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Nous avons admis que la violence appartient à un réel et qu’elle est intrinsèque à la formalisation conceptuelle et assertive passant par différentes formes scéniques de ségrégations.

Nous avons admis en outre qu’il existe une part de jouissance qui demeure hétérogène à la mise en forme signifiante que les pratiques sociales tentent d’instaurer. Nous ajoutons que cette part de jouissance peut prendre le nom de tendance antisociale, qui en soi n’est pas pathologique. Faut-il le préciser ?

La violence serait la marque de cette limite civilisationnelle, inscrite dans son mode d’instauration et faisant retour comme signe de sa propre négation et promesse d’une élaboration symptomatique se prêtant à être déchiffrée. Elle relèverait donc d’un appel à son écriture.

Cette part de jouissance « réfractaire » pourrait se situer du côté du lieu de l’Autre qui ne se réfère pas à l’exception mais au pas-tout.

Elle est dite réfractaire en tant qu’elle viendrait faire échec à l’empire de l’ordre phallique et trouverait à se résoudre par le truchement de sa mise en acte si tant est que l’instance Autre serait virtuellement en position d’en répondre. Cette proposition s’appréhende, cependant, en référence au désir tel qu’il est traité par Hegel comme le souligne Lacan :

…là où je suis reconnu, je ne suis reconnu que comme objet. J’obtiens ce que je désire, je suis objet, et je ne puis me supporter comme objet, puisque cet objet est dans son essence une conscience, une selbst-bewusstsein. Je ne puis me

supporter reconnu dans le mode, le seul mode de reconnaissance que je puisse obtenir. Il faut donc à tout prix qu’on en tranche entre nos deux consciences. Il n’y a plus d’autre médiation que celle de la violence.297

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C / Développements

1 Prise de notes

Nous avons procédé à une retranscription partielle des dires des patients le plus souvent en fin de journée ou de demi-journée, après les avoir tous reçus, quelques notes parfois sont prises en cours d’entretien. Nous utilisons parfois des schémas pour retraduire face au patient ce que ses dires pourraient laisser entendre.

Nous avons transformé ou omis volontairement certains détails dans le souci de préserver leur anonymat. Nous inscrivons dans un cadre de recherche cette procédure délibérément liée au discours en ce qu’il met en jeu une parole et un lieu d’adresse où son énoncé trouve sa portée signifiante.

2 Canevas de la présentation de cas

Lors de la présentation des cas cliniques nous exposerons de façon concise et précise son anamnèse en indiquant le ou les diagnostics, le cas échéant, que le ou les médecins auront posé, nous communiquerons les éléments criminologiques pour lesquels le patient est mis en cause. Nous préciserons le cas échéant le circuit de la demande. Nous présenterons également une synthèse des contenus des séances. Nous procéderons à une analyse du contenu pour chaque cas, qui sera suivie des hypothèses que nous avançons à des fins diagnostiques.

En annexe, nous rapporterons en suivant la chronologie des énoncés, ce que nous avons retranscrit des propos du patient.

Dans notre pratique clinique, il s’agit d’un pari, d’une disposition aux contours inconnus à reconduire à chaque rencontre, à chaque rendez-vous avec un patient.

La plupart des auteurs témoignant de leur pratique en milieu pénitentiaire en France ou en Europe évoquent l’observation de patients chez qui prédominent la survenue d’un passage à l’acte associé au diagnostic de borderline, de la psychopathie ou de la psychose. Or c’est la recherche de prédominance qui est d’abord à interroger. D’une part on ne trouve que ce que l’on cherche, c’est-à-dire que ce que l’on est en situation de concevoir au regard des anticipations conscientes et inconscientes, d’autre part, ce que l’on trouve, sert dans ce cas à anticiper et à prédire les occurrences de façon générale.

193 Cependant nous pouvons considérer, à l’instar de René Thom, que « prédire n’est pas expliquer »298 ce qui équivaut à dire que prédire une occurrence, peut consister à assembler

des faux semblants, des fausses identités. C’est cette condition de vérité relative ou soumise à la structure même du langage que nombre de chercheurs outrepassent sans crier gare.

3 Typologie ouverte

Si nous devions chercher à identifier une forme itérative dans nos observations, elle pourrait reposer sur les réponses telles qu’elles semblent s’ordonner à la lecture de notre expérience. Le premier type de réponse est l’absence, un refus ou un évitement de renouveler l’expérience d’entretien.

Le second est l’expression d’un ressenti de plaisir ou de réconfort : « cela m’a fait du bien de vous parler », au cours du deuxième entretien ou dès le premier entretien.

Le troisième est le témoignage d’une intériorisation : « Cela m’a fait réfléchir…j’avais préparé des choses à vous dire et puis j’ai oublié… ». Cette parole se réfère à l’entretien ou aux entretiens précédents et s’accorde pour un possible prolongement dans un procès de remémoration. Mais nous encourageons le patient à continuer à s’inscrire dans le champ de la parole par-delà l’oubli.

Le quatrième est le silence ou la recherche d’une situation à raconter, d’une plainte qui ne se présente pas : « ça va, je n’ai rien à dire…c’est la routine… ». Se profile, l’amorce d’éléments surmoïques qui restent en plan. Le patient exprime un sentiment d’obligation de parler et y répond par une opposition qui n’est pas mentalisée, elle se présente sous la forme d’une dénégation qui se distingue d’un manque à dire.

Le cinquième est la profusion logorrhéique sur des sujets plus ou moins variés.

Le sixième est la plainte somatique : insomnie, douleurs, problèmes cutanés ou d’autres maux du corps.

Le septième est le ressentiment envers autrui : le plus souvent envers un détenu ou des membres de l’administration pénitentiaire, l’expression d’avoir été injustement traité, le désir de se venger, la difficulté à envisager de laisser passer, de se retenir. Ce qui suppose qu’un certain lien se soit établi, que le lieu soit investi d’un minimum de crédit de confiance ou d’un savoir.

194 Le huitième est la justification par un mobile judiciaire : « c’est le juge ou l’avocat qui m’a conseillé de venir vous voir ».

Le neuvième est l’exposé du : « Man pa sa fèy anko = je n’en peux plus ». Le patient tente de dire plus avec l’émotion, le ton de la voix, l’animation du corps qu’avec les mots, son sentiment de rupture. Il fait entendre sa possible faillite, il le crie parfois.

La liste n’est pas exhaustive, mais les illustrations qui précèdent permettent de souligner que les patients qui fréquentent le bureau du psychologue en prison se présentent sous des modalités diverses dans un espace uniformisant.

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Chapitre III : Clinique et représentation de l’acte violent