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Bétail et animaux domestiques

Chasse cueillette

ENVIRONNEMENT, COMPORTEMENTS ET EPIDEMIOLOGIE DES MALADIES A. Prost

E. LES AMENAGEMENTS DE L'ESPACE RURAL

4. Bétail et animaux domestiques

Certains animaux domestiques jouent le rôle de réser-voir de virus ou de parasites de maladies humaines et certains vecteurs sont indifféremment zoophiles ou anthropophiles. Les relations de commensalité entre l'homme et ses animaux familiers sont aussi un élé-ment du comporteélé-ment.

La présence de cheptel peut réaliser la mise en place, dans une zone infestée par les glossines, d'un milieu écologique artificiel, créé par l'homme et dépendant de lui. Baldry a décrit dans la région de Nsukka (Sud-Nigeria) ces enclos à porcs et ces parcs à bétail où les glossines se spécialisent étroitement, avec une préfé-rence d'hôte exclusive pour les animaux, alors qu'elles appartiennent à des espèces fortement anthropophiles ailleurs. Cette zoophilie est parfois si stricte que lors-que l'hôte préférentiel disparaît, la population de glos-sines préfère se disperser plutôt que de se nourrir sur l'homme. En Côte d'Ivoire, on a pu parler du rôle écran des porcs qui, là où ils existent, réduisent lar-gement les contacts hommes/glossines. De même, en Europe, la régression du paludisme au XIXe siècle paraît largement attribuable aux modifications de l'habitat qui ont tendu à éloigner les étables et à les séparer de l'habitation. Les moustiques, préférentiel-lement zoophiles, se sont éloignés en même temps de l'homme.

Inversement, chats et chiens entretiennent des cycles parasitaires où l'homme intervient comme hôte

vica-riant. C'est le cas de la toxoplasmose, infection natu-relle du chat prédateur de rongeurs. C'est le cas de la leishmaniose: en Chine, la campagne nationale d'éli-mination des animaux domestiques inutiles a fait presque totalement disparaître le chien comme com-mensal de l'homme et, par voie de conséquence, éli-miné le kala-azar depuis 1958 dans la majorité du pays, alors que la Chine était un des foyers invétérés d'Asie.

F. L'URBANISATION

Entre 1975 et l'an 2000, la population urbaine des pays en voie de développement sera multipliée par un fac-teur 2,5. En Afrique, la population des villes de plus de 100 000 habitants représentait 1 % de la population totale en 1950, 8 % en 1960, 18 % en 1970; les projec-tions indiquent qu'elle en atteindra environ 38 % en l'an 2000. Les grandes agglomérations déjà surpeu-plées attirent le courant migratoire et s'accroissent plus vite que les villes moyennes. En l'an 2000, Le Caire avec près de 13 millions d'habitants et Kinshasa avec 8 millions seront, d'après l'estimation des Nations Unies, les deux grandes villes africaines les plus peu-plées et figureront parmi les 35 plus grandes villes de la planète.

La croissance urbaine se fait par strates successives, chacune étant caractérisée par l'arrivée de populations nouvelles avec leur spécificité professionnelle, leur profil d'âge, et leur établissement territorial. Les mi-grants ne se mélangent pas aux populations préexis-tantes, du moins dans un premier stade; ils occupent un territoire séparé, soit en périphérie, soit dans des îlots anciens qu'ils investissent et que quittent les précédents occupants.

Tableau 2.1: Comparaison des systèmes d'occupation de l'espace des différentes ethnies de la vallée de la Bourgouriba (Burkina-Faso) (a)

INDICATEURS

GROUPES ETHNIQUES

LOBI BIRIFOR DAGARA

Densité humaine par terroir (hab./km2) Taille: des villages

(Nb hab.) des maisons

Surface moyenne des terroirs (hectares) Distance moyenne entre villages (km) Densité de l'habitat dans l'aire résidentielle (hectares par maison)

Situation de l'habitat Espace intervillageois Exploitation des bas-fonds Travail agricole dans l'aire externe Gardiennage du cheptel par les 8-15 ans Journées de travail collectif par an et par exploitation (b)

25 231 h.

8h.

924 5 5,7

bord de talweg boisé faible hommes front des cultures

(12 pers.x 7j) 84

87 284 h.

14 h.

362 0,5 5

bas de colline défriché

forte femmes front des cultures

(14 pers. x 7j.) 98

74 624 h.

18 h.

