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VIS A VIS DE LA PENETRATION PASSIVE ?

2.1. H YSTERIE ET VAGINALITE

2.1.1. L’ambivalence hystérique

Je tiens sans hésiter pour hystérique toute personne chez laquelle une occasion d’excitation sexuelle provoque surtout ou exclusivement du dégoût, que cette personne présente ou non des symptômes somatiques.

Sigmund Freud186

Dans son Manuscrit H du 24 janvier 1895 envoyé à Wilhelm Fliess, Freud distingue névrose hystérique et psychose hystérique187. Il y dresse une « vue d’ensemble » qui confronte la névrose hystérique, la névrose obsessionnelle, la confusion hallucinatoire, la paranoïa et la psychose hystérique, au regard d’une part du destin des représentants pulsionnels (affect et représentation), et d’autre part du caractère des éventuelles productions délirantes. Dans la paranoïa, le « contenu représentatif » gênant est « projeté au dehors », ce qui constitue une défense efficace, mais la production délirante est « hostile au moi » (délire de persécution) : « Le fonctionnaire qui ne figure pas au tableau d’avancement a besoin de croire que des persécuteurs ont fomenté un complot contre lui et qu’on l’espionne dans sa chambre. Sinon, il devrait admettre son propre naufrage ». La psychose hystérique marque au contraire l’« échec de la défense » : « c’est la représentation chassée qui prend le dessus » et « domine la conscience » ; le délire est hostile au moi, mais aussi à la défense. Freud qualifie donc d’« hystérique » un délire constitué autour de l’élément initialement rejeté, qui dès lors « domine la conscience ». C’est déjà une telle opération qui lui faisait écrire, deux ans plus tôt, que l’« épuisement général » auquel l’hystérique est prédisposée favorise le fait que « la représentation de contraste […] prenne le dessus » : les « représentations inhibées et réprimées […] l’emportent » sur celles du « moi normal ». Ces « projets inhibés » peuvent tout aussi bien trouver « le chemin de l’innervation corporelle » que celui du délire : « ce n’est pas un hasard si les délires hystériques des nonnes dans les épidémies du Moyen Age consistaient en de graves blasphèmes et en manifestations érotiques débridées »188.

186

Freud S., 1905a, op. cit., p. 18.

187

In Freud S. La naissance de la psychanalyse. Paris : P.U.F. ; 2005, pp. 98-102.

188

Freud S. (1892-1893) Un cas de guérison hypnotique avec des remarques sur l’apparition de symptômes hystériques par la « contre-volonté », in Résultats, idées, problèmes 1890-1920. Paris : PUF ; 2001, pp. 40-41. Nous revenons plus loin sur les rapports qu’entretient l’hystérie avec le vécu de possession (voir 2.1.4.) et avec le phénomène de la dissociation des fonctions psychiques (voir 2.1.5.).

En 1905, dans son Fragment d’une analyse d’hystérie, Freud insiste sur le mécanisme d’« interversion de l’affect » dans l’hystérie : « Je tiens sans hésiter pour hystérique toute personne chez laquelle une occasion d’excitation sexuelle provoque surtout ou exclusivement du dégoût, que cette personne présente ou non des symptômes somatiques »189. Pour Freud, ce n’est donc pas le caractère somatomorphe des symptômes qui fait l’essence de l’hystérie, mais bien l’ambivalence à l’égard du désir sexuel, qui se traduit par un « dégoût » dont Monique Schneider rappelle qu’il est « paradigmatique du refoulement »190. Mais Freud évoque par ailleurs le caractère hystérique de la névrose phobique, qu’il qualifie, notamment dans son

Analyse d’une phobie d’un garçon de 5 ans (1909b), d’« hystérie d’angoisse »191. Puis en 1911, dans ses Remarques psychanalytiques sur l'autobiographie d'un cas de paranoïa

(Dementia paranoïdes), il qualifie d’hystérique le « mécanisme hallucinatoire » observé dans

la « démence précoce »192 !

