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Notion de culture nationale en contexte scolaire :

Chapitre III : La dimension culturelle dans l’espace scolaire

3.1 Quelques perspectives sur la notion de culture en milieu scolaire

3.1.2 Notion de culture nationale en contexte scolaire :

Toute société a fondamentalement une culture qui lui est propre qui tire son origine de l’ensemble des cultures annexes des groupes qui la composent. En effet, la société se ressource continuellement de son patrimoine qui lui assure pleinement sa pérennité et son identité dans le concert des autres cultures. Cette culture intrinsèque, qui lui appartient en propre et d’une façon exclusive, et qui fonctionne comme une sorte de carte d’identité d’une société s’appellera ‘’culture nationale’’.

Analyser une culture nationale, c’est donc tenter de comprendre et d’expliquer la nature des liens sociaux qui unissent les hommes entre eux, des pratiques habituelles qu’ils développent dans un même temps et dans un même espace. La culture nationale semble sous-entendre une organisation de la réalité, un consensus social, une conformité attitudinale et comportementale acceptée et diffusée par les membres de la communauté nationale. Elle présuppose un ensemble de croyances et d’opinions qui se donnent comme indiscutables et dogmatiques, qui acquièrent la force de l’évidence et qui excluent toute forme de revendication et de contestation.

Traditionnellement, dès lors que l’on est en cours de langue, dans un espace scolaire officiel, on se sent institutionnellement parlant ’’membre d’une communauté nationale’’ tacitement, synonyme en l’occurrence de langue et culture nationales par opposition à la langue étrangère d’enseignement. En cours de langue, la culture est trop facilement synonyme de culture nationale, laquelle est alors, à son tour facilement réduite à des généralités, telles la circonscription territoriale, le consensus social, l’identité national, le système économique…

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Or la frontière culturelle n’est pas exclusivement celle des nations et des cartes de balisage géographique. A l’intérieur d’une même communauté nationale, on est toujours l’étranger de quelqu’un. Lévi Strauss l’a clairement évoqué : ‘’Une même collectivité d’individus, pourvu qu’elle soit objectivement donnée dans le temps et l’espace, relève simultanément de plusieurs systèmes de culture : universel, continental, national, provincial, local, etc., et familial, professionnel, confessionnel, politique, etc.’’ (C. Lévi Strauss, 1958 : 325, cité par V. Pugibet, 2001). Et pourtant, cette notion de culture nationale voire patrimoniale constitue le socle identitaire qui supporte toutes les représentations sociales y compris les tabous, les stéréotypes que l’individu acquiert, malgré lui, dans sa propre communauté ; elle permet d’activer le processus par lequel nous structurons notre environnement, notamment en construisant des catégories sociales comme le vieux slogan ‘’Ils sont nés chez nous, on peut leur faire confiance’’, en usage, dans les années quatre vingt dans notre pays, venant témoigner de la solidarité nationale.

Elle engendre une culture scolaire, une vision du monde et un rapport au temps et à l’espace. La manifestation de la mémoire collective à travers les lieux de mémoire consolide davantage cette notion de culture nationale : Selon P. Nora, ‘’la présence constante de l’histoire conditionne d’une certaine manière nos pratiques culturelles, même inconsciemment. On peut citer les monuments aux morts, les noms de rue, les figures emblématiques, allégories, les chants patriotiques, etc.’’. (P. Nora : 1993). Insistons sur le fait qu’une culture nationale n’est crédible que par rapport à son histoire. Cette dernière constitue sa biographie et lui assure sa pérennité et sa reconnaissance dans le concert des nations. Les fêtes nationales et religieuses des pays sont un témoignage édifiant de leurs cultures nationales. La toponymie ainsi que la patronymie retenues dans les manuels scolaires renvoient à une culture nationale des pays représentés.

