne », Actes de la recherche en sciences sociales, vol 52-53, 1984, p 56-79.

ce qui se discute à ce niveau, ce qui s’échange entre les membres de l’organisation sur les revendications locales, leur portée internationale, le langage à adopter, le choix des leaders qui les porteront ainsi que le choix des partenaires internationaux et des destinataires à l’étranger. Ces éléments nous permettent plus aisément de saisir « la localité du global ». Nous proposons ainsi de comprendre les logiques d’organisation communautaire ou associatives propres aux contextes locaux (selon leurs influences, les acteurs majeurs, les événements historiques marquants pour l’imaginaire collectif, etc.), et le travail de construction d’un sens commun au niveau des organisations. Cependant, ces structures organisationnelles ne sont en aucun cas figées, puisqu’elles sont traversées par les différentes perceptions que ces acteurs ont du militantisme, et la mobilisation les fait nécessairement évoluer.

Or, comment est-il possible de généraliser à partir de ces deux organisations paysannes et de cette étude microsociologique112 ? Nous partons du principe que les faits macrosociologiques (comme la solidarité internationale ou encore la mobilisation paysanne à l’échelle nationale) ne peuvent être dissociés des processus par lesquels ils sont rendus descriptibles113. Cette focale sur le niveau micro nous permet d’analyser des chaînes de causalité et de comprendre comment se construisent ces relations entre acteurs si différents. De plus, interroger des acteurs locaux ne veut pas dire que ces derniers n’ont pas connaissance de données plus macro qu’ils prennent en compte dans leur mobilisation114.

En effet, si le local a ses propres dynamiques, il n’est pas pour autant autonome d’un contexte plus macro, ce n’est pas « un simple lieu de recherche mais [il doit être considéré] comme un objet socialement construit par des pratiques localisées, par une histoire propre, par un ensemble de relations sociales plus ou moins organisées ; ce constat n’allant pas forcément de pair avec une autonomisation de l’espace local »115. Ainsi, « l’approche localisée ne doit pas conduire à « diluer » l’espace national en autant de micro-espaces autonomes »116 c’est-à-dire qu’il faut également prendre en compte la

112 HAMIDI Camille, « De quoi un cas est-il le cas ? » Politix, n°100, vol 25, 2012, p 85-98.

113 BARTHE Yannick et al., « Sociologie pragmatique : mode d'emploi », Politix, n°103, 2013, p 175-204. 114 « Traiter de l’international, c’est aussi critiquer les catégories routinières qui supposeraient une étanchéité entre le national, le local et montrer comment la communauté, la ville ou l’État sont moins que jamais le cadre ordinaire et évident de la description ». SIMEANT Johanna et al, Guide de l’enquête globale… Op.cit., p 9 115 BRICQUET Jean Louis, SAWICKI Frédéric, « L’espace du local » Politix, n°7-8, 1989, p 8.

manière dont ces acteurs locaux imbriquent leurs actions dans des logiques nationales, et même internationales.

Si l’analyse est micro, cela ne signifie pas non plus que ce qui s’observe à ce niveau n’est pas pertinent pour comprendre des enjeux plus macro. En effet, « les thèses de l’engendrement du « macro » à partir de conduites « micro », moyennant des processus d’agrégation, de catégorisation ou de répétition, cohabitent avec les thèses de la détermination du « micro » par des structures « macro », moyennant des processus de causation, d’intériorisation ou de coercition »117. Il ne s’agit pas de faire un choix entre ces deux postures mais, au contraire, d’analyser cette dialectique de la mobilisation et de la construction de la solidarité. Les acteurs locaux entrent en relation avec des acteurs internationaux afin d’obtenir des soutiens, ce qui va logiquement perturber leurs pratiques locales, puis faire évoluer leurs relations avec ces acteurs de la solidarité. Ces évolutions relationnelles ne sont pas sans impacts sur la manière de formuler localement les causes, de percevoir les luttes pour le territoire, et sur la façon dont les leaders vont constamment redéfinir leurs relations avec le niveau international. Ainsi, nous proposons au cours de ce travail de relever le défi qui consiste à percevoir la localisation des dynamiques internationales et à saisir l’internationalisation des revendications locales.

Jacques Revel a mis en avant l’intérêt du niveau micro en histoire pour éviter l’écueil de visions trop englobantes des phénomènes sociaux (la « Grande histoire »). Il propose ainsi d’analyser de manière plus rigoureuse les liens qui se font entre des expériences spécifiques et une action plus collective. Sa démarche mène à redéfinir quatre présupposés qui nous intéressent : sur les comportements et les identités (comprendre les usages sociaux de ces éléments), sur les stratégies sociales (incorporer les incertitudes des acteurs), sur le contexte (qui n’est ni homogène ni unifié mais dépend des interprétations de chacun), sur la notion d’échelle (il n’y a pas d’opposition entre histoire locale et histoire globale). Pour J. Revel, il convient donc de « privilégier l’expérience des acteurs en reconstruisant autour d’elle le contexte qui lui donne sens et forme »118. L’échelle du micro permet alors de mieux saisir les interactions sociales et l’enchevêtrement des logiques sociales. Par conséquent, le contexte n’est pas le même pour tous, les acteurs ont différentes interprétations de la réalité. Ainsi, un paysan non

