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VIS A VIS DE LA PENETRATION PASSIVE ?

2.3. S EMIOLOGIE DE LA PSYCHOSE HYSTERIQUE

2.3.7. La notion d’automatisme chez Henri Ey

En 1934, Henri Ey publie Hallucinations et délire402. Il y mène une réflexion sur la notion d’automatisme qui l’amènera à définir l’approche psychopathologique dite « organo- dynamique », que toutefois il ne nomme pas encore. Ses considérations s’appuient sur « l’ambiguïté » de cette notion : « l’automatisme, écrit-il, apparaît sous un double aspect : apparence de spontanéité, d’autonomie et transfert mécanique de l’excitation initiale jusqu’au résultat final ». Est automatique « ce qui n’est pas “volontaire” ». Or la volonté peut se représenter « tantôt comme un pouvoir d’inhibition […], tantôt comme la sphère des appétits, des tendances et des désirs ». Par conséquent, il existe « deux définitions extrêmes de l’activité automatique, l’une liée à la notion de pulsion affective non disciplinée, l’autre de centres associatifs, de mécanismes montés et toujours prêts à se détendre. Pour l’une, l’acte automatique apparaît comme mû par des ressorts affectifs et souvent secrets. Pour l’autre, l’acte automatique est un système associatif mis en mouvement mécaniquement et d’une manière fortuite »403. Autrement dit, dans le premier cas, l’automatisme est ce qui déborde le pouvoir d’inhibition conscient, dans l’autre, il est référé à une activité infraliminaire, c’est-à- dire située en-deçà du champ d’action de la volonté entendue comme régulation consciente.

402

Ey H. (1934) Hallucinations et délire. Les formes hallucinatoires de l’automatisme verbal. Paris : L’Harmattan ; 1999.

403

Henri Ey montre que ce dualisme, entre un « automatisme affectif » et un « automatisme

fortuit », en recouvre un autre : celui qui oppose une conception psychogénétique, celle de la

psychanalyse, qui voit dans les manifestations psychiques, normales et pathologiques, l’expression de complexes affectifs déterminants, non-apprivoisés pourrait-on dire (on se souvient de la métaphore freudienne du chevalier tentant de soumettre sa monture, illustrant les rapports du Moi et du Ca), et une conception « organiciste » et « mécaniste », qui comprend les troubles comme découlant mécaniquement de lésions cérébrales. Notons que ce dualisme n’a rien perdu de son actualité : on pourrait le résumer à la distinction contemporaine entre l’inconscient de la psychanalyse, et celui du neurocognitivisme, siège des opérations cognitives infraliminaires.

Henri Ey se montre critique vis à vis de ces deux approches diamétralement opposées :

- la « conception mécanique » de l’automatisme implique la « dissolution de la notion de volonté » (et donc de celle d’automatisme, qui en est le négatif) : « si l’excitation mécanique peut effectivement tout réaliser en matière d’action ou de pensée humaine », alors les notions d’automatisme et de volonté perdent tout contenu. De plus, si tout est automatique, alors tout est pathologique : « la distinction du normal et du pathologique s’écroule en même temps que celle du volontaire et de l’automatique ». Par ailleurs l’auteur rappelle « l’importance du “contenu” dans la constitution d’un symptôme qui ne peut être purement formel et dont la cause mécanique est incapable de lui fournir ce “contenu” » ;

- à l’inverse, la conception psychanalytique s’appuie sur un « postulat essentiel » qui stipule que « tout, dans l’activité de l’esprit, a une signification libidineuse plus ou moins symbolique et en tout cas répond à une finalité inconsciente ». Henri Ey s’interroge : « n’y a-t-il pas du “fortuit”, c’est-à-dire quelque chose d’indépendant de nos tendances affectives, qui intervient dans notre pensée et nos actions ? […] il doit bien y avoir une limite à cette finalité indéfinie ». La psychanalyse, selon Ey, donne trop de place à la « volonté » entendue comme synonyme de désir, de tendance affective (Ey parle de « panvolontarisme »)404.

Autrement dit, selon la conception psychanalytique, toute manifestation psychique, normale ou pathologique, a un sens ; selon la conception mécaniste, aucune n’en a.

