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Des recruteurs entre homophilie et compréhension des enjeu

Dans le document Du bénévole au jeune cadre (Page 189-193)

Conclusion : Des limites à la reconnaissance des compétences transférables

4.2.3. Des recruteurs entre homophilie et compréhension des enjeu

Dans nos entretiens, l’argument que le milieu associatif serait au final assez semblable au milieu professionnel revient assez fréquemment dans les discours des jeunes diplômés. Une majorité des recruteurs sont également d’accord avec l’idée que l’expérience associative permet de se familiariser avec des modes de fonctionnement proches de ceux d’une entreprise, et en particulier apprend à respecter ses engagements.

310 Bory, Anne, De la générosité en entreprise : Mécénat et bénévolat des salariés dans les grandes

190 Tableau 8 : Opinion des recruteurs sur les acquis associatifs en termes de mode d’organisation (en % des réponses exprimées)

Faire/avoir fait partie d'une association… Tout à fait d'accord D'acco rd Total d'accord Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord permet de se familiariser avec des

modes de fonctionnement

similaires à ceux d’une entreprise.

20,3 56,1 76,4 19,6 4,1

apprend à tenir des engagements

(respecter un délai…) 25,3 56,8 82,1 14,9 30

Source : Claire Margaria, Enquête en ligne auprès des recruteurs, 2014

De fait, chez Unis Cité par exemple, les jeunes viennent souvent envoyés par des Missions Locales afin d'accroître leur expérience et “l’activité bénévole est vécue comme une

continuité, et même une dimension de leur activité professionnelle” [Simonet, 2010311].

Dans les discours de certains recruteurs, cependant, l’expérience associative a une valeur bien moindre que celle que pourrait avoir l’expérience professionnelle et ne pourrait donc être prise en compte de la même façon (à l’instar du manager de Samantha, cf. Chapitre 3). Ils se réfèrent au cadre moins formel de l’activité associative et à l’idée d’un bénévole qui “fait ce qu’il veut”. D’autres insistent sur la nécessité moindre de résultat dans le cadre associatif.

“Mais c’est de l’assoce, quoi, c’est pas du boulot, ça n’a rien à voir, c’est on va faire

de notre mieux, on n’a pas de contrôle, on n’a pas d’objectif… On n’est pas normé, vous voyez ? Qu’est-ce que vous voulez juger de là-dessus, juste que c’est quelqu’un qui a géré 11 à 14 personnes, onze à quatorze enfants ? Mais si ça se trouve les enfants ils étaient super mal avec eux, comment je le sais ?” (Mme I., RH, PME)

Moins extrêmes que Mme I., certains recruteurs semblent plus enclins à penser que l’association, sorte de milieu moins contraint que l’entreprise, ne peut être le signal que de ce qu’ils définissent comme “savoir-être”, soit qu’ils y aient été exercées jusqu’à y être acquis, soit que la participation à l’activité associative soit un indice de la préexistence de

191 ces attitudes-ressources, l’appétence pour l’activité associative pouvant indiquer par exemple une volonté de travailler en équipe ou une aisance relationnelle. On pourrait dire qu’au milieu “soft” de l’association sont associées les “soft skills”, terme anglais désignant le savoir-être.

Cependant, certains recruteurs semblent en accord avec l’idée d’un parallèle entre l’expérience associative et l’expérience professionnelle. Ces discours sont notamment le fait des jeunes recruteurs, et particulièrement de ceux qui ont récemment été en position de candidat. Ils sont également typiques des recruteurs ayant eu un fort engagement associatif au cours de leurs études, ou de diplômés d’école (et surtout d’écoles de commerce), et de la plupart des recruteurs du monde associatif. Réfléchissant sur leur propre compétence, ils ont mené un bilan et identifié l’origine de leurs apprentissages : convaincus de l’importance des activités associatives pour eux, ils sont alors convaincus de son importance pour les autres. A l’homophilie naturelle que nous avions évoquée s’ajoute donc une compréhension des enjeux de ces activités, parfaitement identifiée par les jeunes diplômés : savoir que les associations étudiantes ne sont pas que des lieux de fêtes mais avoir une idée du type de budgets ou des sujets techniques qui y sont abordés, par exemple, ou comprendre ce que signifie l’activité Scout au-delà de sa connotation religieuse, par exemple.

Pour certains, l’activité associative serait alors semblable à un stage et peut être reconnue comme expérience à part entière. Elles font d’ailleurs l’objet d’un questionnement en entretien assez proche de celui qui concerne l’expérience professionnelle, avec les missions exercées, les réussites, les difficultés rencontrées et la façon dont elles ont été surmontées.

“Mais clairement ce que je lui demanderais c’est quatorze ans donc 5 ans chef

d’unité, alors là, qu’est-ce que ça veut dire, il a été chef de quoi, qu’est-ce qu’il a fait… euh… et là je lui demanderai qu’est-ce qu’il a trouvé difficile, pour voir un peu ce qu’il a appris, et je lui poserais des questions du type sur quoi vous avez échoué, qu’est-ce que vous avez bien fait, qu’est-ce que vous n’avez pas bien fait, qu’est-ce que vous auriez mieux fait, la prochaine fois ? Euh… quels sont les problèmes que vous avez rencontrés en termes de management, qu’est-ce que vous en avez appris ?

192 “ Moi je vais même plus loin en fait parce-que, quand je fais des conseils CV, j’ai

tendance à dire aux jeunes diplômés qui sont en recherche d’emploi ou de stage d’intituler, à la place d’expérience professionnelle, d’intituler la section expériences professionnalisantes et d’y mettre non seulement les stages qui sont obligatoires au cours de leur cursus mais d’y mettre toutes les expériences professionnelles, les jobs d’été, les jobs de week-end, d’y mettre les projets d’études, d’y mettre les expériences associatives parce que voilà j’estime que quelqu’un qui a été trésorier ou président d’un BDE, d’un BDS… c’est tout aussi qualifiant qu’un bon stage en entreprise au cours du cursus. Et du coup c’est plus simple je trouve d’intituler la section expérience professionnalisante et donc ça ouvre le champ un petit peu. C’est pas juste des expériences professionnelles dans telle ou telle entreprise.” (M. X., issu

d’une école de commerce insistant fortement sur la valeur des engagements associatifs dans le cursus)

L’usage par ce recruteur du terme “expérience professionnalisante” pose cependant question : il affirme ainsi que même si les activités associatives sont une expérience à part entière et donc un lieu de formation, elles ne sont pas pour autant une expérience professionnelle qui serait réservée au cadre de l’entreprise, voire au cadre salarié.

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Partie 3 : La présence d’activités associatives dans la rubrique

“expérience professionnelle”

Dans le document Du bénévole au jeune cadre (Page 189-193)