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Evolution de la réflexion didactique pour une prise en charge du fait culturel :

Chapitre III : La dimension culturelle dans l’espace scolaire

4.1 Evolution de la réflexion didactique pour une prise en charge du fait culturel :

L’enseignement des langues pose de manière cruciale et directe celui de l’enseignement de la culture. Les travaux du BELC et notamment ceux de G. Zarate tentent d’élargir cet enseignement à la lumière ‘’des connotations culturelles‘’ (Les connotations culturelles en FLE, thèse 3ème cycle, 1982). Commencer par dire qu’aucun outil d’enseignement n’est entièrement adapté au contenu préconisé d’un enseignement de la culture traduit l’impuissance relative de la réflexion didactique à proposer une prise en charge efficace du fait culturel sur la base du ‘’quoi enseigner’’. Force est de constater que la réflexion didactique ne sait pas s’il vaut mieux envisager la réalisation d’un manuel spécial d’enseignement de la culture ou concevoir un seul manuel valable, à la fois, pour l’enseignement de la langue et pour celui de la culture. Il faut reconnaitre que dans les pays pour lesquels le français est une langue étrangère, la langue est souvent enseignée, tronquée de sa dimension culturelle. Souvent, le problème est fondamentalement culturel et ne réside pas dans la manière d’articuler la langue et sa culture.

Quels rapports y a-t-il entre les objectifs linguistiques et les objectifs culturels ?

Qu’est-ce qu’on veut atteindre quand on enseigne la culture ? Il convient de réfléchir clairement aux objectifs d’un tel enseignement. Dans les années 70, on pensait que les deux objectifs étaient associés et ne nécessitaient pas de spécificité propre à chacun. Le discours didactique de l’époque et les illustrations des méthodes élaborées s’avéraient ainsi, parfois inopérants. C’était alors le règne incontesté des méthodes SGAV désignant une série d’options méthodologiques, résultats des travaux de P. Gubérina et P. Rivenc, concepteurs de la première méthode audio-visuelle appliquée à l’enseignement du français langue étrangère (Voix et images de France CREDIF - Didier, 1972)

La méthode audio-visuelle ‘’De Vive Voix’’ (CREDIF, 1975) a connu un grand succès à l’étranger, dans les pays francophones où le statut du français varie d’un Etat à un autre. Cependant, l’éloignement des situations authentiques et des dialogues de l’E/A fait du contenu culturel, une simple formalité de distraction. Si les objectifs linguistiques ont été

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relativement atteints, en favorisant un réflexe linguistique, la dimension culturelle demeurait en suspens, notamment dans notre pays avec l’avènement de l’école fondamentale où l’on assiste à un débordement d’un lexique scientifique et technique. La méthode ‘’Orange’’ (Hachette, 1978) post Niveau-Seuil, conçue pour des adolescents pour lesquels le français est une langue étrangère, en plus de l’objectif linguistique, avait pour objectif culturel d’initier l’apprenant étranger, notamment de l’espace européen, aux réalités et aux faits culturels typiquement français. L’enseignement du FLE connait pratiquement les mêmes carences que dans les méthodes précédentes. L’auditoire francophone, dans les écoles françaises à l’étranger, manifeste peu d’engouement pour la culture française accompagnant la langue. Les supports d’appui à l’E/A manquaient d’authenticité communicative et de vraisemblance.

La méthode ‘’Cartes sur table’’ (Hachette, FLE, 1981) proposait des exercices ludiques permettant aux apprenants de découvrir leur propre culture et impliquant, en plus des apprenants, leur entourage familial. En effet, les parents de l’apprenant sont sollicités pour l’aider à lire les connotations culturelles françaises. Les thèmes de support à l’E/A sont riches et variés : la vie quotidienne en général, les horaires d’ouverture et de fermeture des institutions publiques et privées, les vacances, le repos, les dates des fêtes nationales…Ces mêmes thèmes sont abordés dans la culture de l’apprenant où l’on travaillera sur les raisons de ces différences interculturelles. Cependant, les résultats restaient mitigés sur le plan culturel dans les pays étrangers. La culture française ne réussit toujours pas à éclore de la coquille linguistique.

La méthode ‘’Libre-échange (Hatier, 1991) traite essentiellement du comportement non verbal dans les échanges inter communicatifs où les éléments non verbaux et para verbaux sont mis en relief à des fins d’interprétation correcte des comportements français : l’analyse culturelle, s’appuyant sur les normes comportementales, visera, donc à éviter les malentendus.

