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Les études concernant la théorie albertinienne du flux ont été, jusqu’à présent, partielles. De plus, elles posent un problème d’ordre

55 Cf. G

UILLAUMED’AUXERRE, Summa aurea, lib. I, tr. VI, c. 4 ; tr. VIII, c. 5, éd. J. RIBAILLER, t. I., « Spicilegium bonaventurianum », Grottaferrata, Paris, p. 101 ; 135-136 ; 138.

56 Ibid., lib. I, tr. I, p. 22. 57 Cf. A

LEXANDREDE HALÈS, Summa theologiae, lib. I, n°310, ad 3-4-5; n°481; n°484, arg. C; n° 73, sol.;n° 74, sol.; n° 103, sol.; n° 110, studio et cura PP. Collegi S. Bonaventurae, Quaracchi,

58 G. E

MERY, La Trinité créatrice, Trinité et création dans les Commentaires aux

Sentences de Thomas d’Aquin et de ses précurseurs Albert le Grand et Bonaventure,

philosophique et théologique : le flux métaphysique (décrit par Libera, Bonin et Decossas) est-il le même que le flux théologique (décrit par Mersch et Emery) ? Ne s’agit-il pas là de deux champs épistémologiques distincts ? La théorie du flux, avant d’être métaphysique est théorique ; or, une théorie a pour fonction de s’appliquer à d’autres champs épistémologiques distincts les uns des autres. C’est, en outre, une étude de la théorie albertinienne du flux et de ses différentes applications que nous proposons ici. Le De fluxu causatorum a causa prima et causarum ordine,

tractatus issu du De causis et processu universitatis a prima causa, n’a

jamais encore bénéficié d’une traduction, ni d’un commentaire linéaire. À vin nouveau, outre nouvelle. Nous proposerons une étude exclusivement consacrée à la théorie albertinienne du flux, à la situation de l’écrit albertinien, de sa traduction et de son commentaire philosophique. Nous tenterons, en cela, une double approche en empruntant les pistes explorées par les précédentes études que nous avons citées : cette approche sera d’abord philosophique (qu’est-ce que la théorie albertinienne du flux ?) puis théologique (quelles sont les applications théologiques de cette théorie du flux ?). Nous développerons donc deux axes dans notre étude. Le premier concerne l’exposition de la théorie du flux telle qu’elle s’exprime magistralement dans le De fluxu causatorum a causa prima et causarum

ordine. Le second concerne l’application de cette théorie à la théologie

d’Albert le Grand : il est de la nature même d’une théorie, fût-elle métaphysique, de s’appliquer à d’autres champs épistémologiques, fussent- ils théologiques. Comment une théorie proprement philosophique de la causalité créatrice peut-elle s’harmoniser avec le donné de la Révélation touchant au thème de la création ? La question mérite l’attention dans le sens où la théorie du flux déborderait de ses bornes épistémologiques et dans le sens où la théorie du flux, dans sa mise en pratique, en permettrait une relecture.

Dans un premier chapitre nous nous attacherons à situer et à décrire le De causis et processu universitatis a prima causa d’où est tiré le traité que nous traduirons. Nous tenterons également de situer le commentaire albertinien dans la conjoncture de la réception du Liber de

causis. Comment Albert le Grand a-t-il pu recevoir le Liber de causis, le lire

et le comprendre ? Quel est l’intérêt d’une telle conjoncture pour la compréhension du commentaire albertinien. De la situation générale du De

causis et processu universitatis a prima causa, nous passerons à la situation

particulière du De fluxu causatorum a causa prima et causarum ordine, ses principales articulations et ses sources.

Dans un deuxième chapitre nous reproduirons le texte du De fluxu

causatorum a causa prima et causarum ordine. Nous en proposerons une

traduction augmentée de notes et de remarques susceptibles d’en faciliter la lecture, avant d’en donner un commentaire philosophique.

Dans un troisième chapitre, nous nous appliquerons à donner, chapitre par chapitre, lectio par lectio, un commentaire du texte d’Albert le Grand. Comment Albert le Grand a-t-il pu tenir simultanément la thèse d’une création ex nihilo, tout en définissant le fluxus comme emanatio ou comme processio ? Comment Albert le Grand a-t-il pu tenir et fonder la diversité du réel sur l’axiome ex uno non nisi unum fit ? Enfin, le De fluxu

causatorum a causa prima et causarum ordine pose un autre défi : celui

d’un lien entre cosmologie et psychologie, ou encore le prolongement d’une métaphysique dont le sujet est l’ens ut ens à une noétique ou le sujet est l’intellectus universaliter agens. C’est un fait : l’intellect agent s’explique à la fois en son sens métaphysique et en son sens noétique. Comment Albert a-t-il pu rendre compte d’un passage entre l’intellect agent, en tant que mode opératoire du Premier Principe et l’intellect agent, faculté psychologique de l’homme ? Autrement dit, comment un même concept

(l’intellect agent) a-t-il pu se partager entre deux champs épistémologiques apparemment radicalement distincts, voire opposés ? Comment l’intellect agent peut-il être à la fois cosmologique et anthropologique ? On le comprendra, la théorie du flux pose des questions fondamentales en matière d’épistémologie.

Enfin, dans un quatrième chapitre, nous nous attacherons à présenter l’application du flux dans le champ de la théologie albertinienne. Il conviendra, en ce sens, de situer le statut épistémologique et noétique de la théologie de la Révélation d’Albert le Grand et d’examiner sa compatibilité ou incompatibilité avec la théorie, métaphysique, du flux. Quel mode de rapport peut-il subsister entre métaphysique (comme

philosophia prima, metaphysica ou encore theologia) et théologie

chrétienne (comme sacra pagina ou doctrina sacra) ? Nous nous limiterons ensuite à une partie de la théologie trinitaire d’Albert le Grand : celle de l’exposition de la procession du Fils et de la procession du Saint-Esprit dans le commentaire des Sentences. Le flux y est évoqué mais s’agit-il pour autant du même contenu que le De fluxu causatorum a causa prima et

causarum ordine ? Le flux, en s’appliquant à la théologie trinitaire,

s’applique par extension à la théologie de la Création. Il s’applique aussi à la théologie morale comme en témoigne le passage du Bien en soi, métaphysique, au bien humain, moral, qu’opère Albert dans son De bono. Enfin, nous ouvrirons le champ de l’application du flux albertinien à la

doctrina ecclesiasticae hierarchiae de Denys commentée par Albert : il

semble que la théorie du flux ait contribuée à une conception originale de la hiérarchie.