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Partie 1: L’information du patient sur les effets indésirables de sa chimiotherapie

II. Les effets indésirables des chimiothérapies

3. Prise en charge des effets indésirables

3.4. Troubles cutanéo-muqueux et des phanères

3.4.2. Mucite et autres problèmes buccaux

Nous ne nous intéresserons qu’à la mucite de la bouche et du tube digestif, en laissant de côté celles de la vulve, du vagin ou de l’œil. Par contre, nous traiterons de problèmes locaux comme le dysfonctionnement salivaire et les infections, effets indésirables très fréquents de la chimiothérapie également.

3.4.2.1. Généralités

La mucite buccale ou gastro-intestinale est une inflammation douloureuse de l’épithélium, de la muqueuse et du tissu conjonctif sous-jacent évoluant vers l’ulcération. Les autres troubles buccaux sont les aphtoses, la sécheresse buccale ou xérostomie, les gingivo-stomatites, les hémorragies et les infections. L’aphtose est diagnostiquée quand la muqueuse de la bouche est couverte de petites lésions ulcéreuses. Si ces lésions sont diffuses, il s’agit d’une stomatite ou mucite de la bouche. On estime qu’il y a 40% d’incidence de la mucite chez les patients traités par chimiothérapie. Ses conséquences sont notables : douleur en premier lieu, modification de l’appétit et du goût, déshydratation et malnutrition. Elles sont également la porte d’entrée aux infections. Ainsi, la chimiothérapie agit à la fois par un effet toxique direct sur la muqueuse ou indirect si le patient est immunodéprimé. Ces effets indésirables peuvent encore une fois entrainer le désir de report ou d’arrêt des cures pour le patient voire par l’oncologue au vu de l’état de santé de son patient.

Les mucites apparaissent sous la forme ulcérative 7 à 14 jours après la cure et peuvent durer quelques semaines, le rythme de renouvellement muqueux étant compris entre 9 et 15 jours. Sont touchés la muqueuse labiale, les surfaces buccales, le plancher de la langue et du palais. Les manifestations cliniques passent d’un érythème avec des lésions aphtoïdes (Grade 1 de l’OMS) à une ulcération douloureuse avec œdèmes et alimentation solide possible (Grade 2) puis à des lésions multiples où seule l’alimentation liquide est possible (grade 3) pour finir avec des ulcérations sévères où seule l’alimentation parentérale est envisageable (Grade 4). Une dysphagie, c'est-à-dire des difficultés à s’alimenter, et des douleurs de degrés variables sont toujours associés. La sécheresse buccale est due à la toxicité sur les glandes salivaires. Les infections sont causées par des bactéries ou champignons opportunistes s’installant chez le patient neutropénique. (78,93)

3.4.2.2. Facteurs de risque

Les facteurs de risque liés au patient sont :

- L’âge jeune ou au contraire avancé, - Un état nutritionnel dégradé,

- L’état dentaire (prothèses abimées, maladie parodontale, …) et une mauvaise hygiène

bucco-dentaire,

- Les cancers hématologiques myélosuppresseurs,

- Les soins bucco-dentaires au cours du traitement,

- Le nombre de neutrophiles bas avant traitement,

- Les médicaments associés anticholinergiques favorisant la xérostomie (opiacés, antihistaminiques, antidépresseurs tricycliques, …).

Les facteurs liés aux anticancéreux sont :

- La dose,

- Le schéma d’administration. Les perfusions continues ou l’association à la radiothérapie favorisent les mucites,

- La nature de l’anticancéreux utilisé.  Anticancéreux utilisés

La plupart des traitements sont potentiellement toxiques pour la muqueuse buccale. Les cytotoxiques les plus couramment cités sont de la famille des alkylants (Busulfan, Cyclophosphamide, Thiotépa, Procarbazine), des anthracyclines (Doxo-, Epi- et Daunorubicine), des antimétabolites (5-FU et

Méthotrexate), des alcaloïdes de la Pervenche (Vinblastine et Vincristine) ainsi que le Paclitaxel, la Bléomycine, l’Actinomycine et la Mitomycine.