404

« Ce que nous recherchons entre ces deux séries étiologiques, assure Henri Ey, ce ne sera pas un vague compromis ». Se référant aux travaux du neurologue britannique John Hughlings Jackson, mais aussi à Eugène Bleuler et Pierre Janet, Ey propose de considérer une organisation psychologique hiérarchisée :

- « tout près de l’activité réflexe se trouve le jeu de nos associations mnésiques » ; c’est vers « ce rudiment d’activité psychique […] que régresse notre mentalité dès qu’elle se détend » ; - « à un degré de plus, nous rencontrons le plan du jeu, des phantasmes, du rêve et des rêveries. Ici notre activité sous tendue par nos tendances, par les noyaux de notre personnalité psychologique, prend une première forme de finalité » ;

- « au degré supérieur, nous trouvons l’acte volontaire et conscient, c’est-à-dire l’activité qui s’adapte au réel et à ses lois (logique) […]. Là, l’activité arrivée à son suprême degré exige, sous forme d’attention, un effort créateur, une direction et, à ce titre, elle représente la finalité la plus haute »405.

Voilà donc le compromis proposé par Henri Ey : « Cette hypothèse d’une activité mentale dont chaque plan constitue un effort de plus en plus difficile, une plus grande utilisation de ce que Janet appelle la tension psychologique, restitue à l’acte volontaire sa pleine signification sans compromettre l’existence d’une activité purement associative et sans finalité ». Par conséquent, « il y a entre le symptôme et son étiologie organique un écart », à mettre au compte de « la personnalité du malade ». La notion d’« automatisme » ainsi resituée par Ey, recouvre donc un champ psychopathologique bien plus étendu que ce qui nous intéresse ici : l’automatisme est ce qui se manifeste lorsque les brides de la volonté supérieure, consciente, sont lâchées du fait d’un processus pathologique d’origine neurologique ; tout ce qui est psychiatriquement pathologique est donc, de ce point de vue, automatique, puisque la maladie va être l’expression de complexes psychologiques jusque là soumis à l’inhibition caractéristique de la santé mentale406.

Henri Ey situe le phénomène hallucinatoire au regard de cette conception du psychisme :

l’hallucination […] est une erreur conditionnée par une chute de niveau psychique à

déterminisme organique ou affectif qui lui confère une sensorialité plus ou moins nette.

405

Ibid., pp. 18-21.

406

Elle est toujours pétrie de la pâte de la personnalité du sujet et faite de sa propre activité.407

L’auteur s’intéresse plus spécifiquement aux phénomènes d’automatisme, au sens, cette fois, restreint du terme. Les « pseudo-hallucinations », ou hallucinations psycho-motrices, correspondent à l’« objectivation relative des phénomènes de la pensée et du langage »408 : par ce terme, Ey traduit le fait que les contenus mentaux sont perçus comme des objets, des corps étrangers. Nous pourrions même dire, en langage psychanalytique, qu’ils sont

objectalisés, c’est-à-dire investis comme des objets pulsionnels, et non plus comme des

parties de soi. C’est à ce titre que l’on peut dire du sujet influencé qu’il se vit comme pénétré par des parcelles de sa propre activité psychique, qu’il ne reconnaît plus comme telles.

S’appuyant notamment sur les travaux de Jules Séglas, Henri Ey s’intéresse à la description et la classification des « hallucinations psycho-motrices verbales ». Il propose de distinguer : - les phénomènes étrangers, « qui apparaissent non-exécutés par le sujet, se faisant en-dehors de sa propre activité » : il s’agit des « articulations verbales automatiques » « qui sont

prononcées par la langue ou le larynx sans aucune participation consciente ». Dans tous ces

cas, « le malade exécute des mouvements qu’il n’éprouve pas comme personnels, ce sont des mouvements en-dehors de lui ». Ici, le malade assiste « en spectateur […] au déroulement d’un langage plus ou moins complètement formulé ».

- les phénomènes forcés : il s’agit d’« actes de langage intérieur ou extérieur accomplis (avec conscience de les accomplir) par le malade qui ne s’en sent pas responsable ». Ils regroupent les impulsions verbales (« mots ou phrases prononcés par le sujet malgré lui »), les élocutions imposées (« propos qui sont prononcés par le sujet qui se sent forcé par une puissance

extérieure à les exprimer »), et les élocutions inspirées (« propos prononcés par le sujet qui se sent forcé par une puissance intérieure à les exprimer »)409.

