• Aucun résultat trouvé

Partie 1: L’information du patient sur les effets indésirables de sa chimiotherapie

II. Les effets indésirables des chimiothérapies

3. Prise en charge des effets indésirables

3.3. Troubles digestifs

3.3.2. Diarrhées

3.3.2.1. Généralités

La diarrhée se définit comme l’émission de selles trop fréquentes, trop abondantes et trop liquides. Dans le cadre de la toxicité de la chimiothérapie, il s’agit d’une diarrhée aigue sécrétoire avant tout, apparaissant dans les 24 à 96 heures qui suivent la fin du traitement. Elle est la conséquence à la fois de la réduction de l’absorption intestinale et de la sécrétion excessive d’eau et d’électrolytes. Les cellules de la muqueuse intestinale se divisant rapidement, elles seront très touchées par les anticancéreux. La diarrhée résulte du fait que les cellules immatures synthétisées en réponse sont sécrétoires. De plus, la destruction des villosités intestinales entraine une diminution de l’absorption à ce niveau. Enfin, l’inflammation génère la sécrétion de facteurs tels les prostaglandines, leucotriènes et cytokines stimulant la sécrétion de fluide supplémentaire.

Le patient est très touché par cet effet indésirable. Même si les études en matière de prévention et gestion sont peu nombreuses, elles insistent sur l’importance de sa prise en charge. Chez le patient, inconfort et limitations des activités sociales peuvent conduire à une volonté d’arrêter le traitement. Du point de vue du praticien, cette diarrhée est gênante car si elle persiste, elle peut entrainer douleur, faiblesse, déshydratation, perte de poids, déséquilibre électrolytique et insuffisance rénale. Elle peut mettre en jeu le pronostic vital, l’hospitalisation en urgence est alors impérative. (85,86)

Selon le classement du NCI, la toxicité de la diarrhée est classée du grade 1 (augmentation de 1 à 3 selles par jour) au grade 5 (décès). (39)

Une diarrhée due à une colite infectieuse à bactérie ou à champignons peut survenir lorsque l’immunité du patient est diminuée. Non liée à la toxicité digestive des anticancéreux, elle est soignée par des ralentisseurs du transit ou des antibiotiques. Il est important de bien différencier la diarrhée post-chimiothérapie d’une diarrhée infectieuse. (6)

3.3.2.2. Facteurs de risque

La fréquence de la diarrhée n’est pas prévisible : elle dépend des facteurs individuels du patient et de la chimiothérapie (molécules, schéma, doses).

 Molécules en cause

Certaines molécules ont été identifiées comme les plus à risque : le 5-Fluoro-Uracile et ses

prodrogues : la Capécitabine et le Tégafur-Uracile, l’Oxaliplatine et des inhibiteurs de topoisomérases : l’Irinotécan et le Topotécan. (85,86)

La diarrhée est plus fréquente avec les thérapies ciblées mais rarement sévère. Le Lapatinib, le Temsirolimus, le Sorafénib, le Sunitinib, le Pazotinib, l’Imatinib et l’Ipilimumab entrainent des diarrhées dans 10 à 50% des cas. Le Cetuximab, l’Erlotinib, le Gefitinib et l’Imatinib entrainent des diarrhées dans moins de 10% des cas. (82)

3.3.2.3. Thérapies de soutien

La diarrhée sécrétoire chimio-induite n’est actuellement pas prévenue thérapeutiquement ni par des mesures d’hygiéno-diététiques. Cependant, elle nécessite une prise en charge précoce et efficace par :

- Des mesures hygiéno-diététiques antidiarrhéiques,

- Une réhydratation,

- Des antidiarrhéiques ralentisseurs du transit ou antisécrétoires intestinaux,

- Des topiques intestinaux, pour protéger la muqueuse digestive et absorber les gaz. (83)

Les ralentisseurs du transit sont des opiacés agonistes des enképhalines, permettant de ralentir le flux intestinal. On retrouve le Lopéramide IMODIUM®, IMODIUMLINGUAL®, l’oxyde de Lopéramide ARESTAL® ou le Diphénoxylate associé à l’Atropine dans LOMOTIL®

. Les

antisécrétoires intestinaux sont représentés par le Racécadotril TIORFAN®. Inhibiteur des enképhalinases catabolisant les enképhalines, il inhibe la sécrétion hydroélétrolytique de l’intestin. Les

pansements digestifs ou topiques intestinaux sont des silicates (SMECTA®, ACTAPULGITE®), alginates (GAVISCON®) ou silicones (POLYSILANE®). (87)