Certains agents chimiothérapeutiques tels que le Méthotrexate et l'Etoposide peuvent également être sécrétés dans la salive, ce qui conduit à un risque accru de mucite directe. (93)

Les thérapies ciblées en cause sont le Sorafénib, le Bevacizumab, le Panitumumab, l’Everolimus et le Temsirolimus. (82)

3.4.2.3. Thérapies de soutien

En l’absence d’un réel traitement curatif, les traitements symptomatiques (antalgiques) et les mesures d’hygiène buccale préventives et/ou curatives sont la base du traitement et visent essentiellement à maintenir la qualité de vie du malade cancéreux en évitant principalement les dysphagies.

o Mesures préventives

La remise en état de la dentition par un dentiste est la première mesure à prendre. Les dents à haut risque infectieux seront extraites. En cas d’absence d’hygiène buccale, les dents en mauvais état seront extraites et non réparées. Le patient apprendra le brossage hygiénique des dents. Les prothèses et bagues d’orthodontie seront remises en état.

Les soins de la bouche devront être intensifiés. Le brossage de dents se fera avec une brosse souple avec un gel fluoré si le taux de plaquettes est supérieur à 30G/L. S’il est inférieur à 30G/L, le nettoyage s’effectuera avec un coton-tige ou à l’aide d’un hydropulseur à jet léger prescrit afin d’éviter les lésions des gencives. Des bains de bouche à réaliser plusieurs fois par jour seront prescrits, il s’agira de produits commercialisés, d’eau bicarbonatée ou de mélanges thérapeutiques plus complexes.

Afin de maintenir la salivation, le patient peut sucer des glaçons, placer des cristaux de citrate de sodium sous la langue, utiliser des stimulants de la salivation (Pilocarpine, Teinture de Jaborandi ou produits commercialisés) ou de la salive artificielle.

La Palifermine est un facteur de croissance des kératinocytes recombinant KGF-1 indiquée dans la prévention des mucites chimio-induites. Son administration en bolus intraveineux se fait pendant 6 jours à J-3 et J+3 de l’administration. Des troubles cutanés peuvent se manifester suite à son administration : rash, prurit, … Le Fluconazole par voie orale est le principal antifongique utilisé en premier choix en prévention des mucites dues aux anticancéreux.

o Mesures curatives

Le traitement antalgique est impératif, allant du paracétamol à de la morphine en perfusion continue à faible dose.

En cas d’infection fongique (candidose buccale le plus souvent), des bains de bouche contenant des antifongiques sont utilisés. Si les lésions sont dues au Méthotrexate, de l’Acide folinique peut être ajouté dans le bain de bouche ou administré en comprimé sublingual. Afin d’éviter toute infection systémique, le traitement par bain de bouche est complété par des antifongiques systémiques ou sous forme de comprimés gingivaux mucoadhésifs ou de gels buccaux.

L’infection virale à Herpès est fréquente chez les patients immunodéprimés et sera traitée par de l’Aciclovir en IV.

D’autres traitements sont envisageables comme l’irrigation des zones ulcérées par du Chlorure de Sodium 0,9% ou l’application de différentes substances : gel de Lidocaïne, Sucralfate, Bêta-carotène, Allopurinol... mais leur efficacité et leur sécurité d’emploi n’ont pas toujours été établies. (78)

3.4.2.4. Conseils

Le pharmacien insistera sur l’hygiène bucco-dentaire rigoureuse que devra suivre le patient, sur l’importance de signaler toute lésion et douleur afin d’assurer leur bonne prise en charge et sur les règles diététiques à respecter pour prévenir ou atténuer les troubles buccaux.

o Entretenir une bonne hygiène bucco-dentaire

- Après le repas, réaliser les bains de bouche prescrits par le médecin ou à défaut préparés artisanalement (par le mélange d’une cuillère à soupe de sel, de deux de bicarbonate de soude et d’un litre d’eau gazeuse). Attention aux bains de bouche contenant de l’alcool desséchant la muqueuse.

