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Partie 1: L’information du patient sur les effets indésirables de sa chimiotherapie

II. Les effets indésirables des chimiothérapies

3. Prise en charge des effets indésirables

3.5. Troubles sanguins

3.5.2. Neutropénie

3.5.2.1. Généralités

La diminution du nombre de PNN est la première manifestation de la myélosuppression. Elle s’accompagne d’accidents infectieux lorsque la neutropénie chute en-dessous de 1 G/L, la gravité de cette dernière dépendra de sa profondeur et de sa durée (risque augmenté au-delà de 7 jours). La numération des PNN et la détermination du grade de neutropénie constitue un des paramètres majeurs dans la décision de débuter ou retarder une cure ou de modifier les doses.

Les grades de l’OMS sont les suivants :

Tableau 13 - Grades de neutropénie selon l'OMS

Grade OMS PNN G/L

1 1,5 à 1,9

2 1 à 1,4

3 0,5 à 0,9

4 < 0,9

La principale complication est la neutropénie fébrile nécessitant une prise en charge médicale urgente. Elle est définie comme telle lorsque le patient neutropénique présente une fièvre > 38,3°C une seule fois ou > 38°C deux fois à moins d’une heure d’intervalle, des frissons, un collapsus ou encore une hypothermie < 36°C. Les microorganismes impliqués sont les bactéries à 90% ainsi que les virus, champignons et parasites. Toute fièvre survenant chez un patient neutropénique doit être considérée comme d’origine infectieuse. Attention, elle n’est pas toujours présente (5 à 10%) ou peut être masquée par un traitement antipyrétique ou par les corticoïdes. Aucun diagnostic de fièvre « non infectieuse » ne devra être posé avant l’élimination d’une cause infectieuse. Le patient devra être pris en charge sans aucun délai dans la mesure où le risque d’évolution fatale est majeur. (78)

La réserve médullaire en précurseurs de cellules matures circulants de la lignée leucocytaire peut compenser leur diminution pendant 8 à 10 jours. Au-delà, le taux de neutrophiles chute pour devenir

minimal entre le 14ème et le 18ème jour avant d’être compensé à partir du 21ème jour et de se normaliser le 28ème. Le nadir correspond au taux le plus bas obtenu entre deux cures pour un élément sanguin donné. En résumé, la neutropénie survient la deuxième semaine qui suit le traitement et remonte spontanément le plus souvent la 3ème semaine. (18)

3.5.2.2. Facteurs de risque

Les facteurs de risque, identiques pour les trois lignées, sont :

- Les doses administrées,

- Le mode d’administration,

- Le rythme de remplacement propre à chaque lignée cellulaire,

- Les traitements antérieurs susceptibles d’avoir réduit les réserves médullaires comme la radiothérapie,

- La présence d’autres troubles de l’hématopoïèse : dénutrition, phénomènes auto-immuns, diminution de l’efficacité de l’Erythropoïétine (EPO), … (18)

Concernant la neutropénie fébrile, les facteurs de risque liés au patient sont :

- Age supérieur à 65 ans,

- Stade avancé de la maladie,

- Antécédents de neutropénie fébrile,

- Absence d’utilisation d’antibioprophylaxie, - Radiothérapie préalable ou concomitante,

- Envahissement médullaire induisant une cytopénie,

- Mauvais état nutritionnel,

- Présence d’une infection latente ou active.  Molécules en cause

Toutes les molécules sont neutropéniantes, les nadirs et les délais de récupération des lignées

cellulaires sont renseignés pour chacune et correspondent à un traitement en monothérapie à dose usuelle. Les associations ont un effet synergique sur la myélotoxicité.

Voici quelques chimiothérapies pour lesquelles le pourcentage de patients ayant développé une

neutropénie fébrile est élevé. A noter que les pourcentages les plus faibles sont de 0 à 2 % comme

pour le protocole FEC (5-FU, Epirubicine, Cyclophosphamide). (99)

- Paclitaxel : 20%,

- Topotécan : 28%,

- Docétaxel : 33%,

- Etoposide/Cisplatine : 54%,

- Protocole ACE (Doxorubicine, Cyclophosphamide, Etoposide) : 24-57%,

- Protocole A/NCVB (Doxorubicine ou Mitoxantrone, Cyclophosphamide, Vindésine, Bléomycine) : 78%.

