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Partie 1: L’information du patient sur les effets indésirables de sa chimiotherapie

II. Les effets indésirables des chimiothérapies

3. Prise en charge des effets indésirables

3.4. Troubles cutanéo-muqueux et des phanères

3.4.1. Alopécie

3.4.1.1. Généralités

L’alopécie ou chute des cheveux et de tous les poils, y compris cils et sourcils, totale ou partielle, est un des effets indésirables les plus fréquemment rencontrés lors des chimiothérapies. Qui n’a pas eu l’image d’une femme dépourvue de chevelure lorsque l’on parle du traitement par chimiothérapie ? L’inhibition toxique des cellules souches de la matrice pileuse entraine une fragilisation des cheveux qui se cassent sous l’effet d’une simple pression. La chute des cheveux débute environ 10 à 20 jours après le début de la chimiothérapie et n’est maximale qu’au bout d’un à deux mois, la durée de renouvellement des cheveux étant de 70 jours. Une alopécie retardée 3 à 6 mois après la fin du traitement, dite télogène, résulte du stress thérapeutique ou d’une anémie.

La cotation de l’OMS classe les grades de toxicité du grade 1 (perte de cheveux) au grade 4 (alopécie irréversible), en passant par le grade 2 (alopécie modérée en plaque) et le grade 3 (alopécie complète mais réversible), alors que le NCI différencie deux cas : le grade 1 avec une perte de cheveux légère ou inégale inférieure à 50% et le grade 2 correspondant à une perte de cheveux de plus de 50% avec impact psychologique.

La repousse des cheveux survient quelques semaines voire quelques mois après la fin du traitement à raison de 1 cm par mois. Le plus souvent, les cheveux qui repoussent sont différents en termes de couleur, texture, épaisseur mais retrouvent petit-à-petit leur aspect initial.

Les autres poils : sourcils et cils, les zones de barbe, les poils pubiens et axillaires, possèdent moins de follicules pileux en phase active de division, l’alopécie survient alors plus tardivement 3 à 6 mois après le début du traitement. (18,78)

D’après une étude publiée en 2012, pour les femmes comme pour les hommes, la perte des cheveux entraine une dégradation de l’image corporelle. Chez les patients recevant une chimiothérapie, ceux qui souffrent d’alopécie ont une image de soi plus négative que les autres. L’impact psychologique est plus fort chez la femme. (91)

3.4.1.2. Facteurs de risque

Par nature, certaines personnes ont des cheveux plus résistants notamment s’ils n’ont pas trop été agressés par des soins ou des manipulations ou s’ils sont courts. La résistance décroit avec l’âge du patient. D’un autre côté, le port d’un casque réfrigéré pendant l’administration de la chimiothérapie peut parfois limiter la chute. Mais le principal risque est l’utilisation d’anticancéreux alopéciants. Ainsi, les facteurs de risque liés à l’administration sont :

- La voie. La voie orale et les formes liposomales en IV semblent moins alopéciantes.

- La dose. Les fortes doses augmentent la toxicité.

- Le schéma d’administration. Les perfusions hebdomadaires sont moins alopéciantes que

les schémas intermittents ou les associations qui augmentent la sévérité de la perte.

- Les molécules utilisées. (78,92)

 Molécules en cause

Le Sorafénib est un alopéciant réversible. Les cytotoxiques alopéciants seront présentés dans le tableau suivant. On retiendra les Taxanes, le Cyclophosphamide, l’Etoposide et les Anthracyclines comme principaux alopéciants. (82)

Tableau 11 - Risque de survenue d’alopécie selon la chimiothérapie utilisée (39)

Cotation OMS Chimiothérapie Produits de chimiothérapie

G3 Alopécie complète réversible

Cyclophosphamide, Daunorubicine, Docétaxel, Doxorubicine, Epirubicine, Etoposide, Ifosfamide,

Irinotécan, Paclitaxel, Thiotépa, Topotécan, Vinorelbine.

G2 Alopécie modérée en plaque

Bléomycine, Capécitabine, Doxorubicine liposomale, 5-FU, Fotémustine, Méthotrexate, Mitoxantrone, Raltitrexed, Tégafur-Uracile, Témzolomide, Vincristine,

Vindésine, Vinflunine.

