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Le manuel de 1 ère as, édition 1998/1999

Chapitre V : Présentation des manuels scolaires de FLE, traducteurs des finalités au sein du système éducatif

5.7 Analyse des potentialités culturelles offertes par les manuels

5.7.2 Les domaines d’expérience retenus pour l’E/A dans les manuels

5.7.2.1 Le manuel de 1 ère as, édition 1998/1999

Comme nous l’avons précisé précédemment, ce manuel a la particularité exclusive d’offrir un seul discours d’appui à l’E/A illustré dans la narration évacuant, en même temps de son champ les autres discours habituellement présents dans la conception scolaire. En optant pour une seule typologie textuelle, en l’occurrence le texte narratif dans toutes ses variantes littéraires l’extrait de l’œuvre, le conte, la fable, la bande dessinée et la nouvelle, les domaines du savoir retenus ne peuvent que se rapporter à ce type de texte qui nous éloigne pour la première fois des textes ex positifs traditionnellement abondants dans les manuels antérieurs.

De prime abord, une plongée superficielle dans cet ouvrage permet d’identifier beaucoup plus une configuration valorisant un objet d’étude traduit dans la structure narrative et tous ses éléments d’ensemble plutôt que les connaissances d’appui à l’E/A. Les domaines d’expérience choisis ne semblent pas émerger dans ce manuel comme on a l’l’habitude de le constater dans les ouvrages scolaires. L’ensemble des textes de support à l’E/A constituent des fragments épars retenus par rapport à leur

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aspect discursif et ne favorisent pas l’émergence d’un domaine d’un savoir à partir duquel une valeur à défendre est facilement identifiable.

La rubrique ‘’lire et comprendre’’, correspondant à celle de ‘’compréhension de l’écrit’’ dans les manuels de la réforme, ne semble pas obéir à un critère pédagogique venant informer sur la sélection des domaines d’expérience appréhendés, de leur progression et de leur présentation à l’apprenant. Les auteurs de l’ouvrage ne semblent pas se conformer à une sorte de banque de données sur ce plan, afin de balayer un certain nombre de domaines qui font partie des préoccupations de l’adolescente et de l’adolescent de l’an 2000. Ce tableau que nous dégageons du manuel présente l’objet d’apprentissage et les domaines du savoir auxquels ils paraissent se référer.

L’objet de l’E/A Le texte de support Le domaine du savoir retenu Chapitre I L’organisation textuelle du récit Le naufrage du Normandy Le bonheur L’énigme (B.D) L’éléphant du sultan Le berger La navigation terrestre Le monde rural L’institution policière Le régime monarchique La morale Chapitre II Le narrateur ou la voix qui raconte

Printemps et autres saisons Pensions Vanilos La cervelle d’or Histoire de ma vie L’univers de l’enfant L’institution policière La fiction Le monde de l’enfance Chapitre III La structure du récit Le retour du père Le grand-père et le petit-fils Le plat brisé El Diabolo (B.D) L’émigration La morale L’univers de l’enfant Le comique

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Le personnage dans le récit

La belle aux cheveux d’or Le prince à la massue Le message du ciel La fiction La fiction La fiction Chapitre V Le portrait Giton Souvenir d’enfance Un peintre Mon amie Le monde social L’univers de l’enfant L’art

Les rapports informels Chapitre VI La description Rouen Promenade matinale Autoroute La ville Le monde rural Le monde rural

Comme nous pouvons le noter aisément, à la lumière de ce tableau, les domaines d’expérience retenus ne semblent pas faire l’objet d’un canevas préalablement élaboré et répondant à des finalités éducatives et des valeurs à défendre clairement définies. Les domaines du savoir paraissent intimement liés au discours choisi, en l’occurrence le discours narratif avec toutes ses variantes littéraires.

