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La nouveauté s'invite dans l'exercice de la traduction juridique

Chapitre 2 : unique jusque dans son parcours

III. La nouveauté s'invite dans l'exercice de la traduction juridique

Si l'on s'en tient à toutes les observations faites précédemment, il apparaît que le domaine de la traduction juridique, de par sa singularité, ses besoins spécifiques et la rigueur qu'il exige, fait montre aujourd'hui d'un besoin urgent d'encadrement et de protection. Voilà pourquoi on entend à cet instant précis de notre étude étendre notre propos, non plus seulement à l'observation des limites de l'encadrement de la profession de traducteur juridique, mais proposer au travers de réflexions ciblées et concrètes des moyens précis qui mèneront à un traducteur responsabilisé et responsable pour qui le souci premier sera la qualité de sa production et sur qui un client profane tant dans les matières juridiques que linguistiques pourra compter envers et contre tout. Nous avons observé au cours des différentes séparations de notre réflexion sur la traduction juridique que la situation actuelle présente comme défaut principal une trop grande généralité dans la manière de réglementer l'exercice de la profession de traducteur en général et plus précisément celle de traducteur juré ou traducteur expert. Par conséquent, il nous a semblé utile de consacrer la partie conclusive de ce chapitre sur la traduction juridique aux moyens possibles d'améliorer une condition professionnelle qui est souvent méconnue du grand public et qui de par l'ampleur des tâches qu'elle exige revêt une complexité qui demande à ce que le traducteur juridique soit à la fois encadré protéger et soutenu par une réglementation claire et sans équivoque.

Afin de mener à bien cette analyse sur les nouveautés envisageables pour l'exercice de la profession de traducteur juré et pour la formalisation de la responsabilité engagée du traducteur nous avons décidé de procéder à une analyse en triptyque qui nous permettra d'appréhender la question dans sa totalité. C'est donc en toute logique que la première partie de notre étude portera sur la possibilité de la création d'un Code des responsabilités du traducteur juridique, suite à quoi,

57 pour assurer la cohérence avec le sujet principal de notre écrit, nous accorderons quelques lignes à une réflexion sur la situation de handicap dans le cadre des responsabilités qui incombent à un traducteur juridique. Enfin nous conclurons cette troisième partie est donc tout ce chapitre sur la traduction juridique par une analyse des raisons qui sous-tendent ce besoin d'adapter le régime des responsabilités engagées lors d'un exercice de la profession de traducteur.

1. En vertu de l'article***du Code des responsabilités du traducteur

Toute la réflexion menée jusqu'à présent mène le lecteur à la conclusion que le temps est venu de repenser l'encadrement de la traduction juridique. En effet, une telle mesure ne se justifie pas seulement par les résultats qui pourraient en découler mais également par la nature du domaine de spécialisation et du type de traduction dont il est question. En effet, certains trouveront paradoxal, voire même contradictoires que le domaine professionnel qui a pour objet central le droit, ne soit finalement que sommairement encadré par celui-ci. S'il est vrai que le titre de traducteur juré, ou traducteur expert et lui jalousement protégé par des dispositions juridiques et légales, il en va tout autrement pour ce qui est de l'exercice proprement dit de la profession de traducteur dans le domaine du droit. Certes proposer la création de textes législatifs réglementant rigoureusement l'exercice de la traduction juridique en tant que traducteur juré ou expert, exercice qui est à dissocier de l'obtention du titre de traducteur juré ou expert, paraît à ce jour un projet quelque peu nébuleux ou idéal. Toutefois il est permis de penser qu'il n'est pas complètement dénué de sens et d'accorder le temps de rédiger quelques lignes afin de prévoir les responsabilités, sanctions, contraintes et conditions de mandat aussi délicats en traduction que le sont ceux qui relèvent du domaine juridique ne seraient pas superflus.

Cette idée rejoint la notion selon laquelle il s'agirait aujourd'hui d'intégrer de manière plus précise les mesures relatives à l'engagement et l'imputabilité de la responsabilité du traducteur en général et plus précisément du traducteur juridique. Un Code des responsabilités est bien plus utile, car plus concret, plus formaté et plus immédiat que tout autre type de Code de déontologie qui, suite à une lecture plus approfondie se révèle être la transcription d'un idéal idéologique de la profession de traducteur ou d'interprète. Il ne faut tout de même pas oublier que le traducteur indépendant est en droit de s'imposer lui-même un Code de déontologie d'éthique qui lui est propre et dans lequel il est libre de spécifier aussi précisément qu'il le souhaite le degré de responsabilité qui lui est imputable en cas de réclamation sur le produit une fois remis.

