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Le recrutement des jeunes diplômés : aperçu des processus

Dans le document Du bénévole au jeune cadre (Page 50-54)

Etudier en miroir les stratégies des jeunes diplômés et leur réception par les recruteurs

1.2.1. Le recrutement des jeunes diplômés : aperçu des processus

Le recrutement se compose de trois phases : sourcing, sélection et intégration. Le sourcing consiste à identifier les candidats, qu’il s’agisse de “chasse” où c’est le recruteur qui prend contact avec la personne ciblée sans qu’elle se soit fait elle-même connaître comme étant en recherche d’emploi (pratique si rare dans le cas des jeunes diplômés que nous allons la considérer comme négligeable) ou de modes de collecte d’actes de candidature. Ces modes

99 Brodaty, Thomas, et al., Évaluer l'efficacité d'une campagne de valorisation du bénévolat, Rapport de recherche, 2013

51 sont divers 100 : diffusion d’annonce, notamment, recherche dans une base de

CV/candidathèque interne ou externe à l’organisation, reprise des candidatures spontanées, appel au réseau… Si l’on entend actuellement fréquemment parler d’un “marché caché”, soit de recrutement dans lesquels l’information selon laquelle un poste était disponible n’est pas accessible à tous, qui représenterait une forte part des recrutements et traîne avec lui le spectre d’un marché de l’emploi où le réseau serait le seul outil efficace, cela nous semble en fait trop rare pour être pris en compte. De fait, les études de l’Apec101 montrent que 87%

des offres font l’objet de la diffusion d’au moins une annonce et 4% seulement des cadres recrutés en 2015 l’ont été sur un poste diffusé uniquement sur des canaux confidentiels (chasse, cooptation et réseau confondus). La question du réseau n’est alors qu’une source de plus, source qui peut influencer par la suite la phase de sélection mais à laquelle celle-ci ne se résume pas.

Ainsi on peut considérer que dans la plupart des cas, les jeunes diplômés sont recrutés suite à une candidature, sur offre ou spontanée, plus rarement par des recherches dans des CVthèques. Le CV est donc bien le premier contact entre candidat et recruteur.

La phase de sélection consiste ensuite à “trier” les candidats, à opérer une discrimination pour les hiérarchiser et dans l’idéal conserver le ou la meilleure. Enfin, la phase d’intégration est une phase que les politiques ressources humaines considèrent comme faisant partie du recrutement : si la littérature l’étudie moins en tant que telle, nous souhaitons l’évoquer car cette question de l’intégration, on le verra dans le chapitre 2, peut jouer en partie sur la sélection.

La sélection est ici le cœur du sujet qui nous intéresse. L’objectif serait ici de trouver la “bonne” personne, la “meilleure”, la “plus adaptée” au poste à pourvoir selon une idée adéquationniste. De fait, selon la théorie de l’appariement [Jovanovic, 1979102], les individus

100 Les intermédiaires du recrutement faisant partie du panel interrogé, nous ne considérons pas ici l’appel à un intermédiaire du recrutement comme un mode de sourcing à part entière mais nous pencherons plutôt sur les modes de sourcing utilisés par les intermédiaires eux-mêmes.

101 Apec, Sourcing Cadres, Comment les entreprises recrutent leurs cadres, Paris, Les études de

l’emploi cadre, 2016

52 sur le marché sont inégalement productifs, il faut donc rechercher une adéquation entre les offres et les demandes de travail sur un marché hétérogène. Il est donc crucial de pouvoir déterminer quelle sera l’efficacité d’un candidat par rapport à une offre spécifique.

Deux éléments composent cette phase de sélection : les critères à prendre en compte pour effectuer ce classement, qu’ils aient une influence directe ou indirecte sur la capacité à tenir le poste, et les méthodes de recueil des informations sur ces critères. Ces méthodes de recueil, ou processus de sélection, sont liés aux critères valorisés [Dubernet, 1995103]. On considérera

comme établi précédemment que les méthodes de recueil ne varient pas selon la méthode de

sourcing employée, ce qui semble généralement être le cas au moins pour les jeunes

diplômés.

Dubernet repère trois critères de définition du profil du candidat qui semblent prédominants pour les postes de cadre : expérience professionnelle (77% des recruteurs interrogés la classent dans les trois critères les plus importants), personnalité (62%) et diplôme (43%). Sans précisions, l'expérience peut ici être considérée de manière quantitative (nombre d'années) ou qualitative (proximité des missions exercées, du secteur d'activité...).