En fait, les domaines appréhendés ne semblent pas faciliter l’accès à une sorte de ‘’ligne éditoriale’’ de cet ouvrage. Ils paraissent liés aux fragments textuels épars choisis et ne répondent pas à la fonction référentielle du langage. Les domaines retenus semblent accompagner les textes de support à l’E/A dans leur sélection, dans leur progression et dans leur présentation. Ce qui implique que si les textes choisis sont arbitraires et disparates et progressent anarchiquement dans l’E/A, les domaines des connaissances accompagnant ces textes le sont également.

C’est pourquoi, nous ne retrouvons pas des domaines d’expérience contraignants, motivants et d’actualité qui s’inscrivent dans les préoccupations de l’adolescente et de l’adolescent de l’an 2000, en sachant pertinemment que ce manuel est conçu pour être en usage au moins pendant quelques années scolaires. En s’inscrivant dans une optique prospective, les auteurs de manuels se doivent de faire un choix

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judicieux des domaines de connaissances qui résistent au temps et ne tombent pas rapidement en désuétude ou seront vite dépassés et ne seront plus de mise.

Les domaines choisis ont du mal à traduire des finalités éducatives ou des valeurs chez l’apprenant eu égard à leur difficulté d’accès à leur identification en tant que support impliquant une fonction référentielle dans le processus de lecture. Ils ne semblent pas problématisés à ces fins. Le domaine de la navigation terrestre, introduit par un texte ‘’le naufrage du Normandy’’ (Manuel, p.3), compte une seule fréquence tout au long du manuel. Le monde rural est logé à la même enseigne. Le domaine des institutions, notamment celle de la police, compte deux fréquences. Les auteurs de ce manuel passent sous silence les institutions internationales en dépit de leur médiatisation dans tous les canaux de la presse parlée et écrite. Le domaine du pouvoir monarchique est présent avec un seul texte, initiant l’apprenant aux principes de fonctionnement des monarchies. La morale est un domaine qui permet d’identifier, sans efforts de lecture entre les lignes, des valeurs à défendre dans le corps social. C’est un domaine qui intéresse les parents, les enseignants, les élèves et l’ensemble de la société.

Les deux leçons de morale retenues sont illustrées dans deux variantes littéraires ; l’une dans une fable, dénonçant le mensonge (Le berger, p.8), la seconde dans un conte, dénonçant la maltraitance des vieux parents par leur propre progéniture (Le vieux grand-père et le petit-fils, p.68). Par ce choix qui n’est pas du tout aléatoire, les auteurs du manuel semblent se souscrire à un projet de société où le mensonge et le non-respect des parents n’ont pas droit de cité dans une société comme la nôtre. Les valeurs ciblées semblent transparaitre dans ces deux supports, comme si les auteurs de l’ouvrage partent d’un constat et tentent de prévenir ces deux fléaux. Tout porte à penser, par conséquent, que les supports choisis s’inscrivent dans la prévention des maux sociaux. Cependant, ces leçons de morale auront certainement beaucoup plus d’impact psychologique et de réaction positive si l’âge de

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l’apprenant est vraiment pris en considération. Pour notre part, nous disons que ces deux leçons de morale n’intéressent plus des adolescents, à cet âge ! Encore une fois, ne faut-il pas indiquer un âge propice pour telle ou telle fable ou pour tel ou tel conte, pour éviter de reconduire les mêmes supports pour des publics scolaires extrêmement différents au plan psychologique. Ceci est indubitablement du ressort des banques de données scolaires qui doivent être préalablement disponibles et utilisables pour la conception scolaire.

Le domaine de l’enfance compte quatre fréquences balayant un espace considérable du manuel incitant à déduire que le monde de l’enfant est une valeur que défend implicitement l’ouvrage. D’un point de vue quantitatif, C’est un domaine qui contraint l’apprenant à mieux le considérer relativement aux autres domaines appréhendés. C’est aussi une manière de valoriser un domaine au détriment d’un autre. Cependant, c’est un regard d’adulte qui se pose sur l’enfant, en l’occurrence, celui des auteurs de ce manuel. Ce n’est pas le regard de l’adolescent qui est sollicité pour valoriser davantage cet univers enfantin. C’est pourquoi, cet univers décrit par un adulte n’est pas contraignant pour un adolescent qui a cessé d’être un enfant, et qui a d’autres centres d’intérêt à cet âge !