Ces quelques exemples suffisent à saisir la difficulté, derrière la multiplicité des usages des termes « hystérie » et « hystérique », à en repérer le dénominateur commun chez Freud, sous la plume de qui l’« hystérie » au singulier s’est d’emblée (c’est-à-dire dès les années 1894- 1895 et les travaux avec Joseph Breuer193) diffractée en de multiples formes : « Freud et J. Breuer ont distingué, écrit François Richard, au moins sept formes d’hystérie : l’hystérie

hypnoïde, traumatique, de rétention, de défense, de conversion, d’angoisse (phobie), et enfin

la psychose hystérique »194.

Mais alors, qu’est-ce qui fait l’essence de l’hystérie ? En 1878, Charles Ernest Lasègue, médecin français, écrivait :

La définition de l’hystérie n’a jamais été donnée et ne le sera jamais. Les symptômes ne sont ni assez constants, ni assez conformes, ni assez égaux en durée et en intensité pour qu’un type même descriptif puisse les comprendre tous.195

189

Freud S., 1905a, op. cit., p. 18.

190

Schneider M., 2004, art. cit., p. 44.

191

Freud S. (1909b) Analyse d’une phobie chez un petit garçon de 5 ans (Le petit Hans), in Cinq psychanalyses. Paris : PUF ; 2001, 93-198.

192

Freud S. (1911) Remarques psychanalytiques sur l'autobiographie d'un cas de paranoïa (Dementia paranoïdes) (Le Président Schreber), in Cinq psychanalyses. Paris : PUF ; 2001, p. 320.

193

Freud S, Breuer J. (1895) Etudes sur l’hystérie. Paris : PUF ; 1996.

194

André J, Lanouzière J, Richard F. Problématiques de l’hystérie. Paris : Dunod ; 1999, p. 62.

195

Dans un tapuscrit qui ne fut jamais publié, intitulé L’hystérie et daté de 1948-49, Henri Ey retrace l’histoire du concept : il dépeint la variété de la symptomatologie, et confronte les principales théories explicatives, des plus biologiques au plus psychogéniques, en passant bien sûr par le compromis qu’il a toujours défendu, avec sa conception « organo- dynamique ». Alors qu’il se propose en toute fin d’ouvrage de déduire de son travail « l’essence » de l’hystérie, il s’en tient à souligner la « structure psychoplastique de la vie psychique et les troubles des expressions somato-psychiques anormales qu’elle entraîne »196. Autant dire que, par sa timidité, il ne dément pas la prophétie de Lasègue.

Paradoxalement, ce terme plusieurs fois millénaire, qui fait exception dans le vocabulaire psychiatrique, en ceci qu’il n’a pas disparu du discours soignant quotidien (il a seulement disparu du discours officiel), ne semble jamais avoir reçu de définition qui fît consensus. Son étymologie nous ramène à l’utérus, c’est-à-dire au corps, à la femme, et à ce que le corps féminin a de concave. Dans le langage populaire, l’hystérique est une femme, et la « crise d’hystérie » une forme d’agitation extrême, déraisonnable, de mise en branle disproportionnée du corps, secoué de spasmes, transitoirement incontrôlable, associée à une débauche d’expression émotionnelle. Si maintenant on en croit l’usage qui en est fait dans les services de soin, le terme d’hystérie renvoie inévitablement à la notion de comédie, c’est-à-dire la mise en spectacle (sciemment exagérée, voire simulée) des affects qui investissent le corps ; on pense aussi à la tendance à la recherche d’attention, à la séduction et à l’érotisation des relations. C’est également la dimension théâtrale qui a retenu l’attention des auteurs des grandes classifications internationales197, qui ont remplacé depuis une trentaine d’années la notion d’hystérie par celle de « trouble de la personnalité histrionique », formé à partir de

histrio, c’est-à-dire l’acteur, le comédien en latin. Ce trouble condense la dramatisation, c’est-

à-dire l’exagération de l’expression émotionnelle, la recherche d’attention, la séduction, et la suggestibilité. Pour la psychanalyse, enfin, on sait que l’hystérie constitue le terreau psychopathologique d’où elle a émergé ; on pense à nouveau au corps, qui convulse et donne à voir des infirmités sans fondement somatique (le corps est seulement complice,

complaisant198), et à l’affect, projeté sur le devant de la scène (dans le corps et dans

196

Ey H. (1948-49) L’hystérie (tapuscrit de 122 pages jamais publié, prêté par la bibliothèque de l’association L’Elan retrouvé, Paris 9), p. 120.