Les phénomènes étrangers participent du « sentiment d’automatisme » : « Le sujet qui éprouve des phénomènes étrangers (articulations verbales automatiques) présente ces phénomènes comme sans aucun lien avec sa pensée, ce sont pour lui, des objets inclus dans sa

personne. Ces objets sont des paroles. »410. Les phénomènes forcés, quant à eux, sont référés 407 Ibid., p. 173. 408 Ibid., p. 175. 409 Ibid., pp. 66-74. 410 Ibid., p. 76.

à un « sentiment d’influence »411. Henri Ey ne relève « qu’une différence de degré entre ces sentiments »412. Se référant aux travaux de Janet, Ey note que ces deux « sentiments » ont une même racine : le « sentiment d’emprise »413. Dans les deux cas, les malades éprouvent d’ailleurs le même « sentiment d’être des sujets – d’être des marionnettes dont on tire les ficelles, – d’être des possédés »414. L’auteur souligne ainsi ce qui, de notre point de vue, constitue la dimension relationnelle de cette symptomatologie : dans son vécu délirant, le sujet est engagé dans une relation avec un objet intérieur, au sein de laquelle il occupe une position de passivité. Ey évoque à ce titre la « repersonnalisation » à l’œuvre :

Ce que le malade éprouve comme n’étant pas en continuité avec lui-même, il l’éprouve non pas comme une force physique aveugle mais comme une action humaine ou

spirituelle (plus ou moins directe) et par conséquent significative, intentionnelle415

Ey prend le contre-pied de la théorie « mécaniste », qui voit dans la construction de l’idéation (les idées d’influence) la conséquence mécanique, logique, du vécu sensoriel (les hallucinations). Pour l’auteur, au contraire, « les phénomènes hallucinatoires sont “informés” par le délire », c’est-à-dire qu’ils « reçoivent leur forme » du délire416 : c’est donc le « sentiment d’influence » qui modèle le vécu hallucinatoire. Autrement dit, « c’est dans la

matière même » des sentiments d’automatisme et d’influence que « se coulent » les

hallucinations psycho-motrices (phénomènes étrangers et phénomènes forcés). Conformément au modèle organo-dynamique qu’il vient de dégager sans le nommer, Ey propose de considérer que « ces sentiments expriment une prévalence des couches profondes de la personnalité »417.

L’ouvrage de 1934 est ponctué de nombreuses illustrations cliniques. Nous proposons de nous arrêter sur quelques unes d’entre elles. La sélection d’un cas, ou de ses éléments saillants, expose toujours le chercheur au reproche de ne retenir que le matériel clinique qui corrobore ses hypothèses. Dans notre cas, ce reproche nous semblerait injustifié. Ici comme ailleurs nous avons tenté, à chaque fois que des éléments cliniques contrevenaient à nos hypothèses, de nous y confronter avec probité : parfois nous les avons écartés comme ne relevant tout 411 Ibid., p. 79. 412 Ibid., p. 109. 413 Ibid., p. 96. 414 Ibid., p. 84. 415 Ibid., p. 84. 416 Ibid., p. 86. 417 Ibid., p. 93.

simplement pas de notre champ d’étude (certaines manifestations appelées automatismes ou phénomènes d’influence par certains n’en sont pas, au sens où nous l’entendons dans la présente recherche ; dans une moindre mesure, on a vu parfois des auteurs qualifier ainsi des phénomènes trop atypiques, ou encore noyés dans une phénoménologie disparate, comme c’est souvent le cas dans les schizophrénies par exemple, si bien qu’il nous a semblé préférable de ne rien déduire de leur analyse qui concerne la psychopathologie des phénomènes d’influence) ; dans les autres cas, nous nous sommes efforcé de les considérer, et d’en tirer les enseignements en restituant à la réalité la nuance et la complexité que les considérations théorico-cliniques tendent souvent à effacer (par souci de clarification).