G1 Perte de cheveux

Altrétamine, Carboplatine, Gemcitabine, Lomustine, Mitomycine C, Oxaliplatine, Pemetrexed, Procarbazine,

Streptozocine, Trabectédine, Vinblastine.

G0 Sans changement Cisplatine.

Note : Agents alopéciants principaux

3.4.1.3. Thérapies de soutien

L’alopécie doit impérativement être prise en charge car elle est souvent mal vécue par les malades. Malgré le fait que ses conséquences physiologiques soient peu graves, elle peut interférer négativement avec le désir de poursuite du traitement.

Afin de tenter d’éviter ou de réduire l’alopécie, l’utilisation d’un casque réfrigérant est proposée à certains patients en fonction des caractéristiques de la chimiothérapie suivie. Son principe est de réduire l’afflux sanguin dans le cuir chevelu par une action de vasoconstriction par le froid et ainsi de limiter la quantité de cytotoxiques atteignant les cellules souches. Il peut entrainer des céphalées, vertiges, nausées, vomissements et sensation de tête lourde. Il est contre-indiqué en cas de leucémie, lymphomes, tumeurs cérébrales ou métastases à tendance cérébrale et il est inefficace en cas de chimiothérapie continue par pompe ou par voie orale. Selon les différentes combinaisons de facteurs de risque, le casque pourra retarder voire éviter la chute des cheveux tout comme être sans effet bénéfique. (92)

Les cils protègent les yeux de la poussière et leur absence risque d’entraîner une irritation des yeux. Porter des lunettes protège les yeux de la poussière. Le médecin peut prescrire un collyre pour soulager le patient.

Il existe une multitude de conseils à donner au patient mais les traitements préventifs sont peu nombreux et pour beaucoup n’ont pas démontré d’efficacité suffisante. On notera l’utilisation possible d’une supplémentation alimentaire en alpha-tocophérol. (18)

3.4.1.4. Conseils

Ils sont indispensables car ils représentent la majeure partie de la prise en charge de l’alopécie. Les femmes sont très souvent touchées (quantitativement et qualitativement) par cet effet indésirable

principalement à cause du protocole FEC (5-Fluoro-Uracile, Epirubicine, Carboplatine) utilisé dans le traitement du cancer du sein et particulièrement alopéciant. L’alopécie chez les hommes reste elle aussi mal vécue. Les professionnels doivent assurer tout leur soutien face à cet effet indésirable spectaculaire.

o Informer le patient

Il est important d’insister sur l’éventualité et la réversibilité de l’alopécie. Un patient informé pourra mieux se munir et se prémunir face à la chute de ses cheveux, atténuant ainsi le choc psychologique engendré. Tout d’abord, il doit savoir que même si des facteurs de risque ou des mesures de prévention existent, la survenue de l’alopécie et son intensité restent imprévisibles. L’alopécie n’est pas douloureuse, même si juste avant ou au moment de la chute des cheveux et également lors de la repousse, le patient pourra ressentir des démangeaisons au niveau du cuir chevelu. Pour les rassurer, il faut répéter que cette chute est dans la grande majorité des cas réversible.

o Conseils pratiques pour ménager les cheveux

- Se laver les cheveux la veille de la séance de chimiothérapie et ne plus les laver pendant 3 à 8 jours après.

- Ne pas se laver les cheveux trop fréquemment.

- Utiliser peu de shampooing et privilégier un shampooing doux peu gras.

- Utiliser une brosse à poils souples ou un peigne à dents larges.

- Eviter la chaleur du sèche-cheveux, les bigoudis chauffants, les fers chauds et les brushings.

- Eviter les teintures, balayages et permanentes agressifs pour les cheveux ainsi que les nattages et défrisages.

o Conseils pratiques pour limiter la chute des cheveux, cils et sourcils

La coupe des cheveux courts est souvent conseillée avant la chute des cheveux car elle peut augmenter l’efficacité du casque, retarder la chute des cheveux, la rendre moins désagréable et plus discrète et enfin permettre au patient d’anticiper moralement la chute en établissant une coupe intermédiaire. Plutôt considérée comme une contrainte dans l’optique du traitement, elle rend toutefois le patient actif. Le patient peut se raser lui-même ou demander à un proche même s’il parait préférable d’avoir recours à un professionnel. La coupe sera d’ailleurs gratuite si elle est réalisée par le prothésiste capillaire au moment de l’achat d’une éventuelle prothèse.

