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Notion de culture/civilisation en contexte scolaire

Chapitre III : La dimension culturelle dans l’espace scolaire

3.1 Quelques perspectives sur la notion de culture en milieu scolaire

3.1.1 Notion de culture/civilisation en contexte scolaire

Apprendre une langue étrangère, cela signifie entrer en contact avec une nouvelle culture.

‘’Le cours de langue est donc une opportunité idéale pour l’apprenant de se construire une ‘’compétence interculturelle’’ (M. Abdallah Pretceille, 1996), compétence qui demande une implication personnelle et qui dépasse le cadre strict d’un enseignement de type fonctionnel en partant du principe que tout fait culturel est relatif au contexte dans lequel il émerge et ne peut plus, avec la même intensité qu’autrefois, apparaître comme trait caractéristique propre à un groupe d’individus donné. Par analogie avec la linguistique de l’énonciation où les faits linguistiques sont pris en charge dans les conditions et les circonstances de leur production, dès lors, plus que d’enseigner des contenus culturels, ‘’il s’agit de proposer à l’apprenant de découvrir la culture en situation et, surtout, de lui permettre de se préparer à rencontrer et à communiquer avec l’autre’’. (M. A. Pretceille et L. Porcher, 1996). Nous sommes parfaitement conscient du fait que la perspective culturelle dans la didactique des langues est encore marginale, et si elle intéresse, elle demeure néanmoins sans véritable légitimité malgré la contribution de nombreux didacticiens de haut rang pour sa réhabilitation dans l’espace scolaire, et c’est dans cette voie que nous nous situons aussi. Nous partons du constat que

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parmi les compétences sollicitées, au risque de nous répéter, la compétence culturelle demeure le parent pauvre dans la hiérarchie des compétences dans la classe de langue étrangère d’une manière générale.

L’enseignement culturel qui ne fait pas partie de la culture didactique des enseignants et de toute la corporation éducative, ne semble, à première vue, intéresser personne. Les journées pédagogiques auxquelles le corps pédagogique prend part, dans le but de parfaire son rendement professionnel, se focalise essentiellement sur l’aspect morphosyntaxique à tous les niveaux de l’apprentissage.

L’enseignement du FLE (1756) qui tire profit de son ancienneté en milieu scolaire, remonte au Moyen-âge et continue son étendue jusqu’au 18ème siècle, utilisant la grammaire et le dictionnaire et n’intéressant pas un large public, considère toujours la dimension culturelle comme une sorte de partenaire inférieur, servant souvent de formalité sans statut apparent dans l’E/A. Cependant, les préoccupations culturelles, habituellement effacées au profit de la langue, font leur apparition timidement avec l’enseignement de la littérature à forte dose dans un nombre croissant de pays.

Le concept de civilisation (1838) auquel s’intéresse timidement la didactique est exprimé, pour la première fois, dans quelques instructions officielles ou dans les programmes dès la fin du 19ème siècle, en France. La littérature dans les manuels scolaires va lui servir d’appui pour connaître les pays étrangers. Vers la deuxième moitié du 20ème siècle, l’enseignement de la civilisation s’impose de plus en plus dans la conception des manuels scolaires et semble cohabiter avec l’enseignement linguistique avec des attentes pédagogiques, mais demeurant tributaire d’autres disciplines telles la sociologie, l’histoire, la géographie et l’économie…à partir desquelles des notions sont empruntées pour traduire des faits exclusivement culturels en milieu scolaire. C’est indubitablement, la raison pour laquelle F. Debyser et G. Michaud entre autres, ont cherché à faire de l’étude de la civilisation une ‘’science autonome’’ (G. Michaud, E. Marc, 1981). Les

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compétences à acquérir dans l’univers culturel sont celles qui touchent au plus de l’individu : son image de soi, ses valeurs, ses croyances, son sens du bien et du mal, de ce qui est bon ou mauvais, sa définition même de la réalité il évolue en tant que membre d’une communauté déterminée dans le temps et dans l’espace.

Mais qu’est-ce qu’un fait culturel ?