197

Organisation Mondiale de la Santé (2008) Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes. Dixième révision. CIM-10 ; 2009.

American Psychiatric Association. (1994) Mini DSM-IV. Critères diagnostiques. Paris : Masson ; 1996.

198

l’expression émotionnelle), au détriment de la représentation, refoulée ; et surtout, on pense à la place particulière de la sexualité, Arlésienne de l’hystérique : omniprésente dans son discours mais jamais dévoilée.

Le clinicien peut quant à lui se raccrocher à un constat : au cœur de la rencontre avec un patient, quel que soit son sexe, quelle que soit sa structure, le qualificatif d’« hystérique » a un sens, qui cependant est difficilement accessible à la pensée discursive. C’est qu’il est référé au ressenti intime de l’interlocuteur au contact du malade, bien plus qu’à une description objective, symptomatique, ni même à une hypothèse pathogénique ou métapsychologique déterminée. En d’autres termes, il est avant tout relatif au vécu contre-transférentiel spécifiquement sollicité par l’organisation particulière de la libido du patient dans le transfert.

Que dire de cette organisation transférentielle ? Il nous semble qu’elle se caractérise par une grande ambivalence vis-à-vis du désir érotique. Cela se traduit par la coexistence de la revendication du désir et de sa répression, de la séduction et de la répulsion de l’autre, l’interversion évoquée par Freud199 intervenant lorsque le fantasme menace de se réaliser. Qu’est-ce qui différencie l’hystérique et l’obsessionnel, dans leur rapport respectif au désir ? L’obsessionnel est aux prises avec un conflit qui oppose son désir à un certain nombre d’exigences : la réalité l’exhorte à ajourner la satisfaction du désir, le surmoi la lui interdit. Les mouvements d’allers et retours entre une conduite scrupuleusement morale, obséquieuse, inhibée, et des moments de décharge libidinale ou agressive, sur le modèle de la rétention et de l’expulsion des selles, ne peuvent être qualifiés stricto sensu d’ambivalents, et ce n’est en tout cas pas ainsi qu’ils sont ressentis par l’interlocuteur, qui perçoit plutôt la tension suscitée par l’effort de rétention (et, le cas échéant, la violence des décharges). L’obsessionnel ne craint pas son désir, mais la punition qui menace d’en succéder la satisfaction. L’hystérique, quant à lui, craint la chose même qu’il désire, et c’est en cela qu’il est ambivalent. En introduction à leur ouvrage consacré aux Problématiques de l’hystérie, Jacques André, Jacqueline Lanouzière et François Richard rappellent à ce sujet que Freud localisait « le surgissement de l’hystérie au point de rencontre d’une exigence sexuelle démesurée et d’un rejet tout aussi exagéré de la sexualité »200. Mais de quel désir l’hystérique a-t-il(elle) peur ?

199

Freud S., 1905a, op. cit., p. 18.

200

Dans Les fantasmes hystériques et leur relation à la bisexualité, Freud écrit qu’« un symptôme hystérique est l’expression d’une part d’un fantasme sexuel inconscient masculin, d’autre part d’un fantasme sexuel inconscient féminin ». Cela se repère en particulier dans « certaines attaques hystériques dans lesquelles la malade joue en même temps les deux rôles de fantasme sexuel sous-jacent ». Freud associe donc l’ambivalence hystérique à la bisexualité psychique, qui se satisfait de façon travestie dans les symptômes. Il assortit son propos d’une brève référence à sa clinique :

dans un cas que j’ai observé, la malade tient d’une main sa robe serrée contre son corps (en tant que femme) tandis que de l’autre main elle s’efforce de l’arracher (en tant qu’homme).201

Son interprétation, expédiée en quelques mots entre des parenthèses, mérite notre attention. Freud associe au rôle féminin la main qui repousse les avances, et au rôle masculin celle qui exprime un désir sexuel. Autrement dit, le « fantasme sexuel inconscient féminin » que Freud tente ici d’illustrer, n’est pas un désir, mais un repoussoir au désir, un refus du sexuel. Pourtant, on pourrait tout aussi bien proposer l’interprétation inverse à cette observation clinique : le désir féminin de s’offrir à l’homme se figure dans la main qui déshabille ; la main pudibonde, au contraire, trahit la revendication masculine qui s’insurge contre un tel abandon à l’autre, et plus précisément à la pénétration par l’objet, enjeu d’un tel déshabillage. Le conflit que cette attaque hystérique donne à voir de façon caricaturale, ce pourrait donc être celui qui oppose le désir féminin au refus du féminin. Les symptômes hystériques, quelle que soit leur forme, pourraient par conséquent être définis comme ceux qui réalisent un compromis entre ces deux forces en conflit.