Le Lopéramide est le traitement de premier choix en cas de diarrhée simple. En cas d’échec, le Racécadotril peut être utilisé, seul ou en association avec le Lopéramide. Les diarrhées secondaires à l’Irinotécan ou au Lapatinib, plus sévères, demandent un traitement avec du Lopéramide toutes les 2 heures jusqu’à arrêt complet de la diarrhée. L’Irinotécan peut causer des diarrhées précoces (dans les 24 heures de l’administration) nécessitant une injection d’Atropine sous-cutanée. En cas de diarrhée réfractaire, la Codéine, l’Octréotide ou le Budésonide ont démontré leur efficacité. (83,88)

3.3.2.4. Conseils

Le pharmacien doit veiller à bien conseiller son patient vis-à-vis de la gestion de la diarrhée. En effet, cet effet indésirable peut devenir très embarrassant et le patient, outre le fait qu’il préférerait se trouver à son domicile en cas de survenue incongrue de l’effet indésirable, n’est pas toujours disposé à écouter son interlocuteur.

o Favoriser l’observance du protocole antidiarrhéique

Il est important de rappeler au patient les effets indésirables des antidiarrhéiques prescrits afin de garantir d’une bonne observance et de réduire le risque de prise « en prévention ». Les antidiarrhéiques opiacés peuvent induire une constipation et des ballonnements, des nausées et vomissements, des vertiges et une somnolence. Le Racécadotril ne provoque pas de ralentissement du flux intestinal et a peu d’effets indésirables. Les topiques intestinaux devront impérativement être pris 2 heures ou plus après la prise de médicaments par voie orale afin de ne pas diminuer l’absorption de ceux-ci.

Il sera conseillé de garder son ventre au chaud, avec une bouillote par exemple.

o Insister sur l’importance de la réhydratation

Le principal risque de cet effet indésirable est la déshydratation. Recommander au patient de boire au moins 2 litres d’eau par jour sous toutes ses formes (eau plate, thé, tisane, boissons aromatisées). L’eau n’est pas suffisante à la réhydratation, il faut lui associer la consommation de boissons contenant du sel ou du sucre comme l’eau de riz, des bouillons de légumes, du jus de carotte ou boissons à base de cola dégazées.

En cas de diarrhée persistant plus de 24 heures, de fièvre ou de vomissements, il ne faut pas hésiter à contacter le médecin. En effet, une diarrhée prolongée peut avoir des conséquences très graves pour le patient sauf si elle est rapidement soignée à l’hôpital par une perfusion de réhydratation notamment.

o Soigner son alimentation

Certains aliments sont à éviter pendant la période de diarrhée :

- Le lait et les produits laitiers,

- Les aliments riches en matière grasse ainsi que les plats en sauce ou épicés,

- Les fruits, légumes crus et céréales complètes, trop riches en fibres alimentaires non absorbées par l’intestin,

- Le pain complet, les pâtes et les légumineuses, trop riches en sucres,

- Le café et les boissons glacées, accélérant le transit, ainsi que l’alcool, irritant.

L’alimentation devra privilégier la consommation de féculents pauvres en fibres mais à haute valeur énergétique : riz, pommes de terre, pain blanc, … En complément, il est possible de consommer des légumes bouillis, de la purée de carotte, de la compote de pommes ou de coings, des bananes bien mûres, de la gelée de coings ou de myrtilles et des fromages à pâte cuite. (19,88)

3.3.2.5. Traitements complémentaires

Dans tous les cas, le pharmacien insistera sur la nécessité d’informer le spécialiste de la prise de traitements complémentaires.

En allopathie, proposer des produits d’origine microbienne comme :

- Des prébiotiques comme le LACTEOL en 1 à 3 prises par jour.

- Des probiotiques comme l’ULTRA-LEVURE, 200 mg par jour en 1 à 2 prises. (87) En homéopathie, il est possible de conseiller certaines souches :

- Podophyllum : en cas de selles matinales fétides, aqueuses, abondantes et jaunâtres. En 5 CH, 3 granules toutes les 2 heures.

- Veratrum album : en cas de diarrhées abondantes avec des sueurs froides et suivies d’intense fatigue. En 4 CH, 3 granules 3 à 4 fois par jour.

- Aloe : en cas de diarrhées au réveil ou sitôt après avoir bu ou mangé et avec perte de selles à l’occasion d’un gaz. En 5 CH, 3 granules 3 fois par jour.

- Natrum sulfuricum : en cas de flatulences et diarrhées profuses le matin au réveil et surtout après le petit-déjeuner. Une dose en 9 CH par semaine.

En phytothérapie, les baies de Myrtille Vaccinium myrtillus ont une action antidiarrhéique et le

Charbon végétal permettra de traiter les troubles associés à la diarrhée : flatulences, gaz, crampes, ballonnements. On peut également conseiller des tisanes à base de graines de Carvi Carum carvi, de

Fenouil Foeniculum vulgare, d’Anis Pimpinella anisum et de racines de Réglisse Glycyrrhiza glabra en quantités égales à boire à volonté pendant et entre les repas. (65)