117 CEFAÏ Daniel, Pourquoi se mobilise t-on ?…, Op.cit. p 31-32.

affilié à l’organisation paysanne n’aura pas la même vision de l’action collective qu’un leader qui y milite depuis plusieurs années. Le premier appréhendera la mobilisation à travers le sens qu’elle peut avoir dans son contexte (celui de sa famille, de son village et selon son expérience personnelle), tandis qu’un leader prendra plus facilement en compte différents contextes puisqu’il a accès à d’autres villages et à d’autres organisations paysannes. Ils n’auront ainsi pas les mêmes positionnements vis-à-vis de la solidarité internationale et ne l’appréhenderont pas de la même manière.

Par conséquent, il s’agit d’articuler le fait que l’échelle d’analyse des acteurs est nécessairement contextuelle et que leurs actions peuvent avoir des effets à différents niveaux de mobilisation. Même les acteurs « internationaux » raisonnent à partir de leur contexte, ils peuvent avoir accès à des informations sur ce qui se passe au niveau international par exemple, mais leurs prises de décisions et leur niveau d’action (que ce soit au siège ou sur le terrain de leurs missions) s’inscrivent dans un contexte particulier, celui de leur expérience119.

Le territoire : espace et échelle des acteurs

Développée tout d’abord par un courant critique de la géographie humaine soucieux de repenser les différentes manières de percevoir le territoire120, puis devenue aujourd’hui un courant de pensée en évolution dans les sciences sociales latino américaines critiques121, « l’approche territoriale » permet de penser l’espace social de manière dynamique. La notion d’échelle offre la possibilité, notamment en géographie, d’appréhender l’asymétrie des acteurs en termes d’accès aux ressources, et de penser

119 Si les acteurs pris dans le mouvement peuvent difficilement être omniscients par rapport à leur contexte, ce n’est pas le cas du chercheur, qui peut ponctuellement enlever son œil du microscope. Il convient par conséquent de ne pas confondre l’échelle d’analyse du chercheur et celle d’action des acteurs. Ainsi, lorsque nous parlerons de local nous nous référerons au contexte perçu par les acteurs sociaux, et la question du « micro » concernera plus spécifiquement l’échelle que nous adopterons tout au long de notre analyse. « Il faut se donner les moyens de saisir empiriquement les changements d’échelle pratiqués par les acteurs eux-mêmes, sans que ces derniers ne s’en rendent d’ailleurs toujours compte. Le caractère international ne dit rien en effet de la consistance des processus d’internationalisation », SIMEANT Johanna, « Localiser le terrain de l’international », Politix, n°100, vol 25, 2012, p 129-147, p 133.

120 La notion d’échelle est centrale en géographie mais également le cœur d’un débat définitionnel. C’est une métrique de l’espace (l’échelle cartographique) ainsi qu’une échelle d’observation (local, national, international) si l’on considère une hiérarchie fixe. Certains courants proposent d’analyser l’échelle d’un point de vue plus dynamique. À ce sujet l’article de Dominique MASSON rend compte des débats de géographes sur les échelles pour les chercheurs travaillant sur les mouvements sociaux. MASSON Dominique, « Politique(s) des échelles et transnationalisation : perspectives géographiques », Politique et Sociétés, vol 28, n° 1, 2009, p 113-133.

121 HAESBAERT Rogerio, El mito de la desterritorialización. Del fin de los territorios a la multiterritorialidad, México, Siglo XXI editores, 2011.

l’imbrication des niveaux d’action122. L’autonomie du local devient alors plus relative, et des individus localisés peuvent être pris dans des logiques internationales qui les dépassent parfois. Ces acteurs ont cependant plus de liens avec d’autres niveaux et une lutte pour la préservation d’un territoire peut alors être menée à différentes échelles, et questionner une politique plus nationale ou internationale dans la mesure où celle-ci affecte le territoire local. Concernant la question de la défense du territoire, les projets économiques qui affectent les terres et les espaces de vie des acteurs locaux ont nécessairement des origines à d’autres niveaux.

Dominique Masson définit ainsi deux approches sur la nature des échelles123. La première, d’inspiration matérialiste, est celle de l’extension spatiale des relations sociales, l’échelle est alors un espace défini et malléable selon les dynamiques sociopolitiques. La deuxième, d’inspiration discursive, considère l’échelle comme la focale à laquelle un phénomène est étudié et appréhendé. Cette catégorie épistémologique concerne le chercheur, mais peut également être la manière dont les acteurs sociaux perçoivent leur lutte locale.