Au regard de la didactique, les objets du culturel se limitent aux réflexes des comportements du corps social dans ses pratiques quotidiennes, à l’étude des rapports que les membres de ce corps social entretiennent avec le temps, l’espace, le droit, le devoir, la vie en communauté en général… P. Sansot souligne que ‘’Se nourrir, se vêtir, rêver de, aller au travail, se promener, user de son corps et de son regard pour observer les Autres, superposer les différents paysages qui nous sont les plus familiers, quoi de plus ordinaire et de plus fondamental dans l’existence d’un homme qui appartient à un groupe social déterminé’’ sont des actes culturels (P. Sansot, 1991 : 11). En résumé, une culture n’est pas une réalité concrète. Ce qui existe, ce sont des êtres humains liés les uns aux autres par une série illimitée de relations sociales :’’La culture ne préexiste pas aux individus : ce sont eux qui la produisent collectivement, qui organisent symboliquement leur existence. Une culture est une production historique qui connaît des évolutions, des transformations, voire des mutations, liées à plusieurs facteurs’’ (Cuche, Denis, 1997). Bien entendu, pour s’ouvrir à l’altérité, l’enseignant fera travailler ses élèves sur les représentations de l’étranger qui ne s’assimileront pas à un système restreint et clos de références.

L’école en tant qu’instance institutionnelle de socialisation de l’individu, se doit d’être un lieu de rencontre intra culturel mais aussi interculturel dont le champ lexico sémantique ne cesse de susciter un malaise définitoire chez les didacticiens. A ce propos, M. Abdallah-Pretceille souligne ‘’qu’au cœur de la problématique interculturelle et ce, quel que soit son champ d’actualisation se situe toute une série paradigmatique de concepts comme culture, identité culturelle, ethnie, race, société, ethnicité… qui entretiennent entre eux des rapports plus ou moins explicites’’ (M. Abdallah-Pretceille, 1996 : 17 ). Il s’agit, en fait, d’une problématique interculturelle où s’assemblent un certain nombre de concepts renvoyant explicitement à une thématique mais qui n’est pas toujours du ressort de la didactique des cultures.

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Certains d’entre eux sont susceptibles d’être appréhendés par d’autres disciplines telles la sociologie, la psychologie, l’anthropologie…etc.

Qu’est-ce que l’interculturel ?

L’interculturel est une discipline qui a vu le jour dans les années 70 et proposait des façons d’adapter le marketing des produits en fonction de la culture du marché ciblé. Dans le domaine de la psychologie et de la sociologie, l’étude des relations interculturelles porte sur le contact des cultures. Au plan lexicologique, le concept interculturel est un mot composé d’un préfixe ‘’inter’’ et d’un mot de base ‘’culturel’’ qui signifient ‘’entre’’ et ‘’culture’’. Ce nom prend une dimension importante en pédagogie. Le préfixe ‘’inter’’ dans le mot interculturel renvoie aussi à la manière dont on voit l’Autre, à la manière dont on se voit. Ancré directement dans les pratiques sociales et éducatives, le terme ‘’interculturel’’ fait son apparition, en France, en 1975 dans le cadre scolaire. Lorsque des personnes de cultures différentes s’impliquent dans une interaction, elles vont mettre en commun pour communiquer, des éléments culturels qui leur sont propres, tout comme certains qui leur sont communs, mais vont également faire appel à des apports culturels extérieurs à eux. Une sorte de rafistolage culturel, synonyme de compromis, va se mettre en œuvre, leur permettant de dépasser les différences, sources d’obstacles à la communication, voire de les exploiter pour créer un nouvel espace culturel d’interaction, avec un nouveau code culturel assurant manifestement l’intercompréhension. Il ne s’agit plus de pont entre les cultures, mais bien d’un mélange de différents rapports culturels. Dans la perspective interculturelle, la compétence communicationnelle qui traduit une vision dynamique de l’objet en question reposera sur la capacité des interlocuteurs ou des scripteurs à repérer le culturel dans les échanges langagiers.

Les objets de l’interculturel ne sont pas naturellement tangibles ou concrètes. Ce sont des perceptions relatives et très souvent mouvantes, traduites dans des représentations qu’une communauté se construit sur autre et qui génèrent, le plus souvent un parti pris, des idées

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reçues que nous appelons habituellement stéréotypes : un examen des propos tenus par les Français sur les ressortissants étrangers vivant sur le sol français démontre très facilement que quelle que soit la date, quel que soit le groupe visé, les caractéristiques et les reproches formulés sont toujours stables. Ce qui met en exergue que les différences culturelles ne correspondent pas à une réalité mais renvoient à la nature des relations entre les individus observateurs et les groupes observés. C’est pourquoi, toute relation négative et conflictuelle ne peut être justifiée par l’appartenance culturelle. ‘’On ne peut donner un sens à un fait culturel hors analyse, hors contexte’’ (M.A. Pretceille & L. Porcher, 1996, 1998).

