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-, l’homme l’était aussi. Il fallait se contenter d’essayer, si l’on voulait que les agressivités disparaissent, de les constater pour les interdire. 215

La question de la violence devient prioritairement l’objet d’une élaboration discursive quand Laborit fait référence au groupe, en premier lieu, à celui de la famille et plus largement celui des sociétés humaines sans exclure lesdites sociétés animales. Mais elle est d’abord rattachée à un substrat biologique, elle est déterminée par le support organique que représente le système nerveux216.

C’est essentiellement par rapport aux enjeux de dominance entre les rivaux ou entre les membres du groupe familial et social que l’auteur développe son propos au sujet de la violence en se référant aux modèles énergétiques de la cybernétique et de la théorie de l’information de Shannon et Weaver.

Laborit souligne la portée de la violence institutionnalisée de l’Etat comme illustration du maintien d’une structure hiérarchique de dominance. Suivant cette analyse, ce schéma se retrouve à divers niveaux d’organisation sociale.

Si l’on admet que l’agression animale se situe dans un registre où règne le signal. Les observations des naturalistes et des éthologues comportent un intérêt pour l’analyse de situations sclérosées où l’acte semble réduit à sa fonction de signal.

Si l’on admet que ce signal présente des analogies avec l’acte sans y être confondu. Nous pouvons tenter de proposer ce qui les différencie. L’acte s’en distingue, de relever du construit en ayant transité par le symbolique, il relève de la pulsion mais n’est pas impulsif dans le sens strict d’une décharge motrice uniquement régie par le fonctionnement neurophysiologique.

Il s’agit pour le clinicien de ne pas en rester là.

G/ La notion de violence dans le champ de l’anthropologie sociale et de la sociologie

Françoise Héritier propose une définition générale de la violence :

215 Laborit H. La colombe assassinée, op. cit., p. 93 216 Ibid., p. 159

154 Appelons violence toute contrainte de nature physique ou psychique susceptible d’entraîner la terreur, le déplacement, le malheur, la souffrance ou la mort d’un être animé ; tout acte d’intrusion qui a pour effet volontaire ou involontaire la dépossession d’autrui, le dommage ou la destruction d’objets inanimés…217

Elle en donne une présentation sous l’angle sémantique et se réfère au Littré qui met en exergue les termes de viol, de violation et de violence.

L’auteur cherche à mettre en évidence, sur ce sujet, des lois pouvant trouver une application universelle.

Elle envisage notamment cette question de la violence en termes de recherche d’une ou de plusieurs matrices définies en tant que « contenant d’un contenu », soit en tant que cadre présentant les « invariants » ou des lois princeps au fondement de sa discipline l’anthropologie.

Le projet qui anime cet auteur est la découverte de structures, des « systèmes qui encadrent de façon précise des contenus diversement agencés » et plus en amont la mise en évidence d’un « déjà là », d’un substrat caché pouvant être révélé par son étude.

L’auteur s’interroge sur la nature de la violence chez l’homme en incluant son intolérance à partir d’un fond « d’affects et de besoins élémentaires ».

Il existerait « un socle dur des évidences élémentaires » selon cet auteur pouvant être situé en position de cause génératrice du mode de la pensée humaine. Ce socle reposerait sur des observations organisées en couple d’opposés (le jour et la nuit, le pénis et la vulve…) hiérarchisés.

Il y aurait une nécessité universelle d’opérer des classifications en opposant les éléments. Si l’on tire ici les premières conclusions de cette hypothèse, on peut admettre qu’il y a de la violence dans la recherche la plus concrète de sens prenant appui sur le visible.

Le point d’origine et d’inflexion de la pensée humaine que présente l’auteur est « l’observation de la différence des sexes »218.

Si l’on suit ce cadre de pensée, deux éléments au moins se côtoient, la question de la différence comme point d’émergence du principe d’identité et la question du sexuel comme énigme voire comme traumatisme.

L’auteur donne comme prolongement à cette articulation nodale, deux constats présidés par une tendance nommée besoin ou désir d’être ensemble :

- « l’entre-soi premier» qui vise à vivre avec les siens dans un lieu donné.

217 Héritier F., De la violence, p. 17

155 - « l’entre-soi du genre » qui vise à se retrouver dans une communauté de même sexe Il en découle de ces besoins princeps d’autres besoins et affects secondaires bien que consistant dans le jeu social.

Ce sont selon l’auteur :

La recherche de la satisfaction des besoins vitaux, du bien-être pour soi d’abord puis des siens.

Le besoin de confiance et de sécurité

Le besoin de conformité, le désir mimétique L’envie

Le besoin de protection

Le sentiment du juste et de l’injuste

La violence est de ce point de vue située dans les lieux qui échappent à cette combinaison entrelacée de règles venant en guise de réponse à ces tendances.

