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L’évolution des politiques des savoirs avec le ‘numérique’ et l’open est une des thématiques clefs abordée au sein des études en sciences humaines et sociales. Dès les années 2010, l’introduction du numéro « Sciences.com » pose la question de l’open access et de la science ouverte et note la tension entre une science ouverte et une science fermée qui « préfigure sans doute quelque

reconfiguration politique en profondeur. »95 Plusieurs articles de ce numéro portent d’ores et déjà

sur l’open access et exposent une diversité d’initiatives. Plusieurs modèles sont présentés avec, par exemple, d’un côté des dépôts institutionnels d’archives ouvertes96 et de l’autre, une nouvelle

édition scientifique avec le modèle de l’‘accès ouvert’97. Les études abordent également la question

gestionnaire et économique de ces modèles et laissent déjà se dessiner des prises de position disctintes sur la façon de gérer la transition numérique. Dans ce même numéro, la parole est par

exemple laissée aux acteurs de l’édition pour exprimer en leur nom propre leur opinion, comme le

montre l’encadré du Syndicat national de l’édition98. L’ouverture dans ce cas est présentée comme

un nouvel équilibre à trouver entre un bien public et un bien marchandisable. Dans ce même numéro, la question de l’open est abordée sous un autre angle. En effet, l’article intitulé « Science commons : nouvelles règles, nouvelles pratiques », donne une autre signification à l’open où il s’agit de considérer les connaissances comme des communs et de partager l’ensemble des résultats de recherche : des logiciels en passant par les données brutes jusqu’aux publications afin de pouvoir suivre et examiner de façon systématique la méthode scientifique employée99. Ces quelques

exemples ne sont qu’une partie de l’ensemble des discours et de définitions associées à l’open que je détaille par la suite. Mais on y voit déjà certains points saillants évoqués : ouverture de la méthode scientifique, accès aux publications scientifiques pour les chercheurs ou pour l’ensemble de la société, développement de nouveaux dispositifs pour stocker les savoirs et en assurer la pérennité, etc. Cette présentation succincte avait pour but de montrer aussi que les chercheurs sont souvent les principaux investigateurs de nouveaux projets et expérimentations touchant la thématique de l’open. Les revues scientifiques jouent en ce sens le rôle de médias pour présenter leurs projets et ainsi leur propre vision de l’open en sciences.

Au sein des STS, l’analyse des discours sur l’open en science a déjà fait l’objet d’une étude en 2014 avec comme corpus un ensemble d’articles scientifiques ou de blogs(anglophones). Benedict Fecher et Sascha Friesike dans l’article « Open Science: One Term, Five Schools of Thought »100

présentent différentes écoles de pensées liées à l’open science et considèrent l’expression open science comme un « mot-valise » véhiculant diverses attentes sur le futur de la production des savoirs. Cependant, plus que des attentes, d’autres articles issus de revues académiques invitent à étudier les solutions concrètes qui se dessinent au-delà des discours idéologiques pour instaurer un « nouveau régime de la science et du numérique » comme le souligne cet extrait :

De nouveaux défis sont aussi lancés dans le contexte plus large de l’open sciences (Royal Society, 2012) : données ouvertes de la recherche, analyse des données massives, nouveaux paradigmes scientifiques centrés sur la donnée… Au-delà des visions et des idéologies, ce sont de réelles négociations, de nouvelles traductions qui s’annoncent, au sens de la sociologie de l’innovation de Callon et Latour, dans ce nouveau régime de la science et du numérique.101

C’est l’instauration d’un « nouveau régime de la science et du ‘numérique’ »102 aujourd’hui

que je souhaite questionner à travers l’étude des discours sur l’open en sciences. Mais à la différence de cet article « Stratégie, politique et reformulation de l’open access » qui invite à dépasser les visions et les idéologies, tout mon propos par la suite sera d’interroger l’inextricable influence des « visions du monde » sur la façon de penser ‘la Science’ et de produire des savoirs. Il s’agira en effet de montrer que ces « idéaux » ne peuvent se détacher des logiques d’actions des acteurs. Ma recherche

vient questionner l’influence même de ces visions portées par les producteurs des savoirs eux- mêmes sur les dynamiques de reconfigurations du régime des savoirs actuellement. Avec le ‘numérique’, assiste-t-on à un nouveau régime de la science comme le propose l’article cité

précédemment103? Ce nouveau régime viendrait-il faire fi des anciens modes d’organisation dans

une recherche désormais open ? Aurait-on ainsi un passage d’un mode 1 à un mode 2 pressenti par

Gibbons en 1994 dans son ouvrage The New production of Knowledge104 ?

Ces questionnements ont été au cœur de ma recherche et ont façonné ma problématique qui prend comme fil directeur l’étude des discours sur l’open. Je peux la formuler ainsi :

En quoi l’étude de l’open en sciences et des significations qui lui sont associées permet de mieux comprendre les reconfigurations actuelles du régime des savoirs avec les technologiques numériques ?

Mais avant de détailler les modalités théoriques et méthodologiques mises en œuvre pour répondre à cette question de recherche, un dernier point nécessite d’être présenté pour conclure ce tour d’horizon des régimes des savoirs. Je finis ce chapitre tel qu’il a commencé, avec les propos de Pestre sur la question de l’évolution des régimes des savoirs.

2-3-3 Observer la diversité des régimes des savoirs en action : l’open en

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