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La méthode ‘’Espaces de G. Capelle (Hachette, FLE, 1991), contenant des exercices pour l’acquisition de la compétence culturelle sur le comportement non verbal des Français, se base essentiellement sur les stratégies de conversation dans le schéma classique de la communication. Elle est accompagnée d’un index culturel. Soulignons, tout de même, que c’est pour la première fois, que des auteurs de méthodes insèrent un index culturel contenant l’explication de sigles, de noms propres ainsi que de faits de société.

Ce panorama de méthodes conçues à des fins de prise en charge de la dimension culturelle dans l’E/A du FLE n’a pas répondu aux attentes pédagogiques dans les pays francophones où la prégnance de la colonisation conduit encore à organiser le discours interculturel et plus encore la pédagogie interculturelle sur un rapport duel marqué encore

par la relation dominant/dominé, même dans une optique de contestation de cette relation. F.Ouellet déclare qu’à l’heure actuelle, ‘’les débats sur l’opportunité d‘introduire une perspective

interculturelle en éducation laissent entrevoir une très grande diversité d’options idéologiques sous-jacentes aux positions de ceux qui se prononcent pour ou contre des mesures spécifiques prises par l’Etat pour tenir compte de la diversité culturelle en éducation. Cette diversité d’options dit F.Ouellet,

peut se ramener à quatre orientations :

1) l’option mono culturelle : l’Etat a la responsabilité de socialiser tous les citoyens à la culture nationale dans laquelle les membres de tous les groupes ethniques doivent se fondre en abandonnant leur spécificité ethnique.

2) l’option multiculturelle : l’Etat a la responsabilité d’aider tous les groupes ethniques à préserver leur

héritage culturel. 3) l’option interculturelle : l’Etat doit prendre des mesures pour favoriser les rapports harmonieux entre

les divers groupes ethniques en multipliant les occasions d’échanges et de collaboration entre les membres de ces groupes.

4) l’option transculturelle : l’Etat doit encourager les membres de divers groupes ethniques à dépasser les frontières de leurs groupes et à faire face avec créativité et dynamisme aux défis nouveaux posés par l’accélération du changement dans une économie en voie de mondialisation’’. (F.Ouellet, 1991 : 251-254). Le système éducatif français semble combiner deux options dans cette diversité optionnelle. En effet, la politique linguistique française a toujours encouragé la démarche interculturelle, compte tenu de la diversité qui compose la société française. L’option

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transculturelle, même si elle n’est pas formellement exprimée dans le discours des institutions éducatives, elle s’impose d’elle-même par la conjoncture actuelle. Le modèle anglo-saxon du Royaume Uni et certains pays du Commonwealth se reconnait dans l’option multiculturelle qui consiste à aider tous les groupes ethniques vivant sur le territoire du Royaume à préserver leur culture d’origine.

Mais on a tendance à observer une adhésion au modèle transculturel que la mondialisation semble imposer à tous les pays. Nos manuels scolaires semblent, de prime abord, se conformer à l’option mono culturelle, selon laquelle les finalités éducatives s’inscrivent dans la consolidation des valeurs de notre culture nationale.

4.1.1 La dimension culturelle comme savoir :

Les savoirs sont définis comme un ‘’système de références culturelles qui structure le savoir implicite et explicite acquis pendant l’apprentissage linguistique et culturel et qui intègre les besoins particuliers de l’apprenant dans les situations d’interaction avec les natifs de la langue étrangère’’ (Byram & Zarate, 1997 : 18). Le savoir acquis pendant l’apprentissage linguistique et culturel ne doit pas être constitué de connaissances exposées comme des vérités figées et valables pour toute l’humanité, alors qu’elles ne sont que des étapes d’une conception tributaire d’un temps et d’un espace. Toute connaissance humaine repose sur une connaissance partagée du monde. Toute situation de communication est une situation où l’intention et les représentations des émetteurs et des récepteurs conditionnent la diffusion et l’interprétation du savoir. A ce sujet, Chamoux souligne que ‘’toute pédagogie même informelle, est socialement et culturellement construite et qu’elle n’est pas une simple émanation de comportements naturels’’ (Chamoux, 1986 : 211). Ce qui implique que les sources d’informations ainsi que les domaines auxquels elles réfèrent en milieu scolaire, circonscrivent implicitement le champ d’expression des apprenants à tous les niveaux de l’apprentissage. La dimension culturelle comme savoir signifie, par conséquent, l’ensemble du savoir retenu par les auteurs des manuels à des fins d’initiation, de confrontation, ou de