Dans un article publié l’année suivante (Considérations générales sur l’attaque hystérique), Freud évoque le « renversement antagoniste des innervations » : « il est possible que le fameux “arc de cercle” de la grande attaque hystérique ne soit rien d’autre que ce déni énergique, par une innervation antagoniste, d’une posture corporelle appropriée au commerce sexuel ». L’ambivalence vis à vis du sexuel est à nouveau soulignée : l’opposition d’un désir sexuel et d’un refus du sexuel se trouve figurée « sur le mode de la pantomime ». Mais ici,

201

Freud S. (1908b) Les fantasmes hystériques et leur relation à la bisexualité, in Névrose, psychose et perversion. Paris : PUF ; 1974, pp. 154-155.

contrairement au texte de 1908, seule la « sexualité masculine » est inconsciente : elle a été refoulée « pour faire naître la femme », et fait retour dans la crise hystérique202.

Est-ce à dire que l’hystérie est consécutive à un conflit entre masculinité et féminité ? Freud s’est toujours opposé à la « doctrine de la protestation mâle » chère à Alfred Adler, dont l’ombre plane sur l’ensemble du cas de l’« Homme aux loups » :

Affirmer que la sexualité soit le mobile du refoulement serait une conception trop étroite ; dire qu’un conflit entre le moi et les tendances sexuelles (la libido) le conditionne, voilà qui englobe tous les cas203

Postuler un conflit entre les aspirations féminines et le « refus du féminin », revient-il à valider la théorie de la protestation virile ? Aucunement, dès lors qu’on considère que s’il n’y a de « protestation virile » (Adler), ce n’est qu’en vertu de ce que Jacqueline Schaeffer appelle le « scandale du féminin » :

Que veut la femme ? Elle veut deux choses antagonistes. Son moi hait la défaite, mais son sexe l’exige. Il veut la chute, la défaite, le “masculin” de l’homme, c’est-à-dire l’antagoniste du “phallique”, théorie sexuelle infantile qui n’existe que de fuir la différence des sexes, et donc son “féminin”. Il veut des grandes quantités de libido et du masochisme érotique. C’est là le scandale du “féminin”. Tout ce qui est insupportable pour le moi est précisément ce qui contribue à la jouissance sexuelle : à savoir l’effraction, l’abus de pouvoir, la perte du contrôle, l’effacement des limites, la possession, la soumission, bref, la “défaite”, dans toute la polysémie du terme.204

Le « refus du féminin » n’est donc pas l’expression d’une revendication virile, mais bien plutôt celle d’un narcissisme qui se voit défié par une vaginalité qui n’aspire qu’à ce que le moi craint plus que tout205 : l’effraction, l’envahissement par l’autre. Autrement dit, nous rejoignons Freud, lorsqu’il défend sa thèse selon laquelle le conflit se situe « entre le moi et les tendances sexuelles ».

Si l’on se réfère à nos considérations sur le vaginal, nous pouvons faire un pas de plus, et considérer que l’essence de l’hystérie consiste en une ambivalence à l’égard du désir, non plus

202

Freud S. (1909a) Considérations générales sur l’attaque hystérique, in Névrose, psychose et perversion. Paris : PUF ; 1974, pp. 160-162.

203

Freud S., 1918a, op. cit., p. 410.

204

Schaeffer J., in Schaeffer et al., 1999, op. cit., p. 38.