- Se brosser les dents avec une brosse souple ou un coton-tige en fonction du taux de plaquettes après chaque repas au moins trois fois par jour. Des brosses interdentaires peuvent faciliter le nettoyage entre les dents.

- Si le patient porte un appareil dentaire, il doit le nettoyer matin et soir après chaque repas et l’enlever la nuit.

o Prendre en charge les lésions et la douleur

- Régulièrement et soigneusement, le patient doit inspecter sa bouche et informer le médecin si un problème apparait : ulcération, aphte, plaque blanche, douleur, saignements de gencives ou difficultés à avaler ou à mâcher.

- Si des soins dentaires sont nécessaires, l’oncologue précisera le moment le plus approprié pour les réaliser. A l’inverse, le dentiste prescrira certains soins et traitements au vu des cures de chimiothérapie à venir.

- Soulager la douleur du patient est indispensable pour qu’il puisse se nourrir et retrouver une qualité de vie normale. Des antalgiques systémiques seront prescrits. Si des anesthésiques locaux sont utilisés, le patient doit être mis en garde des risques de fausses routes et de troubles du goût.

o Conseils hygiéno-diététiques

- Manger lentement et bien mastiquer.

- Les plats et boissons trop chauds aggraveront les lésions et augmenteront la douleur. Ils sont à éviter.

- Eviter les aliments épicés ou acides comme le jus de citron, les vinaigrettes, la moutarde ainsi que les aliments secs, croquants ou durs pouvant léser la muqueuse.

- Privilégier les aliments finement moelleux, hachés ou mixés (viandes, légumes et fruits) ou la nourriture pour bébés.

- Eviter de manger des aliments comme le gruyère, les ananas, les noix afin de limiter l’apparition des aphtes.

- Sucer des glaçons, de la glace pilée, des glaces, des bonbons à la menthe (sauf avec les anticancéreux augmentant la sensibilité au froid comme les Taxanes).

- Supprimer ou réduire le tabac et l’alcool au minimum dans les semaines qui suivent le traitement.

- Utiliser une paille afin que les boissons n’entrent pas en contact avec la muqueuse douloureuse.

o Lutter contre la sécheresse buccale

- Boire beaucoup, au moins 2 litres par jour.

- Sucer des bonbons ou placer un petit objet désinfecté au préalable sur la langue afin de stimuler la salivation.

- S’hydrater les lèvres en appliquant un lubrifiant gras (vaseline, beurre de cacao). (19,94)

3.4.2.5. Traitements complémentaires

Le premier traitement homéopathique à proposer est d’associer au bain de bouche à base de Bicarbonate de Soude de la teinture mère de Calendula (20 gouttes pour ½ cuillère à café de Bicarbonate dans un verre d’eau).

Afin de traiter les aphtes, proposer :

- Borax : il s’agit du traitement de référence des aphtes induits par la chimiothérapie. En 5 CH, 3 granules 3 fois par jour.

- Natrum muriaticum : en complément du Borax. En 9 CH, 3 granules par jour.

- Sulfuricum acidum : à la place du Borax quand il n’agit plus. En 7 CH, 3 granules 3 fois par jour.

- Kalium bichromicum : pour les gros aphtes ulcérés et avec un fond recouvert d’un enduit blanc-jaunâtre. En 7 CH, 3 granules 3 fois par jour.

En cas de troubles du goût, proposer :

- Mercurius solubilis : en cas de goût métallique et d’haleine fétide. En 9 CH, 3 granules 3 fois par jour.

- Pulsatilla : en cas de perte totale du goût. En 9 CH, 3 granules 2 fois par jour.

- Rhus toxicodendron : en cas de goût amer. En 9 CH, 3 granules 2 fois par jour.

- Arsenicum album : pour les troubles de toutes formes du goût. En 9 CH, 3 granules 2 fois par jour. (65)

L’officinal proposera l’ensemble des produits d’hygiène et de soins ainsi que les accessoires cités précédemment et utiles au maintien de l’hygiène buccal. Pour soulager les aphtes et rafraichir la bouche, des sprays peuvent être conseillés comme Evomucy Spray buccal.