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consolidation des acquisitions antérieures. La stratégie interculturelle exige cette confrontation permanente des points de vue. Tout acte cognitif est entaché d’affectivité qu’il ne convient ni de nier, ni de blâmer, mais de tenter de maîtriser. ‘’Toute connaissance passe par un certain nombre de filtres, y compris le filtre culturel. Les connaissances empiriques relatives à la vie quotidienne, aux domaines public ou personnel sont fondamentales pour la gestion d’activités langagières en langue étrangère. La connaissance des valeurs et des croyances partagées de certains groupes sociaux dans d’autres régions ou d’autres pays telles que les croyances religieuses, les tabous, une histoire commune, etc. sont également essentielles à la communication interculturelle’’ (Le Cadre européen de référence pour les langues, 2.1.1). La dimension culturelle comme savoir prépare l’apprenant à une communication interculturelle, d’abord à partir de l’espace scolaire et plus tard dans les relations interpersonnelles voire internationales. C’est pourquoi, le balisage préalable des savoirs à transmettre dans les manuels scolaires conditionne implicitement la formation intellectuelle des apprenants et vraisemblablement conforte les attentes pédagogiques souhaitées, conformément aux finalités éducatives.

4.1.2 La dimension culturelle comme savoir faire :

Les savoir faire sont définis comme ‘’la capacité à intégrer savoir être, savoir apprendre et savoirs dans des situations spécifiques où des contacts biculturels s’établissent’’ (Byram & Zarate, 1997 : 20-21).

Le savoir n’a pas de sens, s’il ne s’accompagne pas d’un savoir faire. Le savoir faire ne peut se concevoir sans être lié à un savoir, une connaissance, une culture générale. Dans les démarches cognitives, la mise en œuvre des comportements est plus importante que la mémorisation des matières apprises. Tous les aspects de la connaissance se combinent et se retrouvent dans le langage courant : ‘’L’intérêt est donc de repérer comment la culture ou, plus exactement, des traits culturels sont utilisés et manipulés dans la communication, dans les interactions, dans la ‘’mise en scène de la vie quotidienne’’ (E. Goffman, 1956). Quand on parle de quelqu’un qui possède un grand savoir, en disant qu’il connaît beaucoup de choses, on fait surtout allusion à son savoir, à sa culture générale. Quand on félicite un artisan qui connaît bien son métier, en plus de son savoir, on fait état de son savoir faire.

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Une personne qui connaît est à la fois habile, qualifiée et capable. Connaître, c’est à la fois assimiler des savoirs, former son esprit, développer son intelligence et apprendre un métier ! Un apprenant qui connait la langue étrangère est un apprenant qui est à la fois, compétent, qualifié et capable de faire une lecture correcte des connotations culturelles de n’importe quel type de document de support ou de s’impliquer dans des échanges interculturels. Selon le Cadre européen commun de référence pour les langues (5.1.2.2.), le savoir faire comprend :- la capacité d’établir une relation entre la culture d’origine et la culture étrangère : traits distinctifs entre la culture d’origine et la culture cible

- la sensibilisation à la notion de culture et la capacité de reconnaître et d’utiliser des stratégies variées pour établir le contact avec des gens d’une autre culture

- la capacité à jouer le rôle d’intermédiaire culturel entre sa propre culture et la culture étrangère et de gérer efficacement des situations de malentendus et de conflits culturels

-la capacité à aller au-delà de relations superficielles stéréotypées. Dans cette perspective, le savoir faire culturel s’opposera aux mentalités qui continuent à véhiculer des messages ambigus en laissant supposer que connaître, c’est surtout mémoriser des savoirs purs alors qu’il s’agit prioritairement de développer un maximum de types de comportements. ‘’Les cultures sont le résultat d’une activité sociale’’ (M.A. Pretceille L. Porcher, 1996).

L’objectif est, par conséquent, de créer un savoir faire authentique et évaluable, susceptible de maîtriser efficacement des situations de communication authentiques et d’accomplir des actes authentiques élémentaires de la vie quotidienne. L’apparition de ce nouvel objectif s’est fait sous la pression de la modification du contexte international, synonyme de mondialisation, présent dans tous les espaces du quotidien où la langue française semble omniprésente. Enfin, il faudrait que l’élève apprenne à ‘’repérer et à identifier les mécanismes allusifs du discours’’ (G. Zarate, 1986 : 119) en considérant la langue étrangère et la culture qu'elle véhicule. La jonction de ces deux entités permet de repérer ce mécanisme allusif.