Un pain de glace enveloppé dans un tissu protecteur placé sur les yeux peut protéger les cils et les sourcils. Attention, il n’est pas fourni par l’hôpital et l’application de la glace peut provoquer des

sensations de froid intense mal supportées, surtout si des anticancéreux augmentant la sensibilité au froid comme le Paclitaxel sont utilisés. Il faudra demander l’avis de l’oncologue avant de l’utiliser.

Si le casque réfrigérant est porté, le patient peut prendre du paracétamol en prévention des céphalées possibles. Pendant la cure, il peut placer une serviette éponge autour du cou pour diminuer la sensation de froid. Il peut prévoir des vêtements supplémentaires et ne doit pas hésiter à demander une couverture s’il a froid.

o Soigner son image pour mieux vivre le cancer

La perruque ou prothèse capillaire est souvent mal perçue par les patients. Il est conseillé de choisir sa perruque avant le début du traitement afin de faire cette démarche avant de ressentir la fatigue due aux cures successives, de faire le choix du modèle en fonction de sa propre chevelure et de l’avoir à disposition dès que le besoin se fera ressentir. Certaines personnes préfèreront l’acheter au moment de la perte des cheveux ce qui ne les empêche pas de se renseigner vis-à-vis des modèles au préalable. Chaque modèle est pourvu d’un système d’adaptation afin de résoudre les problèmes de taille de perruques mal adaptées au tour du crâne, lequel varie en fonction du volume des cheveux restants. Les prix varient entre 150 euros pour des cheveux synthétiques à 600 euros pour les naturels. La Sécurité Sociale prend en charge la prothèse sur prescription du médecin (renouvelable si nécessaire) à hauteur de 125 euros et les complémentaires rembourseront la totalité ou une partie du dépassement. Attention, il faut s’assurer que le vendeur est reconnu par la Sécurité Sociale pour bénéficier du remboursement. Par ailleurs, les assistantes sociales ou infirmières de l’établissement peuvent aider à obtenir des prêts pour l’acquisition des prothèses ou orienter vers des associations qui redistribuent des perruques. Aussi, d’anciens malades échangent des perruques dans des forums dédiés au cancer.

Le maquillage peut aider à retrouver un visage à l’aspect reposé. Pour les cils, la patiente (ou le patient s’il en ressent le besoin), peut appliquer un trait de crayon très fin sur la ligne des cils. Pour les sourcils, il faudra utiliser un crayon pour les yeux pour donner une ligne naturelle tracée grâce à des repères imaginaires. Des ouvrages dédiés au soin de l’image pour vivre son cancer détaillent ces méthodes. Si la personne a du mal à se maquiller, il existe parfois dans l’hôpital des consultations spécialisées. Elle peut aussi s’adresser à une esthéticienne.

Plusieurs accessoires peuvent aider à couvrir ou à masquer la perte de cheveux : foulard, turban, chapeau, bonnet, casquette, … Il faut faire des essais pour découvrir ce qui convient le mieux à la personne. Libre à elle d’alterner entre le port de la prothèse, d’accessoires ou de rester tête nue, notamment lorsqu’elle reste à domicile. Pour les personnes fatiguées, des foulards déjà noués sont proposés dans les magasins spécialisés. (92)

3.4.1.5. Traitements complémentaires

L’homéopathie peut être utile en cas de perte modérée des cheveux ou pour stimuler la repousse grâce aux souches suivantes :

- Thallium sulfuratum : afin de stimuler la repousse capillaire. En 5 CH, 3 granules 2 fois par jour.

- Fluoricum acidum : en cas de cheveux très secs et cassants. En 7 CH, 3 granules 2 fois par jour.

- Selenium : en cas de chute des cheveux, sourcils et poils pubiens chez le patient affaibli. En 5 CH, 3 granules 2 fois par jour.

- Phosphoricum acidum : en cas de fatigue importante avec grisonnement et chute des cheveux, poils génitaux et sourcils. En 7 CH, 3 granules 2 fois par jour. (65)

Le pharmacien pourra conseiller des produits d’hygiène capillaire doux et peu gras au patient.