Le Sunitinib engendre fréquemment des neutropénies (>50%) mais, comme pour les autres thérapies ciblées, l’évolution fébrile reste très rare. (82)

3.5.2.3. Thérapies de soutien

Depuis quelques années, la neutropénie peut être prévenue par l’administration de facteurs de croissance hématopoïétiques : le Granulocyte Colony Stimulating Factor (G-CSF) recombinant. Trois DCI sont commercialisées : le Filgrastim NEUPOGEN®, le Lénograstim GRANOCYTE® et le Pegfilgrastim NEULASTA®. Des biosimilaires ou médicaments génériques des thérapies biologiques sont disponibles depuis 2010. Ces facteurs de croissance hématopoïétiques induisent une réduction significative de l’incidence, la sévérité et la durée de la neutropénie mais aussi des épisodes fébriles. Leur administration en sous-cutané par une infirmière ou par le patient lui-même se fait pendant 3 à 7 jours par cycle à l’exception de la forme pegylée à libération prolongée NEULASTA®

qui s’administre une fois par cycle. La première injection se fait entre J1 et J3 et le traitement continue jusqu’à ce que la date attendue du nadir soit dépassée et que le taux de PNN soit revenu à la normale. (78)

Pour différencier l’usage en prévention primaire ou secondaire, un arbre décisionnel a été proposé. Si le risque de neutropénie est supérieur à 20%, un G-CSF est indiqué en prévention primaire alors qu’il ne l’est pas sous 10% de risque. Entre ces deux bornes, il convient d’évaluer les facteurs qui augmentent la fréquence ou le risque de neutropénie : âge > 65 ans, stades avancés, antécédents de neutropénie fébrile, absence d’antibioprophylaxie, carence nutritionnelle, sexe féminin, anémie, maladies rénale, hépatique ou cardiaque. En prophylaxie secondaire, si le patient a souffert d’une neutropénie profonde ou fébrile lors d’un cycle de chimiothérapie antérieur, il est possible de prescrire un facteur de croissance pour les cycles suivants lorsqu’une réduction de dose ou un retard de cure aurait un effet délétère sur le traitement du patient. (39)

La neutropénie fébrile nécessite une prise en charge en urgence basée sur une hospitalisation de 3 jours minimum parfois en isolement en chambre stérile accompagnée d’une surveillance clinique et biologique. Afin de rechercher le germe impliqué, divers examens seront pratiqués : une hémoculture, une radiographie pulmonaire et d’autres prélèvements bactériologiques ou mycologiques au niveau ORL, des urines, des selles, du vagin et du cathéter. Une antibiothérapie probabiliste basée sur l’administration d’une bêtalactamine est mise en place en urgence avant d’adapter le traitement au germe si nécessaire. Aucune antibioprophylaxie n’est recommandée. (78)

3.5.2.4. Conseils

Le rôle du pharmacien est de surveiller la toxicité hématologique et de la gérer. Il abordera avec le patient la reconnaissance des signes d’une infection éventuelle, les mesures hygiéno-diététiques en prévention des complications infectieuses et l’ensemble des informations accompagnant la délivrance d’un facteur de croissance hématopoïétique.

o Favoriser l’observance du traitement par G-CSF

Le pharmacien devra éduquer son patient afin qu’il soit en mesure de connaitre les médicaments qu’on lui a prescrit et le nom des facteurs de croissance, de repérer les effets indésirables et de les signaler à un membre de l’équipe soignante.

Les effets indésirables notables des G-CSF devront être connus par le patient. Un syndrome pseudo-grippal peut apparaitre suite à l’injection sous-cutanée avec légère fièvre et douleurs musculaires ressemblant à des courbatures. Le patient peut souffrir également de douleurs osseuses et de céphalées. Des douleurs et réactions locales peuvent apparaitre au point d’injection. Elles seront prévenues par la rotation des sites d’injection. Ces douleurs se soignent, le patient ne doit pas hésiter à les signaler au pharmacien et au médecin, ce dernier pourra prescrire des antalgiques de palier I.

Le Filgrastim NEUPOGEN et le Pegfilgrastim NEULASTAse conservent au réfrigérateur entre +2°C et +8°C à l’abri de la lumière dans leur emballage d’origine. Lors de la délivrance, une pochette isotherme voire un pack réfrigérant pourra accompagner le produit si le patient ne se rend pas directement à son domicile. Avant l’injection, il est possible de sortir le stylo et de la mettre à température ambiante afin que l’administration soit moins douloureuse. Le Lénograstim GRANOCYTE pourra être conservé à température ambiante.

Si le patient est volontaire et jugé apte à s’administrer lui-même les facteurs de croissance, le pharmacien devra lui rappeler les modalités de l’auto-injection sous-cutanée : les grilles d’auto-injection (abdomen, bras, cuisse), le respect des règles d’asepsie (lavage des mains, nettoyage du point d’injection à l’alcool), l’utilisation de conteneurs à aiguilles et la technique de l’injection proprement dite. Il ne faudra ni agiter le stylo ni la seringue avant l’injection. La solution devra être transparente ou légèrement opalescente et ne comportera aucune particule en suspension. Le patient devra connaitre précisément le schéma d’administration avec la date de la première injection, de la dernière et leur fréquence. (19,78,100)

o Apprendre au patient à reconnaitre les signes d’une infection

Le pharmacien pourra expliquer au patient le mécanisme de la neutropénie. Même si celle-ci ne se ressent pas physiquement, il devra avoir conscience qu’il sera plus sensible aux infections et que celles-ci seront potentiellement plus graves. A la sortie de l’hôpital, il sera le mieux placé pour

surveiller l’apparition d’un symptôme évoquant une infection. Les symptômes se manifestant le

plus souvent sont :

- Une fièvre > 38,5°C ou < 36,5°C,

- Des frissons,

- Une rougeur, un écoulement ou une douleur au niveau du cathéter,

- Une rougeur, une douleur ou un œdème au bras ou à la jambe, - Des sueurs surtout la nuit,

- Des ulcérations de la bouche avec des plaques blanchâtres,

- Une toux, un essoufflement, une douleur dans la poitrine,

- Des douleurs ou brûlures urinaires,

- Une diarrhée persistante.

