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La méthodologie qui préside à notre travail s’est donc constituée au fil des étapes évoquées, elle s’est conclue par le choix de proposer dans un premier temps un dispositif reproductible, idéalement en tous points en considérant des facteurs psychiques déterminants que nous visons à mettre en exergue.

Parmi les déterminants psychiques, le premier que nous avons cherché à étudier est la relation à autrui. Il se décline selon une typologie à trois volets suivant les formes de lien que la personne interrogée entretient avec autrui, en particulier avec une personne ayant été atteintes par ses agissements.

L’un des supports utilisés pour apprécier ce premier déterminant est le questionnaire EV71,

il présente plusieurs items qui sont rédigés sur une feuille simple. Des domaines divers sont renseignés, mais en définitive seul un item sera l’objet d’une exploitation statistique : l’item 1 qui concerne le lien entre l’auteur et la personne atteinte dans une situation donnée. Selon ce type de lien préexistant alors entre la personne interrogée et la personne ayant été l’objet de ses agissements, trois groupes distincts de personnes viennent constituer trois niveaux d’une variable et en définitive trois ensembles indépendants retenus pour l’étude.

69 Le deuxième déterminant psychique, est défini comme un caractère supposé, à partir du modèle présenté dans le dispositif de Buss et Perry, il s’agit d’un instrument de mesure psychométrique de la représentation de la violence. Cette mesure est envisagée, selon une conception linéaire, comme se distribuant sur divers niveaux, ainsi ont été retenues, au fil des recherches des auteurs, quatre modalités de dispositions agressives ou violentes :

- Première modalité, l’inclination physique ou la disposition à faire preuve de violence physique : tendance à vouloir blesser ou causer du tort matériel à quelqu’un en guise de réponse à donner. C’est la composante motrice ou instrumentale des dispositions violentes. Le dire équivaut ici au faire, telle est la thèse sous-jacente de cette modalité.

- Deuxième modalité, l’inclination verbale ou la disposition à faire preuve de violence verbale : propension à l’utilisation de l’expression verbale pour nuire à autrui, dénigrement, diffamation, insulte.

- Troisième modalité, l’irritabilité ou colère ou la disposition à se mettre en colère, à s’emporter contre quelqu’un. Elle représente la composante émotionnelle des dispositions exprimées, appréhendée sous l’angle fonctionnel du stimulus physiologique.

- Quatrième modalité, le sentiment d’hostilité ou la disposition à envisager l’autre et le monde comme source de nuisances et qui traduit un sentiment de subir des situations d’injustice ou d’être victime de méchanceté : c’est la composante dite cognitive de ces mêmes dispositions. Elle relève plus précisément d’une construction fantasmatique et projective liée à un sentiment de menace ou de persécution.

Partant de cette mesure psychométrique et de cette mise en commun de personnes comme faisant partie d’un ensemble particulier ou d’un autre, nous procéderons à une traduction statistique de ces objets nommés afin d’en exploiter une lecture possible dans ce champ. Cet artifice consiste à opérer un raisonnement quantitatif et à en étendre, abusivement, la pertinence sur un autre plan, cette pertinence du raisonnement est sensée être valable à la fois pour une personne en particulier et pour un groupe de personnes avec qui elle partage, par hypothèse, un ou plusieurs attributs communs.

L’abus réside ici dans l’opinion que nous admettons comme valable, (mais auquel nous pouvons opposer un éclair de sens critique) qui consiste à nous laisser penser qu’un

70 quelconque caractère potentiellement observable (ici l’exemple concerne une virtualité agressive) existe en soi, indépendamment de ce qui relève de l’engagement singulier d’un être doué de la parole face aux aléas de l’environnement.

La recherche, entendue sous cette forme, participe de cette pensée quand son projet se résume à chercher à avoir un moyen de contrôler le hasard en faisant l’impasse sur la dimension du sujet notamment telle qu’elle s’appréhende à l’empan de la découverte de sa division.

Ce qui peut se résumer à chercher d’abord à soumettre des individus à un critère d’uniformisation afin de constituer un ensemble, puis à mesurer les occurrences d’une variable représentée comme applicable pour chacune des personnes examinées comme s’il s’agissait de mesurer les différentes valeurs en poids d’un groupe d’humains ou de teneur en eau dans leur corps.

Empruntant le point de vue des techniques statistiques descriptives et inférentielles, qui sont les outils indissociés de la méthode expérimentale, nous nous attacherons à comparer des proportions de plusieurs observations au plan d’un échantillon ou de plusieurs échantillons, des observations puisées dans un ensemble soit des distributions d’une variable à ce niveau et d’en inférer la possibilité d’une proche conformité au plan de la population parente postulée.

Le point de départ est donc un constat d’impossible : vérifier une hypothèse au plan d’une population parente à laquelle on ne peut avoir accès mais dont on postule l’existence comme entité.

L’enjeu consiste à relever le défi de pouvoir faire face à ce constat au moyen de techniques inférentielles.

