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Les jours passent et les différences restent

Troisième Partie : la médecine

Chapitre 3 : quand l'ordinateur central s'en mêle

II. Les jours passent et les différences restent

Dans cette deuxième partie de notre analyse nous allons nous intéresser aux modalités de gestion des troubles associés découlant d'une infirmité motrice cérébrale, en conservant toujours une perspective professionnelle appliquée au domaine de la traduction. C'est ainsi que nous concrétiserons, sur le terrain, la situation d'une personne souffrant d'infirmités motrices cérébrales qui exerceraient au quotidien le métier de traducteur.

Nous allons dans un premier temps nous pencher sur les corrélations qui existent entre l'état psychologique et émotionnel d'une personne souffrant d'une IMC et les répercussions physiologiques dans les manifestations des troubles associés liés à la lésion ischémique. Dans un deuxième temps, l'objet du travail seront les aides logistiques qu'il est possible d'apporter dans le domaine de la traduction et d'interprétation aux personnes souffrant d'infirmités motrices cérébrales. Enfin, en dernière analyse, nous nous pencherons sur la distinction qu'il est nécessaire d'opérer entre la notion de « motricité » et celle de « mobilité ». Nous mettrons ainsi un point d'honneur à démontrer que les défauts que peut présenter l'une n'implique pas obligatoirement un défaut de l'autre. Cette observation sera centrale pour être à même d'envisager une intégration professionnelle des personnes souffrant d'IMC en leur reconnaissant des capacités égales et parfois même supérieures dans le domaine de traduction et de l'interprétation.

144 1. Quand le ça, le moi et le surmoi se rencontrent

Il est évident que l'intensité des troubles associés à une lésion ischémique est fonction de toute une série de facteurs extérieurs sur lesquels le patient n'a pas ou très peu de prise. Par conséquent il paraît évident que la conjoncture émotionnelle dans laquelle se trouve la personne à un moment T aura un impact direct sur son état physiologique et ses capacités fonctionnelles. C'est la raison pour laquelle, le principal obstacle pour les personnes souffrant d'IMC apparaît ici comme étant la constance et la régularité. Ce manque de rigueur peut en outre se révéler très handicapant dans un cadre professionnel, car l'efficacité en tout temps et en toutes circonstances est une condition absolue à la pleine satisfaction de l'employeur.

Le domaine spécifique de la traduction à une échelle professionnelle présente les dangers du stress et de la pression temporelle, raison pour laquelle les répercussions fonctionnelles de la personne souffrant d'une infirmité motrice cérébrale sont susceptibles d'être exacerbées si la personne subit un stress ou un choc émotionnel. Le volume de travail ainsi que le type de texte traité impose une rigueur et une clairvoyance de tous les instants dans le cadre de l'exercice de l'activité de traduction. Malgré tout, tenir compte de l'état psychologique, émotionnel ou tout simplement physiologiques du traducteur ne doit pas forcément être interprété par l'employeur comme un signe de faiblesse.

Ce travail ne constitue pas un plaidoyer en faveur du recrutement de personnes handicapées. Il conviendra simplement de souligner ici que le traitement de la personne handicapée dans le cadre de la vie active doit être proportionné à la valeur ajoutée que ces personnes apportent potentiellement à l'institution internationale ou à l'agence de traduction. Cette opération se vérifie d'autant plus lorsqu'il est question de personnes souffrant d'infirmités motrices cérébrales pour lesquels le moindre effort peut susciter une fatigue accentuée et pour qui les préoccupations du quotidien ne se mesurent pas à la même échelle. Il est bien évident qu'il ne s'agit pas là d'accorder aux personnes souffrant d'IMC un traitement de faveur dans la manière de traiter les traductions produites. Toute la subtilité réside en fait dans la capacité à tenir compte de leur situation particulière pour leur proposer des conditions de travail optimales dans lesquelles tout le monde y gagnera puisque l'efficacité et le rendement du traducteur sera le meilleur malgré son handicap et ainsi la satisfaction de l'employeur sera respectée car les textes et les traductions seront livrables et utilisables tout comme ceux produits par des traducteurs ne présentant aucune infirmité et dont la fatigue ou le mal-être psychologique ne trouverait pour fondement que les aléas du quotidien.

