Ainsi les hypothèses seront les suivantes :
75
«
Les concepts ont leur ordre de réalité original. Ils ne surgissent pas de l’expérience humaine – sinon ilsseraient bien faits. Les premières dénominations surgissent des mots mêmes » : Lacan J., Le séminaire 1 Les
73 - Hypothèse générale :
Les personnes détenues pour avoir commis des actes ayant mis réellement ou potentiellement en péril la vie d’autrui, présentaient et peuvent encore présenter, des dispositions à commettre des agissements violents, en particulier à l’égard de ceux avec qui ils partageaient le plus souvent les moments de la vie quotidienne. Le postulat d’un sentiment ambivalent à l’égard d’autrui comme objet pulsionnel (objet d’amour ou de haine), que recèle un haut degré de proximité ou de distance affective entre personnes vivant ensemble, ou partageant par choix réciproques certaines activités, est envisagé comme cause.
Il s’agirait de réaliser par l’agir une réduction de la pulsion en attribuant à l’autre perçu comme intrus par transitivisme d’avoir initié un dommage. Ce qui s’appréhende implicitement comme une quête de présence d’une instance en peine de représentation, notamment celle du tiers de la loi.
- Hypothèse opérationnelle :
Les personnes obtiennent un score aux quatre subtests ou échelles du BPAQ (signes des dispositions violentes virtuelles prêtées à une personne en fonction d’un appareillage discursif présentant des réponses prédéterminées) qui se distribue dans des proportions inégales entre les trois réponses au questionnaire EV. L’inégalité des proportions singularise un ensemble de personnes interrogées en les marquant d’un trait différentiel. L’hypothèse de remplacement est que la distribution des réponses prédéterminées se réalise dans des proportions égales ou voisines.
Cette hypothèse opérationnelle peut se décliner du point de vue psychologique ainsi : Les différentes réponses des personnes interrogées font ressortir, par leur fréquence, un type de lien qui privilégie une relation fondée sur la proximité.
La jouissance qui préside à ce mode de relation peut comporter une menace de disparition. L’hypothèse de remplacement peut s’exprimer ainsi : Par leur fréquence, les réponses des personnes interrogées ne fournissent aucune information permettant de discriminer un groupe parmi l’ensemble des participants à cette étude.
74 Commentaire
Il s’agit de comparer des supposées dispositions à commettre des actes violents issus de l’inférence opérée en considérant différentes combinaisons de réponses au questionnaire, (en l’occurrence les scores aux échelles du BPAQ) produites par des personnes se situant dans différentes configurations affectives. Ces configurations induisent différentes formes, différentes gestalts supports d’identification76. Il s’agira de déterminer s’il se trouve des
concordances ou des discordances chiffrées entre ces profils individuels de dispositions supposées et les enjeux particuliers de jouissance et de mettre en évidence ce qui permet de présumer que ces rapports sont dus au hasard ou pas.
Présentation des outils
Le premier outil77, le questionnaire BPAQ dans une version française réduite à 20 items se décline selon ce qui précède sous la forme d’une liste d’« affirmations-questions » dont les réponses sont préalablement ordonnées suivant le continuum d’une échelle de Likert78.
Le second outil79, le questionnaire EV a été construit à l’occasion de cette étude. Son contenu porte les traces d’une investigation tâtonnante au moment des premières esquisses de cette démarche. Nous avons choisi de conserver la forme originale tout au long de cette
expérience. Cependant seul le premier item de ce dernier questionnaire sera exploité. Il sert ainsi de support à la délimitation de trois populations distinctes :
Celle des personnes mises en cause pour atteinte envers des personnes proches. Celle des personnes mises en cause pour atteinte envers des personnes connues. Celle des personnes mises en cause pour atteinte envers des personnes inconnues.
Test Statistique
Soit l’hypothèse (psychologique) à vérifier selon laquelle il y a une différence significative du point de vue de la variable « dispositions violentes » selon que le « degré de distance
76 Alors que dans le stade du miroir c’est le corps propre qui est le support d’identification : « Ce que j’ai
appelé le stade du miroir a l’intérêt de manifester le dynamisme affectif par où le sujet s’identifie primordialement à la Gestalt visuelle de son propre corps. » Lacan J., Ecrits, p. 113
77 Cf. infra Annexe 11, p. 365 78
Masse C., Le questionnaire d'agressivité. Adaptation, validation et mise en œuvre de version française
du Aggression Questionnaire de Buss et Perry. Thèse de Doctorat en STAPS. Université Joseph Fourier
(Grenoble I). 30 novembre 2001. Il existe aussi une autre version française du AQ (Côté & Lalumière, 1999)
75 affective » existant entre la personne mise en cause et la personne atteinte par ses agissements, à savoir selon que la seconde soit un proche, une personne connue ou une personne inconnue.
