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Partie 1: L’information du patient sur les effets indésirables de sa chimiotherapie

II. Les effets indésirables des chimiothérapies

3. Prise en charge des effets indésirables

3.2. Douleur

3.2.1. Généralités

La douleur est difficile à définir car elle est personnelle et subjective, chacun possède les mêmes mécanismes de déclenchement de la douleur mais le ressenti est différent. Il s’agit d’une sensation

complexe, se traduisant par une sensation physique (localisation, intensité, évolution), une émotion (le

ressenti sur le moral), un comportement et une réaction mentale. (74)

Il n’existe pas une douleur mais des douleurs causées par la tumeur elle-même à 70%, par ses traitements à 20% (chirurgie, radiothérapie, hormonothérapie, chimiothérapie) ou par une autre maladie préexistante à 10%. Environ 70% des patients seront douloureux à un moment de leur prise en charge anticancéreuse. La chimiothérapie détruit les cellules à division rapide comme les cellules du sang, de la peau ou des muqueuses. Elle peut alors entrainer des douleurs aigues (inflammation de la bouche, de l’œsophage, du pharynx, du vagin, brûlures d’estomac, coliques, douleurs musculaires et articulaires) qui apparaissent après deux à trois semaines de traitement et disparaissent à l’arrêt de la chimiothérapie. Il s’agit de douleurs de nociception. La destruction des structures nerveuses entraine quant à elle des douleurs neuropathiques à distance de l’administration des anticancéreux. Lorsque ces deux types de douleur sont présents, on parle de douleur mixte. L’administration des anticancéreux est douloureuse si elle nécessite une effraction cutanée ou la pose d’une voie veineuse centrale. (75)

3.2.2. Facteurs de risque

La plupart des personnes traitées pour un cancer ressentent des douleurs à un moment donné. Le ressenti est plus ou moins tolérable en fonction des personnes mais si une douleur apparait, elle doit être signalée et traitée. Dans le cadre de la chimiothérapie, le facteur de risque est l’utilisation d’une molécule dont la toxicité est susceptible d’entrainer un effet indésirable douloureux.

 Molécules en cause

L’apparition de l’effet indésirable douloureux dépend de la toxicité spécifique des anticancéreux utilisés. Les molécules en cause seront présentées lorsque de l’exploration des toxicités concernées.

3.2.3. Thérapies de soutien

90% des douleurs peuvent être soulagées, c’est pourquoi il est important pour le patient de signaler sa douleur. Le soignant devra ensuite mesurer l’intensité de la douleur par des échelles appropriées (en général une Echelle Visuelle Analogique (EVA) ou une Echelle Numérique (EN)) ainsi que rechercher les différents caractères de la douleur, sa localisation et les modifications de la symptomatologie douloureuse et enfin évaluer le retentissement psychologique de la douleur.

Figure 15 - EVA d'évaluation de la douleur (76)

D’après une étude réalisée en 2012 aux Etats Unis, 25% des patients douloureux n’ont pas utilisé d’analgésiques, avec une utilisation significativement plus faible chez les hommes, dans les minorités ethniques et chez les patients ayant un niveau d‘éducation plus faible. La douleur est plus présente chez les patients recevant une chimiothérapie : 56% contre 40% chez les patients cancéreux non traités par cette thérapie (77). En France, ces résultats sont à modérer car le traitement de la douleur est aujourd’hui un problème de santé publique et il existe à la fois un plan de lutte contre la douleur 2002-2005, un développement des formations et de l’information des professionnels de santé et des comités de lutte contre la douleur.

Le traitement des douleurs par excès de nociception se fait par : (78)

o Le traitement par antalgiques. Les antalgiques de paliers I à III sont utilisés conformément aux recommandations de l’OMS : administration à heures fixes, respect

des paliers de l’OMS, utilisation préférentielle de la voie orale, prescriptions personnalisées et ne devant négliger aucun détail. Les analgésiques de classe I (non opioïdes), II (opioïdes faibles) et III (opioïdes forts) sont très fréquemment délivrés par les pharmaciens. Ils savent leur associer les conseils appropriés et gérer les effets indésirables, assez fréquents lors de la prise d’opioïdes.

o Le traitement adjuvant. A chaque palier, il est possible d’associer un traitement adjuvant qui n’a pas d’action analgésique propre mais qui contribue au soulagement des symptômes associés (angoisse, dépression, inflammation, spasmes, …). Il s’agit d’anxiolytiques, d’antidépresseurs, de neuroleptiques, de corticostéroïdes, d’antispasmodiques et de myorelaxants particuliers.

o Les techniques neurolytiques et neurochirurgicales. Lorsque les opioïdes deviennent inefficaces ou présentent trop d’effets indésirables, ces techniques sont proposées en complément ou substitution. Parfois à l’origine de douleurs neuropathiques, elles ne sont proposées qu’à des malades dont l’espérance de vie est limitée.