847 1 9,3

interfluves défriché

forte hommes et femmes proximité du village

(22 pers.x 6 j.) 132

(a) D'après Prost A. et Paris F. L'incidence de la cécité et ses aspects épidémiologiques dans une région rurale de l'Afrique de l'ouest. Bull. Org. mond. Santé, 1983, 61, 491-499.

(b) Travail collectif: réalisation en groupe de 12 à 22 personnes des travaux les plus durs, en moyenne au cours de 6 à 7 jours par an sur chaque exploitation.

La formidable accélération de l'urbanisation du Tiers Monde entraîne un changement des mentalités et une mutation des comportements; elle crée des tensions liées à l'adaptation brutale à une conception différente de l'existence. La migration qui dépeuple les camp a-gnes est la conséquence du déséquilibre entre la pau-vreté rurale et la prépondérance économique des vil-les. Les migrants sont des hommes jeunes, démunis.

Le déséquilibre du sex-ratio se double d'un déséquili-bre dans la répartition entre groupes d'âge. Les solida-rités familiales et sociales sont rompues. Le chômage est le lot du plus grand nombre. L'habitat est précaire, l'accès à l'eau potable limité, l'assainissement inexis-tant, la nutrition médiocre. Le développement des infrastructures n'arrive pas à suivre l'explosion

ur-baine. Rien n'est aménagé pour assurer l'évacuation des excreta qui transforment les rues en cloaques et les cours d'eau en égouts à ciel ouvert. Fendall a pu dé-crire ces villes comme entourées d'une périphérie septique (septic fringes).

La géographie médicale urbaine est encore à décrire. Il n'existe pas d'étude de la typologie des niveaux de santé suivant la taille et les fonctions des villes. Il n'existe pas d'étude sur la distribution spatiale des grands complexes pathogènes entre quartiers ou unités géographiques en fonction des comportements nou-veaux suscités au sein de ces communautés urbaines ou suburbaines. Le chapitre 5 présente une approche

de cette typologie en relation avec la mise en oeuvre de soins de santé primaires.

Tuberculose, maladies vénériennes, maladies menta-les, sont exacerbées en milieu urbain. L'épidémiologie descriptive de ces maladies est faite; l'épidémiologie analytique est pauvre: les déterminants liés à des com-portements spécifiques ou à l'environnement urbain sont mal quantifiés. L'étude des poids de naissance dans la ville de Moscou (176) montre de fortes varia-tions qui ne doivent rien au hasard (probabilité 5 %).

La corrélation de ces poids avec 56 variables dans 423 unités urbaines montre que quatre facteurs sont res-ponsables de 65 % de la variance observée: la densité des emplois, la densité du réseau de transport public, la distance par rapport à la Place Rouge (centre de la ville) et la proximité relative du nord de la ville. Que signifient ces facteurs? Que nous disent-ils des com-portements des habitants qui puisse avoir une relation de cause à effet sur les poids de naissance ? C'est à une étude socio-géographique de le préciser.

L'incidence du paludisme atteint 10 % dans la popula-tion des grandes villes du sous-continent indien et Rao estimait en 1978 que des méthodes élémentaires per-mettraient de prévenir au moins deux millions de cas chaque année (187). Mais, se plaignait-il, la lutte antipa-ludique repose sur des méthodes éprouvées en zone rurale que les services responsables ne sont pas parve-nus à adapter à la situation épidémiologique particu-lière du milieu urbain. Dans la banlieue de Dakar, Vercruysse et al.(198) ont montré comment le faciès épidémiologique particulier du paludisme était lié à l'adaptation d'un vecteur à de nouvelles niches écolo-giques et à de nouveaux comportements (anthropophi-lie stricte, endophi(anthropophi-lie), mais aussi à la facilité d'accès aux médicaments antimalariques. L'interface entre services de santé et populations s'organise selon des modalités différentes en ville et en milieu rural et, au sein de la ville, parmi les communautés qui la comp o-sent. Ces relations sont d'autant plus mal analysées

(17) Barbash N.B. The Geographical Approach to Urban Environment-Health Relationship.

Ecology of Disease, 1983, 2, 117-123.

(18) Rao T. The Malaria Problem : the Mosquito Factor. Sisir Kumar Mitra Memorial Lecture, Indian National Science Academy, New Delhi, 1978.

Bruce-Chwatt L. Man against Malaria : Con-quest or Defeat. The Mansion Oration, Trans-actions of the Royal Society of Tropical Medi-cine and Hygiene, London, 1979, 73, 605-617.

(19) Vercruysse J., Jancloes M., Van de Velden L.

Epidemiology of Seasonal Falciparum Malaria in an Urban Area of Senegal. Bull. Org. mond.