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4.1.3 La dimension culturelle comme savoir être :

Le savoir être est ‘’la capacité affective à abandonner des attitudes et des perceptions ethnocentriques vis-à-vis de l’altérité et l’aptitude cognitive à établir et à maintenir une relation entre sa propre culture et une culture étrangère’’ (Byram & Zarate, 1997 : 14). Le savoir être est l’ensemble des attitudes et des comportements adoptées dans telle ou telle situation par lesquels un individu manifeste d’appréhender sa propre personne, les autres, dans sa manière de réagir et d’agir. C’est notamment la manière de se conduire face au changement, d’aborder une situation nouvelle venant s’inscrire dans une nouvelle pratique sociale. Le savoir être prend forme surtout dans un comportement en situation qui s’installe dans l’habituel. Il s’observe au niveau des comportements habituels, mais il recouvre également le champ conceptuel : représentations, opinions, perceptions, croyances, ainsi que les sources de motivation qui influencent les comportements. Inversement, lorsqu’on veut changer les représentations et les motivations, il est souvent plus facile de commencer par changer les comportements habituels en usant de moyens adéquats tels la publicité par exemple. Le contact direct ou indirect avec une société, autre que la sienne, par le truchement de la langue, peut aussi être l’occasion d’une relativisation de ses propres pratiques sociales, de ses convictions et de ses croyances. Cette décentration, comme contrecoup de la découverte d’autres manières d’être au monde, est une constante des cultures européennes caractérisées par des modèles culturels divers : ‘’L’apprenant doit être invité à construire et maintenir un système d’attitudes dans son rapport avec d’autres individus. Travailler sur le savoir être des apprenants amène l’enseignant à considérer les éléments qui constituent l’identité des apprenants et leurs attitudes qui affectent leur capacité d’apprendre’’ (Le Cadre européen de référence pour les langues, 5.1.3). L’apprenant algérien qui ne côtoie pas les Européens et les Français en particulier, vit un contact à distance par l’entremise des langues étrangères présentes dans l’espace scolaire, et notamment la langue française dont la présence est dans tous les espaces du quotidien. Dans cette optique, travailler sur le savoir être de l’apprenant algérien consiste à développer chez lui le réflexe interculturel qui lui permet de prendre conscience de sa propre identité, de construire des représentations objectives et de

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remettre en question les idées reçues à l’égard des étrangers d’une manière générale. C’est pourquoi, la réforme du système éducatif interpelle explicitement enseignant/enseigné à s’adapter à cette nouvelle donne de l’éducation interculturelle.

4.1.4 La dimension culturelle comme savoir apprendre :

Le savoir apprendre mobilise tout à la fois un savoir, un savoir faire et un savoir être.

‘’Savoir apprendre’’ peut être paraphrasé par ‘’savoir être disposé à découvrir l’autre’’, que cet autre soit une langue, une autre culture, d’autres personnes ou des connaissances nouvelles (LE Cadre européen de référence pour les langues 2.1.1). Il importe de dire que ces différentes formes de savoirs sont interdépendantes et hiérarchiques. Si construire un paragraphe est un exercice qui peut être apprécié comme à dominante du savoir faire cognitif, il nécessite un savoir redire, une sorte d’initiation à la technique du paragraphe et, simultanément des connaissances sur le sujet dont il est question.

C’est aussi une activité qui exige un savoir faire gestuel : l’acte psychomoteur d’écrire, et elle implique ou révèle un certain savoir être. Selon Byram & Zarate, il s’agirait d’une

‘’aptitude à élaborer et à mettre en œuvre un système interprétatif qui met à jour des significations, des croyances et des pratiques culturelles jusqu’alors inconnues’’ (Byram & Zarate, 1997 : 16). Apprendre le savoir apprendre, c’est donc aussi apprendre à intégrer, à donner une signification aux acquis à transférer dans des contextes extrascolaires. Le savoir apprendre intègre toutes les dimensions précédentes.

Selon De Ketele,’’ il existe un niveau supérieur de domaine d’activités : les savoir devenir’’. Ce sont les activités qui font appel à la capacité du sujet à se mettre en projet, et dans toute sa conception. ‘’Le savoir devenir est particulièrement important en période de crise et lors des expériences transitoires que sont les passages d’un contexte de vie à un autre’’ (De Ketele, 1986 : 179-208). Apprendre le savoir devenir, c’est donc apprendre à se mettre continuellement en projet. Un apprenant qui ne se souscrit pas à un devenir est un apprenant qui refuse de se projeter dans le temps, et par conséquent, ne se nourrit d’aucune ambition.

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Se mettre en projet est une démarche relativement complexe, nécessitant de passer par plusieurs étapes, à commencer par savoir anticiper un état futur, savoir intégrer les éléments nouveaux et des contraintes de l’environnement, savoir les adapter en fonction de l’état visé et agir en conséquence. C’est instaurer une dynamique qui fait trop souvent défaut dans l’institution scolaire. Les manuels scolaires restent longtemps en usage et tombent en désuétude, car ne répondant plus à cette dynamique de ce savoir devenir de l’apprenant.

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Deuxième partie