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Des mouvements qui disent sans parler

Troisième Partie : la médecine

II. Des mouvements qui disent sans parler

Après avoir analysé la privation d'une faculté sensorielle spécifique, à savoir la vue, nous allons maintenant nous intéresser plus spécifiquement aux éléments constitutifs des particularités inhérentes à la privation de la faculté auditive donnant lieu à l'émergence d'une langue toute particulière et singulière : la langue des signes. Tout comme le braille, il s'agit là d'un moyen de communication et de transmission du message élaboré suite à l'observation de besoins spécifiques observés chez certaines personnes privées de l'un se leur sens, plus précisément ici l'ouïe.

Nous allons une fois de plus adopter ici un plan structurel en trois parties distinctes qui aura pour but de nous permettre d'aborder la question de la langue des signes en s’appuyant sur le plus d'angles d'attaque possibles. Tout d'abord nous analyserons la reconnaissance de la langue des signes en tant que langue à part entière et en tant que système de communication propres à un groupe de personne. Ensuite, nous verrons les implémentations logistiques de la langue des signes dans le quotidien professionnel des traducteurs. Enfin, le troisième élément sera consacré à une réflexion à la fois idéologique et concrète sur les besoins en langue des signes à l'international et sur les raisons qui sous-tendent l'essor récent dont ce mode de communication si particulier a fait l'objet.

On peut voir que les préoccupations les plus actuelles tendent vers l'accessibilité en toutes circonstances du domaine professionnel de la traduction pour les personnes dont l'ouïe ou la vue pourraient être diminuées de quelque manière que ce soit. Par conséquent, l'aide à la

115 communication de chacun par des moyens à sa portée semble être une priorité aussi actuelle que primordial dans nos sociétés contemporaines.

1. Le geste au même titre que la parole

Par souci d'honnêteté avec le lecteur, nous nous devons de souligner que la reconnaissance de la langue des signes en tant que langue à part entière est toute récente. Ce n'est qu'il y a quelques mois que l'Association internationale des interprètes de conférences (AIIC) a reconnu le statut de langue à part entière à la langue des signes française. C'est bien là la preuve d'une avancée majeure dans le domaine de la traduction et de l'interprétation car, par cet ajout les collèges professionnels démontrent qu’il s'agit maintenant d'envisager la profession selon des axes différents, en tenant compte de la conjoncture des ressources humaines présentes actuellement à l'international ainsi que dans le milieu. Cette reconnaissance constitue la fierté des plus ardents combattants de la cause de l'accessibilité des échanges internationaux ainsi que du milieu professionnel de la traduction aux personnes dont les facultés sensorielles seraient amoindries par cause de handicap. Ici, on comprend facilement que la surdité ne sera plus, ou en tout cas sera moins un obstacle à la participation de tout un chacun à la vie internationale. Ainsi, les décideurs prenants part aux réunions internationales nécessitant des interprètes seront bel et bien choisis au regard de leurs compétences académiques et professionnelles et non plus au regard des possibilités qu'ils ont ou non de prendre activement par aux discussions, échanges et interactions à l’international. Ainsi un pays pourra potentiellement sans contraintes se faire représenter par un délégué présentant une surdité, la traduction en langue des signes sera alors assurée de droit par les départements d’interprétation des Organisations internationales.

Le fait que l'Association internationale des interprètes de conférence décide de recenser la langue des signes comme langue à part entière au sein du collège professionnel a pour conséquence directe d'assurer une prestation de service, de qualité certifiée qui plus est, dans cette langue lors de réunions internationales et lorsque la demande de cette langue en particulier est formulée auprès du collège professionnel. Il est donc évident que la reconnaissance de la langue des signes par l'AIIC constitue un gage de qualité pour les services qui seront fournis dans cette langue car tous les interprètes recensés pour la langue des signes seront invariablement signataires du code de déontologie de l'AIIC dont nous avons fourni l’analyse dans le cadre de notre étude sur la responsabilité du traducteur.

De plus, la seule dénomination de cette langue dans un contexte francophone, ou plus précisément français implique par essence que chaque langue étrangère conventionnelle connaît sa

116 propre variante en langue des signes. Autrement dit il existera une variante française de la langue des signes, comme il en existera certainement une pour l'espagnol, l'allemand ou le russe. C'est variante sont une véritable manne pour les interprètes qui par conséquent auront autant de domaine de spécialisation, aussi particuliers que convoités, qu'il y a langues étrangères conventionnelles présentes dans le monde.

Autant cette situation constitue un avantage indéniable pour les interprètes qui seront très largement sollicités compte tenu de la nature de l'interprétation dans laquelle on décide de s'engager. Autant, si l'on s'en tient à un strict point de vue logistique la situation peut s'avérer très complexe et la mise en place d'interprétation en langue des signes peut être compromise non pas par manque de volonté de la part des protagonistes de réunions internationales mais bien plus par manque de moyens logistiques et humains à disposition et propres à fournir une aide et une prestation de qualité résultant sur la pleine compréhension précise des sujets abordés lors des réunions. On observe donc que la dimension logistique de l'interprétation en langue des signes dans le domaine institutionnel international ne doit donc en aucun cas être négligée.

2. Une disponibilité au prix de grands efforts

Il est clair que dans le monde des organisations internationales la mise en place de l'interprétation en langue des signes pose des problèmes et des questions non négligeables car elle incite les institutions à repenser leur mode de fonctionnement et le mode de déroulement des réunions qui se tiennent de sorte à pouvoir y intégrer tout le matériel et les dispositions nécessaires à une interprétation de qualité en langue des signes.

