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Le contenu socioculturel des relations de parenté Apportons maintenant à tout ce qui précède une

Chasse cueillette

L'ETUDE DES RELATIONS DE PARENTE

3. Le contenu socioculturel des relations de parenté Apportons maintenant à tout ce qui précède une

préci-sion capitale : dès le départ (inventaire des termes de parenté) et durant tout son cours, l'enquête préconisée ne saurait se satisfaire des dires recueillis auprès d'une

(9) Par exemple, Ego héritera la terre en ligne pater-nelle et des troupeaux en ligne maternelle (il re-prendra les troupeaux de son oncle utérin).

(10) Les concepts de patrilocalité/matrilocalité, patri-linéarité/matrilinéarité ne doivent pas être con-fondus avec patriarcat/matriarcat. Le terme pa-triarcat dénote l'autorité reconnue aux pères dans une société donnée. De même, le matriarcat, s'il existe, signifierait la prééminence socio-politique des mères. Dans ces conditions, une société matril i-néaire peut fort bien être patriarcale, en même temps que viri-patrilocale.

population. Outre ces dires, doit être constamment exploré le faire, c'est-à-dire le détail des pratiques sociales, telles que celles-ci se manifestent. Faute de quoi, l'enquêteur risque de devenir, à son insu, victime de discours dont la seule valeur sera idéologique : il atteindra bien un système de représentations collecti-ves, mais n'aura aucun moyen de savoir si les paroles entendues correspondent à la réalité des actions prati-quées.

Quand il s'agit, pour aller plus avant dans la connais-sance d'une organisation sociale, d'appréhender le contenu socioculturel des relations de parenté (11), la même remarque continue de valoir. L'enquêteur ne peut se borner à écouter ce que les intéressés lui d i-sent à ce sujet; la nécessité d'observer comporte-ments, rôles et attitudes demeure pour lui une obliga-tion complémentaire.

Cependant, au point où nous en sommes, l'observation des rapports mutuels entre consanguins (de généra-tions différentes ou de même génération), ainsi qu'en-tre alliés, va se guider sur des hypothèses ou des con-trôles que les investigations antérieures suggèrent d'essayer. En effet, l'emploi des termes de parenté, le choix de certaines modalités matrimoniales n'équiva-lent pas seulement à l'usage d'un code; ils expriment, en quelque manière, la forme de relations sociales dont le contenu n'est pas indépendant. Nous donne-rons, à cet égard, quatre exe mples.

Les épouses (12) d'un même homme s'appellent souvent l'une l'autre par un terme qui signifie, en français, ma querelle, ma rivale. En présence de ce fait, l'enquêteur est aussitôt invité :

- à faire gloser quelques personnes sur l'emploi courant d'une telle appellation. Celle-ci illustre-t-elle la présence de fréquents conflits entre co-épouses ? S'agit-il de plaisanterie ? Réponses ou commentaires recueillis sur le sujet seront parfois très plats, quelquefois éclairants ...;

(11) Il importe, à ce propos, de bien apprécier la dimen-sion économique d'un tel contenu : ainsi, plus les fonctions économiques s'individualisent (aux dé-pens, par exemple, d'une complémentarité sexuelle des tâches, d'une gestion familiale de l'exploitation agricole ...), moins les liens de parenté sont sollici-tés dans les échanges sociaux (par exemple : la fa-mille se nucléarise). Une remarque analogue vau-drait de la p arenté politique.

(12) En conjoncture polygynique, le statut des épouses d'un même homme n'est pas forcément identique.

Par exemple, la première épouse bénéficiera, au sein de la famille, de prérogatives économiques que les autres n'ont pas; telle épouse est considérée comme la préférée, etc. Cette question mérite une étude attentive.

- à observer ce qui se passe quotidiennement dans les familles polygyniques sous le rapport de la bonne ou de la mauvaise entente entre les épouses d'un même homme, sous le rapport du règlement des conflits latents ou patents, sous le rapport de la répartition des tâches domestiques.

Une terminologie de la parenté met en évidence (entre lignée paternelle et lignée maternelle, entre ascendants et descendants, etc.) des symétries et des dissymé-tries dont l'occurrence n'est pas insignifiante. On constatera, par exemple, sur la figure 1.1.3. Goula-Iro, que je n'appelle pas de la même façon le frère de mon père et le frère de ma mère. Si une telle différence existe, c'est sans doute qu'il y a une raison pratique susceptible de rendre compte de cette différence (la distinction formelle des termes connotant alors une distinction de mon statut, de mon comportement, de mes attitudes à l'endroit de mon oncle paternel et de mon oncle utérin).

Existe-t-il une appellation (ou plusieurs) correspon-dant au français ma fiancée, chronologiquement suivie d'une autre (ou de plusieurs) correspondant à ma femme, mon épouse ? A quel moment passe-t-on de l'usage de la première appellation à celui de la seconde

? Est-ce que l'appellation ma femme cesse d'être cou-rante à partir du moment où mon épouse devient mère

? Etc.

Il arrive, chez les Goula-Iro, qu'on entende une femme appeler son fils petit-père (paban, terme no 3 de la fig. 1.1.3.). De prime abord on s'étonne, mais il ne faut pas supposer trop vite qu'il s'agit là de pure fantaisie.

C'est que le nom propre attribué à l'enfant a tout simplement repris la nomination d'un défunt frère puîné du père de la femme. Dès lors, celle-ci conserve, à l'égard de son fils, le terme de parenté dont elle usait naguère vis-à-vis de l'éponyme.

En fait de comportements et d'attitudes, les relations aînés/cadets, parents/enfants, conjoint/beaux-parents, époux/épouse(s) méritent toujours une attention parti-culière. Une recherche sérieuse là-dessus emmènera probablement l'enquêteur plus loin qu'il ne l'imaginait au départ. Ainsi, dans les groupes sociaux où l'aîné est considéré par son cadet comme une sorte de souverain inamovible, c'est une certaine conception culturelle de

l'autorité qui est en jeu (13). Quant à la nature des rap-ports parents/enfants, elle est déterminée par le type de statut socialement conféré à la qualité d'enfant.

Bref, les domaines de la parenté (avec les relations qui les traversent) se prolongent ou se fondent sans cesse dans un ensemble culturel. S'efforcer d'en saisir préci-sément les contours introduit donc l'enquêteur à une connaissance globale de la société qu'il cherche à connaître.

(13) La réciprocation ou la non-réciprocation d'un terme de parenté peut fournir un indice d'attitudes respec-tivement réciprocables ou non réciprocables. a) Exemple de réciprocité: j'appelle mon frère comme je suis appelé frère par lui, et je me comporte vis-à-vis de lui comme il se comporte vis-à-vis-à-vis-à-vis de moi (nos droits et devoirs mutuels sont les mêmes). b) Exemple de non-réciprocité: si je suis obligé d'ap-peler grand-frère mon aîné, celui-ci m'appelle petit-frère (terme distinct de son corrélatif). Il est proba-ble que, dans ces conditions, nos droits et devoirs mutuels ne sont pas identiques, non plus que les conduites et attitudes qui en résultent.

Chapitre 2

ENVIRONNEMENT, COMPORTEMENTS ET EPIDEMIOLOGIE DES MALADIES