Tableau 7 - Analgésiques utilisés dans le traitement de la douleur cancéreuse selon les paliers OMS (78)

Analgésique Spécialités

Palier I - Analgésiques non opioïdes

Acide acétylsalicylique ASPEGIC®

Paracétamol DOLIPRANE®, DAFALGAN® et similaires

Néfopam ACUPAN®

Palier II – Analgésiques opioïdes faibles

Codéine + Paracétamol CODOLIPRANE®, KLIPPAL® et similaires

Dihydrocodéine DICODIN®

Poudre d’opium + Paracétamol LAMALINE®

Tramadol TOPALGIC®, CONTRAMAL LP® et similaires

Tramadol + Paracétamol IXPRIM®, ZALDIAR®

Palier III – Analgésiques opioïdes forts agonistes purs

Chlorhydrate de morphine CHLORHYDRATE DE MORPHINE®

Sulfate de morphine ACTISKENAN®, SKENAN® et similaires

Hydromorphone SOPHIDONE®

Oxycodone OXYCONTIN®, OXYNORM®

Fentanyl DUROGESIC®, ACTIQ®

Chlorhydrate de morphine Voie Parentérale (Patient Controlled Analgesy)

Chlorhydrate d’oxycodone Voie Parentérale (Patient Controlled Analgesy) Le traitement des douleurs par excès de nociception ou douleurs nerveuses se fait par des

antidépresseurs (Amitriptyline, Imipramine, Clomipramine) ou anticonvulsivants (Gabapentine,

Prégabaline) adaptés à l’expression de la neuropathie douloureuse. Ils sont débutés à petites doses et augmentés de façon progressive. Ils font actuellement partie des recommandations après certaines chirurgies. Les patchs d’anesthésie, la neurostimulation et en dernière ligne les opioïdes peuvent être prescrits en complément. (78)

3.2.4. Conseils

Le pharmacien doit convaincre le patient qu’il doit oser parler de sa douleur. Une prise en charge efficace et adaptée de la douleur ne peut pas se faire si le patient cache aux soignants l’étendue de ses maux. L’officinal ne peut pas évaluer cette douleur précisément mais par le dialogue, il peut découvrir si le patient est douloureux, se rendre compte que l’analgésie n’est pas assez puissante ou que des effets indésirables importants empêchent une bonne observance du traitement antalgique. Son rôle sera d’informer le patient que des solutions existent, allant d’une simple consultation chez le médecin traitant à une consultation chez un spécialiste de la douleur. En théorie, la prise en charge de la douleur se fait dès l’instauration de la chimiothérapie.

Le traitement par les antalgiques suivent certaines règles pouvant intéresser le patient :

- Certains agents sont particulièrement efficaces pour un type de douleur donnée.

- Pour une douleur légère à modérée, la première étape est la prescription d’un antalgique de classe I auquel on peut associer un traitement adjuvant. Si la douleur n’est pas suffisamment soulagée, un antalgique de classe II puis de classe III pourront être associés. Deux antalgiques opioïdes ne peuvent être associés ensemble.

- Pour une douleur sévère ou réfractaire, la première étape est directement la prescription d’un antalgique de classe III comme la morphine avec initiation du traitement par une forme de courte durée d’action.

- L’ajustement des doses des opioïdes se fait progressivement jusqu’à soulagement de la douleur ou apparition d’effets indésirables. Lorsque la dose efficace est trouvée, il est proposé au patient de passer à une forme d’action longue avec deux administrations par jour toutes les 12 heures et des interdoses de 5 à 10% la dose quotidienne pour soulager les douleurs aigues. Ce système permet au patient de gérer lui-même sa douleur et pour le prescripteur de réévaluer le traitement si les interdoses dépassent 4 doses pour 24 heures.