Les observations ont porté sur 106 personnes qui forment trois échantillons issus de trois populations distinctes80.
Nous devons opérer sur trois séries de mesures ordinales, ces séries sont indépendantes, le test approprié est le Kruskal-Wallis.
Les observations se répartissent en trois séries de mesures sur ces trois échantillons qui sont :
28 personnes mises en cause pour atteinte envers des personnes proches, 48 personnes mises en cause pour atteinte envers des personnes connues, 30 personnes mises en cause pour atteinte envers des personnes inconnues. Nous reformulons N1+N2+N3 = 106 ; N1 = 28 ; N2 = 48 ; N3 = 30
Chacune des trois séries de mesures réalisées auprès de chaque sujet des échantillons est quadruplée suivant les applications instrumentales des variables dépendantes « dispositions violentes » et se présente sous la forme de nombres qui correspondent aux différents scores obtenus aux quatre échelles du BPAQ soit :
Violence Physique, Violence Verbale, Hostilité et Colère. Le caractère ordinal de la variable se définit par défaut. En effet, les conditions ne sont pas réunies pour conclure en faveur d’une variable d’intervalle ou alors il faudrait considérer qu’il existerait des « unités d’agressivité » d’égales longueurs se succédant au fil d’un continuum.
Ces variables-tests sont des variables aléatoires puisque chaque échelle est associée à des valeurs prédéfinies qui se situent dans un intervalle qui s’étend de 5 à 25 et que chaque variable peut prendre l’une de ces vingt valeurs.
Dans la perspective de regrouper les variables en une unique variable-test, un intervalle entre 20 et 100 pourrait être envisagé si l’on cherche à déterminer le seuil à partir duquel on peut parler globalement de « dispositions agressives » en défaut ou en excès selon cette façon de procéder. Cependant, il ne faudrait pas perdre de vue que les facteurs associés à chaque subtest ont été retenus par les auteurs du test en fonction de critère visant à trouver
80Il est évident qu’une personne mise en cause pour atteinte physique envers une personne proche peut
aussi être mise en cause à la fois pour atteinte envers une personne connue et inconnue. Ce qui implique que les populations parentes ne seraient pas indépendantes. Cela impose donc que l’on précise que
l’indépendance des populations parentes est arbitrairement posée pour l’étude, elle ne relève pas de la nature mais d’un artifice qui consiste à s’intéresser à un motif, de mise en cause, à la fois.
76 la plus grande identité de rapport. C’est à l’issue des calculs portant sur leurs coefficients de corrélations que les variables se trouvent « sélectionnées » pour ce test. Les résultats de ces calculs, aussi satisfaisants soient-ils en fonction des attentes des concepteurs, ne signifient pas que ces facteurs soient homogènes. Leur regroupement ne va donc pas de soi même en envisageant une dépendance hiérarchique entre ces quatre facteurs à un facteur général. Des commentaires focalisés sur ce sujet ont été développés par Fred B. Bryant et Bruce D. Smith81, notamment dans la perspective d’évaluer la validité de construit ou validité de construction, de l’outil.
Assomption statistique
La variable aléatoire concernée par cette étude répond à l’assomption statistique requise, elle est continue. C’est-à-dire qu’entre deux niveaux observés de la variable, tout sujet supplémentaire issu de la population étudiée venant à être ajouté à l’échantillon, peut, par définition, toujours y trouver sa place.
Rappelons qu’une variable aléatoire est dite continue « si elle est susceptible de prendre toute valeur d’un intervalle [a, b], où a et b sont des nombres.82 »
Assomptions Expérimentales
Soit (PI)83 l’ensemble des personnes incarcérées au Centre Pénitentiaire de Ducos en
Martinique.
Soit E1, E2 et E3 trois ensembles parents.
E1représentant l’ensemble parent des personnes ayant porté atteinte à l’intégrité physique
de personnes qui leur sont proches.
E2 représentant l’ensemble parent des personnes ayant porté atteinte à l’intégrité physique
de personnes qu’ils connaissaient avant la commission des faits.
E3 représentant l’ensemble parent des personnes ayant porté atteinte à l’intégrité physique
de personnes qui leur étaient inconnues.