L’auteur rapporte les propos d’un « jeune homme » malade « chez lequel prédominent les hallucinations auditives, mais liées à des phénomènes psycho-moteurs », dont nous citons ici quelques extraits :

On parle avec un jet. C’est un jet qu’on appelle des esprits. […] ça traverse tout, ça me traverse moi […]. C’est un rayon qu’on ne voit pas et qu’on sent, ça infiltre tout, tout ce qu’ils veulent infiltrer. Je les sens comme une pompe, comme si on injecte quelque chose. Je ne me sens plus le même… Je sens que je ne puis pas empêcher ce qui rentre. […] Ca ennuie plutôt et on n’y tient pas parce qu’on se sent pris sous l’influence de quelqu’un. […] Moi, je me suis abîmé étant jeune par la masturbation. Je me suis arrêté depuis que j’ai été au régiment. C’est les voix que les jets envoient qui parlent à l’intérieur du ventre. […] Je l’entends par la tête, ça pénètre presque dans le haut. […] Je ne fais pas d’effort pour penser. Les pensées viennent. La voix dans le ventre vient de ceux qui me possèdent. […] Ils font toutes sortes de choses comme les démons. Ils jouent avec mes convoitises qu’on a soulevées. Des femmes… et en dehors des choses sexuelles. Je suis plutôt religieux de nature. On m’a soulevé dans mon lit. […] Je sens qu’ils parlent, par un jet, à l’endroit qu’ils veulent arriver. […] Ils me font des impressions sexuelles. Ils me touchent, ils veulent me faire toucher, mais je m’abstiens. Je sens des actions, je crois que ça vient d’eux. Ils me possèdent… dans le ventre. Les jets sont des jets de sperme souvent.418

Ey précise que ce jeune patient « semble s’être fixé homosexuellement à un cuisinier avec lequel il travaillait et qui est devenu son persécuteur », et ajoute qu’il est « érotiquement possédé » : son désir vaginal419 n’a pas échappé à l’auteur. L’hypothèse générale qui soutient notre présent travail est que l’influence, dans bon nombre de cas, se trouve ainsi « érotiquement » déterminée, en ceci qu’elle réalise le désir inassumable d’une pénétration sexuelle passive. Nous verrons par la suite que les choses ne sont pas toujours aussi

418

Ibid., pp. 99-100.

419

Nous reviendrons plus longuement par la suite, à propos du cas Daniel Paul Schreber, sur la question de l’homosexualité dans des contextes prégénitaux, où par conséquent la différence des sexes est bancale, voire gommée.

transparentes que chez ce malade, qui se dit « possédé » par des « esprits », et qui sent « comme une pompe » qui le « pénètre » et lui « injecte » des « jets de sperme ». Tous les éléments de ce qui constitue, selon nous, le destin psychotique du désir vaginal en cause dans la problématique hystérique, apparaissent ici au grand jour : les hallucinations psycho- motrices comme équivalent coïtal, l’incorporéité de l’objet pénétrant, la projection du sentiment amoureux en hostilité (qui fonde, nous le verrons, la parenté des psychoses hystérique et paranoïaque). Notons toutefois que sur un point essentiel, cette configuration hystérique n’est pas typique : la face érotique du désir sexuel n’est pas parfaitement abolie, elle est en grande partie projetée elle aussi (à l’instar de la face tendre, du sentiment), puisque la pénétration est ici souhaitée par les persécuteurs (au contraire du vécu délirant de Schreber où Dieu, nous le verrons, ne souhaite, pas plus que le célèbre magistrat, cette pénétration qu’il lui fait subir). Cette dimension érotomaniaque, comme d’ailleurs le caractère transparent du délire que nous avons déjà souligné, semblent devoir être mis au compte de la fragilité de cette organisation hystérique, qui échoue à abolir chez ce jeune homme toute trace de

vaginalité.

Henri Ey propose une autre illustration clinique, le cas d’une femme de 45 ans, traitée à l’origine pour un délire érotomaniaque (elle se dit la maîtresse d’un Professeur de médecine), dont elle dit qu’il la « prend la nuit ». Elle est d’ailleurs « possédée la nuit par plusieurs personnages ». Voici ce qu’elle dit au médecin :