Notons que la liste des critères proposés aux recruteurs dans l’enquête ci-dessus ne comporte pas le terme de compétence, sans doute parce que celui-ci était moins omniprésent dans les entreprises en 1996 qu’il ne l’est aujourd’hui. Une question relativement similaire dans notre propre enquête, mais portant spécifiquement sur les jeunes diplômés de haut niveau, fait état d’une plus forte importance du diplôme pour ceux-ci (54% des recruteurs en font un des trois critères prioritaires), de l’importance des compétences techniques (51,3%) et une persistance de la “personnalité” (47,3%, la moindre importance s’expliquant probablement par la présence dans notre liste de critères du « savoir-être », qui récolte 44,2%, les deux termes désignant, nous le verrons dans le chapitre 2, des réalités très similaires). Notons l’importance accordée également aux “motivations” (41,8%), terme non proposé dans la liste de Dubernet.

Nous supposons que, notamment pour les jeunes diplômés, la notion de compétence remplace aujourd’hui celle d’expérience. Il s’agit alors de déterminer si ce qui est en jeu ici c’est un véritable changement de regard ou un simple changement de vocabulaire. Pour

103 Dubernet, Anne-Chantal, L’embauche Approche sociologique des pratiques de recrutement dans le

53 Marchal [2015104], éducation et expérience sont les marqueurs de la compétence, ce ne sont

donc peut-être pas les critères considérés qui changent mais les informations qui sont recherchées par leur biais. Tous les critères considérés sont en fait utilisés comme “proxy de la productivité” [Garner Moyer, 2011105] impossible à approcher pour elle-même.

Ces critères sont en cohérence avec les méthodes de recueil des candidatures. De fait, Marchal [Bessy et Marchal, 2009106, 2015107, Marchal et De Larquier, 2016108] souligne que

lorsque le CV est utilisé comme source majeure d’information, l’expérience est un critère essentiel de sélection et les périodes d’inactivité, surtout si le candidat est actuellement sans emploi, sont alors des critères d’exclusion de la candidature. Les jeunes sont donc particulièrement désavantagés par la sélection effectuée sur les CV.

Par ailleurs, le fait de faire passer plusieurs entretiens au candidat est la marque d’une recherche intensive d’information.

Pour les postes cadres, les process employés sont majoritairement le CV et les entretiens en face à face, qui gagnent en importance dans les recrutements cadres depuis les années 80 [Apec, 2008109]. Le nombre d’entretiens peut varier d’une entreprise à l’autre, d’un poste à

l’autre, selon les moyens mis en œuvre.

La recherche d’informations sur Internet, notamment sur les profils mis en ligne par les candidats sur les réseaux sociaux, peut s’ajouter à ces processus.

Pour ces postes, le recours à des tests ou des mises en situation reste très rare. Parmi les recruteurs interrogés, les seuls tests rarement évoqués sont d’ailleurs des tests de personnalité.

104 Marchal, Emmanuelle, Les embarras des recruteurs. Enquête sur le marché du travail, Paris,

Editions EHESS, 2015

105 Garner Moyer, Hélène, Sélection et sélectivité en GRH : quelle place pour l’éthique dans le

processus de recrutement ?, Humanisme et entreprise, 2011, n°303

106 Bessy, Christian, et Marchal, Emmanuelle, Le rôle des réseaux et du marché dans les recrutements, enquête auprès d’entreprises, Revue Française de Socio-économie, 2009/1

107 Op. Cit.

108 Marchal, Emmanuelle et De Larquier, Guillemette, Does the formalization of practices enhance equal hiring opportunities? : An analysis of a French nation-wide employer survey, Socio-Economic Review, 2016, vol. 1, n°23

54 Notons par ailleurs que le “choix” des processus mis en œuvre dépend fortement de l’organisation considérée : les grandes organisations, dotées de services RH étendus, ont tendance à se fier à des processus avec de nombreux entretiens, qui impliquent plusieurs personnes de fonction différentes (le plus souvent au moins une personne des RH et le futur- manager du salarié) ; les organisations plus petites ont des processus plus variés, parfois plus souples, avec souvent moins d’acteurs impliqués.

Une telle vision par critères et processus n’est cependant pas suffisante pour comprendre ce qui se joue au cours de la sélection des candidats, il faut par ailleurs rentrer dans la question de l’information qui est recherchée. Comment savoir, en effet, quel candidat possède quelle compétence (ou quelle personnalité) ? Face à la variété des diplômes et des parcours, qu’est- ce qui rentre ou non dans les cases du critère défini ? Et par ailleurs, nous l’avons vu dans les discours des jeunes diplômés, comment différencier des candidats qui peuvent parfois sembler avoir tous les mêmes diplômes, tous les mêmes expériences ?

1.2.2. Réduire l’incertitude : la recherche effrénée d’un maximum

Dans le document Du bénévole au jeune cadre (Page 50-54)