Cette idée qui montre toute l’indépendance et la liberté dont jouit un traducteur en ce qui concerne la réglementation juridique à proprement parler de sa profession nous démontre bien que

58 maintenir un système fondé sur la bonne volonté du praticien d'être signataire ou non d'un Code d'éthique et de déontologie professionnelle dans le but d'être affilié à un collège professionnel est une approche qui connaît des limites. C'est pourquoi, il semblerait judicieux et innovateur de proposer, tout en gardant à l'esprit que le propre d'un texte de loi est de demeurer en toutes circonstances général et abstrait, la création d'une loi qui serait propre aux traducteurs qui exercent dans le domaine du droit pour fixer légalement le degré de responsabilité d'un traducteur en cas d'erreur ou de manquement à un mandat et de fixer ainsi des sanctions ou des moyens de protection efficace et ciblée qui assureront semble-t-il un meilleur encadrement et donc par conséquent une meilleure qualité des documents traduits, surtout s'ils sont amenés à avoir une portée juridique d'ampleur régionale, nationale ou internationale.

Ainsi, le traducteur juridique tout comme le traducteur généraliste serait protégé et encadré par une loi qui lui permettrait de connaître toutes les conséquences, tous les tenants et tous les aboutissants de l'activité qu'il exerce. Il serait donc mieux préparé à affronter les réalités professionnelles et il s'agira pour lui de savoir composer avec les risques, la variété et les particularités de chaque mandat qui lui est proposé. Par suite à de telles observations nous serions en droit maintenant de nous poser la question de la situation de handicap chez un traducteur qui exerce à titre professionnel. Il s'agit d'observer la singularité du traducteur handicapé pour en dégager, tout comme on dégage les particularités dues à la variété des traductions proposées, les particularités du traducteur qui souffrirait d'un handicap et qui exercerait son activité professionnelle dans le domaine du droit.

2. Des conditions différentes pour une rigueur égale

Il est évident que le handicap ne constitue sous aucun prétexte et en aucun cas une justification suffisante pour une erreur qui a été commise en traduction. Il est donc évident que si les responsabilités du traducteur en venaient à être actées législativement, une mention explicite concernant le traducteur qui souffrirait d'un handicap trouverait sa place dans cette formalisation des responsabilités imputables à chacun lors de la création d'une traduction. Il suffirait donc de se placer quelque peu à l'avant-garde de l'évolution des sociétés et des relations professionnelles pour permettre une rédaction encore plus précise d'un Code des responsabilités du traducteur en y intégrant dès sa première mouture la notion de responsabilité assortie des spécificités propres aux traducteurs qui vivraient une situation de handicap au quotidien et qui malgré tout exercerait une activité professionnelle compatible avec leur état de santé. Il ne s'agit ici en aucun cas d'atténuer la responsabilité du traducteur pour cause de handicap car ses capacités à fournir une traduction erronée ou au contraire exempte de toute erreur ne fait pas ici l'objet du débat. En revanche,

59 intégrer les spécificités d'une situation de handicap aux responsabilités engagées pour le traducteur permettrait une conclusion plus juste des contrats en imposant légalement certaines conditions de travail propre aux situations de handicap et certaines modalités temporelles, logistiques et infrastructurelles qui amélioreraient la qualité du service fourni par le traducteur handicapé.

Choisir la traduction juridique est déjà en soi la preuve d'un réel souci de responsabilité car c'est là le domaine privilégié des traductions visant à avoir des effets sur le long-terme, voilà pourquoi choisir sa spécialisation outre une situation de handicap dénote, pour la personne du traducteur, une certaine volonté de capacité et de préparation à assumer ses responsabilités. En ce qui concerne la situation très particulière du traducteur handicapé, il s'agira non pas d'alléger les sanctions en cas d'erreur car dans un souci d'équité et de collégialité les dispositions légales relatives à la responsabilité doivent demeurer les mêmes pour tout professionnel exerçant l'activité de traduction, surtout dans le domaine juridique.