145 De plus, la gestion du handicap causé par une infirmité motrice cérébrale paraît plus facile dans le domaine de la traduction car le traducteur, surtout s'il est indépendant, jouit d'une liberté accrue dans son travail qui lui permettra de composer plus facilement avec les exigences son état de santé. Il n'en reste pas moins que neurologiquement parlant, la capacité du traducteur à exercer son métier ne sera remise en cause que si il est scientifiquement constaté que l'ampleur des lésions ischémiques présentes chez la personne sont de nature à affecter ses compétences linguistiques, verbales ou intellectuelles ce qui par conséquent serait la seule et unique entrave à l'exercice professionnel de l'activité de traduction, le reste n'étant que pure logistiques.

Or, nous savons que de nos jours des aides spécifiques sont mises en place pour permettre aux personnes souffrant de troubles neurologiques ou de handicap empêchant de quelque manière que ce soit l'autonomie et l'accès à un service quelconque. Ces aides s'adressent principalement aux personnes dont les difficultés sont clairement identifiées et par conséquent, les IMC de par la variété, recèlent encore des troubles associés que les moyens d'aide proposés aujourd'hui ne semblent pas encore prendre en compte.

2. Le flou artistique de l'aidé et de l'assisté

Au vu des troubles neurologiques que présentent les personnes souffrant d'infirmités motrices cérébrales, il est parfois difficile pour la personne en pleine possession de ses moyens de savoir tracer une frontière claire entre ce qui est qualifié d'aide et le point d'équilibre où l'on bascule d'un seul coup vers la privation d'autonomie. Afin d'analyser la pertinence des aides proposées aujourd'hui à l'aune du cas particulier de l'infirmité motrice cérébrale, il nous faut observer clairement que l'IMC de par sa manifestation toujours changeante ne peut être abordé comme un trouble neurologique unique, présentant des symptômes cliniques aboutissant à des difficultés clairement identifiées. Ainsi, l'inclinaison de la personne valide à aider celles qui souffriraient d'infirmités motrices cérébrales se trouve conditionnée non seulement par le degré d'infirmité du cas présenté mais également, comme nous l'avons signalé précédemment, par la conjoncture psychologique, émotionnels physiologiques dans laquelle se trouve la personne.

De plus, il est extrêmement difficile d'envisager une aide logistique susceptible de convenir et d'apporter une aide effective au plus grand nombre de personnes présentant un handicap, puisque le concept même de handicap tire son essence d'une suite de particularités.

Dans le cadre de la vie professionnelle, une infirmité motrice cérébrale peut être appréhendée, dans l'exemple précis d'une activité professionnelle de traduction en tenant compte d'une majoration des délais pour les mandats soumis, en aménageant un environnement de travail

146 spécifique à la personne handicapée et en mettant à sa disposition tout le matériel informatique nécessaire à son confort et à son efficacité de travail. Dans le même ordre d'idée, l'IMC soulève la problématique de besoins spécifiques en matière de déplacements au sein des locaux, ce qui est également à envisager dans le cadre d'une intégration professionnelle des personnes qui souffriraient d'une situation d'infirmité motrice cérébrale.

Quoi qu'il en soit, comme nous l'avons déjà évoqué l'infirmité motrice cérébrale implique encore moins souvent que l'autisme des déficiences intellectuelles. C'est donc à la lumière de cette observation que nous soulignerons que les aménagements des conditions de travail et des espaces de vie de la personne doivent être entrepris avec l'accord express de l'intéressé. Par conséquent son mode de vie reste son libre choix, tout comme les modalités d'exercice de son activité professionnelle. En effet, les chercheurs ont recensé des cas d'infirmités motrices cérébrales qui nécessitent l'intervention d'un auxiliaire de vie au quotidien, mais d'autres personnes atteintes pourtant du même trouble neurologique ne nécessiteront en aucun cas une assistance et pourrons envisager une vie professionnelle et personnelle tout à fait autonome. L'avantage de l'IMC est donc évident, elle offre potentiellement une ouverture d'esprit aux situations de handicap tout en permettant une adaptabilité plus grande que d'autres troubles neurologiques qui doivent être traités avec plus de rigueur et qui donnent lieu à plus de contraintes pour les employeurs.

