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PROCESSU UNIVERSITATIS A PRIMA CAUSA

UNIVERSITATIS A PRIMA CAUSA

B. Le Liber de causis comme complément de la Metaphysica

La compréhension du Liber de causis par Albert comme complément venant parfaire la Métaphysique est également capitale pour l’intelligibilité de l’œuvre sur le plan de son genre littéraire : parce qu’elle est complémentaire au Liber de causis, la Métaphysique sera aussi complémentaire au De causis et processu universitatis a prima causa. C’est, par conséquent, sur la toile de fond de la Metaphysica d’Aristote, en particulier le livre Λ, que se dessine le De causis et processu universitatis a

prima causa. La parenté philosophique entre le Liber de causis et la Metaphysica d’Aristote se double donc d’une parenté philosophique entre

chronologiquement dans leurs rédactions, le commentaire sur la Métaphysique datant de 126

Nous l’avons vu : le De causis et processu universitatis a prima

causa a été rédigé juste après le commentaire de la Metaphysica. Nous ne

saurions sous-estimer cette proximité chronologique. Ainsi devons nous souligner la parenté non seulement chronologique mais aussi littéraire et philosophique, pour ne pas dire textuelle, entre ces deux œuvres. Plusieurs intitulés de livres, de traités ou encore de chapitres du De causis et processu

universitatis a prima causa ne sont pas sans rappeler ceux de la Metaphysica. En ce sens nous pouvons établir un tableau synoptique des

deux œuvres de la manière suivante :

Metaphysica24 De causis et processu universitatis a prima causa25.

Liber I :

De stabilimento huius scientiae et stabilimento principiorum quae sunt causae

Liber I :

De proprietatibus causae primae et eorum quae a causa prima procedunt

Liber I :

tr. 2 : De proprietatibus sapientiae

istius secundum se.

Liber I :

tr. 2 : De scientia primi et de his

quae scientiae primi conveniunt.

Liber I :

tr. 3 : De causis et principiis

secundum antiquorum Epicureorum

Liber I :

tr. 1 : De opinionibus antiquorum,

qui de hoc dissenserunt.

24 A

LBERT LE GRAND, Metaphysica, éd. Col., t. XVI, 1-2. 25 A

LBERT LE GRAND, De causis et processu universitatis a prima causa, éd. Col., t. XVII, 2.

c. 1 : De Epicureorum opinione. Liber I : tr. 4 : De opinione Stoicorum de principiis. Liber I, tr. 1 : c. 3 : De Stoicorum positione de

universi esse principio.

Liber I, tr. 5 :

c. 1 : De contradictione contradictum

Epicureorum, qui ponebant corpoream materiam esse omnium, unus corpus aliquod dicentes eam esse.

Liber I, tr. 1 :

c. 2 : De dictae positionis improbatione [Epicureorum].

Nous l’aurons compris à travers ce tableau synoptique, la proximité entre le De causis et processu universitatis a prima causa et la Metaphysica n’est pas de nature exclusivement chronologique : elle est aussi de nature textuelle et philosophique. Lorsque Albert le Grand entreprend la rédaction de son De causis et processu universitatis a prima causa il conserve encore fraîchement le souvenir de la rédaction de son commentaire de la

Metaphysica réalisé les années, voire les mois précédents.

Cette compréhension du De causis comme complément de la

Metaphysica n’est pas l’exclusivité d’Albert le Grand26, bien qu’il en soit un témoin d’une extrême importance. Une telle compréhension se confond avec la conjoncture et l’histoire des textes : autrement dit avec l’introduction et la réception d’Aristote dans le monde Latin. Elle se confond également

26 Ce fut également le cas de G

ILLES DE ROME qui, bien qu’il avait conscience de la parenté néoplatonicienne du Liber n’en avait pas moins compris explicitement le Liber comme un complément de la Métaphysique : Cum ergo in XII Metaphysicae quodam modo

agatur de talibus secundum mentem propriam Philosophi, in XIII autem et in XIV de huiusmodi substantiis separatis agatur secundum mentem aliorum, concedens erat ut traderetur aliquis liber in quo de talibus ageretur simpliciter et secundum se : Super Librum de causis, Venetiis, 1550, Minerva, Frankfurt 1968, proème, Y.

avec l’histoire de l’université. Dans son introduction au Super librum de

causis expositio de Saint Thomas d’Aquin, le P. H.-D. Saffrey27 a su donner des indications pertinentes quant à la réception du Liber tant chez les Maîtres que dans l’histoire institutionnelle de l’université. Il cite ce « livret de l’étudiant » étudié par Grabmann : il s’agit d’un manuscrit de Barcelone composé entre 1230 et 1240 par un maître artien. Ce témoin rapporte que la métaphysique s’étudie dans trois livres : la metaphysica vetus, la

metaphysica nova et le Liber de causis, dont le P. Saffrey cite la description

suivante :

et ibi agitur de substantiis divinis, in quantum sunt principia essendi et influendi unam in alteram, secundum quod ibidem habetur quod omnis substantia superior influit in suum causatum.

Ces quelques lignes ont l’intérêt, d’une part, de montrer que la lecture du De causis se comprenait comme complément de la Metaphysica, d’autre part, de montrer que le Liber était inséré institutionnellement dans les programmes scolaires. C’est en ce sens que l’on rencontre à nouveau le

Liber de causis dans la charte universitaire du 19 mai 1255 : le Liber devait

être lu officiellement parmi les œuvres d’Aristote durant sept semaines. La réception albertinienne du Liber de causis se confond donc en partie avec la réception du Liber par le Moyen Âge en général. Mais en partie seulement. Car si nous ne pouvons reprocher à Albert le Grand d’avoir occulté la filiation proclusienne du Liber —ce que fit Thomas d’Aquin après la traduction de Guillaume de Moerbeke— nous prendrons néanmoins soin de noter l’un ou l’autre point de son herméneutique qui reste, somme toute, originale.

27 H.-D. S