Le patient devra prendre régulièrement sa température buccale ou auriculaire, la prise rectale étant proscrite en raison du risque hémorragique. (19)

o Mesures d’hygiène

Le pharmacien devra rassurer le patient : une neutropénie anticipée est compatible avec une vie normale. La personne ne devra pas éviter de sortir ni de rencontrer d’autres personnes (sauf en cas de neutropénie grave). Des NFS seront faites toutes les semaines afin de détecter des taux anormaux nécessitant une prise en charge rapide. En général, la neutropénie est sans conséquence dans la mesure où elle est de courte durée.

Toutefois, certains contacts avec l’extérieur devront être limités :

- Le contact avec les personnes enrhumées, grippées ou porteuses de maladies infectieuses (varicelle, herpès, …),

- Les transports en commun,

- Les travaux générant de la poussière,

- La piscine,

- Les bains de foule,

- La manipulation des fleurs coupées,

Des mesures simples d’hygiène pourront prévenir les infections comme :

- Se couvrir avant de sortir,

- Prendre une douche ou un bain tous les jours,

- Se laver les mains plusieurs fois par jour, surtout après être aller aux toilettes et avant les repas,

- Maintenir une bonne hygiène buccale,

- Protéger l’intégrité de la peau, par exemple en portant des gants de protection pour le jardinage et le ménage, en faisant attention en se coupant les ongles ou en privilégiant l’usage du rasoir électrique,

- Laver abondamment une éventuelle plaie avec de l’eau et du savon avant de la désinfecter et de mettre un pansement. (19)

o Soigner son alimentation

L’alimentation est une source de germes infectieux. Quelques mesures sont à prendre pour le patient neutropénique :

- Cuire suffisamment les viandes et les poissons et ne jamais les consommer crus.

- Eviter certains aliments : crustacés, œufs durs, charcuterie à la coupe, pâtisseries à la crème, mayonnaise, mousse au chocolat, légumes et fruits NON épluchés. Supprimer le lait cru de ferme, les fromages au lait cru et fromages fermiers.

- Nettoyer et désinfecter à l’eau de Javel régulièrement le réfrigérateur, au minimum une fois par mois.

- Veiller à la fraicheur des aliments, respecter la date limite de consommation.

- Bien gérer les restes : ne pas garder plus de 48 heures un plat cuisiné.

- Lors des achats, choisir les surgelés au dernier moment et les ranger rapidement au congélateur. (84)

3.5.2.5. Traitements complémentaires

L’insuffisance immunitaire en générale peut être traitée par homéopathie en utilisant des souches pouvant prévenir les leucopénies:

- ADN 5 CH, 7 CH et 9 CH, 2 granules de chaque tube le matin associé à ARN 5 CH, 7 CH et 9 CH, 2 granules de chaque tube le soir par cure de un mois.

- Echinacea angustifolia : afin de stimuler le système immunitaire. En 7 ou 9 CH, 3 granules 1 fois par jour.

- Silicea : excellent stimulant de l’immunité. En 9 CH, 1 dose par semaine.

En cas de fièvre, après consultation médicale, il est possible de compléter les traitements antibiotiques et antipyrétiques par un ou deux médicaments ci-dessous en alternance toutes les heures :

- Aconitum napellus : en cas de fièvre forte et subite. En 7 CH, 3 granules toutes les deux heures.

- Belladonna : en cas de fièvre violente avec sueurs chaudes. En 7 CH, 3 granules toutes les deux heures.

- Gelsemium : en cas d’état fébrile avec frissons, tremblements et absence de soif. En 5 CH, 3 granules toutes les deux heures.

- Eupatorium perfoliatum : en cas de courbatures généralisées avec fièvre sans sueurs. Il s’agit du médicament spécifique de la grippe. En 5 CH, 3 granules toutes les deux heures.

- Bryonia : en cas de fièvre avec soif abondante et courbatures aggravées par le mouvement. En 5 CH, 3 granules toutes les deux heures.

- China : en cas de fièvre intermittente. En 5 CH, 3 granules toutes les deux heures.

- Ferrum phosphoricum : en cas de fièvre modérée. En 5 CH, 3 granules toutes les deux heures. (65)

Pour traiter les douleurs osseuses après injection des facteurs de croissance, utiliser Eupatorium Perfoliatum en 5 CH, 3 granules toutes les 2 heures et si les douleurs sont aggravées par le moindre mouvement, alterner avec Bryonia 9 CH, 3 granules toutes les 2 heures. En cas de syndrome

pseudo-grippal et de douleurs musculaires, se référer aux traitements complémentaires détaillés dans la

partie Douleur.