Le domaine de la fiction jouit du même nombre de fréquences que celui de l’enfance. La fiction est une sorte de fenêtre récréative qui permet à l’apprenant de se détacher d’une certaine rigueur et de se divertir dans un support ludique et comique à la fois. Illustré dans trois contes ‘’La belle aux cheveux d’or, Le prince à la massue, Le message du ciel’’ (Manuel p.83, 84, 85), le domaine la fiction occupe une place importante d’un point de vue quantitatif. Cependant, les supports choisis conçus initialement aux enfants de l’enseignement primaire dont l’auteur est un spécialiste de contes pour enfants, en l’occurrence, Charles Perrault, ne sont pas pertinents pédagogiquement pour un public scolaire de cet âge. En effet, le choix d’un conte de fiction doit obéir manifestement à un certain nombre de critères pédagogiques qui justifient clairement sa présence comme support à l’E/A dans un manuel de

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l’enseignement secondaire. Dans ce cas de figure, le domaine choisi ne semble pas correspondre à des préoccupations intéressant les adolescents de l’an 2000. Ce qui nous encourage à dire que le discours narratif semble prendre le pas sur la pédagogie.

Le domaine de l’émigration est introduit par un extrait de M. Feraoun, tiré de son œuvre ‘’Le fils du pauvre’’ qui vient rappeler le flux migratoire des Algériens vers l’Hexagone pendant la colonisation. Le domaine retenu ne semble pas s’étendre à d’autres sphères de la vie sociale ; il reste, toutefois, confiné dans un espace extrêmement réduit, celui de l’univers familial. Il comporte une seule fréquence dans tout le manuel incitant à dire qu’il s’agit d’un simple rappel de circulation d’Algériens vers la France plutôt que la problématique de la misère socioéconomique de l’époque !

Le domaine du comique présenté dans une bande dessinée racontant une histoire en images qui fait rire semble intéresser beaucoup plus des enfants que des adolescents Le domaine retenu est une sorte de pause récréative pour détendre l’atmosphère de la classe. Cependant, le domaine choisi ne parait pas répondre à un souci pédagogique mais plutôt à un domaine lié à une variante du discours littéraire. En effet, ‘’faire rire’’ tient compte de beaucoup de paramètres, notamment l’âge du public, son sexe, ses centres d’intérêt, ses préoccupations, sa culture prime, ses représentations sociales et sa vision du monde. Les auteurs de ce manuel ont-ils tenu compte de tous ces éléments dans la sélection de ce domaine ?

Le domaine de l’art est présent grâce à un texte de support parlant d’un peintre (Manuel, p.97). Le domaine choisi semble offrir quelques brèches timides favorisant l’ouverture de l’apprenant sur le monde qui l’entoure sans pour autant s’étendre à d’autres activités artistiques telles le théâtre, le cinéma, la télévision, le chant…etc. Le domaine du monde rural est présent implicitement tout au long du manuel. Les textes choisis semblent mettre en relief un décor rural qui sert d’arrière plan à tous

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les supports retenus pour la rubrique ‘’lire et comprendre’’. Ce qui nous encourage à dire que le monde rural compte parmi les valeurs à défendre dans ce manuel, s’opposant implicitement à un exode rural que connait notre pays depuis longtemps. De prime abord, les domaines d’expérience appréhendés ne semblent pas tenir compte du contexte qui prévaut sur le plan international où les technologies informatiques de communication envahissent tous les espaces du quotidien. Les auteurs de ce manuel, édition 1998/1999 ne semblent pas s’inscrire dans une optique prospective leur permettant d’anticiper sur l’avenir et sur les futurs besoins de l’apprenant de l’an 2000.