- En cas d’intolérance, d’effets indésirables sérieux ou d’inefficacité, il est possible de changer de molécules dans la même classe d’antalgiques grâce à des règles d’équianalgésie. (79)

Afin de favoriser la bonne observance, le pharmacien a un rôle particulier d’information sur les effets

indésirables des opioïdes afin que le patient ne soit pas surpris s’il les rencontre. Il insistera sur le fait

que ces effets indésirables sont connus et ne justifient pas l’arrêt du traitement. Il expliquera le rôle des médicaments éventuellement prescrits destinés à prévenir ou à lutter contre ces effets indésirables. Les trois principaux effets indésirables sont :

o Les nausées. Elles sont fréquentes surtout au début du traitement et disparaissent après une dizaine de jour. Par prévention, un antiémétique type antagoniste dopaminergique

(MOTILIUM®) peut être prescrit. Il faut rassurer le patient sur le fait que cet effet est transitoire.

o La somnolence. Autre effet transitoire disparaissant après quelques jours, elle est souvent en relation avec une phase de récupération de sommeil. Le patient devra être vigilant s’il est amené à conduire dans le cadre de ses activités personnelles ou professionnelles.

o La constipation. Il s’agit du seul effet indésirable permanent des opioïdes, il est proportionnel à la dose d’opioïde. Un laxatif osmotique ou de lest sera systématiquement prescrit en prophylaxie.

o Le prurit. Il nécessite la prescription d’un antihistaminique ou le changement d’opioïde. (79)

L’officinal, pour aller dans le sens d’une éducation thérapeutique du patient douloureux, a un rôle primordial dans la gestion des effets indésirables des opioïdes et l’amélioration de l’observance. Il peut aussi orienter le patient et son entourage vers un psycho-oncologue ou un nutritionniste pour une prise en charge des troubles associés à la douleur. Il doit aussi encourager son patient à poursuivre une activité physique en fonction de ses capacités et de sa motivation.

3.2.5. Traitements complémentaires

Différentes techniques spécifiques réalisées par des masseurs-kinésithérapeutes permettent de diminuer la douleur comme le massage, la thermothérapie ou l’électrothérapie. (80)

L’homéopathie sera le plus souvent insuffisante pour traiter la douleur mais elle pourra potentialiser les traitements antalgiques dans certains cas ainsi que réduire leurs effets indésirables.

En cas de douleurs articulaires, proposer :

- Rhus toxicodendron : médicament par excellence des douleurs et raideurs articulaires avec amélioration de la douleur par le mouvement en 7 CH, 3 granules 3 fois par jour.

- Bryonia : comme pour le Rhus toxicodendron mais avec amélioration par l’immobilisation et le repos en 5 CH, 3 granules 3 fois par jour.

En cas de douleurs nerveuses, proposer :

- Hypericum : en cas de douleurs post-traumatiques aigues et déchirantes, notamment après cathétérisme en 9 ou 15 CH, 3 granules 3 fois par jour.

- Gnaphalium polycephalum : en cas de douleur névralgique avec sensation d’engourdissement du membre touché en 4 CH, 3 granules 3 fois par jour.

- Chamomilla : en cas d’intolérance à la douleur en 9 CH, 3 granules 3 fois par jour. En cas de syndrome pseudo-grippal, proposer :

- Eupatorium perfoliatum : en cas de courbatures musculaires associées à des douleurs articulaires et osseuses, médicament spécifique de la grippe, en 5 CH, 3 granules 3 à 4 fois par jour.

- Bryonia : en cas de douleurs, fièvre et courbatures obligeant le malade à ne pas bouger dans le lit, en 5 CH 3 granules 3 à 4 fois par jour.

- Rhus toxicodendron : en cas de douleurs, fièvre et courbatures obligeant le malade à bouger dans le lit pour être soulagé, en 5 CH 3 granules 3 à 4 fois par jour.

- Phytolacca : en cas de syndrome grippal très douloureux, en 5 CH 3 granules 3 à 4 fois par jour.

En cas de douleurs musculaires, proposer :

- Sarcolacticum acidum : en cas de douleurs musculaires avec raideur et contusion aggravée par le mouvement, en 7 CH 3 granules 3 fois par jour.

- Arnica : en cas de courbatures et meurtrissures musculaires sensibles au toucher, en 7 CH 3 granules 3 fois par jour.

- Rhus toxicodendron : en cas de douleurs musculaires et ligamentaires aggravées par le repos, en 7 CH 3 granules 3 fois par jour. (65)