Il me fait rappeler tout. Il me fait rappeler tout ce que j’avais fait. […] Je puis attraper une personne par les yeux et alors je fais le rêve. […] Parfois il y a dédoublement, parfois quelqu’un qui me fait dire. Il y en a qui me fluident des grossièretés et des obscénités. […] je suis toujours capable de me débarrasser de tout ça. Je chasse le dédoublement. Tout le monde en a, quand je veux je me dédouble et je me transporte ailleurs. Je ne suis qu’une seule personne mais le dédoublement s’en va. On est encombré par des dédoublements étrangers. On ne peut pas retenir les grossièretés qui vous sont imposées. […] Parfois on appuie pour vous envoyer des pensées. On a l’idée et on sent quelque chose qui appuie. Je ressens cette impression qui me pénètre toute. Je comprends très bien comme on me le disait verbalement. C’est toujours lui qui me les transmet. J’ai le dédoublement fluide du professeur J… dans la tête. […] Je puis chercher par le rêve et je puis trouver la personne avec qui je veux causer et on cause ainsi.420

420

A nouveau, l’équivalence entre la forme du délire (automatisation des manifestations internes) et la problématique est évidente. Mais on peut noter qu’ici, il y a maintien de certains caractères névrotiques de l’hystérie421 :

- le « théâtre privé » ne semble pas avoir totalement disparu au profit de l’hallucination psychique : la malade exprime volontiers son appétence au rêve éveillé, sans que cela ne se mue systématiquement en délire ;

- la malade semble garder un certain contrôle sur ce qu’elle appelle son « dédoublement », au sujet duquel la conviction délirante semble fluctuante (tantôt force étrangère, tantôt partie d’elle-même) ;

- enfin, l’affect amoureux a pu être maintenu dans l’espace intra-psychique, plutôt qu’éjecté, ce qui traduit le maintien d’une relative stabilité de l’identité capable, jusqu’à un certain degré, de supporter le désir. Seule la face érotique, vaginale, du désir, a été abolie et réalisée dans le délire : outre l’aspect formel du délire, les « grossièretés » et les « obscénités », porte- parole du désir éjecté, sont vécues comme « imposées » par une force étrangère.

On retrouve ici l’incorporéité de l’objet pénétrant : le rêve, le « fluide », et bien sûr l’automatisme verbal.

Henri Ey note que cette malade, qui pourtant « délire depuis de longues années », « ne présente pas le tableau de l’incoordination psychique ». Autrement dit, elle n’est pas schizophrène : il s’agit, conformément à nos attentes, d’une psychose chronique non- dissociative.

L’auteur repère « au fond de tout le tableau clinique […] une croyance fondamentale

délirante, celle d’être possédée par l’objet de l’érotomanie ». Il note par conséquent, et nous

ne pouvons qu’abonder dans ce sens, que le « sentiment d’influence » de la malade « comble son désir »422, à ceci près que dans la plupart des cas, ce désir n’est plus reconnu.

L’auteur évoque aussi le cas rapporté par Joseph Lévy-Valensi, plus simple encore et plus typique, d’une jeune malade qui présente d’incontestables traits de caractère hystériques : elle a une propension aux « rêveries », souhaite devenir « une étoile de cinéma », et présente un « pithiatisme », c’est-à-dire une forte suggestibilité. On apprend qu’elle est devenue

421

Plus loin, nous envisageons de distinguer l’hystérie psychotique de la psychose hystérique : la première serait une forme moindre, moins totale, de rejet du désir vaginal, issue de l’exportation de la problématique hystérique dans le champ psychotique ; dans la seconde, il s’agirait plutôt d’une modalité défensive psychotique contre la menace de démantèlement identitaire (voir 2.4.6.). Nous serions tenté de situer cette malade dans la première catégorie.

422

« bigote », se livrant à des « prières interminables », avant de s’intéresser au spiritisme, et de se mettre « à invoquer les esprits qui lui ordonnent de prier ». Puis s’est installé « un délire de

possession démoniaque » : « C’est le démon qui la possède qui parle par sa bouche. […] elle

appartient au diable. Tous les mouvements qu’elle fait viennent de lui, tous les mouvements qu’elle ne fait pas sont arrêtés par lui. Elle est une automate dont il tire les ficelles ». On ne retrouve chez elle, une fois de plus, « aucune atténuation notable de la pensée »423.

Une autre jeune femme de 29 ans est internée pour des « idées de possession » et des « sensations d’influence ». Après la disparition de cette symptomatologie, la malade décrit les phénomènes qui l’ont envahie : « Je sentais une contrainte en moi. […] Des chansons me venaient, des idées comme si j’avais été fiancée. J’entendais une voix dans la tête “Yvonne, je vous aime !”. [..] Dans moi il y avait comme quelqu’un qui parlait du cœur. Ca avait l’air d’un