Certes, on pourrait d’abord dire que la tradition a fait son choix et a mis à notre disposition un patrimoine culturel unificateur et rassembleur à la fois. Et chaque individu qui vient au monde est inévitablement un héritier de cette tradition qui est partie

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intégrante d’un enracinement dans un territoire, d’une communauté d’origine, d’une religion partagée, d’une langue commune et d’une adhésion à un système de références. Ce patrimoine culturel qui préexiste à tous, sert aux membres d’une communauté à expliquer, à comprendre et à avoir des actions concrètes et cohérentes sur le réel. D’une certaine façon, il oriente les pratiques sociales et les discours idéologiques des sujets et de leurs groupes d’appartenance. Jean-Claude Beacco souligne ‘’qu’une société peut se donner à lire dans des produits qui la transcendent, et qui viennent diversifier la sensibilité humaine et les manières d’être au monde, même si ceux-ci naissent avec des significations précises rapportées à des contextes déterminés ’’ (J.C Beacco, 2000 : 24). En tant que produit collectif, cet héritage ancestral permet de distinguer la communauté à laquelle on appartient des autres communautés, même si celles-ci se situent dans une même sphère culturelle : l’Union Européenne tarde à se concrétiser dans une harmonie culturelle en dépit des efforts politiques déployés pour rapprocher les peuples des pays membres. Le projet économique commun semble trouver un compromis, à l’inverse, l’écueil culturel est, de prime abord, toujours d’actualité. L’union du Monde arabe est logée à la même enseigne.

La conscience interculturelle fait partie des compétences générales que l’apprenant d’une langue étrangère doit acquérir telles qu’elles sont indiquées par ‘’Le Cadre européen commun de références pour les langues.’’ (5.1.1.3). Le Cadre reconnaît donc l’inter culturalité comme un objet d’étude indispensable à la didactique des langues et des cultures. Le savoir, le savoir faire, le savoir être et le savoir apprendre sont des outils conceptuels dans une approche interculturelle.

Les cultures nationales ne sont pas souvent consensuelles ou inter pénétrables. Chacune d’elles résiste farouchement afin de préserver son identité et sa souveraineté ; à l’instar des cultures locales ou sectorielles au sein d’une même culture nationale, refusant de couler dans ‘’le moule culturel national’’ et préférant souvent la confrontation à des fins de reconnaissance comme éléments constitutifs non négligeables de la culture nationale.

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Par conséquent, il est tout à fait clair que l’on ne peut appréhender une culture nationale sans tenir compte de ses composants constitutifs, ces clivages massifs qui renseignent sur la hiérarchie et la nature des subcultures en présence dans une même circonscription territoriale. Les compétitions sportives internationales illustrent parfaitement cette détermination farouche à vouloir s’imposer comme identité nationale, comme nation, comme peuple, comme Etat car ‘’les modes de désignation des communautés nationales sont variables d’une langue à une autre et souvent intraduisibles’’ (Ibrahim, 1982, cité par J.C Beacco, 2000 : 24). Etant un héritage, la culture nationale nécessite une construction personnelle conforme aux normes sociales en usage. Sans l’intériorisation de son cadre de référence, sans l’intime conviction que l’on appartient à cette communauté culturelle déterminée dans le temps et dans l’espace, elle n’est qu’une apparence trompeuse, une sorte de simulacre pour se distinguer puisque l’individu coule dans un autre moule social de la société d’accueil, abandonnant ce qui le caractérise culturellement au profit de l’Autre. Si la culture est, par essence, saine et constructive, une sorte de vertu sociale, si elle a pour mission pédagogique d’empêcher la dissociation de ses éléments constitutifs, de rassembler en même temps qu’elle tient compte de la pluralité et de la diversité, alors il nous semble que travailler avec les élèves à bâtir un havre de paix pour cette culture en tout lieu et en toute circonstance relève de la plus haute importance. Dans le champ didactique des langues, ‘’ce multiculturalisme inhérent à toute culture nationale est peu pris en charge’’ (Porcher, 1986 b, cité par J.C Beacco, 2000 : 24). Manifestement, les manuels scolaires de FLE ne semblent pas faire la part des choses au plan des cultures étrangères retenues comme prétexte à l’E/A. Les critères qui président à leur sélection ne sont pas clairement définis, ou du moins ne laissent pas transparaitre leur identification aisément. De même, la place de la culture nationale ne semble pas obéir à un souci pédagogique permettant d’évaluer son étendue dans les manuels de FLE de la réforme. Le discours des programmes du changement n’est pas traduit fidèlement dans les contenus scolaires.

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