3. Le lapsus révélateur

Lorsqu'il est question du handicap, deux notions font, très tôt, leur apparition et malgré leur consonance très proche, il ne faut en aucun cas les confondre il s'agit de la notion de « motricité60 » associe à celle de « mobilité61 ». Nous nous appuierons à cet égard sur la définition de ces notions proposée par le Trésor de la Langue Française (TLF). On parle souvent pour désigner des personnes handicapées de personnes à mobilité réduite, ainsi on désigne les personnes dont la capacité à se mouvoir est restreinte. Le concept de motricité a, quant à lui, la particularité de comporter une dimension neurologique dans la désignation de la capacité à effectuer un mouvement. Ainsi nous pourrions dire qu'un manque de motricité peut être la cause d'un manque de mobilité.

Or, au quotidien il apparaît que le concept de mobilité est plus usuel et que le plus grand nombre utilise souvent les deux termes comme équivalents alors même que la réalité désignée est

60 « PHYSIOL. Faculté motrice commandée par les centres nerveux et permettant la contraction musculaire et les mouvements. ». Trésor de la langue fran4aise informatise.

61 « Caractère de ce qui peut être déplacé ou de ce qui se déplace par rapport à un lieu, à une position {…}». Trésor de la langue française informatisé.

147 nettement plus marquée dans la première notion car il y est apporté une précision d'ordre médical et physiologique absente du concept plus large de mobilité.

De plus, il faut garder à l'esprit que quel que soit le handicap, un manque de motricité est indéniable, le manque de mobilité est quant à lui conditionné par les moyens mis en œuvre pour le dépasser. Ainsi une personne handicapée souffrira indiscutablement d'un défaut de motricité si les symptômes associés à son trouble neurologique ont affecté le système moteur. En revanche il est parfaitement envisageable qu'elle ne souffre d'aucun problème de mobilité car elle aura parfaitement su gérer son handicap de sorte à ce que sa mobilité ne soit en rien réduite ou amoindrie.

De plus le cas particulier de l'infirmité motrice cérébrale présente, selon toute vraisemblance, d'autres particularités à cet égard. En effet, nous pourrions parfaitement imaginer le cas hypothétique de personnes souffrant d'infirmité motrice cérébrale ne présentant aucun trouble d'un appareil locomoteur mais dont les capacités motrices des muscles faciaux, par exemple, pourraient avoir été empêchés par des lésions ischémiques ayant endommagé le territoire cérébral responsable de ces mouvements.

Dans ce cas précis, les aides que propose la société aux personnes à mobilité réduite apparaissent comme quelque peu vides de sens puisque elles ne sont propres qu'à assurer le confort et la facilitation du mouvement. Or, le mouvement nécessaire à la vie en société peut parfaitement être opéré par la personne souffrant du cas particulier d'infirmités motrices cérébrales que nous venons de décrire. Ce qui nous démontre une fois de plus que les aides prévues par les sociétés ne sont pertinentes que quand elles sont pensées de concert avec les personnes en première ligne de leur utilisation, à savoir : les handicapés.

Il faut savoir que la question de l'infirmité motrice cérébrale comporte une dimension nettement plus polémique qui réside dans l'analyse des phénomènes compensatoires auxquels elle donne lieu et qui ont pour avantage et miracle de permettre l'adaptation, de manière encore plus facile et naturelle à l'environnement de vie et de travail conventionnel pour les personnes qui souffrent de handicaps et de troubles associés à une lésion ischémique.