Par conséquent, un fait culturel n’est compris que s’il est replacé dans son contexte d’usage et que si l’on tient compte des circonstances de sa production. Il s’agit d’un élément d’une structure qui donne du sens à l’intérieur de cette structure et perd toute signification une fois isolé de l’ossature. La formation à l’interculturel n’a pas seulement pour objectif de permettre aux apprenants de mieux maîtriser la langue étrangère dans ses dimensions linguistiques et culturelles, elle permet également de revaloriser la finalité éducative de l’école. On sait que pour certains chercheurs comme Abdallah-Pretceille (1996), le concept de culture devrait/aurait du révolutionner la didactique.

La démarche interculturelle, tout en permettant positivement l’affirmation de l’identité de la communauté ou de l’individu, éduque le regard sur l’Autre qui n’a pas les mêmes goûts, qui ne partage pas les mêmes croyances, qui a d’autres convictions, d’autres usages, d’autres représentations, d’autres valeurs. Cette éducation du regard dans un champ visuel pluriculturel fournit l’occasion à l’apprenant d’assainir sa grille de lecture et d’analyse, de remettre en question les stéréotypes, de briser les tabous, de relativiser ses jugements pour s’ouvrir réellement sur le monde qui l’entoure dont les bases sont la tolérance et la paix. Pour L. Porcher ‘’on n’en reçoit pas l’interculturel tout fait, on le fabrique’’.

Autrement dit, la didactique des cultures tente de doter l’apprenant d’une compétence culturelle qui lui permet d’apprendre la langue et d’agir sur elle en usant d’activité, de créativité et de production de sens.

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L’analyse interculturelle se distingue des approches culturelles ou plus exactement culturalistes dans la mesure où elle reste pluridimensionnelle. La compréhension de la pluralité culturelle n’est pas une somme de pluralismes distincts. Il s’agit d’un processus qui évite de répondre aux problèmes de terrain qui intensifient les distinctions, les catégories, les procédures d’identification par adjectivation auxquels ‘’s’y ajoute le piège des mots, agissant comme stigmates beurs, musulman, arabe, intégriste, jeunes des banlieues, mots stigmates qui, parasités par l’actualité internationale, prolifèrent, brouillent la lecture bilatérale réparatrice, plombent le sens commun, étant exploités de façon opportuniste par les courants politiques à des fins électorales’’ (G. Zarate, 2008 : 7-8). Notons que le pouvoir des mots qui n’est pas neutre, est susceptible d’instrumentaliser le regard culturel à des fins électorales dans un pays où les apprenants sont d’origine culturelle différente comme la France, à titre d’exemple.

Dans la pédagogie interculturelle, les usagers de la langue sont considérés comme des acteurs sociaux qui s’impliquent personnellement dans des tâches pédagogiques, qui ne sont pas seulement langagières : le simulacre, technique la plus utilisée dans l’approche communicative est insuffisante à former un acteur social appelé souvent à agir/réagir spontanément face à des situations de communication authentiques. La didactique du français, civilisation étrangère, est une nouvelle spécialité qui voit le jour en 1982, soutenue par la prolifération du matériel pédagogique, par la création de filières universitaires de formation et d’apprentissage et par l’apparition de spécialistes de l’enseignement de civilisation engagés dans la construction du domaine et de ses objets, à travers colloques et revues (cf. L. Porcher, priorités institutionnelles E.L.A n° 64).

Cette nouvelle didactique pose un regard nouveau sur le concept de civilisation ou de culture selon lequel, la notion est, par conséquent, élargie en direction du quotidien et du symbolique où les normes, les valeurs, les institutions et les artefacts ont droit de cité désormais. Nous sommes extrêmement loin du concept classique au service d’un discours vantant le passé colonial de la France et son patrimoine officiel. De plus, il a intégré dans son champ la culture technique et l’étude des médias. Son domaine est aujourd’hui pluriel

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et transversal. Dans le contexte de l’école, les pratiques interculturelles sont souvent limitées, en raison des contraintes du système éducatif, aux échanges scolaires. Bien entendu, ces contraintes sont intimement liées aux finalités du système éducatif de chaque pays st des objectifs attendus de l’enseignement des langues étrangères, en général.