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Chasse cueillette

2. Normes culturelles

(11) On se réfère ici, par priorité, à des sociétés agraires pas (ou peu) islamisées ou christianisées. Mais une large présence sociale de l'islam ou du christianisme est loin de toujours anéantir, en fait, le recours à des pratiques païennes traditionnelles.

par prétérition, ni considérées d'emblée comme non pertinentes.

2. Normes culturelles

Il importe beaucoup, dans une communauté villa-geoise sud-saharienne, de se rappeler deux faits : - l'histoire passée subsiste, présente à cette

commu-nauté, comme tradition orale;

- les témoins de cette histoire sont donc, avant tout, les membres vivants de la communauté : transmise de bouche à oreille au travers des générations, leur histoire se traduit présentement en normes dont la pratique spécifie les traits culturels d'une société.

En traitant des composantes du milieu, nous avons sans cesse rencontré de telles normes, qui définissent les rapports avec la nature, avec autrui, avec le surna-turel. Remarquons au passage que, s'agissant d'autrui, nous nous sommes bornés à l'évocation des rapports intravillageois; cela ne veut pas dire que les rapports intervillageois ne ressortissent pas, eux aussi, à des règles d'entente ou d'oppositions historiquement éta-blies. Au bas du tableau 1.I, on voit, par exemple, que le trimestre décembre-février était, il y a cinquante ans, la saison privilégiée par les Nuer pour razzier leurs voisins Dinka. Dans l'ensemble, les conflits ou les rivalités entre des communautés rurales prennent aujourd'hui des apparences moins belliqueuses, mais leur réalité n'a pas disparu; le temps de la colonisation l'a parfois même exaspérée. Le cas se présente de médecins affectés à des secteurs au sein desquels une zizanie plus ou moins formalisée caractérise les rela-tions entre certains villages. Si l'on n'en est pas infor-mé, on risque, bien entendu, de commettre les pires bévues avec les meilleures intentions du monde.

Plusieurs règles en vigueur dans une société donnée rejoignent, avec des modalités qui leur sont propres, des normes universellement répandues (tels le respect de la vie humaine, la prohibition de l'inceste, la recon-naissance du bien d'autrui, l'obéissance à une autorité);

d'autres apparaissent aussi gratuites qu'obligatoires (par exemple : ne pas prendre l'eau de la rivière cer-tains jours, s'abstenir de viande d'autruche, considérer comme son descendant le fils d'une soeur plutôt que son propre enfant). Il est concevable qu'une action d'ordre sanitaire échoue si elle ne va pas de pair avec le changement de certaines normes; elle se doit alors d'intervenir, autant que possible, à bon escient. Pour cela, une condition sine qua non est de s'informer des lois et règles coutumières et de s'y plier sans réticence, là où cette soumission ne présente pas d'autre incon-vénient que d'étonner le médecin étranger au milieu.

Citons un exemple anecdotique : dans un gros village du Tchad, qui venait d'être doté d'un dispensaire et d'un infirmier (étranger au village), celui-ci reçoit la visite d'un homme dont l'épouse avait accouché de

jumeaux quelques jours auparavant. L'un des deux bébés se trouvait fort mal en point et leur père deman-dait qu'on vienne l'examiner et le soigner. L'infirmier répond qu'il y a un dispensaire pour les consultations et dit au père dont le domicile était tout proche -d'aller aussitôt chercher l'enfant et de le lui amener.

"Excuse-moi, reprit l'homme. Notre coutume, au vil-lage, veut que les jumeaux ne quittent absolument pas la chambre maternelle pendant leurs trois premières semaines. C'est pourquoi je te demande de venir chez moi." L'infirmier n'accepta pas cet argument, qu'il trouvait ridicule, et il s'obstina dans sa position. Le père aussi. L'enfant mourut quelques jours plus tard.

Faute de pouvoir ici reprendre systématiquement, dans les domaines de la famille et du droit coutumier, ce qui mériterait commentaire en fait de normes esthéti-ques, techno-scientifiesthéti-ques, économiesthéti-ques, politiesthéti-ques, ethniques, religieuses, nous nous bornerons à quelques indications significatives sur l'emploi du langage.

Une norme culturelle partout régnante est celle de la langue dans laquelle s'expriment et communiquent les membres d'une société : quand un étranger s'efforce de parler cette langue, il est vite récompensé de son effort par le nouvel éclairage dont il bénéficie. Cependant, là où il s'agit de collectivités à tradition orale, la subs-tance normative du langage comprend et la forme grammaticale, sans laquelle il n'est aucun langage possible, et l'usage du parler, c'est-à-dire les modalités de son maniement. Dans toute société il y a, certes, un temps pour parler et un temps pour se taire, mais les lieux et les temps de l'échange parlé comptent, à titre spécial, dans la vie d'une civilisation orale.

