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Les partenariats entreprise et association, une déclinaison de la question des parties prenantes

Dans le document Du bénévole au jeune cadre (Page 118-121)

Conclusion : Un clivage entre personnalité et compétence ?

2.3.1. Les partenariats entreprise et association, une déclinaison de la question des parties prenantes

Que les politiques de RSE soient uniquement conçues à des fins de communication et de contrôle managérial ou non, force est de constater qu’un rapprochement réel s’opère entre les entreprises et les associations. Les associations sont en effet dans le cadre des politiques de RSE une partie prenante particulièrement importante : représentatives des intérêts des consommateurs et plus largement de la société, on peut les voir négativement comme capables de lobbying et plus largement disposant d’un certain “pouvoir de nuisance”, ou positivement comme étant une opportunité pour les entreprises de contribuer à la réalisation du bien commun sans avoir à modifier leur fonctionnement interne.

Ce rapprochement est d’une part celui de la forme associative qui se développe dans les entreprises : réseaux internes et communautés ne sont pas seulement des lieux de travail mais des lieux d’échanges sur tous types de sujets, dont des sujets de loisir [Sue, 2016175].

Certaines grandes entreprises se dotent d’associations internes réservées aux salariés, qui peuvent alors pratiquer des activités dépendant du hors travail avec leurs collègues de travail, souvent aidés financièrement par leur entreprise.

Un autre rapprochement se fait entre les entreprises et des associations qui leurs sont extérieures. Plusieurs grandes entreprises ont mis en place des Fondations, branches indépendantes (et relevant du secteur de l’ESS) qui disposent de sommes à engager dans des événements au profit d’association, du parrainage direct, des journées de collaboration où tous les salariés se mobilisent pour la même cause, l’action pouvant également être utilisée afin de créer du lien entre les équipes176… Les petites entreprises ne sont pas en reste,

d’autant plus car le lien avec des associations locales est considéré comme un lien avec le territoire d’implantation de l’entreprise, toujours selon la logique des parties prenantes et avec l’apport économique évident d’un développement de ce territoire aux affaires de

175 Sue, Roger, La Contresociété, Paris, Editions Les Liens qui Libèrent, 2016 176 Voir à ce sujet les sites web des fondations de grandes entreprises, par exemple : https://www.fondation-sncf.org/fr/associations-a-vos-projets-2/

119 l’entreprise. Alors que les financements publics aux associations tendent à décroître et que l’Etat se désengage de certaines de ses missions qui se reportent alors sur les associations, les entreprises entrent dans le jeu pour se positionner comme un soutien notable du secteur associatif.

Parmi les recruteurs et les jeunes diplômés rencontrés, plusieurs mentionnent (généralement dans des grandes entreprises, cependant) le travail effectué par les entreprises qui les emploie en lien avec des associations. Au-delà des partenariats financiers, on relève la possibilité pour les cadres de participer à l’action Nos Quartiers ont des Talents, ainsi que plusieurs actions de mécénat de compétences.

Cette notion de mécénat de compétences est particulièrement intéressante pour nous. D’après une étude de l’Admical, 46% des entreprises de plus de 200 salariés sont engagées dans de telles politiques, dans lesquelles la prise en charge de la question sociale par les entreprises se mélange à la création d’espaces de convivialité pour les salariés [Bory, 2006177]. Ces politiques sont des dérivés du bénévolat de compétences, dans lequel une

personne propose à une association non seulement du temps mais également des compétences spécifiques correspondant à son besoin. Ces rapprochements entre une association ayant besoin d’un bénévole particulier et une personne capable de remplir la mission se font généralement par le biais d’associations comme Passerelles et Compétences. Certaines entreprises se sont engagées dans des actions de bénévolat de compétences, en proposant à leurs salariés de s’engager auprès d’associations sur des missions proches de leurs missions professionnelles. On parle de mécénat de compétences lorsque l’organisation ne propose pas simplement à ses salariés de s’engager sur leur temps libre mais libère spécifiquement du temps pour que ceux-ci puissent s’impliquer dans une association, sur des missions cohérentes avec leurs missions professionnelles. Dans certaines grandes entreprises, par exemple chez Orange où il est orchestré par la Fondation Orange mais également pour certains salariés de la SNCF ou de la BNP, ce mécénat est notamment intégré à une politique d’accompagnement à la retraite, dans laquelle le salarié senior passe progressivement de plus en plus de temps dans l’association pour finir par ne plus avoir du tout de temps de travail dans l’entreprise. Dans d’autres organisations, c’est une forme de “pause” qui est proposé au salarié, soit à raison d’un temps régulier dans la semaine (souvent

177 Bory, Anne, De la générosité en entreprise : Mécénat et bénévolat des salariés dans les grandes

120 une demi-journée), soit pour une période suivie de quelques années. Le Big Five pour lequel a travaillé M. U. pendant plusieurs années proposait par exemple à ses salariés d’exercer leur métier de consultant pour des ONG, sans que leurs services ne soient facturés à ladite ONG, et moyennant une baisse de salaire pour les salariés concernés.

“En fait dans tous les pays [Big Five] a une fondation, qui fait des projets, que [Big

Five] fait pour des clients qui payent cher pour ça, et la fondation le fait gratuitement pour un certain nombre d’ONG, dans chaque pays. Donc [Big Five] France par exemple, j’ai un peu sponsorisé, j’ai une amie qui travaillait chez [ONG], et donc on avait sponsorisé un projet, on avait fourni deux consultants à plein temps pendant un an, c’est quand même un budget, donc si on l’avait vendu je crois que ça valait 300 000 euros en termes de vente, si on avait vendu les mecs à un client je crois que ça coûtait 300 000 euros, et là c’était gratuit pour le client, évidemment pour [Big Five] c’était pas le coût, le coût c’était le salaire, plus moi je crois que c’était deux jours par mois pour assurer que tout allait bien…”

(M. U., Manager, GE)

Ce qui sous-tend ces politiques c’est bien déjà l’idée que la compétence professionnelle est directement transférable aux missions dans une association. Il serait tentant de considérer que la réciproque est évidente, et que les politiques de mécénat de compétence pourraient naturellement amener les cadres d’entreprise à considérer que la compétence associative est une compétence professionnelle comme les autres. Il est cependant difficile d’évaluer la part exacte de cet argument dans l’évolution actuelle des perceptions que les cadres ont des missions en association : nous reviendrons plus largement sur la question de la proximité entre le monde professionnel et le monde associatif. A noter que, dans les cas où le mécénat de compétences fait office de pré-retraite, l’engagement associatif est alors souvent associé à un éloignement du salarié de l’entreprise, image qui peut se répercuter sur le candidat fortement engagé.

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Dans le document Du bénévole au jeune cadre (Page 118-121)