Seront mis en regard l’importance quantitative de variables ou leur fréquence respective au niveau de l’échantillon et leur distribution en fonction d’autres variables que nous allons définir au fil des étapes de la présentation.

Il nous appartiendra de mesurer l’écart ou la dispersion ou au contraire la proximité voire l’identité de résultats numériques au regard d’une prévision pouvant être ordonnée mathématiquement.

Les sujets de l’échantillon, ici des personnes ayant été mis en cause pour atteinte physique envers d’autres personnes sont donc évalués à partir de plusieurs variables qui vont induire un type de classement.

71 La variable étant définie comme « un principe de classification 72»

Considérant la variable que l’on dénommera « variable psychologique », à entendre comme la variable étudiée par le chercheur psychologue, concernant les prétendues ou supposées dispositions agressives, nous pouvons nous intéresser à la question suivante :

Quel moyen avons-nous à notre disposition pour vérifier que deux intervalles égaux sur l’échelle des scores d’agressivité ont la même signification psychologique ?

Cette question est justifiée d’autant que la variable psychologique étudiée, « l’agressivité », n’est accessible que par le biais de la variable observée « score d’agressivité »73.

Pélissier précise, en passant, qu’il y a à distinguer la différence de plan entre une variable « observée » au niveau statistique et une variable « étudiée » au niveau psychologique. Mais ce qui il y a à souligner est d’entendre que cette question permet de garder à l’esprit le caractère fictif ou d’artifice que constitue le crédit que l’on accorde, « par convention », c’est-à-dire, a priori, en donnant foi à un postulat envisagé comme vérité, à l’arbitraire des conclusions de l’utilisation d’un outil, tel qu’une échelle ou un questionnaire, construit sur le fil de cette induction.

Cette remarque faite, nous poursuivons cette démarche et tachons d’en découvrir les vertus. La première variable est appréhendée à partir des réponses du détenu à des questions concernant le lien qui existait ou pas entre lui et la personne atteinte par ses agissements avant la commission des faits illicites qui lui sont reprochés. Cette variable est nommée, variable « distance affective ».

Selon le point de vue adopté, on dira que des variables aléatoires sont étudiées ou qu’une variable aléatoire est étudiée74, au moyen de l’outil BPAQ, le Buss and Perry Aggression

Questionnaire, déclinant de façon différenciée la disposition agressive ou la disposition violente.

Selon Buss, (1960,) l’« aggression » est : (a response that delivery noxious stimuli to another organism.) une réponse qui procure à un autre organisme des stimuli toxiques ou nocifs. Dans la visée d’être applicable au cas général, la référence choisie s’illustre par les termes, réponse, stimulus et organisme. Cette réduction ou simplification notionnelle emprunte directement son schéma au modèle béhavioriste de l’apprentissage. A ce titre, il

72 Pélissier J., Utilisation des statistiques en psychologie – tome 1 p. 7 73 Pélissier J., Utilisation des statistiques en psychologie – tome 3, p. 12

74 Cette question de la subordination à un facteur général, de l’indépendance ou de la liaison des quatre

facteurs a été l’objet des réflexions des auteurs Buss et Perry, mais aussi d’autres travaux, Harris (1995), Nakano (2001).

72 y a de l’« aggression » dans nos veines entre les globules blancs et les microbes. La nocivité du stimulus est-elle déterminée de manière univoque par la réponse ? La réponse constitue- t-elle en soi la cause ? Quand la réponse demeure inchangée et que les stimuli induits se traduisent par la satisfaction ou un bénéfice de plaisir, peut-on toujours parler d’« aggression » ?

En somme, se dégage l’idée que la violence est un objet réduit à un comportement permettant d’identifier une catégorie de personne distincte d’une autre catégorie voire d’autres catégories de personnes.

L’intention des auteurs est probablement de fonder au moyen de leur outil, une prédiction afin de contribuer avec bienveillance à une plus grande paix sociale. Il est généralement convenu que la prévention de la violence et des actes agressifs concoure à la quiétude du plus grand nombre.

Il est néanmoins aussi entendu que la violence d’Etat s’applique au plus grand nombre sous la forme d’une domination légitime, c’est en effet selon Max Weber, l’Etat qui détient « le monopole de la violence physique légitime ».

S’opposent alors violence illégitime et violence légitime.

Nous venons soutenir, temporairement, le postulat qui établit un rapport entre trois séries indépendantes obtenues auprès d’un éventail de situations distinctes et les mesures, recueillies au moyen d’un instrument ou d’un outil, qui servent de support à la variable- test.

Ce que nous cherchons à étudier peut être décrit comme une construction notionnelle qui ne présente pas les mêmes caractéristiques de constance relative des objets relevant de la physique, mais illustre ce qui résulte de l’attribution d’une unité différentielle parmi les manifestations du vivant, circonscrivant un phénomène qui émerge de la nomination subsumant l’expérience d’absence ou de perte au fil du vécu. Cette unité différentielle porte ici le nom de concept75.