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PROCESSU UNIVERSITATIS A PRIMA CAUSA

QUARTUS , LIBER I)

B. Le De Hebdomadibus de Boèce

3. L’impressio des corps célestes

Associée à la notion d’impressio, la notion de flux prend un sens à la fois cosmologique et psychologique : celle d’une influence des corps célestes et de leurs âmes sur les corps et les âmes de ce monde. Dès lors, la notion de flux recouvre deux aspects : la causation du Premier Bien sur les biens seconds ou encore l’émanation de la première Intelligence à partir de

Angeli, ordinata sunt et suum ordinem custodiunt. Unde necesse est ponere aliquid melius ante ea, quod causa est hujus ordinationis. Propter quod dicitur, ad Roman. XIII, 1 : Quae sunt, a Deo ordinatae sunt. Dicit enim Damascenus, quod « omnia quae providentia fiunt, necesse est secundum rectam rationem et optimam et Deo decentissimam fieri, ut non est melius fieri » ; ALBERTLE GRAND, In III Sent. Dist. XXVII De charitate quantum ad ejus essentiam et diffinitionem, B Quid sit charitas ?, Art. 4 An diffinitiones charitatis sunt bene assignatae ?, Sol. Ad 2, p. 521a, éd. BORGNET, t. XXVIII, p. 521a : Ad aliud dicendum,

quod providentia dicitur hic materialiter pro re in qua providetur inferioribus : haec enim res est bonum influxum, et haec competit amori diffundenti se in bonum.

Dieu d’une part, et l’influence de cette Intelligence ou des corps célestes sur le monde sublunaire d’autre part :

« Les corps célestes ont une influence [impressiones] sur les corps de ce monde au moyen de qualités qui leur sont propres et qui d’elles fluent [fluit] dans ce monde-ci. Et les âmes également ont une influence [impressiones] sur les âmes de ce monde. Et au moyen de ces intentions nous savons que la nature qui gouverne ces corps, comme la perfection et la forme, est produite par l’âme diffuse dans la sphère céleste ou par son secours »85.

Le flux avicennien concentre des éléments apparemment épars — tant cosmologiques que psychologiques— mais habilement organisés en réalité. Ainsi, le flux est une sorte de medium de la nature providentielle du Bien premier : le flux n’est pas seulement une « courroie de transmission » entre le Bien premier et les biens seconds ; fluant du Bien premier, le flux ordonne également les biens seconds. Enfin, la notion avicennienne de flux semble recouvrir une pluralité d’applications. Elle permet de dégager tout d’abord la distinction entre être (esse) et existence (quod est), puis l’identité de ces deux concepts dans le Bien premier : la nature du Premier Principe est d’exister, il n’y a aucune distinction entre esse et quod est dans le

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AVICENNE, Metaphysica, IX, 5, éd. VAN RIET, in op. cit., p. 491, l.70-492, l. 76: […]

a corporibus caelestibus fiunt impressiones in corpora huius mundi propter qualitates quae sunt eis propriae, et ab illis fluit in hunc mundum ; et ab animabus etiam illorum fiunt impressiones in animas huius mundi. Et ex his intentionibus scimus quod natura quae est gubernatix istorum corporum est quasi perfectio et formae, fiunt ab anima diffusa […] vel adiutorio eius. Traduction G. C. ANAWATI in AVICENNE, La Métaphysique du Shifa, IX, 5, « Études musulmanes », XXVII/2, Vrin, Paris, 1985, p. 147. Nous avons légèrement modifié la traduction.

Premier Principe. Il y a par contre distinction entre esse et quod est dans les réalités : ce qui caractérise une réalité c’est non seulement ce qu’elle est, mais aussi le fait qu’elle existe. Elle permet enfin, et par conséquent, de faire une distinction entre substance et accident ; elle s’applique non seulement à Dieu dont flue l’Intelligence première, mais aussi aux corps et aux âmes célestes qui influent les corps et âmes sublunaires. Autant dire que, chez Avicenne, la notion de flux est comme la clef de voûte ontico- ontologique et épistémologqiue de son système des émanations des Intelligences et de leurs impressions. L’originalité du flux avicennien est de recouvrir un sens cosmologique et psychologique, originalité à laquelle n’échappera pas Albert : l’intellectus universaliter agens n’est pas seulement l’intellect procédant du Premier Principe, il est aussi cet intellect qui est dans l’homme. Albert le Grand reprendra cette notion d’impressio, c’est d’ailleurs ce qui lui valut la réputation d’astrologue dans l’historiographie médévale et classique. L’impressio sera pour Albert le mode de constitution des corps à partir de la Cause première86. Impressio, influentia et illuminatio auront la même définition, mais s’appliquant à des réalités différentes : l’impressio concerne d’abord les corps, moins les intelligences et les âmes où on parlera davantage d’influentia et d’illuminatio87.

86 A

LBERT LE GRAND, De causis et processu universitatis a prima causa, éd. Col., t. XVII, 2, l. II, tr. II, c. 12, p. 105, l. 1-12 : Horum autem omnium quae dicta sunt, causa est,

quod id quod fluit ab intelligentia, in triplici esse accipitur, prout est in fluxu luminis ab intelligentia. Et accipitur, prout est impressum rei constitutae, cui dat esse et rationem. Et in re quidem constituta proprie vocatur impressio secundum esse, quod habet in illa. Secundum esse autem, quod habet in lumine fluente, fluxus vocatur vel processus. Secundum autem esse, quod habet in intelligentia, vocatur causa vel forma agentis per intellectum.

87 A

LBERT LE GRAND, De causis et processu universitatis a prima causa, éd. Col., t. XVII, 2, l. II, tr. II, c. 12, p. 73, l. 20-24 : Tales enim formae ad motum inclinantes magis

dicuntur impressiones quam influentiae vel illuminationes eo quod magis materiae vicinantur, quae impressionibus formarum semper pellitur et depellitur.