81 Bryant F. B., Smith B. D., « Refining the Architecture of Aggression: A Measurement Model for the Buss–
Perry Aggression Questionnaire », in Journal of Research in Personality
82 Pélissier J., op. cit., tome 1, p. 33
77 Soit (D) regroupant D1, D2 et D3 trois ensembles distincts de détenus, ces détenus sont issus de l’ensemble (PI). D1 est à la fois inclus dans PI et dans E1, D2 est à la fois inclus
dans PI et dans E2, D3 est à la fois inclus dans PI et dans E3.
De ces trois ensembles D1, D2 et D3, nous prélevons des échantillons D’1, D’2 et D’3 que constituent les groupes de personnes incarcérées qui ont participé à l’expérience de recherche.
Soit
- L’hypothèse H0 : au plan des ensembles parents E1, E2, et E3, selon laquelle, les
variables X1, X2 et X3 ont des distributions identiques, respectivement, pour
chacune des quatre modalités des dispositions violentes mesurées par le BPAQ. - L’hypothèse alternative H1 qui est l’hypothèse que l’on cherche à vérifier, selon
laquelle X1, X2 et X3 n’ont pas des distributions identiques. Il s’agira de mettre en
évidence une différence entre les trois séries de mesures ordinales (ou encore la différence de dispersion entre les sujets d’une population et ceux des autres populations)
Une entorse aux pratiques prescrites dans le domaine des statistiques est de n’avoir pas cherché à maîtriser la variable « prison » puisque toutes les personnes impliquées dans la commission d’actes ayant porté atteinte à l’intégrité physique d’une autre personne, ne sont pas incarcérées ou ne le sont plus parce qu’ayant purgé leur peine.
Il aurait donc fallu interroger des personnes libres répondant à ces critères de classification (personnes libres après avoir été jugés et éventuellement condamnés et personnes libres de n’avoir pas été ni jugés ni poursuivi pour la commission de leur acte, ce qui serait passablement illusoire) dans le but de neutraliser cette variable parasite supposée.
A défaut de pouvoir constituer un groupe témoin répondant aux critères précités, nous avons interrogé des personnes libres qui déclarent ne pas avoir commis d’acte ayant porté atteinte à l’intégrité physique d’autrui, ils constituent l’échantillon F’. Les mesures effectuées auprès de cet échantillon a donné lieu aux observation suivantes réunies en annexe 1384.
Le seuil est pris à α = 0,05, c’est-à-dire que la probabilité d’accepter H1 alors que H0 est
vraie est fixée à 0,05, ce qui définit le risque d’erreur de type I.
78 Par ailleurs le risque d’erreur de type II, c’est-à-dire conserver H0 alors que H1 est vraie,
est peu probable si l’on tient compte de la taille de l’effectif de chacun des échantillons pris individuellement N1, N2 ou N3, est > 5.
Nous procéderons dans un premier temps à la présentation des valeurs observées de la variable-test au regard de chacun des quatre échelles nous aboutirons ainsi à leur classification dans les quatre tableaux suivants :
- Tableau : DVv - Tableau : DVp - Tableau : DVc - Tableau : DVh
En effet chaque item du questionnaire BPAQ délimite en soi une variable qui est une composante de la variable « disposition violente », il s’agira de mesurer l’association éventuelle entre chacune de ces variables et la variable distance affective. Ce que l’on tente de mettre en évidence est l’influence de la variable distance affective supposée sur chacune des variables dispositions violentes supposées mesurées par le BPAQ. Pour les variable-tests DVv, DVp, DVc et DVh, les observations portent sur les trois mêmes échantillons D’1, D’2, D’3 dont les effectifs sont N1= 28, N2 = 48 et N3 = 30.