Il s'agira surtout de protéger le traducteur handicapé en lui permettant par des moyens légaux de demeurer compétitif et concurrentiel sur un marché au sein duquel les conditions de travail ne sont que très généralement fixées par la loi. Il s'agirait en intégrant les spécificités des situations de handicap à une hypothétique loi sur l'exercice de la profession de traducteur, traducteur juré ou expert, de mettre en lumière une égalité des chances pour tout traducteur compétent d'accéder aux mêmes contrats de sorte à effacer, en fixant des conditions de travail particulières est obligatoires pour les situations de handicap, les réticences que peuvent ressentir certains clients à l'heure du choix d'un traducteur qui présenterait un handicap ne l'empêchant pourtant pas d'exercer sa profession au mieux de ses compétences et de ses disponibilités. C'est sur cette note de grands chantiers d'égalitarisme que nous souhaiterions maintenant nous pencher pour aborder les facteurs sociétaux qui donnent lieu à l'émergence de la nécessité de formalisation des lois sur l'exercice de la profession de traducteur que ce soit dans un domaine général ou hyperspécialisé.

3. De société trop libérale, à un besoin de repères, il n'y a qu'un pas

Certains pourront penser que prôner un encadrement plus rigoureux des responsabilités du traducteur dénote un esprit procédurier contestable. Il n'en reste pas moins qu'à l'heure actuelle l'exercice de la profession de traducteur outre-Atlantique se fait de plus en plus risquée. Se soucier d'encadrer de manière rigoureuse stricte et protectionniste la profession de traducteur ne semble pas complètement absurde.

60 On connaît déjà le problème des assurances professionnelles qui refusent de prendre en charge les traducteurs aux États-Unis ou qui travaillent avec les États-Unis lorsque le sujet de la traduction proposée peut porter à de trop lourdes conséquences si les erreurs commises donnent lieu à une action en justice intentée par le client mécontent de la traduction fournie par le traducteur. De telles dérives procédurières doivent à tout prix être évitées en Europe au risque de voir s'effacer la profession de traducteur car jugée trop risqué par les aspirants à ce si beau métier.

Certes les mœurs aux États-Unis et en Europe diffère grandement lorsqu'on en vient aux procédures civiles ou pénales qu'il est envisageable d'introduire en cas de litige. Il ne faut toutefois pas oublier que des repères précis seraient à la fois un garde-fou et une limite aux dérives juridico-théâtrales que l'on peut observer au pays de l'Oncle Sam. Il est vrai que l'exemple choisi pour illustrer notre propos ne concerne pas un traducteur juridique.

En effet, les compagnies d'assurances sont réticentes à prendre en charge tout type de traductions dont le résultat pourrait donner lieu à l'ouverture d'une procédure devant les tribunaux par le client du traducteur. On pensera ici au cas particulier des assurances professionnelles pour les traductions en pharmacologie aux Etats-Unis. Nous savons tous que sans assurance, de responsabilité civile ou spécifiquement professionnelle, il est impossible d'être déclaré est de s'établir entre traducteur indépendant et nous sommes dès lors en droit de penser que le domaine de la traduction juridique constitue plus qu'un autre, un champ d'application de choix pour les reproches les plus farfelus de la part des clients. C'est par analogie à la situation observée avec le problème des assurances professionnelles que l'approche de l'instauration d'une loi sur l'exercice de la profession de traducteur en tant que moyen de protection et non plus de contraintes ou de sanctions pour le traducteur prend tout son sens.

En effet, un traducteur ne peut se prémunir des attaques d'un client mécontent que par sa bonne foi et les constatations d'huissier en revanche lui accorder le bouclier légal d'une loi fixant explicitement le degré de responsabilité et les conditions de responsabilité du traducteur lui serait dans le cas d'un litige d'un grand secours. Alors le modèle occidental repose aux Etats-Unis sur une toute autre idéologie et politique et il semble plus que nécessaire de se protéger de dérives négatives d'un tel modèle qui n'est pas en soi condamnable ni contestable mais dont la mise en application peut mener à certaines aberrations juridiques comme il nous a souvent été donnée de l’observer outre-Atlantique.

À présent, nous clôturons cette première partie de notre propos en ayant mis en exergue tout au long de ce développement les trois étapes constitutives de la vie d'un traducteur lorsqu'il est en prise à une situation de handicap, dans un premier temps nous aurons vu sa situation en tant

61 qu'écolier puis élève en s'appuyant sur le cas pratique de la Principauté de Monaco. Le deuxième temps de notre réflexion nous a mené à l'étude de la situation estudiantine de traducteur en puissance en nous appuyant sur une analyse comparée de deux systèmes éducatifs, le système de la France et celui de la Suisse. Enfin nous avons observé le traducteur dans l'exercice de son activité professionnelle en prenant pour exemple l'exercice de la traduction juridique qui était le plus pertinent pour nourrir notre réflexion sur la question de la responsabilité du traducteur dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle.

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Deuxième Partie :