205

C’est une façon de parler. En réalité, on peut penser qu’il est une chose que le moi craint plus que l’effraction, c’est la désintégration ; nous postulons d’ailleurs qu’une identification à un objet concave, pénétrable, peut, dans certaines circonstances, constituer une défense contre la menace schizoïde (voir infra, notamment 2.4.2.).

seulement féminin, mais plus largement, vaginal, dont nous avons postulé qu’il en est un précurseur prégénital : ce qui caractérise l’investissement transférentiel de l’hystérique, c’est la coexistence à parts égales, sur la scène psychique, du désir vaginal et de son repoussoir, le

refus du vaginal. Ainsi, on ne présage plus du caractère génital de la problématique

hystérique, puisque l’on a tenté de montrer qu’une ambivalence à l’égard de la pénétration passive préexiste à l’opposition d’un féminin et d’un refus du féminin aboutis. L’angoisse de pénétration, dès lors qu’elle a sa source dans la prégénitalité, est propre à jouer un rôle de premier plan dans une configuration psychotique. Nous pouvons ainsi postuler sans crainte l’existence d’une résolution psychotique de la problématique hystérique : que la pénétration, en tant que but pulsionnel issu de l’aboutissement normal de la sexualité, porte les traits de la génitalité, ne doit plus nous empêcher de la considérer comme pouvant être au cœur des enjeux d’un aménagement psychotique.

André Green note qu’« il ne serait pas exagéré » de voir dans l’angoisse de pénétration « une crainte d’endommagement de l’espace interne dévolu à accueillir les bébés »206. Dans

Psychanalyse et pédiatrie, Françoise Dolto évoque quant à elle « l’angoisse de castration

utéro-ovario-vaginale » de la fille, qu’elle décrit comme « une angoisse d’éviscération punitive du désir génital féminin »207. Dans les deux cas, nous voyons que l’utérus est inscrit dans la représentation d’un organe vagino-utérin indifférencié, qui condense les organes reproductif et sexuel féminins en une cavité unique (comme le cloaque condense fantasmatiquement l’anus et le vagin). Il ne s’agit là, semble-t-il, de rien d’autre que du corrélat de l’« équation symbolique : pénis = enfant » postulée par Freud en 1925208. Si l’on s’en tient à cette hypothèse, nous pouvons asseoir un lien fort entre hystérie et vaginalité : dans l’hystérie, l’« utérus » qui, selon la théorie médicale antique, parcourt le corps de la malade et lui cause toutes sortes de troubles, ce n’est pas la cavité maternelle, mais la représentation fantasmatique d’un organe cavitaire utéro-vaginal indifférencié, celui-là même supposé recevoir dans le coït le corps de l’objet pénétrant ; autrement dit, l’« utérus » de l’hystérie n’est pas différencié du vagin. Par conséquent, l’hystérie, dans son étymologie, dans sa définition antique, presque mythologique, serait la maladie de la fuite devant la pénétration

passive.

206

Green A., 1990, op. cit., p. 111.

207

Dolto F. (1939) Psychanalyse et pédiatrie. Paris : Seuil ; 1971, p. 283.

208

Par ailleurs, il faut noter que chez ces deux auteurs, la pénétration passive occupe une double place : elle est à la fois l’objet du désir, et l’outil de la punition en rétorsion contre ce même désir. L’ambivalence à l’égard du désir vaginal, noyau de la problématique hystérique, serait donc, jusqu’à un certain degré, intrinsèque à la condition psychosexuelle universelle. Ce postulat ne serait pas démenti par le constat que fait Henri Ey, lorsqu’il évoque les « aspects “hystériques” de l’âme humaine » : « la “réaction hystérique” est incluse dans le comportement humain et nous la retrouvons dans certaines manifestations normales de l’humanité, chez l’enfant, chez la femme et aussi dans les conduites humaines de la psychologie des foules ou au cours de certaines manifestations religieuses collectives »209. Jacques André et al. font, quant à eux, l’hypothèse d’une « hystérie primaire infantile », « laquelle n’est autre que la situation oedipienne où l’enfant est écartelé entre un mouvement d’identification phallique au père et un glissement vers l’identification à la passivité et à la castration de la mère telles qu’il se les représente dans ses théories sexuelles et son fantasme de scène primitive »210, hypothèse qui va dans le sens d’une certaine proportion d’ambivalence hystérique chez le commun des mortels.

Il nous faut à présent nous interroger sur les modalités de résolution de cette ambivalence lorsqu’elle devient excessive, et par là même, pathologique.

2.1.2. La « pénétration sans corps » : un compromis face à