79 Données Analytiques
Exemples de graphiques illustrant les mesures obtenues au terme de l’examen de trois personnes parmi les 106 de l’effectif des échantillons de l’étude
physique verbale hostilité colère Graphique 1
1 1 4 4 1 3 3 3 1 4 4 4 3 4 1 3 3 2 1 3 14 12 17 10 /25 /25 /25 /25 0 5
Aggression questionnaire de Buss et Perry
résultats du participant Za2
80
physique verbale hostilité colère Graphique 2
1 1 1 4 3 4 1 1 1 1 1 1 3 4 1 1 1 1 1 3 7 10 13 5 /25 /25 /25 /25 0 5
Aggression questionnaire de Buss et Perry
résultats du participant Za6
81
physique verbale hostilité colère Graphique 3
3 3 3 4 3 5 1 5 3 4 3 5 3 5 3 5 3 3 3 5 13 18 24 17 /25 /25 /25 /25 0 5
Aggression questionnaire de Buss et Perry
résultats du participant Za23
82
C/ Résultats au BPAQ
Effectif DVp DVv DVh DVc Za1 17 24 21 19 Za2 14 12 17 10 Za7 18 18 14 20 Za12 9 7 17 5 Za17 11 14 17 11 Za21 9 11 16 15 Z29 14 9 17 17 Z30 17 23 24 19 Z35 14 12 19 16 Z41 14 16 18 11 Z44 18 20 12 18 Z53 13 19 21 15 Z57 12 13 17 9 Z59 13 17 21 10 Z66 9 15 21 17 Z67 10 12 17 14 Z68 15 21 22 16 Z71 11 11 17 5 Z77 9 15 13 14 Z83 14 12 17 12 Z86 11 7 13 13 Z87 14 9 13 8 Z88 13 17 8 10 Z90 5 10 15 5 Z94 8 7 12 8 Z101 12 10 12 8 Z105 16 18 18 16 Z110 13 20 18 13Résultats au BPAQ des sujets appartenant à l’échantillon D’1 soit le niveau 1 de la variable de l’échantillon 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 5 10 15 20 25
Dispositions violentes chez des personnes mises en cause pour atteinte envers des personnes
proches
colère physique verbale hostilité
83 Effectif DVp DVv DVh DVc Za3 14 16 20 16 Za6 7 10 13 5 Za8 20 5 19 5 Za9 12 15 6 9 Za11 10 20 14 10 Za15 7 9 13 9 Za16 18 22 18 20 Za18 19 16 14 16 Za19 15 14 18 9 Za20 23 9 13 15 Za24 17 21 15 18 Za26 22 17 19 18 Z31 23 21 10 15 Z32 11 16 14 10 Z33 16 20 21 16 Z39 7 13 6 10 Z40 22 16 21 22 Z42 17 16 15 11 Z43 21 11 15 19 Z45 6 7 12 12 Z47 5 13 22 7 Z48 13 20 18 22 Z49 13 14 19 11 Z52 11 11 11 11 Z54 17 15 25 18 Z55 13 16 23 11 Z61 19 23 21 18 Z62 15 18 17 18 Z64 9 13 21 5 Z65 18 15 19 20 Z70 12 9 5 9 Z75 24 22 16 16 Z76 5 5 12 5 Z78 16 14 12 11 Z80 17 12 17 13 Z81 16 13 12 15 Z84 14 15 21 18 Z85 21 16 15 11 Z89 10 10 21 7 Z91 5 5 9 5 Z93 13 17 17 13 Z97 8 18 7 9 Z104 11 20 7 16 Z107 14 7 17 16 Z108 11 20 18 19 Z109 15 5 10 9 Z113 13 6 25 12 Z114 15 6 23 11
Résultats au BPAQ des sujets appartenant à l’échantillon D’2 soit le niveau 2 de la variable de l’échantillon
Données de l’exemple d’illustration p.80
1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 5 10 15 20 25
Dispositions violentes chez des personnes mises en cause pour atteinte envers des personnes connues
84 Effectif DVp DVv DVh DVc Za4 17 18 12 17 Za10 20 22 20 21 Za13 11 17 17 19 Za22 13 18 24 17 Za23 9 9 17 17 Za25 9 5 9 7 Za28 17 15 13 13 Z34 16 11 20 6 Z38 11 5 17 5 Z50 20 20 24 25 Z51 11 16 10 14 Z56 22 11 15 24 Z58 12 14 16 19 Z60 18 18 24 24 Z63 22 23 25 25 Z69 22 13 18 9 Z72 19 21 17 17 Z74 15 11 11 8 Z79 13 13 15 7 Z82 17 10 12 11 Z92 23 21 19 24 Z95 9 16 19 5 Z96 8 8 8 7 Z98 10 8 12 7 Z99 14 17 16 13 Z100 11 7 11 6 Z102 14 20 14 20 Z103 12 13 11 11 Z111 12 11 16 10 Z112 5 11 10 6
Résultats au BPAQ des sujets appartenant à l’échantillon D’3 soit le niveau 3 de la variable de l’échantillon
Données de l’exemple d’illustration p. 81
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 1516 17 18192021222324252627282930 5 10 15 20 25
Dispositions violentes chez des personnes mises en cause pour atteinte envers des personnes
inconnues
85