Les salutations ont une valeur particulière. Elles pour-raient faire l'objet de tout un travail comparant les différents types de salutations à l'intérieur d'une so-ciété ou entre plusieurs soso-ciétés, analysant les codes parlés et gestuels de la politesse. Se relie aux formules de salutation la façon de s'adresser aux personnes que l'on rencontre: la manière dont un autre est appelé ou interpellé peut révéler l'identité sociale de cet autre (en même temps que l'identité sociale de celui qui inter-pelle), elle définit une certaine notabilité de l'interlo-cuteur.

Il faut aussi souligner le respect très général de la parole prise par autrui : cette parole, je ne dois pas l'interrompre n'importe comment. Je dois laisser à celui qui parle le temps d'exprimer ce qu'il a à dire et, lorsqu'il en aura fini, je pourrai prendre la parole.

Celle-ci ne se coupe pas. Elle a, du reste, une certaine qualité qui épouse la qualité du locuteur : si la parole est prise par un notable, elle doit encore moins être interrompue que si quelqu'un d'autre s'exprimait. Dans le conseil ou le blâme adressé par un parent à un rejeton, l'intervention d'un oncle paternel ou maternel -peut avoir plus de poids que lorsqu'un avis analogue est adressé audit rejeton par son géniteur ou sa

géni-trice. De tels faits manifestent que la parole, toujours importante dans les civilisations orales, modèle son importance sur la qualité de qui la profère (et de qui l'écoute).

Paroles indirectes ou allusives, contes et chants, libre parler des plaisanteries ont leur place dans la vie de tous les jours, et leur usage rejoint lui-même des rè-gles subtiles. Celles qui gouvernent l'emploi du genre proverbial sont spécialement intéressantes. Dans le contexte où ils surgissent, les proverbes apparaissent tantôt comme les dictons d'une sagesse populaire, tantôt comme des outils capables de réguler la vie sociale. Dans ce dernier cas, dire un proverbe, ce n'est pas seulement habiller sa pensée d'une image symb o-lique, mais recourir à un code dont l'énoncé suffit à engendrer le respect ou à diriger l'action.

Un passage du livre de V. Guerry (12), La vie quoti-dienne dans un village baoulé, illustre l'importance du proverbe: "Je passais un jour dans un village et, vou-lant entrer dans une cour, j'entends un vieux crier:

"Toi, le Blanc, tu ne mettras pas le pied dans ma cour." Confus, je me dirige vers une autre cour. Ici, l'accueil est parfait; j'explique alors la mésaventure qui vient de m'arriver. On me dit: "Autrefois les Blancs ont été très durs pour cette famille: pillage, tortures, viols; voilà pourquoi on t'a chassé." Je demande alors:

"N'y aurait-il pas moyen d'apaiser cette vieille ran-cune?" L'homme réfléchit, puis me dit: "Retourne vers leur cour et dis au chef: si le margouillat revient sur ses pas, il ne se casse pas les reins." Sitôt dit, sitôt fait:

je répète simplement le proverbe, et voici le vieux Baoulé complètement retourné: il me sourit, me fait asseoir et nous bavardons longtemps ensemble." Le même auteur poursuit: "D'où vient donc cette force du proverbe et du conte ? En face d'une image, d'un sym-bole, nous sommes sur nos gardes et nous disons:

comparaison n'est pas raison. Pour un Baoulé, un proverbe c'est une tranche de vie, du vrai, du vivant qui lui parle, qui le fait vibrer avec l'univers et le fait basculer en emportant d'emblée son assentiment."

(12) Guerry V. La vie quotidienne dans un village baou-lé. Abidjan, INADES (08 BP 8), 1970.

Tableau 1.II: Plan-guide d'une fiche de village

Pour faciliter la rédaction de la "fiche de village" qui doit être établie à la suite de chaque passage (évalua-tion simple ou détaillée), voici l'énuméra(évalua-tion des principaux items. Prière de les traiter dans l'ordre ci-dessous indiqué, de manière que la présentation des fiches soit normalisée.

Sommaire ou détaillée, chaque fiche doit être signée de son (ou de ses) auteur(s).

En haut à gauche: En haut à droite:

Nom de l'Etat (suivi du code correspondant) Nom du village (suivi de son n° de code) Situation en latitude et longitude Canton

Arrondissement (Council) Sous-préfecture (District) Préfecture (Region)

1. Date de la visite et n° de passage.

2. Objet de la visite: Evaluation simple et/ou détaillée (avec justification éventuelle).

3. Foyer d'onchocercose: Nom de la rivière. Site de capture entomologique le plus proche (avec n° de code).

4. Accès: itinéraire, état du chemin.

5. Conditions de travail: installation.

6. Nom du chef du village.

7. Ethnie(s) et sous-groupes éventuels.

8. Population: Données de recensement disponibles (en indiquant la source et la date).

Données du recensement EPI (avec commentaires éventuels).