Reste à instruire ce qu’il en est de ces points de fuite, de ces espaces « non réglés du jeu » et que l’auteur repère comme « les soubassements qui font de toute altérité, non une différence reconnue et acceptée comme complément nécessaire du Soi, mais une catégorie rejetée, considérée comme détestable, devant être dominée, contrainte, et même potentiellement détruite.219 »

La recherche congrue de l’identique à soi, de la cohésion de ce qui appartient au familier et au reconnu engendre paradoxalement l’intolérance et la recherche de destruction de toute altérité.

« Il y a une logique de l’intolérance. Elle sert des intérêts qui se croient menacés. »

L’auteur souligne que c’est au XIIIe siècle… « que paradoxalement se crée une société fondée sur le rejet et la mise au rebut des hérétiques, des lépreux, des juifs et des homosexuels.220 » et que surgit cet ersatz issu de la notion de l’identité : l’idéal de pureté et son application, la purification.

Revenant à la définition de la violence et des termes voisins comme celui de viol l’auteur conclut que les variations de sens du mot vont d’une effraction par pénétration dans le corps d’une femme à la contrainte exercée par emportement sur autrui, à la transgression des règles et à l’ardeur mystique animant le dévot.

219 Héritier F., De la violence II Les matrices de la violence, Séminaire de Françoise Héritier, op. cit., p. 328 220 Héritier F., Les matrices de la violence, Séminaire de Françoise Héritier, op.cit., p. 329 citant Legoff J.,

156 L’auteur propose finalement la définition de la violence comme une forme de besoin pervers puisqu’il s’agit d’un besoin issu de la « perversion du besoin de protéger et du désir de posséder » qui trouve son étayage et son modèle sur l’image de la pénétration sexuelle. De façon circulaire nous retrouvons dans cette recherche la référence au sexuel comme effraction ou comme traumatisme.

Dans un entretien filmé qu’elle accorde à Olivier Douville (document projeté à l’occasion du 3e Colloque francophone de Psychologie & Psychopathologie de l’Enfant, Aux sources de la violence, de l’enfance à l’adolescence, à Paris en octobre 2009), Héritier envisage les conditions sociales de l’élaboration de situations en réponse à des besoins et ayant comme effet des phénomènes de violence

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Elle évoque des formes socialement éprouvées de canalisation de la violence (compétitions, luttes festives, activités en groupe de pairs) et prône des mesures en faveur d’une redynamisation de la famille élargie au lieu d’une promotion de l’individualisme.

Laurent Mucchielli s’inscrit dans une autre perspective : il considère la violence comme une notion avortée, une prénotion ou encore « une représentation schématique et sommaire » (selon la définition de Emile Durkeim) qui appartient au langage commun mais qui recouvre une réalité trop hétéroclite pour être utilisée comme concept.

En effet, la violence est la caractéristique d’un comportement ou d’une action qui n’a de sens que dans un contexte donné, elle ne porte en elle-même aucune signification et aucun contenu prédéfinis. À la limite, en toute rigueur, le substantif « violence » ne devrait pas être employé comme sujet d’une

proposition, seul l’adjectif violent(e) le devrait, pour caractériser la forme d’une action. 221

Selon cet auteur la notion de violence équivaut à une injonction normative. L’empire de la violence serait le produit de préjugés, d’opinions alimentés « savamment » par des prétendus « experts » et au service d’une idéologie alarmiste. C’est notamment le duo formé par le personnel politique et les médias qui contribue à « entretenir le feu sécuritaire ».

221 Mucchielli L., « Une société plus violente ? Une analyse socio-historique des violences interpersonnelles

157 Aussi, Mucchielli met en évidence, le thème de l’insécurité et de la montée de la violence en tant qu’objet politique. Cet objet dont le traitement emphatique relayé par les médias contribue à l’établissement d’un fait d’opinion ancré comme une vérité.

On peut avancer que soumis au processus complexe de l’identification engendrant parmi d’autres, l’effet Pygmalion ou effet Rosenthal & Jacobson, la préfiguration du sentiment d’insécurité orchestré par des communicants gagne les masses en suivant les canaux de la suggestion prémonitoire ou même en l’absence d’un interventionnisme délibéré, celui du transfert dès lors qu’opère un discours.

A ce phénomène s’ajoute, opportunément selon les structures d’assujettissement, la contagion psychique inconsciente dont on observe les effets les plus spectaculaires dans les phénomènes de possession et d’hystérie collective, à l’instar de l’épidémie hystérico- démonopathique ayant atteint un nombre considérable de femmes de la commune de Morzine et le pays morzinois (Haute-Savoie) pendant une période s’étendant sur une quinzaine d’année ( 1857 à 1873…) dans le contexte politique du rattachement de la Savoie à la France

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