Santé, 1983, 61, 821-831.

que les moyens sanitaires sont largement concentrés dans les villes et que la seule lecture des indicateurs peut donner l'illusion d'une couverture adéquate dont bénéficient en fait certains groupes sociaux seulement.

CONCLUSION

Notre époque est imprégnée de l'utopie technologique, fille des progrès immenses réalisés depuis cinquante ans et héritière directe de la pensée positiviste et de la révolution pasteurienne. Depuis Pasteur, on sait, on croit savoir, que les maladies ont un agent étiologique qui, une fois identifié, peut être traité par le médica-ment approprié, par l'extirpation, par l'irradiation. Les théories anciennes des miasmes, des humeurs, de l'influence des éléments naturels, de l'harmonie avec les puissances du milieu, ont été définitivement ran-gées au rayon des superstitions. Chacun tend à penser que la conservation de sa santé dépend moins de son genre de vie que d'une intervention médicale reposant sur les techniques de la biologie. C'est oublier que beaucoup de maladies caractéristiques de notre époque sont avant tout la conséquence du développement socio-économique, d'un changement des modes de vie, d'une perturbation du milieu, ou des trois ensemble.

Elles sont les manifestations de forces nouvelles éma-nant du milieu et auxquelles l'homme n'a pas eu la possibilité, ni souvent le désir, de s'adapter.

La médecine curative individuelle à laquelle s'attache le prestige moderne se veut une approche globale de l'homme en situation. La démarche du malade qui consulte est une demande d'assis tance, un appel d'homme à homme. Dans l'acte médical, la prescrip-tion médicamenteuse n'est que l'étape finale, après l'interrogatoire, l'examen, le diagnostic, le tout rele-vant d'une appréciation globale du contexte pathogène où se situe le patient, à l'opposé de la conception mé-caniste qui voudrait réduire la maladie au dysfonc-tionnement d'un organe. Le médicament est l'adjuvant d'une thérapeutique où compte surtout la relation, où, comme le dit Balint, le meilleur médicament est le médecin lui-même, où l'efficacité du traitement dé-pendra plus d'une modification des comportements du malade (alimentation, sommeil, mode de vie, stress familial et professionnel) que de l'action d'une molé-cule chimique.

Il en va de même en santé publique. L'épidémiologiste a affaire à une communauté humaine, définie au début de ce chapitre comme une unité fonctionnelle, c'est-à-dire un organisme social, dont chacun des composants interagit avec les autres et dont l'ensemble est dans une relation dynamique avec le milieu où il s'insère.

Ce milieu fait peser sur la communauté des contraintes extérieures. La collectivité en crée d'autres. Chaque communauté développe des mécanismes particuliers d'adaptation sans lesquels elle ne saurait survivre. En santé publique, comme en médecine individuelle, une thérapeutique qui prétendrait n'agir que sur un des

facteurs du milieu, isolément, est vouée à une efficaci-té limiefficaci-tée, voire à l'inefficaciefficaci-té. L'impact des actions possibles est modulé par l'effet des comportements du groupe. Dans certains cas, la communauté a développé des mécanismes d'adaptation qu'il faudra soutenir ou amplifier: éradiquer un agent étiologique, c'est rendre un mauvais service à une communauté si l'on n'a pas la garantie que l'élimination est définitive; le proces-sus d'adaptation se dégrade et le groupe se retrouvera en déséquilibre en cas de retour en force à la situation initiale. Dans d'autres cas, le déterminant réel n'est pas la présence d'un agent étiologique dans le milieu, ou

un facteur unique du milieu sur lequel on puisse agir, mais un ensemble de situations qui alimentent le com-plexe pathogène et contribuent à sa dissémination.

Eviter la maladie requiert de s'adapter totalement et rapidement aux changements du milieu que la com-munauté s'est choisi. Ce besoin constant d'adaptation marque la limite du pouvoir de l'homme sur son mi-lieu, même si le progrès technique tend à repousser cette limite toujours plus loin.

REFERENCES SELECTIONNEES

Brengues J. La filariose de Bancroft en Afrique de l'Ouest. Mémoires ORSTOM, 1975, no 79, 299 p.

Doumenge J.-P. (sous la direction de). De l'épidémiologie à la géographie humaine; travaux de géographie tropicale n o 48. Paris, Editions CNRS/ACCT, 1983, pp. 139-147.

McGlashan N.D. (sous la direction de). Medical geography. Techniques and Field Studies. 1972, London, Methuen & Co. publ., 336 p.

Chapitre 3

GENERALITES SUR LE PROCESSUS DE PLANIFICATION