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Le manuel de 3 ème as, édition 2007/2008

Chapitre V : Présentation des manuels scolaires de FLE, traducteurs des finalités au sein du système éducatif

5.6 Le manuel de 3 ème as, édition 2007/2008

‘’Ce manuel, destiné aux élèves de 3èmeas, toutes filières confondues, n’est ni une méthode d’apprentissage, ni le programme. Il ne peut refléter qu’une conception, parmi tant d’autres, de la réalisation du programme en restant le plus proche possible de l’approche préconisée par les documents officiels’’ avertissent, dès le départ, les auteurs de ce nouvel ouvrage.

Cette précision se veut une délimitation de leur responsabilité didactique dans la conception de l’ouvrage.

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En d’autres termes, les utilisateurs sont invités à le considérer en tant que variante d’une conception parmi tant d’autres, sans pour autant la situer dans le contexte de la réforme du système éducatif qui a pourtant fait couler beaucoup d’encre depuis 2003. Et pourtant, toute conception scolaire se réfère à une méthodologie et tout manuel comporte manifestement une méthode d’apprentissage en tant qu’ensemble ordonné, de manière logique, de principes, de règles, d’étapes permettant de parvenir à un résultat’’ (Le petit Larousse, 2010).

Dire explicitement que ce n’est ni une méthode d’apprentissage, ni le programme revient à décourager les usagers à son emploi dans la classe de langue, ou du moins, les inciter à opter pour un autre support pédagogique, en sachant pertinemment que les instructions officielles recommandent l’utilisation de ‘’l’approche par compétences’’ venant suppléer à la démarche communicative sur le plan méthodologique.

Pour notre part, nous présumons que la conception de ce manuel devrait s’inscrire dans cette nouvelle option. Par ailleurs, les auteurs de l’ouvrage ne font allusion à aucune piste méthodologique susceptible de servir de repère à l’enseignant. C’estle deuxième manuel que vient de connaître la réforme, faut-il le rappeler, en un temps relativement court, puisque le premier ouvrage n’aura duré, au bout du compte, que trois années scolaires, entre 2004/2005 et 2006/2007.

Ce nouveau manuel, édition 2007/2008, l’œuvre d’une nouvelle équipe constituée essentiellement de trois inspecteurs, propose des potentialités linguistiques et culturelles en rapport avec les objets d’étude inscrits au programme pour toutes les filières de l’enseignement secondaire, laissant cependant, une marge de manœuvre à l’enseignant en précisant clairement que ‘’des exercices, en rapport avec les points de langue jugés les plus importants sont proposés en fin de dossier. Le professeur les enrichira, dans un cadre de ré médiation ou de perfectionnement, par tout ce qu’il jugera utile pour la mise à niveau des élèves de sa classe’’. (Manuel, p. 5). Cette latitude accordée à l’enseignant ne semble concerner que le compartiment morphosyntaxique. Ce qui implique que

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pour les autres rubriques, le professeur est censé se conformer aux supports pédagogiques sans marquer de son empreinte personnelle le fond et la forme du support à l’E/A. En comparaison avec le manuel antérieur, le sommaire de ce nouvel ouvrage reconduit le même nombre de projets pédagogiques avec un ordre différent dans l’intention communicative.

En effet, ce nouveau manuel entame l’apprentissage par le discours ex positif, le faisant suivre de l’argumentation, de l’exhortation et clôture par le discours littéraire. C’est la répartition classique qui refait surface en valorisant la démarche ex positive et en reléguant la littérature à la fin de l’année. Cette alternance des projets justifie implicitement la priorité accordée à la langue en tant que langue de spécialité favorisant l’accès à un savoir plutôt scientifique et technique qu’à une langue en tant que point de passage nécessaire pour la connaissance des autres. Ce tableau reproduit tel quel du manuel montre les attentes pédagogiques ciblées par les auteurs de ce manuel, traduites dans un contenu décrivant, beaucoup plus la langue, dans son principe de fonctionnement, en la tronquant de sa dimension culturelle à laquelle les auteurs paraissent relativement discrets. Soulignons, pour notre part, que la présentation de cet ouvrage à la page 5 ne semble pas mettre l’accent sur une réforme qui se veut porteuse d’une nouvelle vision du monde. Projet I : Dans le cadre de la commémoration d’une journée historique, réaliser une recherche documentaire puis faire la synthèse de l’information à mettre à la disposition des élèves dans la bibliothèque de l’établissement