L'essence même de l'interprétation en langue des signes étant le contact visuel entre les participants et les interprètes, c’est toute la disposition de la salle de conférence et du positionnement physique de l'interprète pendant les réunions qui devra être repensé. Cette réflexion préalable sur toute la logistique en lien avec la mise en place d'une interprétation « visuelle » implique une certaine masse de travail, de temps et d'argent qui est toute nouvelle pour les institutions internationales qui jusqu'à aujourd'hui ne se préoccupaient que très modérément de la question de la langue des signes dans le cadre des réunions qu'elles organisaient puisque ce type de langue n’était jusqu'à il y a peu pas reconnu par les associations de professionnels du domaine de l'interprétation.

Par conséquent, l'une des réponses les plus plausible et les plus facile à apporter aux besoins d'interprétation en langue des signes dans le cadre des organisations internationales semble être l'interprétation consécutive en chuchotée car elle permettrait ainsi à chaque participant de

117 bénéficier des services de l'interprète en langue des signes qui se tiendrait proche de lui et permettrait ainsi un contact visuelle optimale pour la meilleure compréhension possible du message.

Ainsi il s'agirait là d'un service plus personnalisé que les organisations internationales pourraient offrir dans le cadre de leurs politiques en matière d'interprétation de conférence.

Cependant, une telle approche est fortement limitée premièrement par le coût exorbitant qu'une telle mobilisation de personnel impliquerait. Deuxièmement, afin de fournir une interprétation en langue des signes satisfaisante, l'interprète doit par définition jouir d'une certaine liberté de mouvements qui semblent très hautement compromise dans le cadre d'un exercice d'interprétation consécutive en chuchotée qui impliquerait, de fait, une très grande discrétion des gestes, discrétion incompatible avec la nature même de la langue cible.

Nous allons maintenant nous attacher à voir que malgré les difficultés que pose l'interprétation en langue des signes et le côté novateur que revêt l'attrait pour ce nouveau mode d'interprétation, les besoins en interprétation en langue des signes sont bien réels et impératifs qui plus est. Ainsi l'adaptation des institutions internationales devient inévitable et les interprètes hautement qualifiés dans cette branche spécifique de l'interprétation font, eux, l'objet de toutes les convoitises.

3. La langue des signes : la perle rare

L’accès à l'information pour tous semble être une préoccupation centrale de notre siècle.

C'est pourquoi la langue des signes, loin d'être un effet de mode dans le monde de l'interprétation, suscite de plus en plus de vocations et permet de mettre en lumière des besoins spécifiques qui gagnent en importance au fil du temps. La question du handicap et de l'intégration est une question clé de l'époque à laquelle nous vivons et c'est pour cette raison que la langue des signes en tant que moyen dont dispose le milieu de l'interprétation pour pallier un handicap est à ce point privilégiée à l'heure actuelle.

Du fait de la nouveauté de ce type de besoins et de services sur le marché de l'interprétation, les interprètes hautement qualifiés en langue des signes sont de plus en plus recherchés et convoités. En ce qui concerne le français, plusieurs instituts de formation en interprétation de conférence proposent la langue des signes au panel des langues de travail disponibles. Cependant, il est une institution qui semble faire autorité en la matière, il s'agit de l'École supérieure d'interprètes et traducteurs (ESIT) qui a été l'une des premières écoles de traduction en France a proposé la langue des signes dans le cadre de sa formation en interprétation de conférence. La formation proposée à Paris exige, en langue des signes comme pour les autres langues de travail, une excellente maîtrise

118 préalable de la LSF car la formation en interprétation de conférence n'est pas de nature à enseigner les compétences linguistiques proprement dites, comme toute école de traduction, cette formation a pour prétention de former aux techniques d'interprétation de manière générale ainsi que spécifique à chaque combinaison linguistique. De sorte à ce que la maîtrise de la langue de travail est considérée comme un acquis dans le cadre de la formation en traduction ou en interprétation. Les acquis linguistiques des candidats sont vérifiés au moyen des épreuves d'admission organisée par une écrasante majorité des instituts de formation en traduction et interprétation.

Il est nécessaire de souligner maintenant que la demande ne cesse de croître au sein des institutions internationales en matière d'interprétation de conférence en langue des signes. Malgré tout, elle reste très faible compte tenu de la particularité du contexte d'interprétation auquel l'utilisation de cette langue mène. En outre, l'interprétation en langue des signes ne constitue une réponse que pour un type bien spécifique du handicap ciblé qui est la surdité. Cependant, nous savons tous que la surdité est bien souvent accompagnée de mutisme car les deux troubles, de par leur nature, sont intrinsèquement liés. C'est pourquoi l'interprète en langue des signes ne doit pas uniquement retranscrire les propos tenus par un orateur mais doit également être à même de transmettre par la parole la réponse qu'une personne souffrant de surdité et de mutisme ne serait pas en mesure de transmettre. Nous pouvons donc dire que les dans le domaine de la traduction et de l'interprétation les manques visuels, auditif et langagiers ont été palliés, autant que faire se peut.

Il est de plus évident que de par la situation, des similitudes et des points communs naissent entre les différents handicaps vécus et ces points communs se répercutent sur les moyens mis en œuvre pour les outrepasser.