Note: Autant que possible, résumer toutes ces données dans un même tableau.

9. Histoire et structure du village (avec plan éventuel en annexe).

9.1 Origine des habitants, étapes éventuelles du peuplement, époque et motifs de l'installation, contacts avec les autochtones et/ou modalités d'occupation des lieux, évènements importants.

9.2 Configuration de l'habitat, articulation du village en quartiers.

9.3 Equipements sociaux: école, dispensaire, maison de jeunes, etc.

9.4 Configuration socio-politique: unités sociales (famille, lignage, clan) et organisation politique (autorités traditionnelles, pouvoir moderne).

10. Activités, ressources et problèmes économiques.

10.1 Agriculture: système foncier, emplacement des champs, modalités du travail (hommes, femmes, en-fants), organismes (gouvernementaux et non gouvernementaux) d'encadrement ou d'animation, produits récoltés.

10.2 Autres activités: élevage (garde, pacage loin des maisons ?), artisanat, pêche, etc..

10.3 Infrastructures et structures des échanges commerciaux: routes, marchés, organismes de vente, etc.

11. Migrations actuelles

11.1 Immigration: depuis quand ? Origine et motivations, modalités d'installation, volume numérique, classe d'âge et sexe concernés, temps de résidence envisagé, activités des immigrés.

11.2 Emigration: depuis quand ? Volume numérique, classes d'âge et sexe concernés, destination, motiva-tions, durée envisagée.

Note: Autant que possible, résumer toutes ces données dans un même tableau.

12. Problèmes particuliers.

12.1 L'eau. Quelle eau est utilisée (pour quoi ?) aux différentes périodes de l'année ? Puits protégés ? Rap-port à la rivière et aux marigots (hommes, femmes, enfants).

12.2 Les écoliers. Les jeunes en général.

12.3 Autres problèmes particuliers: santé, hygiène (latrines ?), nourriture, habillement, loisir, etc.

13. Notes diverses: Questions en suspens concernant l'enquête, l'épidémiologie, etc.

14. Documents cartographiques: indiquer références précises, notamment au 1/200 000.

15. Annexes: Schémas topographiques, clichés (avion ou autres), traductions d'entretiens enregistrés, pyramide des âges, etc.

Source: document interne OMS/OCP/EPI/1.77

Soulignons enfin que la parole est souvent liée à la posture. Pour parler sérieusement, il faut d'abord s'as-seoir. Témoin, dans le même pays baoulé de Côte d'Ivoire (et dans les ethnies voisines), le cérémonial pratiqué pour l'accueil d'un visiteur. Vous pouvez, en arrivant, serrer la main de celui que vous désirez rcontrer et lui dire quelques mots, mais cela n'est en-core que du bavardage. Les convenances veulent qu'on s'assoie, ainsi que les personnes éventuellement pré-sentes. On attend que le maître de céans demande pourquoi vous êtes là (il demande la nouvelle); vous dites d'où vous venez, pourquoi vous êtes venu, com-bien de temps vous allez rester au village. Puis votre hôte répond: tout va bien ici, il n'y a pas de malades, nous sommes contents de te recevoir. Et c'est ensuite seulement que l'on se salue pour de bon; toutes les personnes qui sont là en compagnie du maître de mai-son se lèvent, défilant devant vous pour vous serrer la main. La posture et le geste s'associent à l'expression de la parole. Si le visiteur est vêtu à la mode du pays, la politesse exige qu'en entrant chez son hôte et avant de lui adresser la parole, "il enlève son pagne de son épaule et s'en ceigne les reins, de façon à avoir le torse nu; il reste ainsi tant que dure la visite et lorsqu'il prend congé, remet son pagne sur son épaule gauche et s'enveloppe le haut du corps." (M. Delafosse).

Nos observations sur les jeux de la parole s'expliquent et se résument, au bout du compte, dans la remarque suivante: "La parole n'implique pas le discours, mais elle est tout à la fois l'acte pesé ou spontané, l'action, le comportement psychique, par lesquels chacun se révèle ou s'affirme. Elocution, langage ne sont pas la parole, ils en sont un mode d'expression et un mode excellent." (M. Leenhardt, 1947, p. 181) (13). En effet, dans un monde où l'écrit n'a pas cours (ou a encore peu cours), parole et action sont immédiatement soli-daires, pour ne pas dire synonymes.