Intentions communicatives

Objets d’étude Séquences Exposer des faits et

manifester son esprit critique

Textes et documents d’Histoire

1. Informer d’un fait d’Histoire 2. Introduire un témoignage dans un fait d’Histoire

3. Analyser et commenter un fait d’Histoire

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Projet II : Organiser un débat d’idées puis en faire un compte-rendu Intentions

communicatives

Objets d’étude Séquences Dialoguer pour

confronter des points de vue

Débat d’idées 1. S’inscrire dans un débat : convaincre ou persuader

2. Prendre position dans un débat : concéder et réfuter

Projet III : Dans le cadre d’une journée ‘’Portes Ouvertes’’, exposer des panneaux sur lesquels seront reportés des appels afin de mobiliser les apprenants autour de causes humanitaires

Intentions

communicatives Objets d’étude Séquences Argumenter pour

faire réagir

L’appel 1. Comprendre l’enjeu de l’appel et structurer ce dernier

2. Inciter son interlocuteur à agir

Projet IV : Rédiger une nouvelle fantastique Intentions

communicatives Objets d’étude Séquences Rédiger une nouvelle pour exprimer son imaginaire et provoquer trouble et questionnement chez le lecteur. La nouvelle fantastique

1. Introduire le fantastique dans un cadre réaliste

2. Exprimer son imagination dans une nouvelle fantastique

3. Comprendre l’enjeu de la nouvelle fantastique

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Comme nous pouvons le remarquer, à première vue, le manuel, en usage depuis la rentrée scolaire 2007/2008, se démarque, d’une façon remarquable, de l’ouvrage antérieur, en optant pour des objets d’étude et des séquences d’E/A s’inscrivant dans des objectifs communicatifs et culturels conformément au programme de la réforme.

Sa page de garde présente des signes d’ouverture sur le monde qui nous entoure illustrés dans ‘’Amnesty international’’, Solidarité’’, le trophée de la coupe du monde de football’’ Quelque part, le portrait de Jugurtha et celui de ‘’Lalla Fatima N’ Soumer. Le discours ex positif qui nous a toujours habitués à nous référer à des textes scientifique et technique vidés de toutes connotations culturelles et idéologiques, comporte, aujourd’hui, des textes d’Histoire. Ce sont des textes ayant trait à la colonisation française, l’islam et les conquêtes, la société européenne d’Algérie, Delphine pour mémoire, Histoire du 8 mai 1945, le 1er novembre 1954, femmes algériennes dans les camps, l’évasion, une guerre sans merci, le bras de fer avec l’ordre impérial, les Algériennes et la guerre.

C’est pour la première fois qu’une telle thématique vient servir de support à des textes informatifs, explicatifs, à caractère scientifique et technique. La notion d’exposer semble déviée de son champ définitoire dans la mesure où ces textes de support sont susceptibles d’être classés comme des textes narratifs que dans une typologie ex positive.

Par cette thématique, les auteurs de ce manuel manifestent, indubitablement, le désir de réhabiliter une mémoire collective censée provoquer chez l’apprenant un sentiment de patriotisme et d’identité nationale. Par ces extraits, les auteurs de l’ouvrage rendent implicitement hommage à un peuple qui mérite tout le respect dans une période déplorable de l’Histoire. Ce support se veut un message de Mémoire adressé à cette nouvelle génération par le canal de l’école.

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Dans ce contexte, les propos de P. Nora selon lesquels ‘’la présence constante de l’histoire conditionne d’une certaine manière nos pratiques culturelles’’ (P. Nora, 1993) trouvent tout leur sens. Toutefois la culture nationale, confinée dans un passé colonial, semble prendre le pas sur les cultures étrangères présentes dans ce manuel, du moins pour l’entame de l’E/A. Ce qui incite à dire, que les auteurs de ce manuel veulent projeter le regard des apprenants dans un passé colonial gênant et par conséquent, baliser leur champ de vision.

Ce regard rétrospectif revisitant une époque lointaine semble s’inscrire dans

Nous constatons, cependant que les représentations interculturelles demeurent ’des options fondamentales qui prennent en compte les priorités individuelles et sociales et les valeurs’’ que L. D’Hainaut met en exergue dans la conception didactique des ouvrages scolaires (L. D’Hainaut, 1983 : 114).continuellement en retrait et ne sont pas suffisamment prises en charge dans ce manuel pour une ouverture de l’apprenant sur le monde qui l’entoure. Les auteurs de l’ouvrage ne semblent pas s’inscrire dans une optique culturelle/interculturelle permettant à l’apprenant d’avoir accès au sens implicite que le support linguistique ne peut le traduire à lui seul. Le manuel ne fait aucune allusion à ce type de représentations extralinguistiques laissant les utilisateurs se focaliser exclusivement sur le principe de fonctionnement de la langue.