Premièrement, lorsque les paysans revendiquent la défense du territoire, leur échelle n’est pas celle de l’échelle administrative colombienne (qui raisonne en termes de village, de municipe, de département, puis de province), leur local est celui d’un « espace » militant et/ou communautaire. Ainsi, « les acteurs des mouvements font et refont en effet les échelles de l’action collective, et ce, en fonction de logiques qui peuvent, certes, être celles d’un alignement stratégique et politique sur les projets de changements d’échelles des autres acteurs, mais qui peuvent également se structurer autour de l’alignement sur, voire la création, d’autres échelles de référence : par exemple celles d’espaces d’appartenance ou d’identification particuliers – l’échelle du territoire ancestral autochtone – ou encore d’espaces associés à d’autres modes de définition des enjeux – bassins versants, bio régions, etc.»124 . En ce sens, le territoire est en ce sens considéré comme un construit social, qui porte des significations et sur lequel s’observent différentes pratiques.

122 Sur la prise en compte progressive de l’espace dans la sociologie des mouvements sociaux et les rapprochements avec les analyses des géographes nous renvoyons à l’ouvrage collectif dirigé par Hélène Combes, David Garibay et Camille Goirand sur les lieux de la contestation. COMBES Hélène, GARIBAY David, GOIRAND Camille (dir.), Les lieux de la colère. Occuper l’espace pour contester, de Madrid à Sanaa, Karthala, 2015.

123 MASSON Dominique, « Politique(s) des échelles… », Op.cit., p 117. 124 Idem, p 119.

Deuxièmement, le territoire est à la fois un enjeu de lutte et un lieu où se déploie l’action collective et où le changement social auquel les paysans aspirent doit se concrétiser125. Cependant, défendre le territoire peut impliquer une lutte à d’autres niveaux, matériellement (changer de lieu, échelle de mobilisation) et discursivement (changer d’échelle de revendication). Prenons l’exemple d’une action collective menée par des paysans, celle qui consiste à arracher les palmiers à huile des entreprises installées illégalement sur leur territoire. L’action collective se déroule localement sur le territoire des paysans, mais ses protagonistes peuvent également protester devant le ministère de l’Agriculture à Bogotá (qui octroie des subventions pour ces cultures) ou intervenir à l’étranger à la tribune d’une commission droits de l’Homme pour dénoncer les faits. Ils peuvent également, dans leurs discours, accuser l’entreprise installée, le gouvernement colombien qui soutient ces initiatives, le système capitaliste mondial qui le permet, et même accuser le concept de développement qui se traduit par la dépossession de leurs terres. Ils peuvent ainsi localement adopter un discours critique de la « mondialisation ». À l’inverse, ils pourront tout aussi bien être à l’étranger et conserver une critique très nationale, en dénonçant l’entreprise colombienne installée sur leurs territoires. Échelle de mobilisation (le lieu et le niveau de l’action) et de revendication (l’échelle perçue comme étant l’enjeu de lutte) s’imbriquent ainsi de multiples façons mais peuvent aussi entrer en conflit. Par conséquent, lorsque nous parlons du local, nous parlons de l’espace du territoire tel qu’il est défini spatialement et cognitivement par les acteurs.

Les jeux d’échelles

Le niveau micro permet de penser la complexité des acteurs locaux (leur homogénéité comme leur hétérogénéité) et la manière dont ils appréhendent leurs luttes. Le niveau « local » apparaît alors dans toute sa diversité. On comprend que malgré un ancrage local fort, les acteurs placent leurs revendications à différentes échelles de mobilisation. Mais, comment passent-ils d’une échelle de revendication et de

125 De nombreux travaux invitent ainsi à repenser la « re-territorialisation » du global au-delà d’une internationalisation de l’action collective. ESCOBAR Arturo, «Culture Sits in Places: Reflections on Globalism and Subaltern Strategies of Localization», Political Geography, vol 20, 2001, p 139-174; HEROD Andrew, « Labor Internationalism and the Contradictions of Globalization: Or, Why the Local Is Sometimes Still Important in a Global Economy», Antipode, vol 33, n° 3, 2001, p 407-426. Sur la notion d’espace de lutte, nous renvoyons également à AUYERO Javier « L'espace des luttes. Topographie des mobilisations collectives », Actes de la

mobilisation à une autre et comment rencontrent-ils les acteurs de la solidarité internationale ?

À la fin de leur ouvrage Dynamics of contention, Doug McAdam, Sidney Tarrow et Charles Tilly mènent une réflexion sur les déplacements d’échelle, du local vers l’international (scale shift). Ils les définissent comme « un changement dans le nombre et le niveau des actions contestataires coordonnées, qui mène à une contestation plus large incluant une plus grande diversité d’acteurs et un rapprochement de leurs revendications et identités »126.

Au cours de notre recherche, nous avons fait le constat que les changements d’échelles n’induisent pas nécessairement plus d’acteurs et plus d’actions. Les acteurs internationaux solidaires des mouvements locaux ne cherchent pas à reproduire des actions collectives dans leurs pays, et ne cherchent pas toujours à peser sur des instances internationales. Ces acteurs internationaux se reconnaissent comme défenseurs des personnes qui luttent pour leurs droits, reconnaissent avoir des valeurs communes avec ces acteurs locaux, mais cela ne veut pas dire qu’ils adoptent les mêmes revendications.